Numéro 9 - Septembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2020

LOIS ET REGLEMENTS

3e Civ., 24 septembre 2020, n° 19-16.370, (P)

Cassation sans renvoi

Abrogation – Article 2279 du code civil – Abrogation par la loi du 16 février 2015 – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 12 mars 2019), M. et Mme E..., prétendant que le fonds dont ils sont propriétaires bénéficie d'une servitude de passage sur celui de M. J... et Mme F..., après avoir obtenu en référé l'organisation d'une expertise, les ont assignés, sur le fondement de la protection possessoire, en enlèvement d'une clôture et d'une barrière y faisant obstacle, ainsi qu'en indemnisation de leur préjudice.

Examen du moyen relevé d'office

2. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 9 de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 :

3. L'abrogation, par la loi précitée, de l'article 2279 du code civil, selon lequel les actions possessoires étaient ouvertes dans les conditions prévues par le code de procédure civile à ceux qui possédaient ou détenaient paisiblement, a emporté abrogation des articles 1264 à 1267 du code de procédure civile qui définissaient le régime de ces actions et qui avaient été édictés spécifiquement pour l'application de l'article 2279.

4. Il en résulte que seules les actions en référé assurent, depuis le 18 février 2015, l'exercice de la protection possessoire.

5. Pour accueillir la demande formée par M. et Mme E... le 7 mars 2016, l'arrêt retient que, selon l'article 2278 du code civil, la possession est protégée, sans avoir égard au fond du droit, contre le trouble qui l'affecte ou la menace, que les actions possessoires n'ont pas disparu et que l'obstacle mis par M. J... et Mme F... à l'utilisation du passage qu'ils empruntaient pour accéder à leur parcelle, dépourvue d'accès direct à la voie publique, a été créateur d'un trouble à leur possession qu'il convient de faire cesser.

6. En statuant ainsi, alors que les actions possessoires avaient été abrogées, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

8. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les moyens du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;

Déclare les demandes de M. et Mme E... irrecevables ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Béghin - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 9 de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015.

3e Civ., 24 septembre 2020, n° 18-22.142, (P)

Rejet et sursis à statuer

Application dans le temps – Loi de forme ou de procédure – Application immédiate – Domaine d'application – Article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation – Compétence du président du tribunal de grande instance – procureur de la République partie jointe – loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016

Les dispositions de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, en ce qu'elles prévoient que le président du tribunal de grande instance, saisi sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, statue sur les conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure, sont d'application immédiate aux instances en cours.

Déchéance partielle

1. Il résulte de l'article 978 du code de procédure civile qu'à peine de déchéance du pourvoi, le demandeur à la cassation doit, au plus tard dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée.

2. M. T... s'est pourvu en cassation contre Mme K... M..., épouse T..., M. H... T..., M. I... T... et M. F..., ès qualités, mais son mémoire n'est pas dirigé contre ceux-ci.

3. Il y a lieu, dès lors, de constater la déchéance du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre eux.

Faits et procédure

4. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 juillet 2018), les 7 et 15 juin 2016, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris a assigné en référé M. T..., locataire à Paris d'une maison située en fond de cour d'un immeuble, ainsi que d'un appartement situé dans l'immeuble, en paiement d'une amende civile sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, pour avoir loué l'appartement de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile, en contravention avec les dispositions de l'article L. 631-7 du même code.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen et sur le troisième moyen, pris en sa première branche, réunis

Enoncé du moyen

6. M. T... fait grief à l'arrêt de se prononcer en l'absence du ministère public lors de l'audience et de déclarer la ville de Paris recevable en son intervention volontaire, alors :

« 1°/ que le ministère public est tenu d'assister à l'audience lorsqu'il est partie principale ; que l'arrêt attaqué, qui ne mentionne pas que le ministère public, qui était titulaire de l'action à la date à laquelle elle a été introduite, et ainsi partie principale, était présent à l'audience, a été rendu en violation de l'article 431 du code de procédure civile ;

2°/ que la loi nouvelle qui modifie la titularité d'une action en justice est sans effet sur celles qui sont en cours ; qu'en se fondant, pour déclarer recevable l'intervention volontaire de la ville de Paris et sanctionner à sa demande M. T..., sur la circonstance inopérante qu'était applicable aux procédures en cours la loi du 18 novembre 2016, qui a attribué au maire de la commune, en lieu et place du procureur de la République, la titularité de l'action prévue à l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, la cour d'appel a violé ce texte et l'article 2 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. Les dispositions de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, en ce qu'elles confèrent qualité au maire de la commune pour saisir le président du tribunal de grande instance en cas de violation des règles sur le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation, revêtent le caractère d'une loi de procédure et sont, à ce titre, d'application immédiate aux instances en cours (3e Civ., 16 mai 2019, pourvoi n° 17-24.474, publié).

