Numéro 9 - Septembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2021

APPEL CIVIL

2e Civ., 9 septembre 2021, n° 20-17.263, (B)

Rejet

Appelant – Conclusions – Dispositif – Prétentions déterminant l'objet du litige – Défaut – Sanction – Application dans le temps

L'étendue des prétentions dont est saisie la cour d'appel étant déterminée dans les conditions fixées par l'article 954 code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, le respect de l'obligation faite à l'appelant de conclure dans les conditions imparties par l'article 908 du même code s'apprécie nécessairement en considération des prescriptions de cet article 954.

Il résulte de cet article 954, pris en son alinéa 2, que le dispositif des conclusions de l'appelant remises dans le délai de l'article 908, doit comporter, en vue de l'infirmation ou de l'annulation du jugement frappé d'appel, des prétentions sur le litige, sans lesquelles la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement frappé d'appel. Cette règle poursuit un but légitime, tenant au respect des droits de la défense et à la bonne administration de la justice.

Dans le cas où l'appelant n'a pas pris, dans le délai de l'article 908, de conclusions comportant, en leur dispositif, de telles prétentions, la caducité de la déclaration d'appel est encourue. Cette sanction, qui permet d'éviter de mener à son terme un appel irrémédiablement dénué de toute portée pour son auteur, poursuit un but légitime de célérité de la procédure et de bonne administration de la justice.

Par ailleurs, cette règle ne résulte pas de l'interprétation nouvelle faite par la Cour de cassation dans un arrêt du 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626), imposant que l'appelant demande dans le dispositif de ses conclusions, l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ou l'annulation du jugement. Il en résulte que cette règle n'entre pas dans le champ du différé d'application que cet arrêt a retenu en vue de respecter le droit à un procès équitable.

Doit, par conséquent, être approuvé l'arrêt d'une cour d'appel qui, ayant constaté que le dispositif des conclusions de l'appelant, qui procédait par renvoi, ne comportaient pas de prétentions déterminant l'objet du litige, a prononcé la caducité de la déclaration d'appel.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 mai 2020), et les productions, M. [N] a relevé appel, le 30 mars 2017, du jugement d'un conseil de prud'hommes dans une affaire l'opposant à la société Compagnie française du bouton (la société).

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses deuxième à quatrième branches

Enoncé du moyen

3. M. [N] fait grief à l'arrêt de constater la caducité de l'appel qu'il avait interjeté, alors :

« 2°/ que la cour d'appel, qui ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, n'est saisie d'aucune demande et ne peut que confirmer le jugement, lorsque l'appelant ne récapitule pas ses prétentions sous forme de dispositif ; qu'en énonçant, pour prononcer la caducité de l'appel, que le respect de la diligence impartie par l'article 908 du code de procédure civile est nécessairement apprécié en considération de l'article 954 de ce code, quand la méconnaissance des dispositions du dernier de ces textes ne pouvait être sanctionnée par la caducité de l'appel, la cour d'appel a violé l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 ;

3°/ que la conformité des conclusions aux règles formelles de présentation et de structuration des conclusions de l'article 954 du code de procédure civile est appréciée au regard des dernières conclusions déposées par les parties avant l'ordonnance de clôture, le conseiller de la mise en état pouvant enjoindre aux avocats de mettre leurs conclusions en conformité avec ces dispositions ; qu'en jugeant, pour prononcer la caducité de l'appel, que les conclusions signifiées après l'expiration du délai prévu à l'article 908 du code de procédure civile n'avaient pu régulariser la procédure, la cour d'appel a violé l'article 954, alinéas 2 et 3, du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, ensemble l'article 913 de ce code ;

4°/ qu'en toute hypothèse, sanctionner par la caducité de l'appel la non-conformité des conclusions de l'appelant déposées dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile aux règles formelles de présentation et de structuration des conclusions de l'article 954 de ce code porte une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge d'appel ; qu'en jugeant que l'appel formé par M. [N] était caduc en raison de l'absence de conformité de ses conclusions déposées dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile aux prescriptions de l'article 954 de ce code et en considérant que les conclusions qu'il avait signifiées après l'expiration de ce délai n'avaient pu régulariser la procédure, la cour d'appel a fait preuve d'un formalisme excessif, en violation de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

4. En application de l'article 908 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour conclure.

5. Les conclusions d'appelant exigées par cet article 908 sont toutes celles remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ce texte, qui déterminent l'objet du litige porté devant la cour d'appel.

6. L'étendue des prétentions dont est saisie la cour d'appel étant déterminée dans les conditions fixées par l'article 954 du même code, dans sa rédaction alors applicable, le respect de la diligence impartie par l'article 908 s'apprécie nécessairement en considération des prescriptions de cet article 954.

7. Selon cet article 954, pris en son alinéa 2, les prétentions des parties sont récapitulées sous forme de dispositif, la cour d'appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif. Il résulte de ce texte, dénué d'ambiguïté, que le dispositif des conclusions de l'appelant remises dans le délai de l'article 908, doit comporter, en vue de l'infirmation ou de l'annulation du jugement frappé d'appel, des prétentions sur le litige, sans lesquelles la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement frappé d'appel. Cette règle poursuit un but légitime, tenant au respect des droits de la défense et à la bonne administration de la justice.

8. Il résulte de la combinaison de ces règles que, dans le cas où l'appelant n'a pas pris, dans le délai de l'article 908, de conclusions comportant, en leur dispositif, de telles prétentions, la caducité de la déclaration d'appel est encourue.

9. Cette sanction, qui permet d'éviter de mener à son terme un appel irrémédiablement dénué de toute portée pour son auteur, poursuit un but légitime de célérité de la procédure et de bonne administration de la justice.

10. Par ailleurs, cette règle ne résulte pas de l'interprétation nouvelle faite par la Cour de cassation dans un arrêt du 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626), imposant que l'appelant demande dans le dispositif de ses conclusions, l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ou l'annulation du jugement. Il en résulte que cette règle n'entre pas dans le champ du différé d'application que cet arrêt a retenu en vue de respecter le droit à un procès équitable.

11. L'arrêt constate que les conclusions d'appelant, prises dans le délai prévu à l'article 908, comportaient un dispositif se bornant à demander de confirmer pour partie le jugement et pour le surplus, de faire droit à l'ensemble des demandes, de condamner la société à lui verser une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens et d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

12. En l'état de ces constatations, dont il résultait que le dispositif des conclusions de l'appelante, qui procédait par renvoi, ne comportait pas de prétentions déterminant l'objet du litige, c'est à bon droit, sans faire preuve d'un formalisme excessif, que la cour d'appel a prononcé la caducité de la déclaration d'appel.

13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles 908 et 954 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, Bull. 2020, (rejet) ; 2e Civ., 31 janvier 2019, pourvoi n° 18-10.983.

Soc., 29 septembre 2021, n° 20-16.518, (B)

Cassation partielle

Délai – Point de départ – Notification – Décision prud'homale – Mentions obligatoires – Défenseur syndical

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 mars 2020), dans une instance opposant M. [Z] à la société Clariteam services, son employeur, un conseil de prud'hommes a rendu un jugement qui a été notifié le 20 juin 2019.

2. Le 27 juin 2019, le salarié en a personnellement interjeté appel.

Le 19 août 2019, un nouvel appel a été formé en son nom par un défenseur syndical.

