Numéro 9 - Septembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2020

VENTE

3e Civ., 23 septembre 2020, n° 19-18.104, (P)

Cassation

Garantie – Vices cachés – Action en résultant – Action concomitante en responsabilité délictuelle pour dol ou réticence dolosive – Possibilité (non)

L'action en garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue n'est pas exclusive de l'action en responsabilité délictuelle fondée sur le dol ou la réticence dolosive commis avant ou lors de la conclusion du contrat.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 avril 2019), par acte du 15 février 2006, Mme K..., veuve O... a vendu un immeuble à Mme D....

2. Se plaignant de désordres découverts lors de travaux de rénovation, Mme D... a assigné Mme K... sur le fondement de la garantie des vices cachés.

3. La péremption de l'instance a été constatée.

4. Mme D... a assigné Mme K... en réparation du préjudice résultant du coût de travaux et du préjudice de jouissance, sur le fondement de l'article 1382 du code civil pour réticence dolosive.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche

Énoncé du moyen

6. Mme D... fait grief à l'arrêt de rejeter son action en responsabilité délictuelle fondée sur le dol, alors « que l'action en garantie des vices cachés n'est pas exclusive de l'action en responsabilité délictuelle fondée sur le dol ; qu'à l'appui de sa décision, la cour d'appel a estimé que Mme D... était mal fondée en droit à rechercher la responsabilité délictuelle de Mme K... fondée sur le dol de cette dernière, au titre des désordres affectant la chose vendue et ayant la nature de vices rédhibitoires dont la réparation ne peut être sollicitée qu'au titre de l'action en garantie des vices cachés ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1116 et 1382 anciens, les articles 1137 et 1240 du code civil et 1641 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1382, devenu 1240, et 1641 du code civil :

7. Selon le premier de ces textes, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

8. Selon le second, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

9. L'action en garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue n'est pas exclusive de l'action en responsabilité délictuelle fondée sur le dol ou la réticence dolosive commis avant ou lors de la conclusion du contrat.

10. Pour rejeter les demandes de Mme D..., l'arrêt retient que l'action en garantie des vices cachés constitue l'unique fondement susceptible d'être invoqué pour obtenir l'indemnisation des désordres affectant la chose vendue et ayant la nature de vices rédhibitoires, qu'outre le fait que les liens contractuels existant entre Mme K... et Mme D... excluent que la responsabilité délictuelle de la première puisse être recherchée à raison d'une faute qui n'est pas extérieure au contrat puisqu'il lui est fait reproche d'avoir tu des désordres affectant l'immeuble vendu, l'acquéreur ne peut exercer une action en responsabilité pour contourner l'impossibilité dans laquelle il se trouve d'exercer l'action en garantie des vices cachés, prescrite en raison de l'application du délai de deux ans de l'article 1648 du code civil.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Renard - Avocat général : Mme Vassallo (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Ghestin -

Textes visés :

Articles 1382, devenu 1240, et 1641 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur l'action concomitante en nullité pour dol à celle en garantie des vices cachés : 1re Civ., 6 novembre 2002, pourvoi n° 00-10.192, Bull. 2002, I, n° 260 (cassation), et les arrêts cités. Sur l'action concomitante en responsabilité contractuelle à celle en garantie des vices cachés : Com., 19 mars 2013, pourvoi n° 11-26.566, Bull. 2013, IV, n° 45 (2) (rejet), et les arrêts cités.

3e Civ., 17 septembre 2020, n° 17-14.407, n° 17-14.408, (P)

Rejet

Immeuble – Construction – Urbanisme – Permis de construire – Infraction – Poursuites contre le vendeur – Condamnation – Effets quant au sort de l'immeuble – Garanties contractuelles de la part de l'acquéreur – Validité

Est valable la clause aux termes de laquelle l'acquéreur s'engage à garantir le vendeur de l'exécution d'une mesure de démolition et de mise en conformité ordonnée en application de l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme pour faire cesser une situation illicite et qui ne constitue pas une sanction pénale.

Cette garantie contractuelle peut s'étendre au paiement de l'astreinte qui assortit la remise en état des lieux.

