Numéro 9 - Septembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2020

UNION EUROPEENNE

1re Civ., 16 septembre 2020, n° 18-20.023, (P)

Cassation sans renvoi

Coopération judiciaire en matière civile – Compétence judiciaire, reconnaissance et exécution des décisions – Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 – Conditions de la reconnaissance – Absence d'inconciliabilité avec une décision rendue entre les mêmes parties – Portée – Détermination

Selon les articles 33, point 1, et 34, point 3, du Règlement CE nº44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit Bruxelles I, une décision rendue dans un Etat membre n'est pas reconnue dans les autres Etats membres si elle est inconciliable avec une décision rendue entre les mêmes parties dans l'État membre requis, cette notion devant être interprétée à la lumière de l'arrêt rendu le 4 février 1988 par la Cour de justice de l'Union européenne (Hoffmann c. Krieg 4 février 1988 C 145/86, point 22), qui, statuant sur l'article 27.3°, de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dont les termes sont identiques à ceux de l'article 34, 3, retient qu'afin d'établir s'il y a inconciliabilité au sens de ce texte, il convient de rechercher si les décisions en cause entraînent des conséquences juridiques qui s'excluent mutuellement. Il en résulte qu' un jugement français qui, rejette une demande d'annulation d'un contrat de prêt et dit cet engagement valable est inconciliable avec une décision étrangère qui, statuant sur le principe de l'exigibilité de la créance et sur une demande en condamnation au paiement retient qu'aucune créance n'a pu naître de l'engagement litigieux.

Reprise d'instance

1. Donne acte à M. B... de ce qu'il reprend l'instance en qualité de liquidateur de la société Oakland Finance.

Désistement partiel

2. Donne acte au liquidateur de la société Oakland Finance de son désistement en ce qu'il est dirigé contre Mme R....

Interruption d'instance

3. L'interruption d'instance, instituée à l'article 370 du code de procédure civile, n'est prévue qu'au bénéfice des héritiers de la partie décédée qui entendent reprendre l'instance. Dès lors que le décès allégué de J... T... n'a pas été notifié par ses héritiers, il n'y a pas lieu d'interrompre l'instance.

Faits et procédure

4. Selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 22 juin 2016, pourvoi n° 15-13.837), et les productions, le 28 avril 1998, M. T... a acquis les actions de la société anonyme Villa Gal (la SAVG) pour un prix de 80 millions de francs.

Les 8 juin et 3 juillet 1998, la SAVG a reconnu avoir emprunté à la société Oakland Finance une somme de 50 millions de francs.

Par acte du 23 août 2000, cette somme a été portée à 60 millions. Deux hypothèques conventionnelles ont été prises en garantie les 22 juillet 1998 et 8 septembre 2000 par la société Oakland Finance sur l'immeuble de la SAVG.

Le 17 avril 2002, la société Oakland Finance a été placée en liquidation.

5. Mise en demeure de payer par le liquidateur, la SAVG l'a assigné, ès qualités, devant le tribunal de grande instance de Nice pour obtenir la nullité de ces contrats et la mainlevée des hypothèques en soutenant que les prêts étaient dépourvus de cause, subsidiairement que leur cause était illicite. K... V..., trustee et représentant légal de la société EGA, est intervenu volontairement à l'instance.

6. Par jugement du 10 décembre 2007, le tribunal a rejeté ces prétentions et dit que les actes sous seing privé des 8 juin 1998 et 23 août 2000 reposaient sur une cause réelle et licite.

7. Entre-temps, soutenant que si les prêts litigieux étaient supposés rembourser une dette contractée par la société SAVG envers la société EGA, dette ensuite cédée à la société Oakland Finance, aucune somme n'était due par la SAVG à la société EGA, la SAVG et M. T... ont saisi la High Court of Justice of London (la High Court) qui, par une décision du 19 novembre 2010, a dit qu'aucune somme n'était due par la SAVG à la société Oakland Finance.

