Numéro 9 - Septembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2020

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE

Soc., 30 septembre 2020, n° 19-13.122, (P)

Rejet

Licenciement – Cause – Accident du travail ou maladie professionnelle – Inaptitude physique du salarié – Obligation de reclassement – Périmètre de l'obligation – Groupe de sociétés – Groupe de reclassement – Périmètre – Preuve – Charge – Détermination – Portée

Ne méconnaît pas les règles de la charge de la preuve relatives au périmètre du groupe de reclassement, la cour d'appel qui, appréciant les éléments qui lui étaient soumis tant par l'employeur que par le salarié, a constaté qu'il n'était pas établi que l'organisation du réseau auquel appartenait l'entreprise permettait entre les sociétés adhérentes la permutation de tout ou partie de leur personnel.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 22 janvier 2019), M. G... a été engagé en qualité de chauffeur poids-lourds le 2 décembre 1997 par la société Transports Moulinois et a été victime d'un accident du travail le 9 janvier 2015.

2. Déclaré inapte à son poste, apte à un autre avec réserves, à l'issue de deux examens médicaux le 29 août 2016, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 18 octobre 2016.

3. Contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à voir déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse et tendant à la condamnation de l'employeur à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :

« 1°/ que lorsqu'à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur, tenu d'une obligation de reclassement, doit nécessairement consulter les délégués du personnel sur les possibilités de reclassement et éventuelles propositions de reclassement, en leur fournissant au préalable toutes les informations nécessaires et utiles, ces derniers étant parties prenantes du processus de recherche de reclassement ; qu'en considérant en l'espèce que la consultation des délégués du personnel du 12 septembre 2016 avait été régulière, tout en constatant que le procès-verbal de séance faisait état d'un avis favorable aux postes de reclassement émis par Mme J..., qui n'était pourtant pas présente ce jour-là, et que l'intéressée n'avait finalement signé le procès-verbal que le lendemain, prétendant avoir été consultée dans le cadre d'une ''conférence téléphonique'', ce dont il résultait nécessairement que les délégués du personnel n'avaient pas été régulièrement consultés et que le procès-verbal de la séance du 12 septembre 2016 était entaché d'une irrégularité flagrante, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 1226-10 du code du travail ;

2°/ que la recherche des possibilités de reclassement du salarié victime d'un accident du travail et déclaré inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment doit s'apprécier à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur concerné, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'il appartient à l'employeur, qui prétend s'être trouvé dans l'impossibilité d'effectuer un tel reclassement, d'en apporter la preuve ; qu'en constatant que la société Transports Moulinois appartenait au réseau France Express, qui est un GIE, mais que le cadre de la recherche de reclassement ne pouvait s'étendre à ce groupement dès lors ''qu'il n'est pas établi que l'organisation de ce réseau permet une permutation de personnel'', cependant que c'était à l'employeur de démontrer l'impossibilité de reclassement dans le cadre du groupement, la cour d'appel qui a inversé la charge de la preuve a violé l'article 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. D'une part, l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, n'imposant aucune forme particulière pour recueillir l'avis des délégués du personnel quant au reclassement d'un salarié déclaré inapte, la cour d'appel, qui a constaté que la délégation unique du personnel, dans ses attributions de délégation du personnel, avait été consultée et que chaque élu avait émis un avis, a légalement justifié sa décision.

7. D'autre part, l'adhésion à un groupement d'intérêt économique n'entraînant pas en soi la constitution d'un groupe, la cour d'appel, qui a constaté, en l'état des éléments qui lui étaient soumis tant par l'employeur que par le salarié, qu'il n'était pas établi que l'organisation du réseau France Express permettait entre les sociétés adhérentes la permutation de tout ou partie de leur personnel, a retenu, sans méconnaître les règles relatives à la charge de la preuve, que ces sociétés ne faisaient pas partie d'un même groupe de reclassement.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Capitaine - Avocat général : Mme Courcol-Bouchard (premier avocat général) - Avocat(s) : Me Balat ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction applicable en l'espèce.

Rapprochement(s) :

Sur la charge de la preuve relative au périmètre du groupe de reclassement en matière de licenciement pour motif économique, à rapprocher : Soc., 16 novembre 2016, pourvoi n° 15-19.927, Bull. 2016, V, n° 217 (2) (rejet), et l'arrêt cité.

Soc., 30 septembre 2020, n° 19-16.488, (P)

Cassation

Licenciement – Cause – Accident du travail ou maladie professionnelle – Inaptitude physique du salarié – Proposition d'un emploi adapté – Avis des délégués du personnel – Obligations de l'employeur – Portée

Il résulte de l'article L 1226-10 du code du travail que l'employeur est tenu de consulter les délégués du personnel avant d'engager la procédure de licenciement d'un salarié inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail, même s'il n'identifie pas de poste de reclassement.