3. Par ordonnance du 9 décembre 2019, le conseiller de la mise en état a jugé irrecevables ces deux déclarations d'appel.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de juger irrecevables la déclaration d'appel formée par lui le 27 juin 2019 ainsi que celle formée le 19 août 2019 par un défenseur syndical, alors « que l'absence de mention ou la mention erronée dans l'acte de notification d'un jugement de la voie de recours ouverte, de son délai ou de ses modalités a pour effet de ne pas faire courir le délai de recours ; que, pour déclarer irrecevable l'appel formé par lettre recommandée avec accusé de réception en l'absence d'un avocat ou d'un défenseur syndical et dire qu'il s'ensuit que la déclaration d'appel formée le 19 août 2019 par le défenseur syndical, au-delà du délai de recours qui était ouvert jusqu'au 20 juillet 2019, est également irrecevable et n'a pu régulariser la première déclaration d'appel, l'arrêt retient que le jugement a été régulièrement notifié au salarié dès lors que l'article 680 du code de procédure civile ne prévoit pas de précisions sur le périmètre territorial d'intervention des défenseurs syndicaux ; qu'en statuant ainsi, alors que l'acte de notification d'un jugement rendu en premier ressort doit, pour faire courir le délai de recours, comporter l'indication que le défenseur syndical que doit constituer l'appelant, ne peut être qu'un défenseur syndical autorisé à exercer ses fonctions devant la cour d'appel compétente, la cour d'appel a violé l'article 680 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 1453-4 du code du travail. » Réponse de la cour

Vu l'article 680 du code de procédure civile et l'article L. 1453-4 du code du travail :

5. Il résulte du premier de ces textes que l'absence de mention ou la mention erronée dans l'acte de notification d'un jugement de la voie de recours ouverte, de son délai ou de ses modalités a pour effet de ne pas faire courir le délai de recours.

6. Selon le second de ces textes, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel (décision QPC n° 2019-831, 12 mars 2020), le défenseur syndical intervient sur le périmètre d'une région administrative, la partie ayant choisi de se faire assister par un défenseur syndical devant le conseil de prud'hommes pouvant toutefois continuer à être représentée par ce même défenseur devant la cour d'appel compétente.

7. L'acte de notification d'un jugement de conseil de prud'hommes rendu en premier ressort doit donc, pour faire courir le délai de recours, indiquer que le défenseur syndical que peut constituer l'appelant est soit celui qui l'a assisté en première instance soit un défenseur syndical territorialement compétent pour exercer ses fonctions devant la cour d'appel concernée.

8. Pour déclarer irrecevable comme tardif l'appel formé par le défenseur syndical, l'arrêt retient que le jugement a été régulièrement notifié, peu important que le périmètre territorial d'intervention des défenseurs syndicaux ne soit pas précisé par l'acte de notification.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. La cassation prononcée entraîne, par voie de conséquence, la cassation des chefs de dispositif relatifs aux dépens et aux demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le chef de dispositif de l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 9 décembre 2019 ayant déclaré irrecevable la déclaration d'appel formée par le salarié le 27 juin 2019, l'arrêt rendu le 26 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Barincou - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix -

Textes visés :

Article L. 1453-4 du code du travail ; article 680 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur l'exigence dans l'acte de notification du jugement du périmètre territorial d'intervention des avocats admis à postuler, à rapprocher : 2e Civ., 9 avril 2015, pourvoi n° 14-18.772, Bull. 2015, II, n° 91 (cassation), et l'arrêt cité.

2e Civ., 9 septembre 2021, n° 20-17.435, (B)

Cassation

Demande nouvelle – Définition – Défense à l'action principale (non)

L'article 563 du code de procédure civile ne permet aux parties en cause d'appel d'invoquer des moyens nouveaux, de produire de nouvelles pièces ou de proposer de nouvelles preuves qu'à l'effet de justifier des prétentions que ces parties avaient préalablement soumises au premier juge.

C'est sans méconnaître ce texte qu'une cour d'appel déclare irrecevable une demande de rejet des prétentions adverses formée pour la première fois en cause d'appel par un appelant qui s'était borné, en première instance, à soulever la péremption d'instance.

Demande nouvelle – Définition – Exclusion – Demande de rejet des prétentions adverses – Portée

Il résulte de l'article 564 du code de procédure civile, que la partie défenderesse en première instance est recevable à prétendre, pour la première fois en cause d'appel, au rejet des demandes formées à son encontre et accueillies par le premier juge et à soulever à cette fin toute défense au fond. Encourt la censure l'arrêt d'une cour d'appel qui déclare irrecevables comme nouvelles les demandes de l'appelant tendant au rejet des demandes de la partie adverse, qui avaient été accueillies en première instance.

Demande nouvelle – Définition – Exclusion – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 9 avril 2020), le 10 novembre 2006, la caisse primaire d'assurance maladie du Haut Rhin (la caisse) a reconnu le caractère professionnel d'une affection déclarée par M. [E], employé de la société Eurovia Travaux Ferroviaires (la société Eurovia).

2. Après avoir contesté cette décision devant une commission de recours amiable, la société Eurovia a saisi, le 20 janvier 2012, une juridiction de sécurité sociale, qui, par un jugement du 28 juin 2018, a déclaré inopposable à cette société la décision de prise en charge de la maladie professionnelle.

3. La caisse a relevé appel de ce jugement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

4. La caisse fait grief à l'arrêt confirmatif de déclarer inopposable à la société Eurovia la décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée le 9 août 2006 par M. [E], alors « que constitue une défense au fond pouvant être proposée en tout état de cause le moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire ; qu'en considérant que la caisse était irrecevable en sa demande de rejet des prétentions adverses faute de l'avoir formulée en première instance quand il ne s'agissait là que d'un moyen de défense au fond, recevable en tout état de cause, la cour d'appel a violé les articles 72 et 563 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. L'article 563 du code de procédure civile ne permet aux parties en cause d'appel d'invoquer des moyens nouveaux, de produire de nouvelles pièces ou de proposer de nouvelles preuves qu'à l'effet de justifier des prétentions que ces parties avaient préalablement soumises au premier juge.

6. Ayant constaté qu'en première instance la caisse s'était bornée à soulever la péremption d'instance, de sorte qu'elle n'avait pas prétendu au rejet des prétentions adverses, c'est sans méconnaître les dispositions de cet article, qui autorise les parties en appel à invoquer des moyens nouveaux pour justifier les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, que la cour d'appel a retenu que la demande de rejet des prétentions adverses formées par la caisse était irrecevable.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La caisse fait le même grief à l'arrêt, alors « que les parties peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions pour faire écarter les prétentions adverses ; qu'en considérant que la caisse ne pouvait, à hauteur d'appel, demander le rejet des prétentions de la société Eurovia faute de l'avoir demandé en première instance où elle n'avait conclu que sur la péremption, la cour d'appel a violé l'article 564 du code de procédure civile par refus d'application ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 564 du code de procédure civile :

8. Selon ce texte, les parties peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions pour faire écarter les prétentions adverses.

9. Il en résulte que la partie défenderesse en première instance est recevable à prétendre, pour la première fois en cause d'appel, au rejet des demandes formées à son encontre et accueillies par le premier juge et à soulever à cette fin toute défense au fond.

10. Pour confirmer le jugement, l'arrêt constate que la caisse sollicitait dans ses conclusions d'appel l'infirmation du jugement ayant accueilli la demande d'inopposabilité formée par la société Eurovia et le débouté de celle-ci de l'ensemble de ses prétentions, puis retient que la caisse ne rapporte pas la preuve qu'elle a demandé le rejet des demandes de la société Eurovia au fond et qu'en conséquence, les demandes de rejet de la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale du Val d'Oise, quant à l'inopposabilité à la société Eurovia de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par M. [E], doivent être déclarées irrecevables car nouvelles.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 avril 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 563 du code de procédure civile ; article 564 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

En ce sens, à rapprocher : 2e Civ., 16 décembre 2004, pourvoi n° 03-12.642, Bull. 2004, II, n° 525 (cassation) ; 1re Civ., 23 juin 1992, pourvoi n° 89-18.222, Bull. 1992, I, n° 190 (cassation partielle).