8. Elles le sont donc également en ce qu'elles prévoient que le président du tribunal de grande instance statue sur conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure.

9. Il en résulte, d'une part, que le ministère public, devenu partie jointe à compter de l'entrée en vigueur de ces dispositions, n'était pas tenu, conformément à l'article 431 du code de procédure civile, d'assister à l'audience qui s'est tenue en appel le 30 avril 2018, d'autre part, que la cour d'appel a retenu, à bon droit, que la ville de Paris avait qualité à agir.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

11. M. T... fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'intervention volontaire de la ville de Paris, alors :

« 1°/ que, dans sa rédaction applicable à la cause, l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation donnait qualité pour agir au maire de la commune dans laquelle était situé le local irrégulièrement transformé ; qu'en déclarant cependant recevable l'intervention volontaire de la ville de Paris, la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

2°/ que sort des limites du litige le juge qui, saisi de l'intervention volontaire d'une commune, la regarde comme celle de son maire ; qu'en retenant, pour la dire recevable, que l'intervention volontaire de la Ville de Paris, représentée par sa maire, devait être comprise comme l'intervention volontaire de cette dernière, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

12. L'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction issue de la loi du 18 novembre 2016, disposait que le président du tribunal de grande instance était saisi « sur requête du maire de la commune dans laquelle était situé le local irrégulièrement transformé ou de l'Agence nationale de l'habitat ».

13. Ce texte ne précisait pas à quel titre le maire, qui peut agir en tant qu'organe exécutif du conseil municipal ou au titre de ses pouvoirs propres, était ainsi désigné.

14. Compte tenu de leur imprécision, ces dispositions doivent être interprétées à la lumière de la loi du 23 décembre 2018 qui a remplacé « maire de la commune » par « commune » et a supprimé de ce texte la référence au maire.

15. Il en résulte que l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable au litige, doit être interprété comme conférant qualité pour agir à la commune représentée par son maire.

16. La cour d'appel a constaté que la ville de Paris, représentée par son maire, est intervenue volontairement.

17. Il en résulte que l'intervention volontaire de la ville de Paris, prise en la personne de son maire, était recevable.

18. Par ce motif de pur droit, substitué à celui-ci critiqué, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée.

Sur le quatrième moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

19. M. T... fait grief à l'arrêt de dire qu'il a enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, alors :

« 1°/ que les chambres d'hôtes sont des chambres meublées situées chez l'habitant, c'est-à-dire dans sa résidence, qu'il s'agisse du même corps de bâtiment ou d'un bâtiment annexe, en vue d'accueillir des touristes, à titre onéreux, pour une ou plusieurs nuitées, assorties de prestations ; qu'en jugeant, pour refuser à M. T... le bénéfice du régime des chambres d'hôtes, que cette activité ne pouvait, en milieu urbain, être exercée dans un local annexe à l'habitation du loueur, sauf à démontrer que l'hôte est locataire ou propriétaire de la totalité de l'ensemble immobilier, la cour d'appel a violé l'article L. 324-3 du code du tourisme ;

2°/ que la cour d'appel qui, après avoir relevé que l'action dont elle était saisie avait été introduite par actes des 7 et 15 juin 2016 et que M. T... avait déclaré le 20 novembre 2015 en mairie son activité de chambre d'hôtes, c'est-à-dire antérieurement à l'introduction de l'instance, a néanmoins retenu que la déclaration était postérieure à l'introduction de l'instance, a violé l'article L. 324-3 du code du tourisme. »

Réponse de la Cour

20. L'article L. 324-3 du code du tourisme définit les chambres d'hôtes comme « des chambres meublées situées chez l'habitant en vue d'accueillir des touristes, à titre onéreux, pour une ou plusieurs nuitées, assorties de prestations. »

21. La location de chambres d'hôtes ne saurait être assimilée à la location d'un logement autonome et indépendant de celui de l'habitant et n'en constituant pas une annexe.

22. Ayant relevé que M. T... habitait la maison du fond de cour de l'immeuble et non l'appartement du 3e étage qu'il laissait en son intégralité à l'usage des sous-locataires, la cour d'appel, abstraction faite d'un motif surabondant critiqué par la seconde branche, en a déduit, à bon droit, que le régime des chambres d'hôtes n'était pas applicable et que la location de cet appartement était soumise aux dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation.

23. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le quatrième moyen, pris en ses troisième à sixième branches, et sur le cinquième moyen, réunis

Enoncé du moyen

24. M. T... fait grief à l'arrêt de dire qu'il a enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation et de le condamner au paiement d'une amende de 25 000 euros, alors :

« 1°/ que, en tout état de cause, les Etats membres ne peuvent subordonner l'accès à une activité de service et son exercice à un régime d'autorisation que si, notamment, la nécessité d'un régime d'autorisation est justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général ; qu'en faisant application des dispositions du code de la construction et de l'habitation qui subordonnent la location d'un local meublé à l'obtention d'une autorisation administrative, sans rechercher si cette restriction à la libre prestation de service était justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général, la cour d'appel a violé le principe de primauté du droit de l'Union européenne, ensemble les articles 9, paragraphe 1, de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 et L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

2°/ que les Etats membres ne peuvent subordonner l'accès à une activité de service et son exercice à un régime d'autorisation que si, notamment, l'objectif poursuivi ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu'un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle ; qu'en faisant application des dispositions du code de la construction et de l'habitation qui subordonnent la location d'un local meublé à l'obtention d'une autorisation administrative, sans rechercher si l'objectif poursuivi par ces dispositions ne pouvait pas être réalisé par une mesure moins contraignante, la cour d'appel a violé le principe de primauté du droit de l'Union européenne, ensemble les articles 9, paragraphe 1, de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 et L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

3°/ que les régimes d'autorisation doivent reposer sur des critères qui encadrent l'exercice du pouvoir d'appréciation des autorités compétentes afin que celui-ci ne soit pas utilisé de manière arbitraire, c'est-à-dire, notamment, des critères clairs, non ambigus et objectifs ; qu'en faisant application de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, qui regarde comme constitutif d'un changement de destination soumis à autorisation le fait de louer un « local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile », dont la mise en oeuvre ne dépend pas de critères clairs, non ambigus et objectifs, la cour d'appel a violé le principe de primauté du droit de l'Union européenne, ensemble les articles 10, paragraphes 1 et 2, de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 et L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

4°/ que les régimes d'autorisation doivent reposer sur des critères qui encadrent l'exercice du pouvoir d'appréciation des autorités compétentes afin que celui-ci ne soit pas utilisé de manière arbitraire, c'est-à-dire, notamment, des critères clairs, non ambigus, objectifs, rendus publics à l'avance, transparents et accessibles ; qu'en faisant application de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, lorsqu'il résulte de l'article L. 631-7-1 du même code que les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations nécessaires sont « fixées par une délibération du conseil municipal », au regard des « objectifs de mixité sociale » et en fonction notamment des « caractéristiques des marchés de locaux d'habitation » et de « la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements », la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 10 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 et violé le principe de primauté du droit de l'Union européenne ;

5°/ que le juge qui prononce l'amende civile prévue à l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges ; qu'en condamnant M. T... au paiement d'une amende civil de 25 000 euros, sans s'expliquer sur les circonstances de l'infraction, la personnalité de son auteur et sa situation personnelle, notamment ses ressources et charges, la cour d'appel a violé les articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation et 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

25. La Cour de cassation a, par deux arrêts (3e Civ., 15 novembre 2018, pourvoi n° 17-26.156 ; 3e Civ., 15 novembre 2018, pourvoi n° 17-26.158), renvoyé à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles suivantes :

1°/ La directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, eu égard à la définition de son objet et de son champ d'application par ses articles 1 et 2, s'applique-t-elle à la location à titre onéreux, même à titre non professionnel, de manière répétée et pour de courtes durées, d'un local meublé à usage d'habitation ne constituant pas la résidence principale du loueur, à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile, notamment au regard des notions de prestataires et de services ?

2°/ En cas de réponse positive à la question précédente, une réglementation nationale, telle que celle prévue par l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, constitue-t-elle un régime d'autorisation de l'activité susvisée au sens des articles 9 à 13 de la directive 2006/123 du 12 décembre 2006 ou seulement une exigence soumise aux dispositions des articles 14 et 15 ?

Dans l'hypothèse où les articles 9 à 13 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 sont applicables :

3°/ L'article 9 sous b) de cette directive doit-il être interprété en ce sens que l'objectif tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location constitue une raison impérieuse d'intérêt général permettant de justifier une mesure nationale soumettant à autorisation, dans certaines zones géographiques, la location d'un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile ?

