Numéro 9 - Septembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2021

CARRIERES

3e Civ., 30 septembre 2021, n° 20-14.387, (B)

Rejet

Droit d'exploitation – Concession – Redevance – Fixation judiciaire – Caractère forfaitaire – Possibilité (non)

En prévoyant que la redevance doit varier proportionnellement au tonnage extrait, l'article L. 333-7 du code minier exclut son caractère forfaitaire, de sorte que les contrats passés pour la cession du droit d'exploitation de carrières similaires qui prévoient une redevance forfaitaire ne peuvent être pris en compte en vue de la fixation du montant de la redevance par le juge judiciaire.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 novembre 2019), la société Sibelco France, qui dispose d'un permis d'exploitation de carrières de sables et grès industriels, a été autorisée, par arrêté préfectoral du 14 octobre 2013, à exploiter une parcelle appartenant à M. [B] [L] et à sa fille, Mme [R] [L].

2. En l'absence d'accord sur le montant de la redevance de fortage, M. [B] [L] et Mme [R] [L] ont saisi le juge judiciaire pour en obtenir la fixation.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses quatrième à sixième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

4. La société Sibelco France fait grief à l'arrêt de fixer la redevance de fortage due à M. [B] [L] et Mme [R] [L] pour le banc supérieur à 2,24 euros par tonne et pour le banc inférieur à 0,84 euros par tonne, de dire que la redevance sera indexée chaque année au 1er janvier sur l'indice des sables, granulats, argiles et kaolin - Base 2015 - Identifiant 010534492, de dire que le tonnage annuel, objet de la redevance, sera déterminé au moyen de l'état de cubature de la carrière établi par un géomètre-expert au 30 septembre de chaque année, aux frais de la société Sibelco France, avec affectation d'un coefficient de densité de 1,6 et que les relevés annuels feront l'objet d'une comparaison au tableau de suivi de la société Sibelco France et seront soumis à M. [B] [L] et Mme [R] [L], alors :

« 1°/ qu'aux termes de l'article L. 333-7 du code minier, « Le titulaire d'un permis exclusif de carrières est tenu de verser au propriétaire de la surface, indépendamment de l'indemnité d'occupation prévue à l'article L. 153-12, une redevance ayant pour assiette le tonnage extrait. A défaut d'accord amiable, son montant est fixé par le juge judiciaire, à la requête de la partie la plus diligente, en tenant compte notamment des contrats passés pour la cession du droit d'exploitation de carrières similaires, de la consistance du gîte, de la valeur des matériaux susceptibles d'en être extraits, des conditions d'exploitation et du préjudice subi.

La valeur que présente pour le propriétaire de la surface la redevance mentionnée à l'alinéa précédent demeure réunie à la valeur de cette surface et est affectée avec elle aux hypothèques prises par les créanciers de ce propriétaire » ; que si cet article fixe les modalités de calcul du montant de cette redevance selon plusieurs critères qui ne sont pas limitatifs sauf la référence réglementaire à l'assiette du tonnage extrait, il n'interdit cependant pas de prévoir une redevance forfaitaire ; qu'en approuvant l'expert d'avoir écarté trois des contrats produits par la société Sibelco France motifs pris que les trois premiers prévoyaient une redevance forfaitaire laquelle était non conforme au code minier, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 333-7 du code minier ;

2°/ qu'il résulte des propres constatations de la cour que le contrat de fortage est un contrat de gré à gré et qu'il n'existe pour fixer le montant de la redevance associée sauf la référence réglementaire à l'assiette du tonnage extrait aucune règle de calcul explicite ; qu'il s'en évince qu'il n'est nullement interdit par le code minier et en particulier l'article L. 333-7 dudit code de prévoir une redevance forfaitaire ; qu'en entérinant le rapport d'expertise judiciaire et en approuvant ainsi l'expert d'avoir écarté les trois premiers contrats produits par la société Sibelco motifs pris qu'ils prévoyaient une redevance forfaitaire non conforme au code minier, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article L. 333-7 du code minier. »

Réponse de la Cour

5. En application de l'article L. 333-7 du code minier, la redevance due par le titulaire d'un permis exclusif de carrières au propriétaire de la surface a pour assiette le tonnage extrait et, à défaut d'accord amiable, son montant est fixé par le juge judiciaire, à la requête de la partie la plus diligente, en tenant compte notamment des contrats passés pour la cession du droit d'exploitation de carrières similaires, de la consistance du gîte, de la valeur des matériaux susceptibles d'en être extraits, des conditions d'exploitation et du préjudice subi.

6. En prévoyant que la redevance doit varier proportionnellement au tonnage extrait, ce texte exclut son caractère forfaitaire, de sorte que les contrats passés pour la cession du droit d'exploitation de carrières similaires qui prévoient une redevance forfaitaire ne peuvent être pris en compte en vue de la fixation du montant de la redevance par le juge judiciaire.

7. Ayant relevé qu'il résultait des constatations de l'expert judiciaire que les trois premiers contrats produits par la société Sobelco France prévoyaient une redevance forfaitaire, la cour d'appel en a déduit à bon droit, entérinant le rapport d'expertise, qu'ils ne pouvaient pas être pris en compte pour la fixation du montant de la redevance.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

9. La société Sibelco France fait le même grief à l'arrêt, alors « que, aux termes de l'article L. 333-7 du code minier, à défaut d'accord amiable, le montant de la redevance est fixé par le juge judiciaire, à la requête de la partie la plus diligente, en tenant compte notamment des contrats passés pour la cession du droit d'exploitation de carrières similaires ; que dans ses conclusions d'appel, la société Sibelco avait rappelé qu'elle avait produit dans un dire du 20 septembre 2017 annexé au rapport d'expertise des références de prix plus récentes concernant la carrière et notamment une convention passée en septembre 2000 avec le conseil général de Seine-et-Marne au prix de 0,314 € la tonne soit en valeur 2017, 0,538 € la tonne dont l'expert judiciaire n'avait pas fait état dans son rapport ; qu'en énonçant qu'il ressortait du rapport d'expertise que l'expert avait bien pris en compte, conformément aux dispositions du code minier, des contrats produits passés pour la cession du droit d'exploitation de carrières similaires produits par les parties et qu'il avait décidé d'écarter les références communiqués par la société Sibelco pour des raisons qui étaient parfaitement explicitées, sans expliquer les raisons pour lesquelles la convention CG77 du 12 septembre 2000, que l'expert n'avait pas examiné, avait également été écartée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 333-7 du code minier. »

Réponse de la Cour

10. Ayant relevé que l'expert avait écarté les contrats produits par la société Sibelco France aux motifs que les trois premiers prévoyaient une redevance forfaitaire non conforme au code minier et que le dernier ne prévoyait qu'un montant unique, impossible à retenir au regard de la diversité des natures de sable, la cour d'appel, qui a retenu que l'expert avait décidé d'écarter les références communiquées par la société Sibelco France pour des raisons parfaitement explicitées, a souverainement déterminé, parmi les contrats prévoyant une redevance assise sur le tonnage extrait qui étaient produits aux débats, ceux qu'elle estimait devoir être pris en compte pour la fixation judiciaire de la redevance, sans être tenue de s'expliquer sur ceux qu'elle décidait d'écarter.

11. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Maunand (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Jacques - Avocat général : M. Burgaud - Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article L. 333-7 du code minier.

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