2e Civ., 30 septembre 2021, n° 19-24.580, (B)

Rejet

Intimé – Pluralité – Appel interjeté contre un seul – Litige indivisible – Effets – Appel postérieur contre les autres parties – Exclusion – Nouvel appel principal contre la même partie

Il résulte de l'article 552, alinéa 2, du code de procédure civile, qu'en cas de solidarité ou d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel dirigé contre l'une des parties réserve à l'appelant la faculté d'appeler les autres parties à l'instance.

Cette faculté, qui est limitée au cas où la recevabilité de l'appel est conditionnée à l'appel en cause de toutes les parties à l'instance, permet à l'appelant, par une nouvelle déclaration d'appel, d'étendre l'intimation aux parties omises dans la déclaration d'appel initiale. Elle ne l'autorise pas à former un nouvel appel principal du même jugement à l'égard de la même partie, sauf à méconnaître les dispositions de l'article 911-1, alinéa 3, du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017.

Recevabilité – Appel déclaré irrecevable – Cas – Litige indivisible

Faits et procédure

1. Il est donné acte à Mme [L] et M. [C] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'association UDAF prise en qualité de curateur aux biens de Mme [T] [U].

2. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 5 septembre 2019), un tribunal de grande instance a déclaré irrecevable la demande de M. [C] et de Mme [L] tendant à ce que Mme [T] [U], M. [M] [U] et Mme [V] [U], propriétaires indivis d'un bien immobilier, soient condamnés à leur consentir la vente de ce bien par acte authentique.

3. M. [C] et Mme [L] ont relevé appel de ce jugement le 20 septembre 2017.

4. Par une ordonnance du 12 février 2018, le conseiller de la mise en état a constaté la caducité de la déclaration d'appel à l'égard de Mme [V] [U] en raison de ce que la déclaration ne lui avait pas été signifiée dans le délai prévu à l'article 902 du code de procédure civile.

5. M. [C] et Mme [L] ont appelé en cause Mme [V] [U], sur le fondement de l'article 552, alinéa 2, du code de procédure civile.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches

Enoncé du moyen

7. M. [C] et Mme [L] font grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 5 mars 2019 qui a déclaré irrecevable la mise en cause de Mme [V] [U] et constaté que la déclaration d'appel était également caduque à l'égard de Mme [T] [U] et de M. [M] [U] et de condamner in solidum Mme [L] et M. [C] à payer à Mme [T] [U], M. [M] [U] et Mme [V] [U] la somme de 1 500 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile, alors :

« 1°/ que le conseiller de la mise en état, et la cour d'appel statuant sur le déféré de sa décision, s'ils peuvent prononcer la caducité de l'appel, n'ont pas le pouvoir de statuer sur la recevabilité de la mise en cause d'une partie dans les conditions prévues à article 552 alinéa 2 du code de procédure civile, lors même que la caducité de l'appel à l'égard de certaines parties dépendrait de la recevabilité de cette mise en cause ; qu'en jugeant contraire, la cour d'appel a violé l'article 914 du code de procédure civile ;

2°/ que l'article 911-1 alinéa 3 n'est pas applicable à la mise en cause dans les conditions prévues à l'article 552 du code de procédure civile d'une partie à l'égard de laquelle l'appel initialement formé aurait été déclaré caduc ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 552 alinéa 2 du code de procédure civile par refus d'application et l'article 911-1 du même code par fausse application, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4°/ que la caducité de l'appel à l'égard de Mme [T] [U] et de M. [M] [U] n'étant justifiée que par l'irrecevabilité de la mise en cause de Mme [V] [U] dans les conditions prévues à l'article 552 alinéa 2 du code de procédure civile, ce chef de l'arrêt sera cassé par voie de conséquence de la cassation à intervenir sur l'un ou l'autre des trois moyens, par application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

8. Il résulte de l'article 552, alinéa 2, du code de procédure civile, qu'en cas de solidarité ou d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel dirigé contre l'une des parties réserve à l'appelant la faculté d'appeler les autres à l'instance.

9. Cette faculté, qui est limitée au cas où la recevabilité de l'appel est conditionnée à l'appel en cause de toutes les parties à l'instance, permet à l'appelant, par une nouvelle déclaration d'appel, d'étendre l'intimation aux parties omises dans la déclaration d'appel initiale. Elle ne l'autorise pas à former un nouvel appel principal du même jugement à l'égard de la même partie, sauf à méconnaître les dispositions de l'article 911-1, alinéa 3 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017.

10. Ces dispositions ne restreignent pas l'accès au juge d'appel d'une manière ou à un point tel que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même. Elles poursuivent, d'une part, le but légitime d'une bonne administration de la justice, l'appelant ne pouvant multiplier les déclarations d'appel alors que sa déclaration initiale a régulièrement saisi la cour d'appel, et d'autre part, elles ne sont pas disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.

11. Après avoir exactement décidé que, statuant sur déféré d'une ordonnance du conseiller de la mise en état, elle était compétente pour examiner la recevabilité de l'appel en cause de Mme [V] [U], sur le fondement de l'article 552, alinéa 2, du code de procédure civile, qui s'analyse en un appel, c'est donc à bon droit, et sans méconnaître les dispositions de l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que la cour d'appel, qui a retenu que la faculté réservée à l'appelant par l'article 552, alinéa 2, du code de procédure civile, d'appeler en cause les parties contre lesquelles il n'avait pas initialement dirigé son appel, se heurtait, en l'espèce, à l'interdiction faite à l'appelant, par l'article 911-1, alinéa 3, du même code, lorsque la déclaration d'appel a été déclarée caduque à l'égard d'une partie, de former un nouvel appel principal du même jugement à l'égard de la même partie, en a déduit que l'appel en cause de Mme [V] [U], qui s'analysait en un nouvel appel, était irrecevable.

12. Le moyen, qui n'est, dès lors, pas fondé en ses première et deuxième branches, est sans objet pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Maunand - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet ; SCP Gadiou et Chevallier -

Textes visés :

Article 552, alinéa 2, et 911-1, alinéa 3, du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 7 septembre 2017, pourvoi n° 16-20.463, Bull. 2017, II, n° 165 (rejet).

2e Civ., 30 septembre 2021, n° 19-12.244, (B)

Rejet

Procédure avec représentation obligatoire – Conclusions – Prétentions récapitulées sous forme de dispositif – Cour d'appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif – Portée

La nullité d'une requête à fin de constat et du constat, laquelle ne constitue pas un moyen de défense en vue de voir débouter l'adversaire de ses demandes, doit être formalisée dans une prétention figurant au dispositif des conclusions de la partie qui l'invoque. C'est donc à bon droit qu'une cour d'appel a jugé qu'elle n'était pas saisie de prétentions visant à faire juger que ces actes étaient nuls et que le constat devait être écarté des débats, ces prétentions n'étant pas reprises dans le dispositif des conclusions.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 13 décembre 2018), s'estimant victime d'actes de concurrence déloyale par débauchage de son personnel et détournement fautif de sa clientèle qu'elle imputait à la société Vanlaer traitement des eaux (la société Vanlaer), la société Aloès traitement des eaux (la société Aloès) a obtenu du président d'un tribunal de commerce statuant sur requête, la désignation d'un huissier de justice aux fins de constatations et investigations, puis, se fondant, sur le procès-verbal du 23 mars 2015 établi par celui-ci, a assigné la société Vanlaer en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés

2. La chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a délibéré sur ces moyens, sur l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats à l'audience publique du 13 avril 2021, où étaient présents M. Guerin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Bras, conseiller référendaire, Mme Darbois, conseiller et Mme Fornarelli greffier de chambre.

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

4. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a délibéré sur le premier moyen, sur l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats à l'audience publique du 7 juillet 2021 où étaient présents M. Pireyre, président de chambre, Mme Martinel, conseiller doyen, Mme Maunand, conseiller rapporteur et Mme Thomas, greffier de chambre.

