Numéro 9 - Septembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2020

NATIONALITE

1re Civ., 30 septembre 2020, n° 19-19.028, (P)

Rejet

Nationalité française – Acquisition – Modes – Réclamation à raison de la possession d'état – Déclaration – Souscription – Délai raisonnable – Nécessité

Il résulte de l'article 21-13 du code civil que, peut réclamer la nationalité française par déclaration la personne qui a joui, d'une façon constante, de la possession d'état de Français pendant les dix années précédant sa déclaration, à condition d'agir dans un délai raisonnable à compter de la connaissance de son extranéité.

Justifie légalement sa décision la cour d'appel qui, pour juger tardive une déclaration de nationalité, retient, d'une part, que le déclarant ne peut valablement soutenir qu'il ignorait le jugement ayant constaté son extranéité dont il avait fait appel et qui avait été confirmé, d'autre part, qu'il n'explique pas pour quelles raisons, après s'être vu dénier la qualité de Français par ledit jugement, il a attendu plus de dix-sept ans avant de souscrire une déclaration de nationalité française sur le fondement de la possession d'état.

Nationalité française – Acquisition – Modes – Réclamation à raison de la possession d'état – Possession d'état – Existence – Conditions – Bonne foi – Défaut – Jugement constatant l'extranéité du demandeur – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 13 novembre 2018), M. P..., originaire des Comores, a saisi le tribunal de grande instance de Lyon d'une action déclaratoire de nationalité sur le fondement de l'article 21-13 du code civil après s'être vu refuser l'enregistrement de sa déclaration acquisitive de nationalité française souscrite le 11 octobre 2013.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. M. P... fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'a pas souscrit sa déclaration de nationalité dans un délai raisonnable et qu'il n'est pas français, alors « que l'existence d'une décision ne suffit jamais à établir que les parties en ont eu connaissance et qu'en cas d'extranéité constatée, le délai raisonnable pour faire une déclaration de nationalité française en application de l'article 21-13 du code civil ne commence à courir qu'à compter de la connaissance par le déclarant de son extranéité ; qu'en retenant, pour débouter M. P... de son action déclaratoire, que la déclaration de nationalité, ayant été souscrite plus de dix-sept ans après la constatation judiciaire de son extranéité, était nécessairement tardive, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs insuffisants à établir que M. P..., qui soutenait n'avoir été informé de son extranéité qu'en octobre 2013, avait eu effectivement connaissance de l'arrêt du 30 juin 1998 peu après son prononcé ; que ce faisant, elle a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 21-13 du code civil. »

Réponse de la Cour

3. Il résulte de l'article 21-13 du code civil que, peut réclamer la nationalité française par déclaration la personne qui a joui, d'une façon constante, de la possession d'état de Français pendant les dix années précédant sa déclaration, à condition d'agir dans un délai raisonnable à compter de la connaissance de son extranéité.

4. L'arrêt retient que M. P... ne peut valablement soutenir qu'il ignorait le jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 12 septembre 1996 dont il a fait appel et qui a été confirmé par un arrêt du 30 juin 1998, et que si la constatation judiciaire de son extranéité en 1996 n'a pas, à elle seule, pour effet de rendre équivoque sa possession d'état, l'intéressé n'explique pas pour quelles raisons, après s'être vu dénier la qualité de Français en septembre 1996, il a attendu plus de dix-sept ans avant de souscrire une déclaration de nationalité française sur le fondement de la possession d'état.

5. En déduisant de ces énonciations et constatations que M. P... avait eu connaissance de son extranéité en 1996, de sorte que la souscription de sa déclaration de nationalité en 2013 était tardive, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Guihal - Avocat(s) : SCP Le Griel -

Textes visés :

Article 21-13 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 28 juin 2005, pourvoi n° 04-16.800, Bull. 2005, I, n° 285 (rejet), et les arrêts cités.

1re Civ., 2 septembre 2020, n° 19-13.483, (P)

Rejet

Nationalité française – Contentieux – Certificat de nationalité – Délivrance – Exclusion – Cas – Jugement constatant l'extranéité de la personne sur le même fondement juridique

Il résulte de la combinaison des articles 30 et 1355 du code civil que lorsqu'un jugement a constaté l'extranéité d'une personne, un certificat de nationalité française ne peut être délivré ultérieurement à cette même personne sur le même fondement juridique, fût-ce en vertu de pièces nouvelles, sans violer l'autorité de chose jugée.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 juin 2018), un jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 13 juin 2008 a constaté l'extranéité de M. M..., originaire du Sénégal, et un jugement du tribunal de grande instance de Nice du 16 décembre 2009 a prononcé, en raison de l'autorité de chose jugée par cette décision, l'irrecevabilité d'une nouvelle action déclaratoire de nationalité française engagée par l'intéressé.

Le 27 juillet 2011, celui-ci a obtenu la délivrance d'un certificat de nationalité française par le tribunal d'instance de Nice.

