Numéro 9 - Septembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2020

JUGEMENTS ET ARRETS

2e Civ., 17 septembre 2020, n° 19-17.721, (P)

Cassation

Exécution – Exécution aux risques et périls du demandeur – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 novembre 2018), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 12 mai 2016, pourvoi n° 15-18.052), M. N... a été condamné, le 3 avril 2006, par un jugement assorti de l'exécution provisoire, à payer une certaine somme à M. G..., qui a fait procéder à la saisie d'un véhicule automobile appartenant à M. N..., le 12 septembre 2006. Ce jugement a été confirmé par l'arrêt d'une cour d'appel du 23 février 2010.

2. Par jugement du 2 septembre 2007, assorti de l'exécution provisoire, un juge de l'exécution a rejeté la demande de mainlevée de la mesure d'exécution formée par M. N..., qui soutenait que le véhicule saisi, nécessaire à son activité professionnelle, était insaisissable.

3. Ce jugement a été infirmé par un arrêt du 29 juin 2009, qui a ordonné la mainlevée de la saisie.

4. Le véhicule ayant, entre-temps, été vendu aux enchères publiques, M. N... a saisi un tribunal de grande instance aux fins d'indemnisation de divers préjudices.

L'arrêt de la cour d'appel qui avait accueilli partiellement ces demandes a été cassé en toutes ses dispositions, au visa de l'article 12, alinéa 1er, du code de procédure civile, la cour d'appel n'ayant pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, faute d'avoir précisé le fondement juridique de sa décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. M. N... fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions au fond et, statuant à nouveau, de dire qu'il ne rapporte pas la preuve d'une faute de M. G... et de rejeter toutes ses demandes en paiement, alors « que l'exécution d'un jugement assorti de l'exécution provisoire n'a lieu qu'aux risques et périls de celui qui la poursuit, à charge pour lui d'en réparer, en cas d'infirmation de la décision exécutée, les conséquences dommageables sans qu'il soit nécessaire de relever une faute à son encontre ; qu'en déboutant M. N... de ses prétentions indemnitaires découlant de l'exécution provisoire du jugement rendu par le juge de l'exécution en date du 2 août 2007, infirmé par l'arrêt de la cour d'appel de Colmar en date du 19 juin 2009, en relevant que la preuve ne serait pas rapportée que M.G... aurait commis une faute en poursuivant l'exécution provisoire d'une décision de justice, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 1382 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution :

6. Selon cet article, sous réserve des dispositions de l'article L. 311-4 du même code, l'exécution forcée peut être poursuivie jusqu'à son terme en vertu d'un titre exécutoire à titre provisoire. Elle n'a lieu qu'aux risques de celui qui la poursuit, à charge pour lui, si le titre est ultérieurement modifié, d'en réparer les conséquences dommageables et de rétablir ainsi le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent.

7. Pour infirmer le jugement en toutes ses dispositions au fond et rejeter toutes les demandes en paiement de M. N... dirigées contre M. G..., l'arrêt retient qu'il ne rapporte pas la preuve d'une faute de ce dernier.

8. En statuant ainsi, en se fondant sur le fait que la preuve ne serait pas rapportée que M. G... aurait commis une faute en poursuivant l'exécution provisoire d'une décision de justice, alors qu'il avait poursuivi l'exécution de la saisie jusqu'à son terme, à ses risques, quand bien même un appel avait été exercé contre le jugement, exécutoire par provision, qui avait rejeté la contestation de la saisie formée par le débiteur et ordonné la mainlevée de la saisie avait été ordonnée, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Aix-en-Provence autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Leroy-Gissinger - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 22 janvier 2004, pourvoi n° 01-00.580, Bull. 2004, II, n° 18 (cassation), et l'arrêt cité ; 3e Civ., 21 octobre 2009, pourvoi n° 08-12.687, Bull. 2009, III, n° 230 (rejet), et l'arrêt cité.