Licenciement – Cause – Accident du travail ou maladie professionnelle – Inaptitude physique du salarié – Proposition d'un emploi adapté – Avis des délégués du personnel – Obligations de l'employeur – Poste de reclassement – Identification – Défaut – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 6 février 2018), M. B... a été engagé le 23 janvier 2013 par la société Médica service en qualité d'agent d'exploitation polyvalent.

2. Il a été placé en arrêt de travail à la suite d'un accident du travail, et déclaré inapte par le médecin du travail à l'issue des visites de reprise des 9 et 23 juillet 2015.

3. Il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 25 août 2015, et a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de sa demande au titre de la rupture du contrat de travail, alors « qu'il résulte de l'article L. 1226-10 du Code du travail que l'avis des délégués du personnel doit être recueilli par l'employeur avant que la procédure de licenciement d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle soit engagée ; que l'employeur ne saurait se soustraire à cette obligation dont la violation est sanctionnée par l'indemnité prévue à l'article L. 1226-15 du code du travail par un motif tiré de l'absence de proposition de reclassement ; qu'en retenant que faute de proposition de reclassement, l'exigence d'un avis des délégués du personnel ne résulte pas de l'article L. 1226-10 du code du travail dans ses dispositions applicables en la cause, la cour d'appel a violé cette disposition. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

5. Selon ce texte, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

6. Pour débouter le salarié de sa demande au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que si les dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail exigent que l'avis des délégués du personnel intervienne avant la proposition de reclassement, une telle exigence ne résulte, en l'absence de proposition de reclassement, ni de ce texte, ni de l'article L. 1226-12 du même code.

7. En statuant ainsi, alors que le salarié ayant été déclaré inapte à l'issue d'une période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail, il appartenait à l'employeur de consulter les délégués du personnel sur les possibilités de reclassement avant d'engager la procédure de licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.

- Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Valéry - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 1226-10 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'obligation de consulter les délégués du personnel avant d'engager la procédure de licenciement d'un salarié inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, à rapprocher : Soc., 23 septembre 2009, pourvoi n° 08-41.685, Bull. 2009, V, n° 192 (rejet).

Soc., 30 septembre 2020, n° 19-11.974, (P)

Cassation partielle

Licenciement – Cause – Cause réelle et sérieuse – Défaut – Applications diverses – Maladie ou accident non professionnel – Inaptitude – Reclassement – Consultation des délégués du personnel – Nécessité – Portée

Il résulte des articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1, alinéas 2 et 3, du code du travail, en leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, que la méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte consécutivement à un accident non professionnel ou une maladie, dont celle imposant à l'employeur de consulter les délégués du personnel, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 26 octobre 2018), M. A..., engagé le 18 novembre 1991 en qualité de conducteur longue distance par la société Galopin transports, aux droits de laquelle vient la société Transports Murie-Galopin (la société), a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 10 mai 2015.

2. Le 14 septembre 2015, le salarié a saisi la juridiction prud'homale en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail.

Ayant été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail à l'issue d'un examen du 10 mars 2017, M. A... a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement et a formé des demandes au titre de la rupture du contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen du pourvoi principal du salarié, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. M. A... fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité de préavis, outre les congés payés, alors « qu'en cas d'inaptitude d'origine non professionnelle déclarée par le médecin du travail, l'employeur doit consulter les délégués du personnel pour recueillir leur avis avant la proposition d'un poste de reclassement approprié aux capacités du salarié ; qu'à défaut de recueil de cet avis, l'obligation de reclassement n'est pas satisfaite et le licenciement qui s'en suit est sans cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement, nonobstant le défaut de recueil de l'avis préalable des délégués du personnel, lequel manquement n'ayant pas pour effet de rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qu'imposaient ses propres constatations, a violé, par fausse application, les articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du code du travail dans leurs versions issues de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1, alinéas 2 et 3, du code du travail, en leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

5. Aux termes du premier de ces textes, lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel lorsqu'ils existent, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

6. Aux termes du second de ces textes, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

7. Il résulte de ces textes que la méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte consécutivement à un accident non professionnel ou une maladie, dont celle imposant à l'employeur de consulter les délégués du personnel, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

8. Pour rejeter les demandes du salarié au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt, après avoir relevé que l'obligation de consultation des délégués n'avait pas été respectée, retient que ce manquement n'a pas pour effet de rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu'au surplus, le salarié n'a pas formé de demande distincte de celle présentée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, étant observé que l'article L. 1226-15 du code du travail issu de la loi du 8 août 2016 ne sanctionne le défaut d'avis des délégués du personnel que lorsqu'il intervient dans le cadre d'une inaptitude professionnelle.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident formé par la société Transports Murie-Galopin ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 26 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Silhol - Avocat général : Mme Courcol-Bouchard (premier avocat général) - Avocat(s) : SARL Cabinet Munier-Apaire ; SCP Colin-Stoclet -

Textes visés :

Articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1, alinéas 2 et 3, du code du travail, en leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.

