Numéro 9 - Septembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2020

COPROPRIETE

3e Civ., 10 septembre 2020, n° 19-13.373, (P)

Rejet

Action en justice – Action formée contre le syndicat – Action exercée par un tiers – Action en suppression de vues droites crées sur le terrain d'autrui – Recevabilité

Saisie par le propriétaire d'une maison, dont le terrain jouxte un immeuble en copropriété, d'une action, dirigée contre le syndicat de copropriétaires, en suppression de fenêtres percées dans le mur en limite de propriété et créant des vues droites sur son terrain, ainsi que de tablettes débordant sur sa propriété, une cour d'appel juge à bon droit que, les fenêtres percées dans le mur de façade, la fenêtre de toit installée en toiture et les tablettes constituant des parties privatives, l'action est irrecevable.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 27 novembre 2018), Mme W..., propriétaire d'une maison d'habitation dont le terrain arrière jouxte un immeuble soumis au statut de la copropriété, soutenant que les fenêtres percées dans le mur en limite de propriété créaient des vues droites sur son terrain et que les tablettes des fenêtres débordaient sur sa propriété, a assigné le syndicat des copropriétaires en suppression de ces vues et tablettes et en dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. Mme W... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande en suppression des vues et tablettes, alors « que le syndicat des copropriétaires qui a pour objet la conservation de l'immeuble et l'administration des parties communes, a qualité pour agir en vue de la sauvegarde des droits y afférents ; qu'en se fondant pour déclarer irrecevable l'action de Mme W... en suppression par le syndicat des copropriétaires des fenêtres et de leurs tablettes et des jours percés dans le mur séparatif et dans la toiture qui sont des parties communes de l'immeuble en copropriété, sur la circonstance que ces fenêtres, jours et tablettes constituent selon le règlement de copropriété des parties privatives, la cour d'appel a violé les articles 15 et 14 de la loi du 10 juillet 1965. »

Réponse de la Cour

3. La cour d'appel a relevé que, si les travaux litigieux touchaient au mur de façade et à la toiture, définis comme des parties communes, il ressortait de l'article 1er du règlement de copropriété que tel n'était pas le cas des fenêtres et lucarnes éclairant des parties divises et que, si les ornements de façade étaient communs, les balustrades des balcons et balconnets, les persiennes, fenêtres, volets et accessoires ne l'étaient pas.

4. Elle en a déduit, à bon droit, que, les fenêtres percées dans le mur de façade, la fenêtre de toit installée en toiture et les tablettes constituant des parties privatives, l'action ne pouvait être dirigée contre le syndicat des copropriétaires.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. Mme W... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande en réparation du préjudice résultant des vues droites et jours illicites, alors « que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par le fait duquel il est arrivé à le réparer ; que si les fenêtres percées dans le mur de façade et le velux installé en toiture, dont il est demandé la suppression constituent des parties privatives aux propriétaires qui les ont créées, le syndicat des copropriétaires qui a autorisé le percement de fenêtres et jours illicites dans les parties communes de l'immeuble, avait néanmoins qualité pour défendre à l'action en réparation du préjudice résultant de sa faute ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien devenu 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. Il ne résulte ni des conclusions ni de l'arrêt que Mme W... ait soutenu que le syndicat des copropriétaires avait commis une faute en autorisant le percement des fenêtres et jours dans les mur et toiture.

8. Le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit, et partant irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Dagneaux - Avocat général : M. Sturlèse - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles 14 et 15 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.

Rapprochement(s) :

Sur la recevabilité de l'action d'un tiers contre un syndicat des copropriétaires, à rapprocher : 3e Civ., 7 mai 2003, pourvoi n° 01-00.541, Bull. 2003, III, n° 99 (cassation).

3e Civ., 10 septembre 2020, n° 19-17.045, (P)

Cassation partielle

Parties communes – Charges – Répartition – Clause relative à la répartition – Action en contestation – Prescription

L'assemblée générale des copropriétaires est l'organe habilité à modifier le règlement de copropriété, l'article 43 de la loi du 10 juillet 1965 n'exclut pas le pouvoir de cette assemblée de reconnaître le caractère non écrit d'une clause d'un règlement de copropriété et tout copropriétaire ou le syndicat des copropriétaires peuvent, à tout moment, faire constater l'absence de conformité aux dispositions de l'article 10, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1965, de la clause de répartition des charges, qu'elle résulte du règlement de copropriété, d'un acte modificatif ultérieur ou d'une décision d'assemblée générale, et faire établir une nouvelle répartition conforme à ces dispositions.