Le ministère public l'a assigné afin de faire juger que ce certificat avait été délivré à tort.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. M. M... fait grief à l'arrêt de juger que le certificat de nationalité française qui lui a été délivré le 27 juillet 2011 par le tribunal d'instance de Nice l'a été à tort, alors « que la charge de la preuve incombe à celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants du code civil ; que pour accueillir l'action négatoire du ministère public et confirmer le jugement ayant admis que le certificat de nationalité française n° 580/2011 établi le 27 juillet 2011 au nom de M. R... M... l'avait été à tort, la cour d'appel a considéré que toute demande visant à établir la nationalité française de M. M... se heurtait à l'autorité de chose jugée des jugements du 13 juin 2008 du tribunal de grande instance de Nanterre ayant constaté l'extranéité de ce dernier et du 16 décembre 2009 du tribunal de grande instance de Nice ayant déclaré sa demande en déclaration de nationalité française irrecevable en raison de l'autorité de chose jugée attachée au jugement du 13 juin 2008 ; qu'en statuant ainsi, alors que le certificat de nationalité française dont M. M... s'est prévalu a été délivré postérieurement à ces décisions, si bien que le ministère public devait établir que les documents en vertu desquels il avait été délivré étaient erronés, ainsi qu'il l'alléguait, la cour d'appel a violé l'article 30, alinéa 2, du code civil. »

Réponse de la Cour

3. En premier lieu, aux termes de l'article 1355 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

4. Une offre de preuve nouvelle ne constitue pas un fait ou un événement modifiant la situation antérieurement reconnue en justice qui aurait pour effet d'exclure l'autorité de chose jugée.

5. En second lieu, selon l'article 30 du code civil, la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause. Toutefois, cette charge incombe à celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants.

6. Il résulte de la combinaison de ces textes, que lorsqu'un jugement a constaté l'extranéité d'une personne, un certificat de nationalité française ne peut être délivré ultérieurement à cette même personne sur le même fondement juridique, fût-ce en vertu de pièces nouvelles, sans violer l'autorité de chose jugée.

7. L'arrêt retient que les éléments versés aux dossiers permettent d'établir que l'extranéité de M. M... a été constatée par deux décisions de justice successives, la dernière ayant déclaré l'action irrecevable en raison de l'autorité de la chose jugée. Il ajoute que même si l'instance a été introduite par le ministère public afin de faire établir que le certificat de nationalité délivré à l'intéressé l'a été à tort, il n'en demeure pas moins que toute demande visant à établir qu'il a la nationalité française se heurte à l'autorité de la chose jugée.

L'arrêt relève que les parties sont en effet identiques, que la chose demandée demeure pour M. M... l'obtention de la nationalité française et que la cause reste identique en ce que la demande se fonde sur l'établissement de la nationalité par filiation.

8. La cour d'appel en a exactement déduit, sans inverser la charge de la preuve, que le certificat de nationalité française, délivré en violation de l'autorité de chose jugée, l'avait été à tort.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur la deuxième branche du moyen

Enoncé du moyen

10. M. M... fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs ont modifié la situation antérieurement reconnue en justice ; que pour juger que le certificat de nationalité française établi le 27 juillet 2011 au nom de M. M... l'avait été à tort, la cour d'appel a opposé l'autorité de chose jugée attachée au jugement du 13 juin 2008 rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre ayant constaté l'extranéité de M. M... et celle dont était revêtue le jugement rendu le 16 décembre 2009 par le tribunal de grande instance de Nice ayant déclaré irrecevable la demande de M. M... en reconnaissance de nationalité française en raison de l'autorité de chose jugée attachée au jugement précité du 13 juin 2008 ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si le certificat de nationalité française délivré le 21 juillet 2011 à M. M... ne constituait pas un fait nouveau, comme le soutenait ce dernier, qui permettait d'écarter l'autorité de chose jugée des décisions précédentes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1355 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

11. Il résulte de l'article 30 du code civil, ainsi que des articles 31 et 31-3 du même code, suivant lesquels le certificat de nationalité française est délivré par le greffier en chef, un refus de sa part pouvant faire l'objet d'un recours gracieux devant le ministre de la Justice, que ce certificat ne constitue pas un titre de nationalité, mais un document établi par une autorité administrative afin de faciliter la preuve de la nationalité française (1ère Civ., 4 avril 2019, QPC n° 19-40.001, publié).

12. La délivrance d'un tel document, en raison de sa nature, ne saurait constituer un fait nouveau modifiant la situation antérieurement reconnue en justice, de sorte que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à un moyen inopérant, a légalement justifié sa décision en retenant l'autorité de chose jugée attachée au jugement du 13 juin 2008.

Sur la troisième branche du moyen

Enoncé du moyen

13. M. M... fait encore le même grief à l'arrêt, alors « que la signification d'un jugement ne fait courir le délai de recours que si elle est régulière ; qu'en l'espèce, M. M... a fait valoir que le jugement du 13 juin 2008 du tribunal de grande instance de Nanterre ayant constaté son extranéité ne lui avait pas été régulièrement signifié ; qu'en considérant que l'extranéité de M. M... était acquise sans répondre à ce moyen pertinent, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

14. Il résulte de l'article 480 du code de procédure civile qu'un jugement a, dès son prononcé, l'autorité de chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.