Soc., 16 septembre 2020, n° 18-25.943, (P)

Cassation partielle

Licenciement – Cause – Cause réelle et sérieuse – Faute du salarié – Gravité – Degré – Appréciation – Nécessité – Portée

En matière de licenciement disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.

Encourt en conséquence la cassation l'arrêt qui, pour juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, écarte la faute lourde, sans rechercher si les faits invoqués n'étaient pas constitutifs d'une faute grave ou d'une faute de nature à conférer au licenciement une cause réelle et sérieuse.

Licenciement – Licenciement disciplinaire – Faute du salarié – Appréciation – Office du juge

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 26 septembre 2018), Mme A..., engagée par l'association Epicentre à compter du 29 janvier 2002 et qui exerçait les fonctions de coordinatrice, a saisi le conseil de prud'hommes par requête du 6 août 2014 d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail. Elle a été licenciée pour faute lourde le 12 septembre 2014.

2. La salariée a contesté son licenciement devant la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement de la salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, d'une indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :

« 1°/ que seule la faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire de son auteur ; que pour écarter la cause réelle et sérieuse du licenciement et a fortiori la faute grave de la salariée, la cour d'appel a retenu que si les faits qui lui sont reprochés par son employeur et qui sont établis peuvent constituer des fautes, il ne ressort pas des éléments du dossier qu'ils caractérisent l'intention de nuire reprochée à la salariée pour fonder la décision de licenciement ; qu'en écartant tant la cause réelle et sérieuse que la faute grave de la salariée au motif impropre à les écarter pris de ce que l'intention de nuire de la salariée n'était pas établie, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1, L. 1235-3, L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail ;

2°/ qu'en s'abstenant de rechercher si les faits reprochés à la salariée, dont elle a relevé qu'ils pouvaient constituer des fautes, caractérisaient une faute justifiant ou non le licenciement de la salariée pour faute grave ou à tout le moins pour cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1235-3, L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1232-1, L. 1235-3, L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail :

4.S'agissant d'un licenciement prononcé à titre disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.

5. Pour dire le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel relève, s'agissant du grief relatif au non-encaissement des chèques correspondant aux droits d'emplacements de la braderie de juin 2004, que le fait de ne pas présenter cent trente-cinq chèques à la date convenue a entraîné un retard de trésorerie préjudiciable à l'association, ainsi qu'un préjudice d'image auprès des émetteurs de ces chèques qui ont été débités près de trois mois après la date prévue et ont dû s'assurer que le solde de leur compte bancaire permettait ce règlement ; que si ces faits peuvent constituer des fautes, il ne ressort pas des éléments du dossier qu'ils caractérisent l'intention de nuire reprochée à la salariée pour fonder la décision de licenciement.

6. En se déterminant ainsi, sans rechercher si les faits ainsi reprochés à la salariée n'étaient pas constitutifs d'une faute grave ou d'une faute de nature à conférer une cause réelle et sérieuse au licenciement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement de Mme A... dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne l'association Epicentre à lui payer les sommes de 3 840,66 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 384,06 euros pour les congés payés afférents, 4 864,83 euros à titre d'indemnité légale de licenciement et 16 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 26 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon.

- Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Richard - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles L. 1232-1, L. 1235-3, L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la nécessité pour le juge de caractériser le degré de gravité de la faute du salarié, à rapprocher : Soc., 15 juin 1977, pourvoi n° 76-40.875, Bull. 1977, V, n° 396 (3) (rejet) ; Soc., 21 janvier 1987, pourvoi n° 84-40.856, Bull. 1987, V, n° 30 (cassation) ; Soc., 13 juin 2001, pourvoi n° 99-42.674, Bull. 2001, V, n° 222 (cassation) ; Soc., 22 février 2005, pourvoi n° 03-41.474, Bull. 2005, V, n° 58 (rejet), et l'arrêt cité ; Soc., 8 février 2017, pourvoi n° 15-21.064, Bull. 2017, V, n° 22 (cassation partielle), et les arrêts cités.