4°/ Dans l'affirmative, une telle mesure est-elle proportionnée à l'objectif poursuivi ?

5°/ L'article 10, paragraphe 2, sous d) et e) de la directive s'oppose-t-il à une mesure nationale qui subordonne à autorisation le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation « de manière répétée », pour de « courtes durées », à une « clientèle de passage qui n'y élit pas domicile » ?

6°/ L'article 10, paragraphe 2, sous d) à g) de la directive s'oppose-t-il à un régime d'autorisation prévoyant que les conditions de délivrance de l'autorisation sont fixées, par une délibération du conseil municipal, au regard des objectifs de mixité sociale, en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d'habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements ?

26. Au regard des questions préjudicielles précitées, la décision de la Cour de justice de l'Union européenne à intervenir est de nature à influer sur la solution de ces moyens.

27. Il y a lieu, dès lors, de surseoir à statuer sur ces griefs jusqu'au prononcé de celle-ci.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CONSTATE la déchéance du pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre Mme K... M..., épouse T..., M. H... T..., M. I... T... et M. F..., ès qualités ;

REJETTE les trois premiers moyens et le quatrième moyen, en ses première et deuxième branches, du pourvoi ;

SURSOIT à statuer sur le quatrième moyen, pris en ses troisième à sixième branches, et sur le cinquième moyen du pourvoi jusqu'au prononcé de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne dans les affaires C-724/18 et C-727/18 ;

Renvoie la cause et les parties à l'audience du 19 janvier 2021.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Collomp - Avocat général : Mme Guilguet-Pauthe - Avocat(s) : Me Laurent Goldman ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ; article 2 du code civil ; article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ; article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation ; article L. 324-3 du code du tourisme.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 16 mai 2019, pourvoi n° 17-24.474, Bull. 2019, (rejet). Sur la qualité à agir en cas de violation des règles sur le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation, à rapprocher : 3e Civ., 15 janvier 2003, pourvoi n° 01-03.076, Bull. 2003, III, n° 8 (cassation).

2e Civ., 17 septembre 2020, n° 18-23.626, (P)

Rejet

Application dans le temps – Loi de forme ou de procédure – Application immédiate – Domaine d'application – Décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 – Interprétation nouvelle par la Cour de cassation – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 septembre 2018), la société T. Imar Bankasi T.A.S.(la banque) ayant fait faillite, la société Müflis T. Imar bankasi T.A.S Iflas idaresi (le liquidateur), a engagé des procédures judiciaires à l'encontre de ses dirigeants, dont M. N.... Ce dernier ayant été condamné par des jugements du tribunal de première d'instance d'Istanbul à payer une certaine somme à la banque, le liquidateur de la banque a fait procéder à plusieurs saisies conservatoires de créances et de droits d'associé et valeurs mobilières, ainsi qu'à une saisie conservatoire de meubles corporels pratiquée au domicile de M. N.... Ce dernier a saisi un juge de l'exécution à fin de contester ces mesures.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. Le liquidateur de la banque fait grief à l'arrêt d'annuler la saisie conservatoire de meubles du 25 août 2017, alors « que l'article 910-4 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès leurs conclusions mentionnées à l'article 905-2, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond ; que l'article 954 ajoute que les prétentions sont récapitulées dans un dispositif, la cour d'appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif ; qu'en prononçant l'infirmation du jugement en ce qu'il avait rejeté la contestation de M. N... portant sur la saisie conservatoire de meubles du 25 août 2017 et en ce qu'il avait condamné M. N... aux dépens, après avoir constaté que dans le dispositif de ses premières conclusions du 13 mars 2018, signifiées dans le délai d'un mois de l'article 905-2 du code de procédure civile, il n'était pas demandé l'infirmation du jugement, la cour d'appel a violé les articles 905-2, 910-4 et 954 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement.

5. Cependant, l'application immédiate de cette règle de procédure, qui résulte de l'interprétation nouvelle d'une disposition au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 et qui n'a jamais été affirmée par la Cour de cassation dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d' appel antérieure à la date du présent arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.

6. Ayant constaté que dans le dispositif de ses conclusions, signifiées le 13 mars 2018, l'appelant ne demandait pas l'infirmation du jugement attaqué mais l'annulation des saisies, leur mainlevée ou leur cantonnement, la cour d'appel ne pouvait que confirmer ce jugement.