Immeuble – Construction – Urbanisme – Permis de construire – Infraction – Poursuites contre le vendeur – Condamnation – Effets quant au sort de l'immeuble – Garanties contractuelles de la part de l'acquéreur – Etendue – Détermination

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° M 17-14.407 et N 17-14.408 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 20 octobre 2016), M. Q... qui, en 2000, avait effectué des travaux d'extension d'un local commercial dans lequel il exploitait un fonds de commerce, a été condamné, le 17 février 2004, par le tribunal correctionnel, à une amende et à remettre les lieux en l'état, sous astreinte.

3. Le 26 août 2005, M. Q..., qui avait interjeté appel, a cédé son fonds de commerce à la société Scamille.

4. L'acte de vente contenait une clause aux termes de laquelle l'acquéreur s'engageait à garantir le vendeur de l'exécution des mesures relatives au démontage de la structure illicitement mise en place et à exécuter à ses frais les travaux destinés à rendre les locaux conformes à la réglementation.

5. Le 4 octobre 2005, la cour d'appel a confirmé le jugement sur la culpabilité de M. Q... et dit que la démolition, à sa charge, de la construction irrégulièrement réalisée devrait intervenir dans le délai d'un an à compter de la date à laquelle l'arrêt deviendrait définitif, sous astreinte de 30 euros par jour de retard.

6. Mis en demeure par l'administration de payer la somme de 20 880 euros au titre de la liquidation de l'astreinte pour la période du 10 octobre 2006 au 5 septembre 2008, M. Q... a assigné la société Scamille pour obtenir le paiement de cette somme et la condamnation de l'acquéreur à remettre les lieux en l'état.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi n° M 17-14.407

Enoncé du moyen

7. La société Scamille fait grief à l'arrêt de déclarer valable la clause de garantie stipulée dans l'acte de vente, alors « que les mesures de restitution prononcées, par le juge pénal, en application de l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme n'incombent qu'au bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l'utilisation irrégulière du sol à l'époque où l'infraction a été commise, sans pouvoir être mises à la charge du tiers acquéreur du bien illégalement construit qui n'a pas été mis en cause, à l'encontre duquel elles ne peuvent faire l'objet de garanties contractuelles ; que la cour d'appel en énonçant, pour dire valable la clause de garantie contractuelle relative à l'exécution de la mesure de restitution ordonnée par l'arrêt du 4 octobre 2005, que les mesures de restitution prévues par l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme, qui ne constituaient pas des sanctions pénales, pouvaient faire l'objet de garanties contractuelles de la part de l'acquéreur d'un bien illégalement construit, a violé l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

8. La cour d'appel a retenu à bon droit que les mesures de démolition et de mise en conformité ordonnées en application de l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme, qui sont destinées à faire cesser une situation illicite, ne constituant pas des sanctions pénales, peuvent faire l'objet de garanties contractuelles de la part de l'acquéreur.

9. La Cour de cassation a déjà admis la validité de ces stipulations (3e Civ., 22 novembre 2006, pourvoi n° 05-14.833, Bull. 2006, III, n° 235).

10. Elle a également jugé que l'astreinte qui, en application de l'article L. 480-7 du code de l'urbanisme, peut assortir la remise en état des lieux constitue elle aussi une mesure à caractère réel destinée à mettre un terme à une situation illicite et non une peine (Crim. 28 juin 2016, pourvoi n° 15-84.868, Bull. Crim. 2016, n° 202).

11. Il en résulte que la garantie contractuelle peut s'étendre au paiement de l'astreinte.

12. La cour d'appel a retenu que, dans l'acte de cession du fonds de commerce, la société Scamille avait consenti, de manière claire, précise et non équivoque et en toute connaissance de cause, au risque de voir ordonner le démontage de la structure illicitement mise en place, et constaté que le prix de cession du fonds de commerce tenait compte des conséquences financières liées à ce démontage et à la remise en état des lieux conformément à la réglementation.