Soc., 30 septembre 2020, n° 19-13.714, (P)

Rejet

Licenciement économique – Licenciement collectif – Plan de sauvegarde de l'emploi – Contestation – Action en contestation – Compétence du juge administratif – Etendue – Détermination – Portée

Désistement partiel

1. Il est donné acte au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société New Look France du désistement de son pourvoi.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 janvier 2019), statuant en référé, l'ordonnance qu'il confirme et les productions, la société New Look France (la société), spécialisée dans la commercialisation d'articles de prêt-à-porter et d'accessoires de mode, comprenait au 31 juillet 2018 trente-et-un magasins répartis sur toute la France et employait quatre cent quatre-vingt-seize salariés.

3. La direction de la société a convoqué son comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et son comité d'entreprise le 10 septembre 2018 à deux réunions fixées au 17 septembre 2018, en diffusant à cette occasion un document d'information sur un projet de réorganisation de l'entreprise prévoyant la fermeture de vingt-et-un magasins entre le 30 septembre 2018 et le 24 novembre 2021. Etait également remis un projet d'accord collectif relatif à un plan de sauvegarde de l'emploi annonçant le licenciement de deux cent vingt-sept salariés en contrat de travail à durée indéterminée et le non-renouvellement du contrat de travail à durée déterminée de trente-cinq salariés.

4. Se prévalant de la violation par l'employeur de son obligation de consulter les instances représentatives du personnel préalablement à toute mise en oeuvre d'un projet de restructuration, le comité d'entreprise de la société, le CHSCT et le syndicat Sud commerces et services Ile-de-France (le syndicat) ont saisi le 13 septembre 2018 le juge des référés du tribunal de grande instance aux fins de suspension sous astreinte de la fermeture de magasins et de toute mise en oeuvre du projet de restructuration avant l'achèvement de la consultation des instances représentatives du personnel.

5. Par ordonnance du 18 septembre 2018 confirmée par l'arrêt du 31 janvier 2019, ces demandes ont été « déclarées irrecevables devant les juridictions de l'ordre judiciaire ».

6. La fermeture effective du magasin de Rouen est intervenue le 19 septembre 2018.

7. Par décision du 26 octobre 2018, l'autorité administrative, saisie par le comité d'entreprise sur le fondement des dispositions de l'article L. 1233-57-5 du code du travail, a enjoint à la société notamment de suspendre sa réorganisation pendant la période déterminée de la procédure d'information-consultation, afin de se conformer à la règle de procédure prévue en matière de plan de sauvegarde de l'emploi. Elle a rejeté la demande relative à la remise en état du magasin de Rouen, au motif qu'une telle remise en état ne relevait pas de ses attributions énumérées par l'article précité.

8. Le 30 novembre 2018, la société a renoncé à la poursuite de son projet de restructuration.

9. Par jugement du 26 juin 2019, la liquidation judiciaire de la société a été prononcée, la société BTSG, en la personne de M. D..., et la société MJA, en la personne de Mme U..., étant désignés liquidateurs.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

10. Le comité d'entreprise et le syndicat font grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance du président du tribunal de grande instance en ce qu'elle a déclaré irrecevable devant les juridictions de l'ordre judiciaire l'ensemble de leurs demandes principales aux fins de suspension sous astreinte de la fermeture de magasins et de toute mise en oeuvre du projet de restructuration, alors :

« 1°/ que si l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 du code du travail, le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif pour motif économique ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision administrative de validation ou d'homologation, le juge judiciaire demeure seul compétent pour se prononcer sur une demande aux fins de suspension sous astreinte de la mise en oeuvre anticipée d'une décision de fermeture de magasins par une personne morale de droit privé avant l'achèvement de la consultation des instances représentatives du personnel, y compris lorsque cette décision s'inscrit dans un projet de restructuration et de compression des effectifs ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 2323-1, L. 2323-2, L. 2323-31, L. 4612-8-1, L. 1233-57-5 et L. 1235-7-1 du code du travail, dans leur version applicable au litige, l'article 4 de la directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, ensemble la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de la séparation des pouvoirs ;

2°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal ; que l'administration ou le juge administratif sont incompétents pour ordonner la suspension d'une décision de fermeture de magasins prise par une personne morale de droit privé avant l'achèvement de la procédure légale d'information-consultation des représentants du personnel ; qu'en jugeant néanmoins que le juge judiciaire serait incompétent pour connaître en référé de cette demande, au motif inopérant que la décision de l'employeur constitue une mesure accessoire du plan de sauvegarde de l'emploi permettant d'aboutir à la suppression des emplois, la cour d'appel, qui, par son incompétence négative, a privé les exposants d'un accès effectif et utile au juge afin de contester la décision de l'employeur, a violé, par fausse application, les articles L. 1235-7-1 et L. 1233-57-5 du code du travail, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen et l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