8. Le greffier en chef d'un tribunal de grande instance ayant déclaré exécutoire en France cette décision, Mme R..., héritière de K... V..., a demandé la révocation de cette déclaration.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur les deuxième et troisième branches du moyen, réunies

Enoncé du moyen

10. M. B..., ès qualités, fait grief à l'arrêt de rejeter la contestation formée à l'encontre du certificat de reconnaissance en France de la décision de la High Court of Justice du 19 novembre 2010,de confirmer la reconnaissance en France de cette décision et de dire qu'en conséquence ce jugement produira en France tous ses effets, alors :

« 1°/ que deux décisions sont inconciliables lorsqu'elles entraînent des conséquences juridiques qui s'excluent mutuellement ; que deux jugements peuvent être inconciliables sans que les demandes sur lesquelles ils ont statué aient eu le même objet ; que tel est le cas du jugement qui statue sur la validité d'un contrat tandis que l'autre, statuant sur la demande d'exécution de ce contrat, considère qu'aucune créance n'a pu valablement naître de l'engagement litigieux ; que pour débouter M. N... de son recours contre la décision de reconnaissance de la décision britannique, la cour d'appel a considéré que le procès français portait sur la validité de l'acte d'affectation hypothécaire et a consacré le principe de l'existence des contrats de prêts en cause, tandis que le procès anglais portait sur le principe de l'exigibilité de la créance et que le juge anglais s'est prononcé sur une demande de condamnation en paiement ; que la cour d'appel en a déduit que les demandes n'avaient pas le même objet et ne pouvaient donc entraîner des conséquences s'excluant mutuellement puisque les deux juridictions ne s'étaient pas prononcées sur les mêmes questions ; qu'en statuant ainsi, tandis que le jugement de la High Court de Londres du 19 novembre 2010, qui a considéré que la société SAVG n'était tenue d'aucune dette à l'égard de la société Oakland en liquidation, au titre des prêts litigieux, au motif que ces prêts n'étaient pas valables, était inconciliable avec le jugement du tribunal de grande instance de Nice du 10 décembre 2007, qui a débouté la SAVG de sa demande d'annulation des prêts pour absence de cause ou cause illicite, peu important que les juges français et britannique n'aient pas été saisi des mêmes demandes, la cour d'appel a violé l'article 34 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ;

2°/ qu'en toute hypothèse, deux décisions, dont l'une admet la validité d'un contrat de prêt, dont il résulte une créance pour le prêteur, tandis que l'autre décide qu'aucune somme ne peut être due au prêteur en vertu du même prêt, en conséquence de la nullité de ce contrat, ne peuvent faire l'objet d'une exécution simultanée ; qu'en jugeant qu'était possible l'exécution simultanée du jugement de la High Court de Londres du 19 novembre 2010, qui a considéré que la société SAVG n'était tenue d'aucune dette à l'égard de la société Oakland en liquidation, au titre des prêts litigieux, au motif que ces prêts n'étaient pas valables, et du jugement du tribunal de grande instance de Nice du 10 décembre 2007, qui a dit valables les prêts litigieux, ce dont il résultait une créance de la société Oakland contre la SAVG, la cour d'appel a violé l'article 34 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 34, 3), du règlement CE nº 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit Bruxelles I :

11. Selon l'article 33 point 1) de ce règlement, les décisions rendues dans un Etat membre sont reconnues dans les autres Etats membres, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure.

L'article 34 de ce règlement prévoit toutefois à son 3) qu'une décision n'est pas reconnue si elle est inconciliable avec une décision rendue entre les mêmes parties dans l'État membre requis.

Statuant sur l'article 27.3° de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dont les termes sont identiques à ceux de l'article 34, 3), la Cour de justice des Communautés européennes a précisé qu'afin d'établir s'il y a inconciliabilité au sens de ce texte, il convenait de rechercher si les décisions en cause entraînaient des conséquences juridiques qui s'excluaient mutuellement (CJCE Hoffmann c. Krieg 4 février 1988 C 145/86, point 22).

12. Pour rejeter la contestation du certificat de reconnaissance en France de la décision de la High Court du 19 novembre 2010, confirmer la reconnaissance en France de cette décision et dire qu'en conséquence ce jugement produira en France tous ses effets, après avoir énoncé que deux décisions sont inconciliables si elles sont incompatibles dans leur exécution, l'arrêt retient que le procès français portait sur la validité de l'acte d'affectation hypothécaire, engagement réel soumis aux juridictions françaises, et a consacré le principe de l'existence des contrats de prêts en cause tandis que le procès anglais portait sur le principe de l'exigibilité de la créance et que le juge anglais s'est prononcé sur une demande de condamnation en paiement, de sorte que les demandes n'avaient pas le même objet et ne pouvaient donc entraîner des conséquences s'excluant mutuellement puisque les deux juridictions ne se sont pas prononcées sur les mêmes questions et leur exécution simultanée est possible.