13. Elle en a exactement déduit que cette clause était valable.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen du pourvoi n° M 17-14.407

Enoncé du moyen

15. La société Scamille fait grief à l'arrêt de dire qu'elle a manqué à son engagement contractuel de procéder au démontage de la structure illicitement construire et de la condamner à payer à M. Q... des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, alors « que la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen entraînera nécessairement par voie de conséquence l'annulation de l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que la société Scamille avait manque à son engagement contractuel de procéder au démontage de la structure illicitement construite et l'a, en conséquence, condamnée à payer à M. Q..., en réparation du préjudice subi, la somme de 40 257,86 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2012, date de l'assignation valant mise en demeure, an application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

16. La cassation n'étant pas prononcée sur le premier moyen, le grief tiré d'une annulation par voie de conséquence est devenu sans portée.

Sur le moyen unique du pourvoi n° N 17-14.408

Enoncé du moyen

17. La société Scamille fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que la cassation de l'arrêt rendu le 20 octobre 2016 dans l'instance principale, à intervenir sur le pourvoi distinct formé contre ce dernier arrêt, emportera l'annulation par voie de conséquence du présent arrêt, lequel s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire, conformément à l'article 625 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

18. La cassation n'étant pas prononcée sur le pourvoi n° M 17-14.407, le moyen unique du pourvoi n° N 17-14.408, pris d'une annulation par voie de conséquence, est devenu sans portée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Nivôse - Avocat(s) : SCP Buk Lament-Robillot ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Article L. 480-5 du code de l'urbanisme.

Rapprochement(s) :

Sur la nature des mesures de démolition prévues par l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme, à rapprocher : 3e Civ., 9 septembre 2009, pourvoi n° 07-20.189, Bull. 2009, III, n° 187 (rejet), et l'arrêt cité.

1re Civ., 9 septembre 2020, n° 19-12.573, (P)

Rejet

Vendeur – Obligations – Obligation d'information – Etendue – Actes ayant fait l'objet d'une publication – Existence d'un arrêté préfectoral relatif à un plan de prévention des risques technologiques

Il résulte des articles L. 125-5, I et III, et R. 125-23 à R. 125-27 du code de l'environnement, dans leur rédaction applicable en la cause, que le vendeur d'un bien immobilier n'est tenu d'informer l'acquéreur de l'existence des risques visés par un plan de prévention des risques technologiques prescrit qu'après que le préfet a arrêté la liste des communes concernées, ainsi que, pour chacune d'entre elles, la liste des risques technologiques auxquels elle est exposée et des documents auxquels le vendeur peut se référer.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 7 décembre 2018), par acte sous seing privé du 25 octobre 2007, établi avec le concours de la société AJ immobilier, aux droits de laquelle vient la société Square habitat Atlantique Vendée (l'agence immobilière), M. et Mme R... (les acquéreurs) se sont engagés à acquérir une maison d'habitation située sur le territoire de la commune de Saint-Crespin-sur-Moine et appartenant à Mmes P..., L... et X... M... (les vendeurs).

L'acte de vente a été reçu le 26 mars 2008 par M. U..., notaire associé au sein de la SCP D..., U... et Y..., avec la participation de M. H..., notaire associé au sein de la SCP [...], devenue la société Office notarial de l'estuaire (les notaires). Cet acte mentionne qu'il n'existe pas de plan de prévention des risques technologiques (PPRT) applicable à l'immeuble et comporte, en annexe, un état des risques naturels et technologiques établi sur la base des informations résultant d'un arrêté préfectoral du 16 février 2006.

2. Reprochant aux vendeurs, à l'agence immobilière et aux notaires de ne pas les avoir informés que l'élaboration d'un PPRT autour du site de la société Nitro-Bickford implanté à Saint-Crespin-sur-Moine avait été prescrite par arrêté interpréfectoral du 25 septembre 2007, les acquéreurs les ont assignés en résolution de la vente.