3°/ que l'abrogation des articles L. 1235-7-1 et L. 1233-57-5 du code du travail, institués par l'article 18 de la n° 2013-504 du 14 juin 2013 entraînera, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt attaqué ainsi dépourvu de base légale, en application de l'article 625 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

11. Il résulte des articles L. 1233-57-5 et L. 1235-7-1 du code du travail que toute demande tendant, avant la transmission de la demande de validation d'un accord collectif ou d'homologation d'un document de l'employeur fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, à ce qu'il soit enjoint à l'employeur de fournir les éléments d'information relatifs à la procédure en cours ou de se conformer à une règle de procédure prévue par les textes législatifs, est adressée à l'autorité administrative.

Les décisions prises à ce titre ainsi que la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation relevant de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux.

12. Ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que les demandes du comité d'entreprise et du syndicat tendaient à ce qu'il soit enjoint à la société de suspendre sous astreinte la fermeture de magasins et toute mise en oeuvre du projet de restructuration avant l'achèvement de la consultation des instances représentatives du personnel relative au projet de restructuration et au projet de licenciement collectif pour motif économique donnant lieu à l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi, la cour d'appel en a exactement déduit, sans méconnaître le principe du droit au recours effectif, que ces demandes ne relevaient pas de la compétence du juge judiciaire.

13. Le moyen, sans portée en sa troisième branche, la Cour de cassation ayant, par arrêt du 9 octobre 2019, dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Depelley - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 1233-57-5 et L. 1235-7-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur des cas de maintien de la compétence judiciaire en matière de plan de sauvegarde, à rapprocher : Soc., 21 novembre 2018, pourvoi n° 17-16.766, Bull. 2018, (cassation partielle) ; Soc., 14 novembre 2019, pourvoi n° 18-13.887, Bull. 2019, (rejet) ; Soc., 10 juin 2020, pourvoi n° 18-26.229, Bull. 2020, (rejet).

Soc., 30 septembre 2020, n° 18-18.265, (P)

Cassation partielle

Licenciement – Indemnités – Indemnité compensatrice de préavis – Attribution – Conditions – Ancienneté du salarié – Détermination – Périodes de suspension du contrat de travail – Prise en compte – Défaut – Applications diverses

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 avril 2018), M. K... a été engagé en qualité de télévendeur le 9 septembre 2009 par la société Central médical.

2. Le salarié a été en arrêt maladie du 3 au 10 juin 2011, du 22 juin au 30 juin 2011, puis du 1er juillet au 30 septembre 2011.

3. Il a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 14 septembre 2011 et a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, alors, « que l'article F2 de la convention collective nationale de la répartition pharmaceutique, relatif à la rupture du contrat de travail, ne comporte aucune disposition relative au calcul de l'ancienneté, de sorte que, dans le silence de la convention collective, l'article L. 1234-8 du code du travail, excluant les périodes de suspension du contrat du travail pour le calcul de l'ancienneté, doit recevoir application ; qu'en retenant au contraire, pour dire que l'ancienneté de M. K... était de deux ans et cinq jours et lui ouvrait droit à une indemnité compensatrice de préavis, que le calcul de son ancienneté devait inclure les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie, dès lors que la convention collective n'aurait pas exclu ces périodes dudit calcul, la cour d'appel a violé l'article F2 de la convention collective nationale de la répartition pharmaceutique, ensemble l'article L. 1234-8 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article F2 de la convention collective nationale de la répartition pharmaceutique et l'article L. 1234-8 du code du travail :

6. Il résulte de ces textes que la durée du préavis est de deux mois en cas de licenciement pour les salariés ayant une ancienneté égale ou supérieure à deux ans, et qu'en l'absence de dispositions conventionnelles contraires, la période de suspension du contrat de travail pour maladie n'entre pas en compte pour la détermination de la durée d'ancienneté exigée pour bénéficier de ces dispositions.

7. Pour condamner l'employeur à payer au salarié diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents, l'arrêt retient que le calcul de l'ancienneté à prendre en compte pour le droit à indemnité compensatrice de préavis ne doit pas exclure les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie puisque, contrairement à l'article L. 1234-8 du code du travail, la convention collective ne les exclut pas.

8. En statuant ainsi, alors que la convention collective ne prévoit pas que les périodes de suspension pour maladie entrent en compte pour le calcul de l'ancienneté, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Central médical à payer à M. K... les sommes de 6 234 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 623,40 euros bruts à titre d'incidence congés payés sur indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt rendu le 13 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Capitaine - Avocat général : Mme Courcol-Bouchard (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Article L. 1234-8 du code du travail ; article F.2 de la convention collective nationale de la répartition pharmaceutique du 7 janvier 1992.