Enoncé du moyen

5. La société Vanlaer fait grief à l'arrêt de dire qu'elle a commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Aloès traitement des eaux, de la condamner à payer à la société Aloès traitement des eaux les sommes de 150 000 euros au titre de son préjudice financier et de 50 000 euros au titre de son préjudice d'image et de débouter les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires alors « que le juge ne modifier les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions respectives des parties ; que l'exception de nullité est un moyen de défense qui vient au soutien d'une demande de rejet des prétentions adverses formulée au dispositif des conclusions ; qu'en affirmant, pour refuser de statuer sur l'exception de nullité du procès-verbal de constat du 23 mars 2015 soulevée par la société Vanlaer traitement des eaux, que cette demande n'était par reprise dans le dispositif de ses conclusions quand ce moyen de défense venait au soutien de la demande, énoncée au dispositif, d'infirmation du chef du jugement ayant dit qu'elle avait commis des actes de concurrence déloyale, la cour d'appel, qui a modifié les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile, ensemble, par fausse application, l'article 954 du même code. »

Réponse de la Cour

6. En application de l'article 954 alinéas 1 et 3 du code de procédure civile, dans les procédures avec représentation obligatoire, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquelles chacune de ces prétentions est fondée, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

7. Ayant relevé que la société Vanlaer ne faisait état que dans le corps de ses écritures de la nullité de la requête à fin de constat et du constat, laquelle ne constitue pas un moyen de défense en vue de voir débouter l'adversaire de ses demandes, dès lors qu'elle implique que cette nullité soit prononcée, et en conséquence, formalisée dans une prétention figurant au dispositif des conclusions de la partie qui l'invoque, la cour d'appel a, à bon droit, dit qu'elle n'était pas saisie de prétentions visant à faire juger que ces actes étaient nuls et que le constat devait être écarté des débats, ces prétentions n'étant pas reprises dans le dispositif de ses conclusions. Elle en a exactement déduit que le jugement devait être confirmé.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Maunand - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; SCP Delvolvé et Trichet -

Textes visés :

Article 954, alinéas 1 et 3, du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 5 décembre 2013, pourvoi n° 12-23.611, Bull. 2013, II, n° 230 (rejet) ; 1re Civ., 24 octobre 2006, pourvoi n° 05-21.282, Bull. 2006, I, n° 434 (cassation).

2e Civ., 9 septembre 2021, n° 20-22.080, (B)

Cassation

Procédure avec représentation obligatoire – Conclusions – Transmission par voie électronique – Avis électronique de réception – Emission – Effet

Appel du jugement statuant exclusivement sur la compétence – Déclaration d'appel par voie électronique – Motivation – Formalisme – Nécessité – Jonction de conclusions à la déclaration d'appel – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 novembre 2020), la société Centrale photovoltaïque de Le Boulou (la société Le Boulou) a saisi un tribunal de commerce de demandes dirigées contre la société EDF Renouvelables France puis, après le dépôt d'un rapport d'expertise judiciaire ordonné par le tribunal, a assigné, en intervention forcée, la société Yingli Green Energy France (la société Yingli), représentée par son liquidateur amiable, la société de droit allemand Yingli Green Energy Europe GmbH, elle-même représentée par son liquidateur amiable, M. [D] [U].

2. Le 11 septembre 2019, la société Yingli a relevé appel du jugement du tribunal de commerce ayant déclaré recevable son intervention forcée et irrecevable l'exception l'incompétence qu'elle avait soulevée et ayant dit que le tribunal de commerce était compétent.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La société Yingli fait grief à l'arrêt de déclarer son appel irrecevable, alors :

« 1°/ que la déclaration d'appel dirigée contre un jugement statuant sur la compétence doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration ; qu'il ressort des mentions du message adressé via le RPVA par le conseil de la société Yingli à la cour d'appel de Paris, le 11 septembre 2019 à 22 h 06, qu'étaient jointes à la déclaration d'appel visant le jugement du tribunal de commerce de Paris du 17 mai 2019 statuant sur sa compétence, des conclusions d'appel relatives à l'incompétence du tribunal de commerce de Paris ; que la cour d'appel a d'ailleurs elle-même constaté que l'appel avait été interjeté le 11 septembre 2019 par la société Yingli et que cette dernière avait remis ses conclusions le même jour ; qu'en affirmant qu'aucune conclusion sur la motivation n'avait été jointe à la déclaration d'appel de la société Yingli, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile, ensemble l'article 85 du même code ;

2°/ que la déclaration d'appel dirigée contre un jugement statuant sur la compétence doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration ; que la cour d'appel a elle-même constaté que l'appel avait été interjeté le 11 septembre 2019 par la société Yingli et que cette dernière avait, le même jour, remis ses conclusions relatives à la l'incompétence du juge commercial ; qu'en affirmant qu'aucune conclusion sur la motivation n'a été jointe à la déclaration d'appel de la société Yingli, sans s'expliquer sur les conditions dans lesquels les conclusions de la société Yingli avaient pu être déposées le même jour que la déclaration d'appel sans y être jointes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 85 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Le demandeur, par la première branche, se prévaut d'un message, adressé via le RPVA par le conseil de la société Yingli, dont il n'établit toutefois pas la réception par la cour d'appel, faute de produire un avis électronique attestant de cette réception conformément aux exigences de l'article 748-3 du code de procédure civile.

5. Selon l'article 85 du code de procédure civile, relatif à l'appel du jugement statuant exclusivement sur la compétence, la déclaration d'appel doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration.

6. L'article 6 de l'arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire par avocat devant les cours d'appel, alors applicable, dispose que lorsqu'un document doit être joint à un acte, il est communiqué sous la forme d'un fichier séparé du fichier au format XML contenant l'acte sous forme de message de données.

7. Par conséquent, le moyen qui, en sa seconde branche, postule qu'une jonction des conclusions à la déclaration d'appel résulte du constat de l'envoi le même jour de ces deux actes à la cour d'appel, manque en droit.

8. Le moyen ne peut, dès lors, pas être accueilli.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. La société Yingli fait le même grief à l'arrêt, alors « que le défaut de motivation du recours, susceptible de donner lieu à la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel du jugement statuant sur la compétence, peut être régularisé, en matière de procédure avec représentation obligatoire, par le dépôt au greffe, avant l'expiration du délai d'appel, d'une nouvelle déclaration d'appel motivée ou de conclusions comportant la motivation du recours, adressées à la cour d'appel ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de la décision attaquée que l'appel avait été interjeté le 11 septembre 2019 par la société Yingli Green Energy France, avant même que le délai d'appel ait pu commencer à courir, et que la société Yingli Green Energy France avait, ce même 11 septembre 2019, déposé ses conclusions relatives à l'incompétence du juge commercial ; qu'en jugeant l'appel irrecevable quand ces conclusions, à supposer qu'elles n'aient pas été jointes à la déclaration d'appel, étaient de nature à régulariser l'absence de motivation de la déclaration d'appel dès lors qu'elles avaient été déposées devant la cour d'appel avant l'expiration du délai d'appel, la cour d'appel a violé les articles 85 et 126 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 85 et 126 du code de procédure civile :

10. Il résulte de la combinaison de ces textes que le défaut de motivation du recours, susceptible de donner lieu à la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel du jugement statuant sur la compétence, peut être régularisé, en matière de procédure avec représentation obligatoire par avocat, par le dépôt au greffe, avant l'expiration du délai d'appel, d'une nouvelle déclaration d'appel motivée ou de conclusions comportant la motivation du recours, adressées à la cour d'appel.

11. Pour déclarer l'appel irrecevable, l'arrêt retient que tandis, d'une part, que la déclaration d'appel de la société Yingli se limite à énoncer que « L'appelante entend voir réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

Dit l'exception d'incompétence soulevée par la SAS Yingli green energy France irrecevable,

Et dit le tribunal de commerce de Paris compétent et condamné l'appelante aux dépens de l'incident », et d'autre part, qu'aucune conclusion sur la motivation n'a été jointe à cette déclaration, la société Le Boulou est bien fondée à conclure à l'irrecevabilité de l'appel pour avoir manqué à l'obligation de le motiver.