Le PPRT approuvé par arrêté interpréfectoral du 28 octobre 2013 ayant classé leur immeuble en zone d'aléa faible, ils ont, en cours d'instance, abandonné leur demande en résolution et sollicité le remboursement du coût de travaux, ainsi que l'allocation de dommages-intérêts.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Les acquéreurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes tendant à voir condamner in solidum les vendeurs, les notaires et l'agence immobilière à leur payer la somme de 3 593,39 euros, représentant le montant de travaux de reprise, outre la somme de 6 500 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et de jouissance, alors :

« 1°/ qu'en vertu de l'article L. 125-5 du code de l'environnement, les acquéreurs de biens immobiliers situés dans des zones couvertes par un plan de prévention des risques technologiques ou par un plan de prévention des risques naturels prévisibles, prescrit ou approuvé, sont informés par le vendeur de l'existence des risques visés par ce plan ; que la cour d'appel a constaté que les vendeurs avaient, par contrat du 26 mars 2008, et après signature d'un compromis du 25 octobre 2007, vendu aux époux R... une maison située sur la commune de Saint-Crespin-sur-Moine, l'acte précisant l'existence d'un plan de prévention des risques naturels prescrit par arrêté du 16 février 2006 et l'absence de plan de prévention des risques technologiques, informations figurant sur l'état des risques naturels et technologiques annexé à l'acte de vente ; qu'ayant constaté l'existence d'un arrêté interpréfectoral du 25 septembre 2007 prescrivant l'élaboration d'un PPRT autour du site de la société Nitro-Bickford sise à Saint-Crespin- sur-Moine, « sur les parties des territoires des communes de Saint Crespin sur Moine Clisson, Gétigné et Mouzillon » et considéré que l'obligation d'information de l'article L. 125-5 du code de l'environnement s'imposait pour la vente litigieuse aux acquéreurs, la cour d'appel, pour débouter ceux-ci de leurs demandes à l'encontre des vendeurs, a relevé que ceux-ci s'étaient fait assister de professionnels et notamment de l'agence immobilière chargée de solliciter toutes les pièces nécessaires au dossier, de sorte qu'il n'était ni démontré ni allégué qu'ils auraient eu connaissance du PPRT ; qu'en statuant par des motifs insusceptibles d'exonérer les vendeurs de leur obligation d'information à l'égard des acquéreurs prévue par l'article L. 125-5 du code de l'environnement, la cour d'appel en a violé les dispositions ;

2°/ que, tenus d'éclairer les parties sur la portée et les conséquences des actes auxquels ils prêtent leur ministère, les notaires doivent donc procéder à la vérification des faits et des conditions nécessaires pour assurer l'utilité, l'efficacité et la sécurité de ces actes et notamment vérifier, par toutes investigations utiles, spécialement lorsqu'il existe une obligation légale imposée au vendeur et une publicité légale aisément accessible, les déclarations faites par le vendeur et qui, par leur nature ou leur portée juridique, conditionnent la validité ou l'efficacité de l'acte qu'ils dressent, et notamment les informations concernant les risques du site sur lequel se situe l'immeuble objet de la vente ; que la cour d'appel a constaté, d'une part, que les vendeurs avaient, par contrat du 26 mars 2008, et après signature d'un compromis du 25 octobre 2007, vendu aux acquéreurs une maison située sur la commune de Saint-Crespin-sur-Moine, l'acte précisant l'existence d'un plan de prévention des risques naturels prescrit par arrêté du 16 février 2006 et l'absence de plan de prévention des risques technologiques, et d'autre part, qu'un arrêté interpréfectoral du 25 septembre 2007 prescrivant l'élaboration d'un PPRT autour du site de la société Nitro-Bickford sise à Saint-Crespin-sur-Moine, « sur les parties des territoires des communes de Saint Crespin sur Moine Clisson, Gétigné et Mouzillon » et que l'obligation d'information de l'article L. 125-5 du code de l'environnement s'imposait donc pour la vente litigieuse aux acquéreurs ; que, pour exonérer la SCP B... D... T... U... W... Y... de toute responsabilité, la cour d'appel a déclaré, d'une part, que les notaires avaient consulté le dossier communal, qui prévoyait seulement un PPRN, et non un PPRT, de sorte qu'ils n'avaient pas à faire des recherches complémentaires, notamment en consultant le recueil des actes administratifs, aucune pièce ne montrant qu'ils avaient des raisons de soupçonner que ce dossier, fondé sur « les informations mises à la disposition par le préfet du département » et contenant un extrait des arrêts préfectoraux reconnaissant l'état de catastrophes naturelles ou technologiques, n'était plus d'actualité, et d'autre part, que le notaire rédacteur, implanté non loin de Saint-Crespin-sur-Moine, pouvait certes à tout le moins connaître l'existence de l'usine Nitro-Bickford, dont la présence n'avait toutefois pendant longtemps pas donné lieu à un PPRT ; qu'en statuant ainsi, cependant que, tenu d'assurer l'efficacité de l'acte qu'il dressait, le notaire avait l'obligation de procéder à toutes recherches permettant d'actualiser la situation du bien objet de la vente au regard des risques naturels ou technologiques y afférents, a fortiori au regard de l'obligation d'information prévue par l'article L. 125-5 du code de l'environnement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu article 1240 du code civil ;