13. En statuant ainsi, alors que le jugement de la High Court du 19 novembre 2010, qui, après avoir retenu qu'aucune somme n'était due par la SAVG à la société EGA, a considéré qu'aucune créance n'avait pu valablement naître de l'engagement litigieux, entraînait des conséquences juridiques qui s'excluaient mutuellement avec celles du jugement du tribunal de grande instance de Nice du 10 décembre 2007 rejetant la demande en nullité de ce même engagement formée par la SAVG, laquelle soutenait que celui-ci était dépourvu de cause dès lors que la dette de la société EGA, supposée le fonder, avait été intégralement réglée avant la cession des actions, de sorte que ces décisions étaient inconciliables, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquence de la cassation

14. Il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile, comme il est suggéré en demande.

15. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit que la décision rendue par la High Court of London le 19 novembre 2010 ne peut être reconnue en France ;

Annule la décision du greffier en chef du tribunal de grande instance de Nice du 2 février 2011 reconnaissant cette décision en France.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Vigneau - Avocat général : M. Poirret - Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Article 370 du code de procédure civile ; articles 33, point 1, et 34, point 3, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000.

Rapprochement(s) :

CJCE, arrêt du 4 février 1988, Hoffmann c. Krieg, C-145/86. A rapprocher : 1re Civ., 28 février 2006, pourvoi n° 04-19.148, Bull. 2006, I, n° 111 (rejet).

Soc., 9 septembre 2020, n° 18-22.971, (P)

Rejet

Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 – article 21, § 1 – Compétence en matière de contrats individuels de travail – Règles applicables – Détermination – Critère – Lieu habituel d'exécution du travail – Applications diverses – Transport aérien – Personnel navigant – Base d'affectation – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 mai 2018), M. A... a été engagé à compter du 21 mars 2016 par la société SRSI, société de portage international de droit andorran, suivant contrat à durée déterminée d'un an, en qualité de steward exerçant des missions pour des filiales africaines et européennes de la société Regourd aviation ayant son siège social à Paris.

Le 12 septembre 2016, la société SRSI a notifié au salarié la rupture de son contrat de travail avec effet au 11 octobre 2016.

2. Le 7 novembre 2016, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Paris de demandes dirigées contre les sociétés Regourd aviation et SRSI et liées à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société SRSI fait grief à l'arrêt de dire qu'en application des articles 20 et 21 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, ainsi que de l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile, le conseil de prud'hommes de Paris est compétent pour connaître de l'ensemble des demandes formées par le salarié à l'encontre de la société SRSI SL et de la SA Regourd aviation et, en conséquence, de renvoyer pour le surplus l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Paris pour qu'il statue au fond sur le litige, alors :

« 1°/ que pour déterminer le tribunal devant lequel peut être attrait l'employeur qui n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre de l'Union européenne par un membre du personnel navigant sur les avions d'une compagnie aérienne, le juge national doit notamment établir dans quel État membre se situe le lieu à partir duquel le travailleur effectue ses missions de transport, celui où il rentre après ses missions, reçoit les instructions sur ses missions et organise son travail, ainsi que le lieu où se trouvent les outils de travail ; qu'à cet égard la notion de « base d'affectation » constitue un élément susceptible de jouer un rôle significatif dans l'identification des indices permettant de déterminer le lieu à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail et, partant, la compétence d'une juridiction susceptible d'avoir à connaître d'un recours formé par lui ; que ce n'est que dans l'hypothèse où, compte tenu des éléments de fait de chaque espèce, ses demandes présenteraient des liens de rattachement plus étroits avec un endroit autre que celui de la « base d'affectation » que se trouverait mise en échec la pertinence de cette dernière pour identifier le lieu à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à constater que le tableau des vols effectués par M. A... pendant la relation contractuelle montre que sur les 41 vols assurés par l'intéressé, 14 vols étaient des vols intérieurs français, 14 vols avaient été opérés entre une ville et un aéroport français et 13 vols entre des villes européennes pour retenir que le lieu à partir duquel M. A... s'acquittait de l'essentiel de ses missions de personnel navigant, c'est-à-dire d'où il partait et où rentrait, était situé en France, et le plus souvent [...], avant de relever par des motifs surabondants que les consignes concernant le « catering » lui avaient été données en France, pour retenir la compétence du conseil de prud'hommes de Paris pour connaître du litige opposant le travailleur à la société andorrane SRSI ; qu'en statuant ainsi, quand il lui appartenait de se déterminer au regard de l'ensemble des indices sus énumérés, de rechercher la base d'affectation du travailleur et d'apprécier si celle-ci était pertinente pour identifier le lieu à partir duquel le travailleur accomplissait habituellement son travail, la cour d'appel a violé les articles 20 et 21 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;