Parties communes – Charges – Répartition – Clause relative à la répartition – Caractère non écrit – Constatation – Compétence – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 février 2019), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 18 janvier 2018, pourvoi n° 16-26.072, Bull. 2018, III, n° 4), par acte du 31 mai 1983, l'immeuble situé [...], composé de deux lots, a été placé sous le régime de la copropriété.

Par acte du 30 mai 1984, le lot n° [...] a été divisé et remplacé par les lots n° [...] à [...]. Une assemblée générale du 21 juin 2011 a, en sa résolution n° 5, contesté la légalité du modificatif de l'état descriptif de division du 30 mai 1984 et exigé sa rectification.

2. M. Q... X..., propriétaire des lots [...]... et [...], a assigné le syndicat des copropriétaires et la SCI Auteuil-Boulogne, propriétaire du lot [...], en annulation de cette résolution.

Le syndicat des copropriétaires a appelé la société Groupe immobilier Europe à l'instance.

3. La société Auteuil-Boulogne et le syndicat des copropriétaires ont invoqué l'inopposabilité à leur égard de l'acte du 30 mai 1984.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième et sixième moyens, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième et le cinquième moyens, réunis

Enoncé du moyen

5. La société Auteuil-Boulogne et le syndicat des copropriétaires font grief à l'arrêt de rejeter leur demande, alors :

« 1°/ que l'action tendant à voir déclarer une clause inopposable, comme non écrite, parce qu'elle a pour objet de mettre le règlement de la copropriété en conformité avec le droit existant, est imprescriptible ; qu'en déboutant la SCI Auteuil-Boulogne et le syndicat des copropriétaires de leur demande tendant à voir déclarer inopposable, c'est-à-dire non écrite, au syndicat de copropriétaires la répartition des charges des lots 3 à [...] au motif qu'il s'agirait d'une action personnelle soumise au régime de prescription de dix ans prévu à l'article 42 de la loi de 1965, la cour d'appel a violé l'article 43 de la loi du 10 juillet 1965 ;

2°/ que l'action tendant à voir déclarer une clause non écrite, parce qu'elle a pour objet de mettre le règlement de la copropriété en conformité avec le droit existant, est imprescriptible ; qu'en déboutant la SCI Auteuil-Boulogne et le syndicat des copropriétaires de leur demande tendant à voir déclarer inopposable au syndicat de copropriétaires l'état descriptif de division des mêmes lots et la répartition en parties communes spéciales au motif qu'il s'agirait d'une action personnelle soumise au régime de prescription de dix ans prévu à l'article 42 de la loi de 1965, la cour d'appel a violé l'article 43 de la loi du 10 juillet 1965. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 43 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa rédaction alors applicable :

6. Selon ce texte, toutes clauses contraires aux dispositions des articles 6 à 37, 41-1 à 42 et 46 et à celles du décret pris pour leur application sont réputées non écrites.

7. Pour rejeter la demande de la société Auteuil-Boulogne et du syndicat des copropriétaires, l'arrêt retient que, si la répartition des quotes-parts de parties communes et de charges entre les lots n° 3 à [...] n'a pas été soumise à une assemblée générale, contrairement à ce qu'exige l'article 11, alinéa 3, et si cette disposition est d'ordre public, elle ne peut permettre au syndicat des copropriétaires de contester, vingt-sept ans après sa publication, l'acte modificatif du 30 mai 1984 qui contient ces répartitions, alors que le délai de prescription des actions personnelles dans une copropriété est de dix ans et que l'imprescriptibilité invoquée par la société Auteuil-Boulogne et le syndicat des copropriétaires ne concerne que les demandes tendant à voir déclarer non écrite une clause d'un règlement de copropriété, ce qui ne peut être effectué que par le juge, et que l'annulation de la résolution n° 5 de l'assemblée générale et les motifs qui y ont conduit entraînent le rejet de la demande tendant à l'inopposabilité à la société Auteuil-Boulogne et au syndicat des copropriétaires de l'acte modificatif du 30 mai 1984.