12. En se déterminant ainsi, sans rechercher si les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 11 septembre 2019 pour la société Yingli, qui étaient visées dans l'arrêt, ne comportaient pas la motivation de l'appel formé par une déclaration du même jour, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Alain Bénabent ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix -

Textes visés :

Article 85 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur la justification de la réception électronique par la juridiction d'un message adressé via RPVA, à rapprocher : 2e Civ., 7 septembre 2017, pourvoi n° 16-21.756, Bull. 2017, II, n° 169 (rejet). Sur le formalisme de l'appel d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence, à rapprocher : 2e Civ., 27 septembre 2018, pourvoi n° 17-20.679, Bull. 2018, II, n° 190 (rejet).

2e Civ., 9 septembre 2021, n° 19-25.187, (B)

Rejet

Procédure avec représentation obligatoire – Procédures fondées sur l'article 905 du code de procédure civile – Signification de la déclaration d'appel – Non-respect des délais – Sanction – Caducité

La caducité de la déclaration d'appel non signifiée à l'intimé dans le délai de l'article 905-1 du code de procédure civile, qui n'est ni imprévisible ni insuffisant, ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge.

En effet, selon la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le droit d'accès aux tribunaux n'est pas absolu et peut donner lieu à des limitations dès lors qu'elles ne restreignent pas l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tel que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même et qu'elles se concilient avec l'article 6, § 1, de la Convention en poursuivant un but légitime et en instaurant un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

Le délai de dix jours prévu par l'article 905-1 du code de procédure civile, dont le point de départ est la réception de l'avis de fixation adressé aux parties, est destiné à permettre de juger certaines affaires à bref délai. Il garantit, dans les limites de cette exigence de célérité liée à la nature de l'affaire, de s'assurer que l'intimé, qui n'a pas encore constitué avocat, soit appelé, et mis en mesure de préparer sa défense.

En outre, d'une part, l'accès au juge d'appel n'est pas restreint d'une manière ou à un point tel que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même, et, d'autre part, le but légitime poursuivi est celui d'une bonne administration de la justice, les procédures présentant un caractère d'urgence devant être organisées dans un cadre permettant d'assurer qu'une décision soit rendue à bref délai, et le rapport de proportionnalité, entre les moyens employés et le but visé, est raisonnable, l'appelant, qui doit, par l'intermédiaire de son avocat se montrer vigilant s'agissant de l'accomplissement des différents actes de la procédure, étant mis en mesure de respecter l'obligation mise à sa charge de signifier la déclaration d'appel à l'intimé dans ce délai de dix jours.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 7 novembre 2019), M. [X] a interjeté appel, le 25 mars 2019, d'une ordonnance du président d'un tribunal d'instance statuant en référé dans un litige l'opposant à M. [K] [R], Mme [L] et M. [Z] [R].

2. L'affaire a été fixée à bref délai par une décision du 1er avril 2019 du président de la chambre à laquelle elle avait été distribuée, l'appelant étant avisé le même jour par le greffe de cette fixation.

3. M. [X] a signifié la déclaration d'appel aux intimés le 30 avril 2019.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. M. [X] fait grief à l'arrêt de juger caduque la déclaration d'appel, alors « que la caducité de la déclaration d'appel, faute de sa signification à l'intimé, dans le délai qui n'est ni prévisible, ni suffisant de l'article 905-1 du code de procédure civile, et qui prive définitivement l'appelant de son droit de former un appel, constitue une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge ; qu'en l'espèce, en jugeant caduque la déclaration d'appel formée le 25 mars, l'affaire ayant été fixée à bref délai par ordonnance du 1er avril, pour ne pas avoir été signifiée à l'intimé avant le 12 avril, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

5. Selon la Cour européenne des droits de l'homme, le droit d'accès aux tribunaux n'étant pas absolu, il peut donner lieu à des limitations implicitement admises car il appelle, de par sa nature même, une réglementation par l'État, laquelle peut varier dans le temps et dans l'espace en fonction des besoins et des ressources de la communauté et des individus.

En élaborant pareille réglementation, les États contractants jouissent d'une certaine marge d'appréciation. Néanmoins, les limitations appliquées ne sauraient restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tel que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même.

En outre, elles ne se concilient avec l'article 6, § 1, de la Convention que si elles poursuivent un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (notamment CEDH Edificaciones March Gallego S.A. c. Espagne, 19 février 1998, § 34, Recueil 1998).

6. Le délai de dix jours pour signifier la déclaration d'appel à l'intimé afin qu'il constitue avocat, prévu par l'article 905-1 du code de procédure civile, dont le point de départ est la réception de l'avis de fixation adressé aux parties, est destiné à permettre de juger certaines affaires à bref délai. Il garantit, dans les limites de cette exigence de célérité liée à la nature de l'affaire, de s'assurer que l'intimé, qui n'a pas encore constitué avocat, soit appelé, et mis en mesure de préparer sa défense. Il n'est donc ni imprévisible ni insuffisant.

7. En outre, les dispositions de l'article 905-1, précité, ne restreignent pas l'accès au juge d'appel d'une manière ou à un point tel que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même. Elles poursuivent, d'une part, le but légitime d'une bonne administration de la justice, les procédures présentant un caractère d'urgence devant être organisées dans un cadre permettant d'assurer qu'une décision soit rendue à bref délai, et d'autre part, il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé, l'appelant, qui doit, par l'intermédiaire de son avocat se montrer vigilant s'agissant de l'accomplissement des différents actes de la procédure, étant mis en mesure de respecter l'obligation mise à sa charge de signifier la déclaration d'appel à l'intimé dans ce délai de dix jours.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 905-1 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.336, Bull. 2020, (cassation).

2e Civ., 9 septembre 2021, n° 20-13.662, n° 20-13.664, n° 20-13.665, n° 20-13.667, n° 20-13.668, n° 20-13.669, n° 20-13.670, n° 20-13.671, n° 20-13.672, n° 20-13.673 et suivants, (B) (R)

Rejet

Procédure sans représentation obligatoire – Acte d'appel – Mentions nécessaires – Chefs du jugement critiqués – Défaut – Portée

En application de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le droit à l'accès au juge implique que les parties soient mises en mesure effective d'accomplir les charges procédurales leur incombant. L'effectivité de ce droit impose, en particulier, d'avoir égard à l'obligation faite ou non aux parties de constituer un avocat pour les représenter.

A la différence de l'article 901 du code de procédure civile, qui régit la procédure avec représentation obligatoire par avocat, l'article 933 du même code, de même que l'ensemble des autres dispositions régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, instaurent un formalisme allégé, destiné à mettre de façon effective les parties en mesure d'accomplir les actes de la procédure d'appel.

Il se déduit de l'article 562, alinéa 1, figurant dans les dispositions communes de ce code et disposant que l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas (2e Civ., 30 janvier 2020, pourvoi n° 18-22.528, Bull. 2020(cassation partielle sans renvoi)). De telles règles sont dépourvues d'ambiguïté pour des parties représentées par un professionnel du droit (2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.954, Bull. 2020, (rejet)).

Toutefois, dans la procédure sans représentation obligatoire, un tel degré d'exigence dans les formalités à accomplir par l'appelant constituerait une charge procédurale excessive, dès lors que celui-ci n'est pas tenu d'être représenté par un professionnel du droit. La faculté de régularisation de la déclaration d'appel ne serait pas de nature à y remédier.

Il en résulte qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel, en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement.

Par conséquent, doit être approuvé l'arrêt d'une cour d'appel qui statue sur le fond d'une affaire, dans une procédure sans représentation obligatoire, alors même qu'elle constatait que les déclarations d'appel indiquaient tendre à l'annulation ou, à tout le moins, à la réformation de la décision déférée, sans mentionner les chefs du jugement critiqués.