2e Civ., 17 septembre 2020, n° 19-17.360, (P)

Cassation

Notification – Signification à partie – Première signification irrégulière – Signification postérieure – Régularité – Condition

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 avril 2019), un conseil des prud'hommes a, par jugement du 15 septembre 2016, dit que la convention de rupture conventionnelle passée entre M. I... et son employeur, la société C3F, était régulière mais a débouté le salarié de ses demandes indemnitaires.

2. Le jugement a été notifié à M. I..., le 4 octobre 2016.

La notification comportait une erreur relative aux modalités de représentation devant la cour d'appel.

3. M. I... a interjeté appel du jugement par le Réseau Privé Virtuel Avocat (RPVA) devant la cour d'appel de Paris, le 3 novembre 2016.

4. Une seconde notification a été reçue le 4 novembre 2016, par M. I... mentionnant que la représentation était obligatoire devant la cour d'appel.

5. Par ordonnance du 9 novembre 2016, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris a déclaré l'appel de M. I... irrecevable.

6. M. I... a formé un nouvel appel devant la cour d'appel de Versailles, le 3 avril 2017.

Le président de la chambre saisie a fixé un calendrier de procédure, le 5 juillet 2017 faisant application des dispositions des articles 905 et suivants du code de procédure civile. Il a, par ordonnance du 23 janvier 2019, déclaré irrecevable l'incident tendant à voir déclarer cet appel irrecevable.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7.M. I... fait grief à l'arrêt de déclarer son appel irrecevable alors :

« 1°/ qu'une seconde notification d'un jugement, faisant suite à une première notification ayant comporté des mentions erronées quant aux modalités d'exercice du recours juridictionnel, n'est pas de nature à faire courir le délai d'appel, même si elle n'est pas entachée d'erreur en ce qui a trait aux modalités d'exercice du recours, sauf si cette seconde notification indique que la précédente était erronée et qu'elle se substitue à elle ou la rectifie ; qu'en retenant au contraire qu'en l'état d'une première notification erronée, il n'était pas nécessaire que la seconde notification indique être rectificative de la précédente pour que puisse courir le délai du recours juridictionnel, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, les articles 651, 680 et 693 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en privant le salarié d'accès au juge d'appel, sans qu'il soit constaté que la seconde notification avait indiqué rectifier la précédente ni donc que le salarié avait été mis en mesure de connaître les modalités d'appel dans des conditions lui permettant d'exercer utilement son droit au recours, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 651 et 680 du code de procédure civile, et l'article 6,§1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

8. Il résulte de ces textes qu'une notification, intervenue après une première notification irrégulière, ne peut faire courir le délai de recours si elle ne précise pas qu'elle se substitue à la première.

9. Pour déclarer l'appel formé le 3 avril 2017 irrecevable comme tardif, l'arrêt retient que la première notification reçue le 4 octobre 2016, qui comportait l'adresse du greffe de la cour d'appel de Versailles au verso de l'acte, sous la mention « appel », ne mentionnait pas les modalités précises modifiées substantiellement depuis le 1er août 2016 mais contenait les modalités de la procédure orale applicable antérieurement à cette date et que, par conséquent, cette notification ne faisait pas courir le délai d'appel.

10. L'arrêt ajoute que la seconde notification contenant les nouvelles modalités de la procédure écrite, reçue le 4 novembre 2016, était nécessairement rectificative, même sans mention expresse alors qu'elle succédait à la première notification erronée.

11. En statuant ainsi, alors que la notification effectuée par le greffe, le 4 novembre 2016 ne précisait pas qu'elle se substituait à celle irrégulièrement faite auparavant, le 4 octobre 2016, de sorte que cette notification irrégulière n'avait pas fait courir le délai de recours, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Maunand - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles 651 et 680 du code de procédure civile ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

Dans le même sens que : 2e Civ., 22 mai 2008, pourvoi n° 06-14.665, Bull. 2008, II, n° 120 (cassation).

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