Soc., 16 septembre 2020, n° 18-26.696, (P)

Rejet

Licenciement – Nullité – Cas – Licenciement prononcé en raison de la dénonciation de faits de harcèlement moral – Exception – Dénonciation de mauvaise foi – Invocation en justice – Appréciation – Office du juge – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 2 novembre 2018), engagé le 6 juin 2011 par la société Alten Sud-Ouest en qualité d'ingénieur d'études, M. D... a été licencié le 6 novembre 2015.

2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour faire juger son licenciement nul en application des dispositions de l'article L. 1152-3 du code du travail, ordonner sa réintégration et condamner l'employeur au paiement de diverses sommes.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en nullité du licenciement et de sa demande subséquente de réintégration, alors :

« 1°/ que le grief tiré de la relation des agissements de harcèlement moral par le salarié, dont la mauvaise foi n'est pas alléguée, emporte à lui seul la nullité de plein droit du licenciement ; que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'en considérant que M. D... avait dénoncé des faits qu'il savait inexistants de harcèlement moral en persistant à reprocher mensongèrement à l'employeur de ne pas lui avoir donné « pendant plusieurs mois » les motifs de sa sortie de mission, cependant qu'il résultait de la lecture de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, que l'employeur avait, de son propre aveu, reconnu la bonne foi du salarié en énonçant que « vos accusations de harcèlement/dénigrement (dont vous semblez vous-même dans certains de vos écrits, douter de leur caractère approprié à la situation) sont des accusations graves, de surcroît sans aucun fondement ni lien avec la réalité des faits qu'il convient de ne pas utiliser de manière inconsidérée », ce dont il résultait que la lettre de licenciement n'invoquait pas la mauvaise foi du salarié dans sa relation d'agissements de harcèlement moral mais simplement que ceux-ci ne seraient pas avérés et que le salarié lui-même hésitait quant à la qualification adéquate, ce qui était exclusif de toute mauvaise foi, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail, ensemble l'article L. 1232-6 du même code ;

2°/ qu'en toute hypothèse aucun salarié ne peut être licencié pour avoir témoigné ou pour avoir relaté des faits de harcèlement moral ; que toute rupture intervenue en méconnaissance de ces principes est nulle ; qu'il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle doit être caractérisée et ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce et d'une intention de nuire ; qu'en énonçant, pour débouter M. D... de ses demandes, que la connaissance qu'il avait de la fausseté de ses allégations se déduisait de la contradiction existant entre son souhait affiché d'obtenir des explications sur les motifs de son retrait de mission et son refus persistant de s'expliquer loyalement avec l'employeur sur lesdits motifs qu'il était en droit d'estimer infondés, en alléguant d'un danger potentiel et inexistant, la cour d'appel qui s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser la mauvaise foi du salarié, a violé les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;

3°/ qu'en toute hypothèse aucun salarié ne peut être licencié pour avoir témoigné ou pour avoir relaté des faits de harcèlement moral ; que toute rupture intervenue en méconnaissance de ces principes est nulle ; qu'il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle doit être caractérisée et ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce ; qu'en énonçant, pour débouter M. D... de ses demandes, que le caractère répétitif et incantatoire des remerciements qu'il adressait à l'employeur et l'expression réitérée de sa volonté d'ouverture au dialogue permettaient de se convaincre de sa mauvaise foi, dès lors qu'il mettait en réalité en échec toutes les tentatives de l'employeur de parvenir à une communication constructive, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser la mauvaise foi du salarié et a violé les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Selon l'article L. 1152-3 du même code, toute rupture de contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail, toute disposition ou tout acte contraire est nul. Il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce.

5. La cour d'appel a constaté que le salarié avait persisté à reprocher mensongèrement à l'employeur de ne pas lui avoir donné « pendant plusieurs mois » les motifs de sa sortie de mission alors qu'ils avaient été portés à sa connaissance par écrit le 1er juin 2015, qu'il était à l'origine du blocage de toute communication sur ce point et qu'en dénonçant des faits qu'il savait inexistants de harcèlement moral, l'intéressé, déniant tout pouvoir d'appréciation de l'employeur sur son comportement et sur son travail, avait adopté une stratégie lui permettant de se soustraire aux différents entretiens qui étaient fixés par l'employeur et à la discussion contradictoire qu'il appelait pourtant de ses voeux. Elle a également retenu que la connaissance que le salarié avait de la fausseté de ses allégations de harcèlement moral se déduisait, d'une part de la contradiction existant entre son souhait affiché d'obtenir des explications sur les motifs de son retrait de mission et son refus persistant de s'expliquer loyalement avec l'employeur sur lesdits motifs, d'autre part du caractère répétitif des remerciements qu'il avait adressés à l'employeur et de l'expression réitérée de sa volonté d'ouverture au dialogue, alors qu'il avait mis en réalité en échec toutes les tentatives de l'employeur de parvenir à une communication constructive en refusant d'honorer tous les rendez-vous qui lui étaient donnés au mépris de ses obligations contractuelles.