Jonction

1. Les pourvois n° 20-13.662, 20-13.664, 20-13.665, 20-13.667, 20-13.668, 20-13.669, 20-13.670, 20-13.671, 20-13.672, 20-13.673, 20-13.674, 20-13.675, 20-13.676, 20-13.678, 20-13.681, 20-13.682, 20-13.683, 20-13.684, 20-13.685, 20-13.686, 20-13.687, 20-13.688, 20-13.697, 20-13.698, 20-13.699, 20-13.701 ont été joints en raison de leur connexité par une ordonnance du 10 juin 2020.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 20 décembre 2019, RG n° 18/05217, 18/05245, 18/05212, 18/05273, 18/05219, 18/05214, 18/05218, 18/05252, 18/05270, 18/05261, 18/05210, 18/05241, 18/05209, 18/05211, 18/05377, 18/05247, 18/05266, 18/05208, 18/05257, 18/05478, 18/05263, 18/05205, 18/19722, 18/19724, 18/19820 et 18/19725), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2009 à 2011, l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF) a notifié aux sociétés Flo Reims, Flo Concess, Flo Evergreen, Flo Metz, Brasserie Flo, Hippo Est,L'Excelsior, La Coupole, Tabla Est, Tabla Sud, Taverne de Maître Kanter, TMK Est, TMK Nord-Ouest, BST, Boeuf à 6 pattes - Gif-sur-Yvette,Le Golf, Hippo Nord-Ouest, Hippo Paris, Hippo Sud,Le Vaudeville, Tabla Nord-Ouest, Terminus Nord, Bistro romain Est, Bistro romain Nord-Ouest, Bistro romain Paris et Flo gestion régional (les sociétés), le 29 octobre 2012, une lettre d'observations, suivie de mises en demeure.

3. Les sociétés ont saisi de recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

5. L'URSSAF fait grief aux arrêts de déclarer les appels recevables, de réformer en toutes leurs dispositions les jugements rendus les 1er février et 8 novembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône, statuant à nouveau, d'annuler les redressements notifiés aux sociétés appelantes et mis en recouvrement par elle, de la débouter de sa demande formulée au titre des frais irrépétibles et de la condamner au paiement des dépens de l'instance, alors « que sauf lorsqu'elle est régularisée par une autre déclaration d'appel dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond, la déclaration d'appel qui tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement critiqués prive l'appel d'effet dévolutif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les déclarations d'appel formées par les sociétés appelantes le 22 mars 2018 indiquaient que ces appels tendaient « à l'annulation ou à tout le moins à la réformation de la décision déférée » sans expressément viser les chefs de jugement critiqués de sorte qu'à défaut de toute régularisation effectuée dans le délai imparti, la cour d'appel n'était saisie d'aucun moyen ; qu'en réformant en toutes leurs dispositions les jugements rendus par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône et en annulant les redressements mis en recouvrement par l'URSSAF à l'encontre des appelantes, sans constater que les déclarations d'appel du 22 mars 2018 avaient été régularisées dans le délai imparti, la cour d'appel, qui n'était saisie d'aucun moyen, a excédé ses pouvoirs et violé l'article 562 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. Les sociétés contestent la recevabilité du moyen. Elles soutiennent que celui-ci est nouveau et mélangé de fait et de droit.

7. Cependant, le moyen est de pur droit dès lors qu'à supposer exacte la règle de droit qu'il invoque, la cour d'appel, qui a constaté que la déclaration d'appel ne comportait pas l'indication des chefs de jugement expressément critiqués, n'aurait pu statuer sur l'appel sans constater la régularisation de cette déclaration d'appel avant la clôture des débats.

8. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

9. En application de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le droit à l'accès au juge implique que les parties soient mises en mesure effective d'accomplir les charges procédurales leur incombant.

L'effectivité de ce droit impose, en particulier, d'avoir égard à l'obligation faite ou non aux parties de constituer un avocat pour les représenter.

10. Aux termes de l'article 933 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel : « La déclaration comporte les mentions prescrites par l'article 58. Elle désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l'adresse du représentant de l'appelant devant la cour. Elle est accompagnée de la copie de la décision. »

11. À la différence de l'article 901 du même code, qui régit la procédure avec représentation obligatoire par avocat, l'article 933, de même que l'ensemble des autres dispositions régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, instaurent un formalisme allégé, destiné à mettre de façon effective les parties en mesure d'accomplir les actes de la procédure d'appel.

12. Il se déduit de l'article 562, alinéa 1er, figurant dans les dispositions communes de ce code et disposant que l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas (2e Civ., 30 janvier 2020, pourvoi n° 18-22.528, publié). De telles règles sont dépourvues d'ambiguïté pour des parties représentées par un professionnel du droit (2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.954, publié).

13. Toutefois, dans la procédure sans représentation obligatoire, un tel degré d'exigence dans les formalités à accomplir par l'appelant constituerait une charge procédurale excessive, dès lors que celui-ci n'est pas tenu d'être représenté par un professionnel du droit.

La faculté de régularisation de la déclaration d'appel ne serait pas de nature à y remédier.

14. Il en résulte qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel, en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement.

15. Ayant relevé que les déclarations d'appel formées par les sociétés indiquaient que leur appel tendait à l'annulation ou, à tout le moins, à la réformation de la décision déférée, sans mentionner les chefs du jugement critiqués, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a réformé les jugements déférés et statué à nouveau sur les affaires.

16. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le second moyen

17. L'URSSAF fait grief aux arrêts d'annuler les redressements, alors :

« 1°/ que l'avis que l'organisme de recouvrement doit envoyer avant d'effectuer un contrôle doit être adressé exclusivement à la personne qui est tenue, en sa qualité d'employeur, aux obligations afférentes au paiement des cotisations et contributions qui font l'objet du contrôle ; qu'en retenant, pour juger que les sociétés appelantes devaient être personnellement destinataires des avis de contrôle, qu'elles étaient individuellement tenues au paiement de leurs propres cotisations et contributions, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser la qualité « d'employeur tenu aux obligations afférentes au paiement des cotisations et contributions » des sociétés contrôlées et violé l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013, applicable au litige ;

2°/ que les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, le protocole TGE filiales qui prévoyait la mise en place d'un dispositif de versement en lieu unique (VLU) mentionnait avoir été conclu entre la société Hippo gestion et cie « représentée par M. [S] [D], gérant, et dénommée entreprise contractante » agissant « en qualité de mandataire des sociétés citées en annexe qui sont les sociétés mandantes » et l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) « agissant pour le compte des URSSAF et dont relèvent les établissements de l'entreprise contractante et des entreprises mandantes » ; que ce protocole prévoyait en page 3 « A compter du 1er janvier 2011, l'URSSAF de [Localité 1] est seule habilitée à engager une procédure de contrôle des entreprises mandantes. » et rappelait en termes généraux la procédure applicable en précisant « A réception de l'avis de contrôle, les entreprises contractantes confirment l'adresse de l'établissement où les pièces nécessaires au contrôle sont mises à la disposition de l'inspecteur » de sorte que la société Hippo gestion et cie, qui était la seule entreprise contractante désignée par le protocole, était bien mandatée pour réceptionner l'avis de contrôle et confirmer l'adresse des établissements susceptibles de détenir les pièces nécessaires à son déroulement ; qu'en affirmant, pour dire que les entreprises appelantes devaient être personnellement destinataires de l'avis de contrôle, que dans le protocole il n'était pas indiqué que ces sociétés avaient donné mandat à la société SNC Hippo gestion et cie pour le recevoir en leur lieu et place, la cour d'appel a dénaturé le protocole signé entre les parties le 7 janvier 2011, en violation du principe susvisé ;