La cour d'appel n'était dès lors pas tenue de répondre au moyen inopérant tiré du défaut de signification régulière du jugement ayant constaté l'extranéité de l'intéressé.

15. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Guihal - Avocat(s) : SCP Boulloche -

Textes visés :

Articles 30 et 1355 du code civil.

1re Civ., 30 septembre 2020, n° 19-17.796, (P)

Rejet

Nationalité française – Nationalité française d'origine – Français par filiation – Conditions – Etablissement de la filiation attributive de nationalité – Modes – Désignation de la mère dans l'acte de naissance – Exclusion – Cas – Enfant majeur né hors mariage à la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 4 juillet 2005

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 2 juillet 2018), aux termes de son acte de naissance, Mme K... est née le [...] à Grand-Bassam (Côte d'Ivoire) de M. K... et de Mme A..., cette dernière étant de nationalité française. Invoquant un jugement supplétif rendu le 25 juillet 2005 par le tribunal de première instance de Grand-Bassam, elle a, par acte du 17 juillet 2014, assigné le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes afin d'obtenir la transcription de son acte de naissance et de son acte de mariage sur les registres français de l'état civil.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. Mme K... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de transcription, sur les registres de l'état civil français, de son acte supplétif de naissance, alors :

« 1°/ que l'acte d'état civil étranger, établi conformément à la loi de l'Etat où il a été dressé, fait foi sauf s'il est irrégulier, falsifié ou mensonger ; qu'en écartant l'acte supplétif sans constater préalablement qu'il était irrégulier, falsifié ou mensonger, les juges du fond, qui se sont affranchis des conditions du texte, ont violé l'article 47 du code civil ;

2°/ que, selon les propres constatations de l'arrêt, l'exigence d'une reconnaissance n'est requise par la loi ivoirienne qu'en l'absence d'acte de naissance ; qu'en l'espèce, un acte de naissance a été produit ; qu'en exigeant une reconnaissance hors des cas où elle était imposée par la loi ivoirienne selon les constatations mêmes de l'arrêt attaqué, les juges du fond ont de nouveau violé l'article 47 du code civil ;

3°/ que la circonstance que la mère n'ait pas été appelée à la procédure gracieuse portée devant le tribunal de première instance de Grand-Bassam ne peut être révélatrice d'une atteinte à l'ordre public international, dès lors notamment qu'en matière gracieuse et dans l'ordre interne, la requête ayant été présentée, la loi laisse aux juges la faculté d'appeler ou d'entendre les personnes dont les intérêts sont susceptibles d'être affectés par cette décision ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 3 du code civil et les principes du droit international privé en tant qu'ils concernent l'ordre public international ;

4°/ que, de la même manière l'absence de Mme K... à la procédure gracieuse ne pouvait pas davantage être regardée comme contraire à l'ordre public international et ce, pour la même raison ; qu'à cet égard l'arrêt a été rendu en violation de 3 du code civil et les principes du droit international privé en tant qu'ils concernent l'ordre public international ;

5°/ qu'en toute hypothèse, seule Mme K... avait de toute façon qualité et intérêt pour se prévaloir de ce que, devant le juge étranger et dans le cadre de la procédure gracieuse, elle n'a pas été appelée ou entendue ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué doit être censuré pour violation de l'article 3 du code civil et les principes du droit international privé en tant qu'ils concernent l'ordre public international. »

Réponse de la Cour

3. En application de l'article 311-14 du code civil, la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant.

4. Si un jugement supplétif régulier, quelle que soit la date à laquelle il est prononcé, est réputé, en raison de son caractère déclaratif, établir la filiation de l'enfant à la date de sa naissance (1re Civ., 17 décembre 2010, pourvoi n° 09-13.957, Bull. 2010, I, n° 272), cette filiation n'emporte des effets utiles en matière de nationalité, pour les enfants nés hors mariage, que dans les conditions prévues par les dispositions combinées de l'article 311-25 du code civil et du 6° du paragraphe II de l'article 20 de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation.

5. Il résulte de ces dispositions combinées que si l'indication de la mère dans l'acte de naissance d'un enfant né hors mariage avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 4 juillet 2005, le 1er juillet 2006, établit la filiation à son égard, elle est sans effet sur la nationalité de l'enfant majeur à cette date.

6. La cour d'appel ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que Mme A... n'avait jamais reconnu Mme K..., née hors mariage, il en résulte que le jugement supplétif d'acte de l'état civil et l'acte de naissance la désignant comme mère étaient sans incidence sur la nationalité de Mme K..., majeure au 1er juillet 2006, de sorte que son acte de naissance ne pouvait être transcrit sur les registres français de l'état civil.

7. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Le Cotty - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article 311-25 du code civil ; article 20, § II, 6°, de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 17 décembre 2010, pourvoi n° 10-10.906, Bull. 2010, I, n° 271 (rejet) ; 1re Civ., 17 décembre 2010, pourvoi n° 09-13.957, Bull. 2010, I, n° 272 (rejet).

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.