6. La cour d'appel a ainsi caractérisé la mauvaise foi du salarié dans la dénonciation des faits de harcèlement moral.

7. Le moyen, inopérant en sa première branche, en ce que l'absence éventuelle dans la lettre de licenciement de mention de la mauvaise foi avec laquelle le salarié a relaté des agissements de harcèlement moral n'est pas exclusive de la mauvaise foi de l'intéressé, laquelle peut être alléguée par l'employeur devant le juge, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Sommé - Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 1152-1 à L. 1152-3 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la nécessité pour le juge de caractériser la mauvaise foi dans la dénonciation du harcèlement moral, à rapprocher : Soc., 7 février 2012, pourvoi n° 10-18.035, Bull. 2012, V, n° 55 (cassation), et l'arrêt cité ; Soc., 25 novembre 2015, pourvoi n° 14-17.551, Bull. 2015, V, n° 235 (cassation).

Soc., 30 septembre 2020, n° 19-15.675, (P)

Rejet

Rupture conventionnelle – Forme – Convention signée par les parties – Objet – Indemnité spécifique – Montant minimal – Calcul – Domaine d'application – Portée

L'article L. 1237-13 du code du travail prévoit comme montant minimal de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9 du même code, de sorte que le calcul de ce minimum est celui fixé par les articles R. 1234-1 et R. 1234-2 de ce code.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 29 janvier 2019), M. J... a été engagé le 20 novembre 2012 en qualité de chargé de travaux par l'établissement public Cus Habitat-Office public d'habitat de l'eurométropole de Strasbourg.

Le 28 février 2018, les parties ont conclu une convention de rupture qui, après homologation par l'autorité administrative, a pris effet le 20 avril suivant.

2. Soutenant que l'indemnité de rupture conventionnelle aurait dû être calculée conformément aux dispositions de l'article 45 du décret n° 2011-636 du 8 juin 2011, M. J... a saisi la formation de référé d'un conseil de prud'hommes pour contester le montant de cette indemnité.

Le syndicat interco 67 CGDT du Bas-Rhin (le syndicat) est intervenu à l'instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. Le salarié et le syndicat font grief à l'arrêt de rejeter la demande en paiement d'un reliquat de l'indemnité de rupture conventionnelle, alors « qu'en vertu de l'article L. 1237-13 du code du travail, le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle ne peut être inférieur à celui de l'indemnité de licenciement prévue par l'article L. 1234-9 du code du travail ; que selon cette dernière disposition, le taux et les modalités de calcul de l'indemnité de licenciement sont déterminés par voie réglementaire ; que pour les personnels des offices publics de l'habitat, le décret n° 2011-636 du 8 juin 2011 applicable au litige a institué un taux et des modalités de calcul de l'indemnité qui dérogent à ceux prévus aux articles R. 1234-1 et R. 1234-2 du code du travail ; qu'en décidant que le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle ne pouvait être déterminé selon les règles dérogatoires de l'article 45 dudit décret, au motif inopérant que cette disposition limite son application au cas des salariés « licenciés » ce qui ne peut être assimilé au cas des salariés dont le contrat a pris fin par rupture conventionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 1237-13 et L. 1234-9 du code du travail et l'article 45 du décret n° 2011-636 du 8 juin 2011. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article L. 1237-13 du code du travail, la convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9 du code du travail.

5. Les articles R. 1234-1, R. 1234-2 et R. 1234-4 du code du travail, pris en application de l'article L. 1234-9 du code du travail auquel ils font référence, déterminent le taux et les modalités de cette indemnité de licenciement.

6. La cour d'appel a exactement retenu que le salarié ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article 45 du décret n° 2011-636 du 8 juin 2011 pour déterminer le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. Le syndicat fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement d'une provision sur dommages-intérêts, alors « que la cassation qui interviendra sur le fondement du premier moyen entraînera par voie de conséquence l'annulation du chef ici querellé en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

9. Le rejet du premier moyen rend sans portée le second moyen qui invoque une cassation par voie de conséquence.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Silhol - Avocat général : Mme Courcol-Bouchard (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 1234-9, L. 1237-13, R. 1234-1 et R. 1234-2 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le calcul du montant minimal de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle, dans le même sens que : Soc., 3 juin 2015, pourvoi n° 13-26.799, Bull. 2015, V, n° 109 (cassation).