3°/ que les juges doivent répondre aux moyens des parties ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions oralement soutenues à la barre, l'URSSAF expliquait qu'outre la précision du numéro de SIREN de la société concernée et l'identité d'adresse de siège social, l'ensemble des sociétés du groupe disposaient d'une gestion centralisée effectuée au même étage de la [Adresse 8] et insistait sur le fait que les documents comptables administratifs et financiers de toutes les sociétés du groupe lui avaient été remis par des interlocuteurs uniques, en l'occurrence la responsable paie administration du personnel et la directrice des ressources humaines du Groupe Flo, si bien que toutes les sociétés du groupe dont le numéro de SIREN figurait dans l'avis de contrôle avaient nécessairement été destinataires de cet avis ; qu'en retenant que la précision du numéro de SIREN et l'identité de siège social ne permettaient pas démontrer que les sociétés du groupe avaient été avisées des opérations de contrôles qui étaient projetées à leur encontre, sans répondre au moyen de l'URSSAF tiré de l'existence d'une gestion administrative financière et comptable commune pour toutes ces sociétés, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

18. Selon l'article R. 243-59, alinéa 1, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-941 du 8 juillet 2016, applicable au litige, l'avis que l'organisme de recouvrement doit envoyer, avant d'effectuer un contrôle en application de l'article L. 243-7 du même code, doit être adressé exclusivement à la personne qui est tenue, en sa qualité d'employeur, aux obligations afférentes au paiement des cotisations et contributions qui font l'objet du contrôle.

19. Les arrêts retiennent que l'avis de contrôle a été adressé le 7 mars 2012 à la société Hippo gestion et cie, que s'il ressort du protocole de versement en un lieu unique signé, le 7 janvier 2011, entre celle-ci et l'ACOSS qu'elle a agi en tant que mandataire de l'ensemble des sociétés visées en annexe du protocole, pour signer ce dernier, chacune des sociétés autorisées à verser leurs cotisations auprès de la seule URSSAF/CGSS de [Localité 1], a, cependant, conservé une entité juridique distincte et demeure tenue individuellement au paiement de ses propres cotisations et contributions, indépendamment de l'obligation incombant également à la société Hippo gestion et cie de verser les siennes en un lieu unique. Ils ajoutent qu'à aucun moment dans le protocole, il n'est indiqué que les sociétés concernées ont donné mandat à la société Hippo gestion et cie pour recevoir l'avis de contrôle en leur lieu et place et que la précision de leurs numéros SIREN dans l'avis et l'identité de l'adresse de leur siège social et de celui de la société Hippo gestion et cie ne démontrent pas qu'elles ont été effectivement avisées, en leur qualité d'employeur, des opérations de contrôle préalablement à celui-ci.

20. De ces constatations et énonciations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, dont elle a fait ressortir que l'avis de contrôle n'avait pas été adressé à la personne à laquelle incombait, en sa qualité d'employeur, le paiement des cotisations et contributions faisant l'objet du contrôle litigieux, la cour d'appel a, sans dénaturation, exactement déduit que la procédure de contrôle suivie par l'URSSAF était irrégulière.

21. Par conséquent, le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit, et comme tel irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Spinosi -

Textes visés :

Article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 562 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 30 janvier 2020, pourvoi n° 18-22.528, Bull. 2020, (cassation partielle sans renvoi) ; 2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.954, Bull. 2020, (rejet) ; 2e Civ., 25 mars 2021, pourvoi n° 18-23.299, Bull. 2020, (cassation sans renvoi).

1re Civ., 22 septembre 2021, n° 20-15.817, n° 20-16.276, (B)

Rejet

Recevabilité – Conditions – Acte d'appel – Recours contre les décisions d'arbitrage rendues pour le règlement des différends entre avocats dans leur exercice professionnel

Acte d'appel – Forme – Conditions – Recours contre les décisions d'arbitrage rendues pour le règlement des différends entre avocats dans leur exercice professionnel

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 20-15.817 et 20-16.276 sont joints.

Désistement partiel

2. Il est donné acte à Mme [J] et MM. [P] et [X] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société d'avocats Altana et M. [G].

Faits et procédure

3. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 février 2020), le 8 juin 2017, Mme [J] et MM. [P], [X] et [G], avocats associés au sein de la société d'avocats De Gaulle Fleurance et associés (la SELAS) ayant décidé de rejoindre la société d'avocats Altana, ont saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris d'une demande d'arbitrage afin de faire juger nulles et non écrites certaines clauses des statuts ou du règlement intérieur de la SELAS, annuler les délibérations subséquentes de l'assemblée générale des associés des 18 avril et 22 mai 2017, et obtenir le paiement de diverses rémunérations.

4. Le 28 juin suivant, la SELAS a saisi le bâtonnier d'un contentieux distinct portant sur des actes de concurrence déloyale reprochés à ces associés retrayants à l'occasion de leur départ.

Les deux procédures ont été jointes en appel.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° 20-16.276, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi n° 20-15.817 et le premier moyen du pourvoi n° 20-16.276, réunis

Enoncé des moyens

6. Par son moyen, M. [G] fait grief à l'arrêt de déclarer recevable les recours formés par la SELAS contre les deux décisions du bâtonnier en date du 7 juin 2018, alors :

« 1°/ qu'il résulte de l'article 933 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, auquel renvoie l'article 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, que la déclaration d'appel comporte les mentions prescrites par l'article 58, désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, et est accompagnée de la copie de la décision ; qu'il résulte de de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement, et qu'ainsi, lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas ; qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire, à défaut de délai imparti aux parties pour conclure, la déclaration d'appel affectée de ce vice de forme ne peut être régularisée que par une nouvelle déclaration d'appel, dans le délai de recours ; qu'après avoir constaté que sa première déclaration d'appel était affectée d'une nullité de forme, la cour d'appel, pour déclarer le recours de la SELAS recevable, a énoncé que, en matière de représentation non obligatoire, il n'existe pas de délai pour conclure et qu'il peut être conclu jusqu'à la clôture des débats, de sorte que la régularisation, intervenue par l'acte du 3 juin 2019, précisant les points contestés des décisions du bâtonnier, est valable ; qu'en statuant ainsi, cependant que la régularisation devait intervenir dans le délai de recours, la cour d'appel a violé les articles 562 et 933, dans leur rédaction issue du décret du 6 mai 2017, du code de procédure civile, ensemble l'article 16 du décret du 27 novembre 1991 ;

2°/ qu'il résulte de l'article 933 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, auquel renvoie l'article 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, que la déclaration d'appel comporte les mentions prescrites par l'article 58, désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, et est accompagnée de la copie de la décision ; que, dans ses écritures d'appel, M. [G] a fait valoir que la déclaration d'appel formulée oralement par le conseil de la SELAS, faute de toute remise matérielle, ne pouvait valoir acte d'appel ; qu'en se bornant, après avoir constaté que le conseil de la SELAS s'est présenté devant le greffier de la chambre en charge des recours contre les décisions du bâtonnier, pour formuler oralement son recours, que le procès-verbal qui en a été dressé vaut récépissé par le directeur de greffe du recours exercé dans le délai légal par la SELAS, en ce qu'il lui donne date certaine, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la déclaration orale faite par le conseil de la SELAS pouvait valoir acte d'appel, susceptible de régularisation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 58, 562 et 933, dans leur rédaction issue du décret du 6 mai 2017, du code de procédure civile, ensemble l'article 16 du décret du 27 novembre 1991. »

7. Par leur premier moyen, Mme [J] et MM. [P] et [X] font grief à l'arrêt de déclarer recevable le recours formé par la SELAS contre les deux décisions du bâtonnier en date du 7 juin 2018, alors « que le recours devant la cour d'appel, contre la décision rendue par le bâtonnier statuant sur un différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel, doit, aux termes de l'article 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, être formé par lettre recommandée avec avis de réception adressée au secrétariat-greffe de la cour d'appel ou remis contre récépissé au greffier en chef ; qu'est irrecevable le recours effectué par déclaration orale au greffier, peu important que ce dernier en ait dressé un procès-verbal qu'il a signé ainsi que l'auteur du recours ; qu'en déclarant recevable le recours effectué par le conseil de la SELAS auprès du greffier habilité, quand elle avait constaté que ce recours avait été fait par déclaration orale audit greffier, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles 16, 152 et 179-6 du décret susvisé. »

Réponse de la Cour

8. Selon l'article 152 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la décision du bâtonnier arbitrant un différend entre avocats peut faire l'objet d'un appel dans les conditions prévues à l'article 16 de ce décret, lequel dispose que le recours devant la cour d'appel est formé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat-greffe de la cour d'appel ou remis contre récépissé au greffier en chef, qu'il est instruit et jugé selon les règles applicables en matière contentieuse à la procédure sans représentation obligatoire et que le délai de recours est d'un mois.