3°/ que, tenus d'éclairer les parties sur la portée et les conséquences des actes auxquels ils prêtent leur ministère, les notaires doivent donc procéder à la vérification des faits et des conditions nécessaires pour assurer l'utilité, l'efficacité et la sécurité de ces actes et notamment vérifier, par toutes investigations utiles, spécialement lorsqu'il existe une obligation légale imposée au vendeur et une publicité légale aisément accessible, les déclarations faites par le vendeur et qui, par leur nature ou leur portée juridique, conditionnent la validité ou l'efficacité de l'acte qu'ils dressent, et notamment les informations concernant les risques du site sur lequel se situe l'immeuble objet de la vente ; que la cour d'appel a constaté, d'une part, que les vendeurs avaient, par contrat du 26 mars 2008, et après signature d'un compromis du 25 octobre 2007, vendu aux acquéreurs une maison située sur la commune de Saint-Crespin-sur-Moine, l'acte précisant l'existence d'un plan de prévention des risques naturels prescrit par arrêté du 16 février 2006 et l'absence de plan de prévention des risques technologiques, et d'autre part, qu'un arrêté interpréfectoral du 25 septembre 2007 prescrivant l'élaboration d'un PPRT autour du site de la société Nitro-Bickford sise à Saint-Crespin-sur-Moine, « sur les parties des territoires des communes de Saint Crespin sur Moine Clisson, Gétigné et Mouzillon » et que l'obligation d'information de l'article L. 125-5 du code de l'environnement s'imposait donc pour la vente litigieuse aux époux R... ; que pour exonérer la SCP [...] de toute responsabilité, la cour d'appel a déclaré que les notaires avaient consulté le dossier communal, qui prévoyait seulement un PPRN, et non un PPRT, de sorte qu'ils n'avaient pas à faire des recherches complémentaires, notamment en consultant le recueil des actes administratifs, aucune pièce ne montrant qu'ils avaient des raisons de soupçonner que ce dossier, fondé sur « les informations mises à la disposition par le préfet du département » et contenant un extrait des arrêts préfectoraux reconnaissant l'état de catastrophes naturelles ou technologiques, n'était plus d'actualité ; qu'en statuant ainsi, cependant que le notaire avait l'obligation de procéder à toutes recherches permettant d'actualiser la situation du bien objet de la vente au regard des risques naturels ou technologiques y afférents, a fortiori au regard de l'obligation d'information prévue par l'article L. 125-5 du code de l'environnement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

4°/ que les tiers à un contrat sont fondés à invoquer l'exécution défectueuse de celui-ci lorsqu'elle leur a causé un dommage ; que la cour d'appel a constaté, d'une part, que les vendeurs avaient, par contrat du 26 mars 2008, et après signature d'un compromis du 25 octobre 2007, vendu aux acquéreurs une maison située sur la commune de Saint-Crespin-sur-Moine, l'acte précisant l'existence d'un plan de prévention des risques naturels prescrit par arrêté du 16 février 2006 et l'absence de plan de prévention des risques technologiques, et d'autre part, qu'un arrêté interpréfectoral du 25 septembre 2007 prescrivant l'élaboration d'un PPRT autour du site de la société Nitro-Bickford sise à Saint-Crespin-sur-Moine, « sur les parties des territoires des communes de Saint Crespin sur Moine Clisson, Gétigné et Mouzillon