8. En statuant ainsi, alors que l'assemblée générale des copropriétaires est l'organe habilité à modifier le règlement de copropriété, que l'article 43 précité n'exclut pas le pouvoir de cette assemblée de reconnaître le caractère non écrit d'une clause d'un règlement de copropriété et que tout copropriétaire ou le syndicat des copropriétaires peuvent, à tout moment, faire constater l'absence de conformité aux dispositions de l'article 10, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1965, de la clause de répartition des charges, qu'elle résulte du règlement de copropriété, d'un acte modificatif ultérieur ou d'une décision d'assemblée générale, et faire établir une nouvelle répartition conforme à ces dispositions, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le quatrième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. La société Auteuil-Boulogne et le syndicat des copropriétaires font grief à l'arrêt de rejeter la demande, alors « que l'article 43 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que sont réputées non écrites les clauses contraires aux dispositions des articles 6 à 37 de cette loi ; que son article 11 prévoit que la répartition des charges ne peut être modifiée que par l'assemblée générale des copropriétaires ; que, constatant que la modification de la répartition des quotes-parts et des charges par l'acte modificatif de 1984 n'avait pas été soumise au vote de l'assemblée générale des copropriétaires, la cour d'appel, qui se refuse néanmoins à déclarer cette modification non écrite, a violé les articles 11 et 43 de la loi du 10 juillet 1965. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 11, alinéa 2, et 43 de la loi du 10 juillet 1965, dans sa rédaction alors applicable :

10. Aux termes du premier de ces textes, en cas d'aliénation séparée d'une ou plusieurs fractions d'un lot, la répartition des charges entre ces fractions est, lorsqu'elle n'est pas fixée par le règlement de copropriété, soumise à l'approbation de l'assemblée générale statuant à la majorité prévue à l'article 24.

Aux termes du second, toutes clauses contraires aux dispositions des articles 6 à 37, 41-1 à 42 et 46 et à celles du décret pris pour leur application sont réputées non écrites. Lorsque le juge, en application de l'alinéa premier du présent article, répute non écrite une clause relative à la répartition des charges, il procède à leur nouvelle répartition.

11. Pour rejeter la demande tendant à déclarer non écrites les clauses de l'acte modificatif de l'état descriptif de division du 30 mai 1984, l'arrêt retient que le fait que la répartition des charges n'ait pas fait l'objet d'une approbation par l'assemblée générale des copropriétaires, ce qui n'est pas contesté, est insusceptible de rendre la clause IV et les tableaux contraires à la loi du 10 juillet 1965, puisque cette exigence figure expressément en page 4 de l'acte du 31 mai 1984, en partie III « répartition des charges », qui renvoie au tableau.

12. En statuant ainsi, alors que, le lot initial disparaissant en cas de division et de nouveaux lots étant créés, une modification du règlement de copropriété et de l'état descriptif de division est alors nécessaire et que la répartition des charges entre ces fractions est, lorsqu'elle n'est pas fixée par le règlement de copropriété, soumise à l'approbation de l'assemblée générale, quand bien même le total des quotes-parts des nouveaux lots est égal à celui des lots dont ils sont issus, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du quatrième moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la société Auteuil-Boulogne et le syndicat des copropriétaires de leurs demandes tendant à dire que l'acte du 30 mai 1984 est inopposable au syndicat des copropriétaires, ainsi que la répartition des charges des lots n° [...] à [...], l'état descriptif de division des mêmes lots et la répartition en parties communes, de leur demande subsidiaire tendant à déclarer non écrites : la répartition des quotes-parts de division de l'immeuble de fond de cour, la répartition des charges figurant dans le document du 30 mai 1984, la création des parties communes exclusives à certains lots, le tableau de répartition des charges qui comporte des erreurs entre millièmes généraux et la colonne charges, le rez-de-chaussée bénéficie d'une différence en sa faveur de -6,8 %, les premier, deuxième et troisième étages supportent cette différence de charges en plus, le règlement de copropriété du 31 mai 1983 ne classe pas les escaliers parmi les parties communes spéciales, de leur demande de désignation d'un expert, de leur demande de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 27 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Dagneaux - Avocat général : Mme Guilguet-Pauthe - Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia ; SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh -

Textes visés :

Article 43 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.

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