9. Il en résulte que le recours effectué par déclaration orale reçue par un greffier n'est pas recevable. Ce défaut de saisine régulière de la juridiction constitue une fin de non-recevoir, laquelle peut être régularisée dans les conditions de l'article 126 du code de procédure civile, selon lequel, dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

10. La fin de non-recevoir est donc susceptible d'être régularisée avant que le juge statue, à condition que le délai d'appel n'ait pas expiré (2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-14.086, publié).

11. Par ailleurs, il se déduit de l'article 680 du code de procédure civile, que l'exigence de la mention dans la notification d'un jugement du délai de la voie de recours ouverte contre ce jugement implique que soit également mentionné le point de départ de ce délai et que la mention erronée dans l'acte de notification d'un jugement de la voie de recours ouverte, de son délai ou de ses modalités, a pour effet de ne pas faire courir le délai de recours.

12. La cour d'appel a constaté que, le 20 juin 2018, la SELAS s'est présentée pour former un recours contre les deux décisions du bâtonnier rendues le 7 juin précédent, devant le greffier de la juridiction qui en a dressé procès-verbal, et qu'elle a réitéré ses deux recours par document remis au greffier le 3 juin 2019 précisant les points contestés des décisions du bâtonnier.

13. Elle a relevé, en outre, après avoir recueilli les observations des parties sur ce point, que les notifications par le secrétariat du conseil de l'ordre des décisions du bâtonnier à la SELAS, reçues par celle-ci le 12 juin 2018, ne précisaient pas le point de départ du délai de recours d'un mois.

14. Il en résulte que le défaut de saisine régulière de la cour d'appel par la déclaration orale au greffe du 20 juin 2018 constituait une fin de non-recevoir, laquelle a été valablement régularisée par le recours formé le 3 juin 2019, dès lors, d'une part, que le délai de recours n'avait pas couru en l'absence de mention, dans la notification des décisions du bâtonnier, du point de départ de ce délai, d'autre part, que la cour d'appel, qui a tenu son audience le 16 octobre 2019, n'avait pas encore statué.

15. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues aux articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.

Sur le troisième moyen du pourvoi n° 20-16.276

Enoncé du moyen

16. Mme [J] et MM. [P] et [X] font grief à l'arrêt d'infirmer la décision du bâtonnier en ce qu'elle a annulé les quatrième, cinquième et sixième résolutions votées par l'assemblée générale des associés de la SELAS le 18 avril 2017 et ordonné une mesure d'expertise, et de rejeter leurs demandes en paiement des sommes, respectivement de 8,67 euros, 572 091,58 euros et 3 775 804,45 euros, représentant le prix de cession de leurs actions, alors :

« 1°/ que, si les dispositions de l'article 10 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales, prévoient, « par dérogation à l'article 1843-4 du code civil », que « les statuts peuvent à l'unanimité des associés, fixer les principes et les modalités applicables à la détermination de la valeur des parts sociales », ce n'est que « pour l'application des articles L. 223-14 et L. 228-24 du code de commerce », soit dans les seules hypothèses d'une cession volontaire de parts sociales ou d'actions ; que la cour d'appel a constaté que les associés de catégorie A intimés avaient fait l'objet d'une décision d'exclusion prise par les associés restants de la SELAS ; qu'en énonçant cependant, pour infirmer la décision entreprise ayant ordonné une expertise et débouter les intimés de leur demande en paiement fondée sur la valeur réelle de leurs titres, que l'article 11-25 du règlement prévoit que la sortie d'un associé de catégorie A ne donne droit à aucune indemnisation et que la cession de ses titres s'effectue au nominal et que rien n'interdit dans une SELAS d'adopter ces dispositions statutaires qui font la loi des parties, quand les dispositions des statuts prévoyant les principes et modalités applicables à la détermination de la valeur des titres, n'ont vocation à s'appliquer que pour les seules cessions volontaires de titres, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 10 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, ensemble et par fausse application, des dispositions de l'article 11-25 du règlement ;

2°/ qu'est réputée non écrite, toute clause léonine ayant pour effet d'attribuer, de manière disproportionnée, des droits à un cocontractant ; qu'en l'espèce, les associés de catégorie A sortants faisaient valoir que le cumul, prévu par les statuts et le règlement intérieur de la SELAS, privant un associé sortant, tout à la fois, de la valeur réelle de ses titres alors même qu'il a contribué pendant toute la durée de son exercice au sein de la société à la constitution des réserves, de l'essentiel de sa rémunération pour l'année en cours et, éventuellement, de l'essentiel de sa rémunération pour l'année précédente, avait pour effet d'attribuer à la société des droits de manière disproportionnée de sorte que les dispositions statutaires et du règlement intérieur devaient être jugées léonines, partant réputées non écrites ; qu'en se bornant, pour infirmer la décision entreprise ayant ordonné une expertise et débouté les intimés de leur demande en paiement fondée sur la valeur réelle de leurs titres, à relever que l'article 11-25 du règlement prévoit que la sortie d'un associé de catégorie A ne donne droit à aucune indemnisation et que la cession de ses titres s'effectue au nominal et que rien n'interdit dans une SELAS d'adopter ces dispositions statutaires qui font la loi des parties, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la conjonction des clauses statutaires et du règlement intérieur, privant l'associé sortant de la valeur réelle de ses titres, de l'essentiel de sa rémunération pour l'année en cours et, éventuellement, de l'essentiel de sa rémunération pour l'année précédente, ne caractérisait pas le caractère léonin des stipulations, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1844-1 du code civil. »

Réponse de la Cour

17. En premier lieu, ayant exactement énoncé que rien n'interdisait à la SELAS d'adopter des dispositions statutaires prévoyant la détermination de la valeur des parts à leur valeur nominale et non réelle, et constaté que l'article 11-25 du règlement intérieur prévoyait la cession des titres à une telle valeur pour la sortie des associés de catégorie A, la cour d'appel en a justement déduit que ces dispositions devaient être appliquées, nonobstant l'exclusion de Mme [J] et MM. [P], [X] et [G], prononcée en raison de leur départ de la SELAS sans en avoir démissionné.

18. En second lieu, ayant retenu le caractère léonin de l'article 11.24, alinéa 1er, du règlement intérieur, mais écarté un tel caractère tant de l'article 11.24, alinéa 2, en ce qu'il n'était pas établi que les associés partants se trouveraient dans l'un des cas qui entraînerait la perte de leur rémunération variable votée pour l'année n-1, que des dispositions relatives à la détermination des parts sociales à valeur nominale, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses appréciations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision de ce chef.

19. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

- Président : Mme Duval-Arnould (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Le Gall - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux ; SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles 16 et 152 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ; articles 126 et 680 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 4 février 1987, pourvoi n° 85-17.740, Bull. 1987, II, n° 36 (cassation) ; 1re Civ., 18 février 2015, pourvoi n° 14-50.040, Bull. 2015, I, n° 42 (rejet) ; 1er Civ., 9 juin 2017, pourvoi n° 15-29.346, Bull. 2017, I, n° 135 (cassation).

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