» et que l'obligation d'information de l'article L. 125-5 du code de l'environnement s'imposait donc pour la vente litigieuse aux époux R... ; que, pour exonérer l'agence immobilière, la société AJ immobilier aux droits de laquelle se trouve la Square Habitat, de toute responsabilité, la cour d'appel a déclaré qu'elle avait consulté le dossier communal, qui prévoyait seulement un PPRN, et non un PPRT, de sorte qu'elle n'avait pas à faire des recherches complémentaires, notamment en consultant le recueil des actes administratifs, aucune pièce ne montrant qu'elle avait des raisons de soupçonner que ce dossier, fondé sur « les informations mises à la disposition par le préfet du département » et contenant un extrait des arrêts préfectoraux reconnaissant l'état de catastrophes naturelles ou technologiques, n'était plus d'actualité ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le mandat donné à l'agence immobilière d'obtenir et solliciter toutes pièces, actes et certificats nécessaires au dossier, auprès de toute personne publique ou privée, n'englobait pas l'obligation de faire toutes recherches permettant d'actualiser la situation du bien objet de la vente au regard des risques naturels ou technologiques y afférents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu article 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. L'article L. 125-5, I et III, du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-655 du 8 juin 2005, applicable en la cause, dispose que :

« I.- Les acquéreurs ou locataires de biens immobiliers situés dans des zones couvertes par un plan de prévention des risques technologiques ou par un plan de prévention des risques naturels prévisibles, prescrit ou approuvé, ou dans des zones de sismicité définies par décret en Conseil d'Etat, sont informés par le vendeur ou le bailleur de l'existence des risques visés par ce plan ou ce décret.

A cet effet, un état des risques naturels et technologiques est établi à partir des informations mises à disposition par le préfet.

En cas de mise en vente de l'immeuble, l'état est produit dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 271-4 et L. 271-5 du code de la construction et de l'habitation.

[...]

III.- Le préfet arrête la liste des communes dans lesquelles les dispositions du I et du II sont applicables ainsi que, pour chaque commune concernée, la liste des risques et des documents à prendre en compte. »

5. Conformément aux articles R. 125-23 à R. 125-26 du même code, dans leur rédaction applicable en la cause, l'obligation d'information instituée par le texte précité au profit de l'acquéreur s'applique, dans chacune des communes dont la liste est arrêtée par le préfet, pour les biens immobiliers situés dans le périmètre mis à l'étude dans le cadre de l'élaboration d'un PPRT prescrit, et impose au vendeur d'établir un état des risques qui sont mentionnés dans les documents dont la liste est arrêtée par le préfet, ainsi que dans le dossier annexé à cet arrêté.

6. Selon l'article R. 125-27 dudit code, cette obligation est applicable à compter du premier jour du quatrième mois suivant la publication au recueil des actes administratifs dans le département des arrêtés prévus au III de l'article L. 125-5 précité.

7. Il s'ensuit que le vendeur d'un bien immobilier n'est tenu d'informer l'acquéreur de l'existence des risques visés par un PPRT prescrit qu'après que le préfet a arrêté la liste des communes concernées, ainsi que, pour chacune d'entre elles, la liste des risques technologiques auxquels elle est exposée et des documents auxquels le vendeur peut se référer.

8. En l'espèce, l'arrêt relève que ce n'est que par arrêté du 3 mars 2009 que le préfet de Maine-et-Loire a fixé la liste des communes concernées par le PPRT dont l'élaboration avait été prescrite par arrêté interpréfectoral du 25 septembre 2007, ainsi que les éléments nécessaires à l'information des acquéreurs.

9. Il en résulte qu'au jour de la conclusion de la promesse de vente comme au jour de la signature de l'acte authentique, ni les vendeurs ni, par suite, l'agence immobilière et les notaires n'étaient tenus d'informer les acquéreurs de l'existence des risques visés par ce plan.

10. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués par le moyen, la décision déférée se trouve légalement justifiée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Canas - Avocat(s) : Me Le Prado ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SARL Cabinet Munier-Apaire ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Articles L. 125-5, I et III, et R. 125-23 à R. 125-27 du code de l'environnement.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 19 septembre 2019, pourvoi n° 18-16.700, Bull. 2019, (rejet).

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