Soc., 23 septembre 2020, n° 18-25.770, (P)

Rejet

Rupture conventionnelle – Forme – Convention signée par les parties – Remise d'un exemplaire au salarié – Nécessité – Fondement – Détermination – Portée

La remise d'un exemplaire de la convention de rupture au salarié étant nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l'homologation de la convention, dans les conditions prévues par l'article L. 1237-14 du code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d'exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause, il s'ensuit qu'à défaut d'une telle remise, la convention de rupture est nulle.

En cas de contestation, il appartient à celui qui invoque cette remise d'en rapporter la preuve.

Rupture conventionnelle – Forme – Convention signée par les parties – Remise d'un exemplaire au salarié – Preuve – Charge – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 14 novembre 2018), M. R... a été engagé le 1er juin 2000 par la société G..., devenue la société G... couverture, en qualité de couvreur, et occupait en dernier lieu les fonctions de couvreur chef d'équipe.

2. Le 17 juillet 2015, les parties ont conclu une convention de rupture du contrat de travail, avec effet au 5 septembre 2015.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses troisième et cinquième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt d'annuler la convention de rupture du contrat de travail, de dire qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner en conséquence à payer au salarié les indemnités de rupture, alors :

« 1°/ qu'aux termes de l'article L. 1237-11 du code du travail, la rupture conventionnelle résulte d'une convention signée par les parties au contrat de travail et est soumise aux dispositions de la section de ce code destinées à garantir la liberté du consentement des parties ; qu'aux termes de l'article L. 1237-14, l'accord des parties est matérialisé par une convention de rupture dont un exemplaire doit être transmis à la Dirrecte ; que ces dispositions légales n'impliquent pas, sous peine de nullité, que chaque partie dispose d'un exemplaire de ladite convention ; qu'en retenant néanmoins, pour conclure à la nullité de la convention de rupture du contrat de travail de M. R..., que l'employeur ne justifiait pas de la remise à ce dernier d'un exemplaire de ce texte, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

2°/ que la rupture conventionnelle est une rupture bilatérale du contrat de travail voulue par les deux parties ; qu'à supposer que l'absence de remise au salarié d'un exemplaire de la convention de rupture entraîne la nullité de cette convention, c'est alors nécessairement à celui qui invoque cette cause de nullité d'en établir la réalité ; qu'en retenant, pour conclure à la nullité de la rupture conventionnelle, que l'employeur n'apportait aucun élément de preuve tendant à démontrer que M. R... s'en serait vu remettre un exemplaire, quand il incombait en réalité au salarié, qui invoquait la nullité de la rupture, de rapporter cette preuve, la cour d'appel a violé les articles L. 1237-12 du code du travail et 1315, devenu 1353, du code civil ;

3°/ que la remise au salarié d'un exemplaire de la convention de rupture doit permettre, d'une part, le dépôt d'une demande d'homologation de la convention et d'autre part, de garantir son libre consentement en lui permettant d'exercer son droit de rétractation en connaissance de cause ; qu'en l'espèce, il est constant et non contesté que l'homologation de la convention a été demandée puisque la Dirrecte l'a accordée ; qu'en décidant néanmoins que l'absence de preuve de remise d'un exemplaire de la convention à M. R... entraînait nécessairement sa nullité, sans rechercher si cela avait été de nature à affecter son libre consentement et son droit de se rétracter en connaissance de cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1237-11 et L. 1237-14 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. En premier lieu, la remise d'un exemplaire de la convention de rupture au salarié étant nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l'homologation de la convention, dans les conditions prévues par l'article L. 1237-14 du code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d'exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause, il s'ensuit qu'à défaut d'une telle remise, la convention de rupture est nulle.

6. En second lieu, en cas de contestation, il appartient à celui qui invoque cette remise d'en rapporter la preuve.

7. La cour d'appel, qui a constaté qu'aucune mention de la remise d'un exemplaire de la convention n'avait été portée sur le formulaire, et qui a retenu que l'employeur n'apportait aucun élément de preuve tendant à démontrer l'existence de cette remise, en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche inopérante, que la convention de rupture était nulle.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Valéry - Avocat général : M. Desplan - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Article L. 1237-14 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la nécessité de remettre au salarié un exemplaire de la convention de rupture, à rapprocher : Soc., 3 juillet 2019, pourvoi n° 18-14.414, Bull. 2019, (cassation partielle), et l'arrêt cité.

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