2°/ qu'en toute hypothèse le tribunal devant lequel peut être attrait l'employeur qui n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre de l'Union européenne par un membre du personnel navigant sur les avions d'une compagnie aérienne est celui du lieu à partir duquel le travailleur s'acquitte de l'essentiel de ses obligations à l'égard de son employeur ; qu'en retenant la compétence du conseil de prud'hommes de Paris pour connaître du litige opposant K... A... à la société andorrane SRSI, quand elle constatait que le lieu à partir duquel K... A... s'acquittait de l'essentiel de ses missions de personnel navigant était situé en France, et le plus souvent à [...], non à Paris, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 20 et 21 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. »

Réponse de la Cour

4. Selon les règles de compétence prévues par l'article 21, paragraphe 1, du Réglement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 14 septembre 2017, Crewlink et Ryanair, C-168/16 et C-169/16) et la Cour de cassation (Soc., 28 février 2018, pourvoi n° 16-12.754 et 16-17.505, Bull. 2018, V, n° 38 et 39), l'employeur peut être attrait devant la juridiction du lieu où ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail, c'est-à-dire le lieu où ou à partir duquel il s'acquitte de fait de l'essentiel de ses obligations à l'égard de son employeur. S'agissant de personnel navigant d'une compagnie aérienne ou mis à sa disposition, les juridictions nationales doivent notamment établir dans quel État membre se situe le lieu à partir duquel le travailleur effectue ses missions de transport, celui où il rentre après ses missions, reçoit les instructions sur ses missions et organise son travail, ainsi que le lieu où se trouvent les outils de travail. A cet égard, la notion de base d'affectation constitue un élément susceptible de jouer un rôle significatif dans l'identification des indices permettant de déterminer le lieu à partir duquel des travailleurs accomplissent habituellement leur travail et, partant, la compétence d'une juridiction susceptible d'avoir à connaître d'un recours formé par eux, au sens de l'article 21 du règlement précité. Ce n'est que dans l'hypothèse où, compte tenu des éléments de fait de chaque cas d'espèce, des demandes présenteraient des liens de rattachement plus étroits avec un endroit autre que celui de la base d'affectation que se trouverait mise en échec la pertinence de cette dernière pour identifier le lieu à partir duquel des travailleurs accomplissent habituellement leur travail. Il en résulte que si la notion de base d'affectation constitue un élément susceptible de jouer un rôle significatif dans la notion de lieu où ou à partir duquel le salarié navigant accomplit habituellement son travail, elle ne saurait y être assimilée.

5. Or, il résulte des conclusions de la société SRSI devant la cour d'appel qu'au soutien de la compétence de la juridiction andorrane dans le ressort de laquelle elle a son siège, la société SRSI se bornait à soutenir que le salarié n'avait pas exercé l'essentiel de ses activités en France, sans préciser quelle était sa base d'affectation. Dès lors, la cour d'appel n'était pas tenue de faire une recherche qui ne lui était pas demandée.

Par ailleurs, la cour d'appel a retenu que la société Regourd aviation, ayant son siège à Paris, apparaissait comme un défendeur sérieux dès lors que le salarié exerçait contre elle, prise en sa qualité alléguée de coemployeur, une action directe et personnelle connexe à celle engagée à l'encontre de la société SRSI fondée notamment, et selon lui, par l'existence d'une opération de prêt de main d'oeuvre illicite. Elle en a déduit à bon droit que le salarié pouvait bénéficier de la prorogation de compétence prévue par l'article 42 du code de procédure civile et que le conseil de prud'hommes de Paris était territorialement compétent pour statuer sur l'ensemble de ses demandes.

6.Le moyen ne peut donc être accueilli en aucune de ses branches.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Chamley-Coulet - Avocat(s) : SCP Claire Leduc et Solange Vigand ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Article 21, § 1, du règlement (UE) n° 1215/12 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.

Rapprochement(s) :

Sur la notion de « base d'affectation », critère de détermination du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail dans le domaine du transport aérien, à rapprocher : Soc., 28 février 2018, pourvoi n° 16-12.754, Bull. 2018, V, n° 38, (cassation), et l'arrêt cité ; Soc., 28 février 2018, pourvoi n° 16-17.505, Bull. 2018, V, n° 39, (cassation), et l'arrêt cité. Sur la notion de « base d'affectation », critère de détermination du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail dans le domaine du transport aérien, cf : CJUE, arrêt du 14 septembre 2017, Nogueira e.a. / Crewlink Ltd, C-168/16 et Moreno Osacar / Ryanair, C-169/16.

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