7. Toutefois, la déclaration d'appel étant antérieure au présent arrêt, il n'y a pas lieu d'appliquer la règle énoncée au paragraphe 4 au présent litige.

8. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues aux articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié.

Sur le second moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches

Enoncé du moyen

9. Le liquidateur de la banque fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution, qui dispose qu'à l'expiration d'un délai de huit jours à compter d'un commandement de payer signifié par un huissier de justice et resté sans effet, celui-ci peut, sur justification du titre exécutoire, pénétrer dans un lieu servant à l'habitation et, le cas échéant, faire procéder à l'ouverture des portes et meubles, n'est applicable qu'aux mesures d'exécution forcée et non aux mesures conservatoires ; qu'en annulant les saisies conservatoires mobilières pratiquées le 25 août 2017 pour non-respect de l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution, ce texte étant inapplicable aux saisies conservatoires, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution ;

2°/ que la référence, par l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution, à un commandement de payer signifié par un huissier de justice resté sans effet, en ce qu'elle laisse penser que le texte se rapporte à la seule saisie vente, ainsi d'ailleurs qu'il ressort des travaux parlementaires, puisque l'exigence d'un commandement de payer pour une saisie conservatoire retirerait tout effet utile à la saisie, en affecte la cohérence et la clarté quant à son champ d'application ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ qu'à supposer l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution applicable aux mesures conservatoires, le non-respect de cette disposition, qui prévoit qu'à l'expiration d'un délai de huit jours à compter d'un commandement de payer signifié par un huissier de justice resté sans effet, celui-ci peut, sur justification du titre exécutoire, pénétrer dans un lieu servant à l'habitation et, le cas échéant, faire procéder à l'ouverture des portes et meubles, n'est pas sanctionné par la nullité de la saisie conservatoire ; qu'en annulant les saisies conservatoires mobilières pratiquées le 25 août 2017 pour non-respect de l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution, ce texte, à le supposer applicable aux saisies conservatoires, n'étant pas sanctionné par la nullité de la saisie conservatoire, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

10. Selon l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution, à l'expiration d'un délai de huit jours à compter d'un commandement de payer signifié par un huissier de justice et resté sans effet, celui-ci peut, sur justification du titre exécutoire, pénétrer dans un lieu servant à l'habitation et, le cas échéant, faire procéder à l'ouverture des portes et des meubles.

11. Nonobstant l'emplacement de ce texte dans le Livre 1 du code des procédures civiles d'exécution, intitulé « dispositions générales », sa lettre même, qui exige que l'entrée dans un lieu servant à l'habitation et l'ouverture éventuelle des portes et des meubles soient précédées d'un commandement et que l'huissier de justice justifie d'un titre exécutoire, exclut son application à une mesure conservatoire, qui, en application de l'article L. 511-1 du même code, ne nécessite pas la délivrance préalable d'un commandement et peut être accomplie sans titre exécutoire.

12. Toutefois, s'il résulte de l'article L. 521-1 du même code, selon lequel la saisie conservatoire peut porter sur tous les biens meubles, corporels ou incorporels appartenant au débiteur, que le créancier peut faire procéder à la saisie conservatoire des biens de son débiteur situés dans un lieu servant à l'habitation et, le cas échéant procéder à cet effet à l'ouverture des portes et des meubles, le droit, à valeur constitutionnelle, au respect de la vie privée et à l'inviolabilité du domicile, également consacré par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, exclut qu'une telle mesure puisse être pratiquée sans une autorisation donnée par un juge.

13. Une mesure conservatoire ne peut, par conséquent, être pratiquée dans un lieu affecté à l'habitation du débiteur par le créancier sans que le juge de l'exécution l' y ait autorisé en application de l'article R. 121-24 du code des procédures civiles d'exécution, et ce même dans l'hypothèse prévue à l'article L. 511-2 du même code dans laquelle le créancier se prévaut d'un titre exécutoire ou d'une décision de justice qui n'a pas encore force exécutoire. A défaut, la mesure doit être annulée.

14. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, substitué à ceux critiqués, l'arrêt, qui a constaté que l'huissier de justice n'était pas muni de l'autorisation d'un juge pour pénétrer dans le lieu servant à l'habitation de M. N..., se trouve légalement justifié.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Lemoine - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Ortscheidt ; SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Articles 542 et 954 du code de procédure civile ; article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; articles R. 121-24 et L. 511-2 du code des procédures civiles d'exécution.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.