Numéro 9 - Septembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2020

BAIL RURAL

3e Civ., 10 septembre 2020, n° 19-20.856, (P)

Rejet

Bail à ferme – Mise à disposition – Société d'exploitation agricole – Statut du fermage et du métayage – Application – Condition – Détermination

L'article L. 411-2 du code rural et de la pêche maritime doit être interprété en ce sens que la cessation de la participation personnelle à l'exploitation au sein de la société bénéficiaire d'une mise à disposition ne permet plus à l'auteur de celle-ci, à compter de la date de cet événement, de se prévaloir de l'exclusion du statut du fermage, à moins qu'il n'ait manifesté concomitamment son intention de mettre fin à la mise à disposition.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 6 juin 2019), M. H... et Mme E... ont constitué la société civile d'exploitation agricole Tournavaux (la SCEA), dont ils étaient tous deux associés exploitants.

2. Par convention du 3 juin 2010, M. H... a mis à disposition de cette société, pour une durée de dix ans, des parcelles de terre dont il est propriétaire.

3. M. H..., qui a pris sa retraite et démissionné de la gérance de la société, est devenu associé non exploitant à compter du 1er janvier 2011.

4. Par requête du 18 mai 2017, la SCEA a sollicité la reconnaissance d'un bail rural verbal. M. H... a demandé reconventionnellement le paiement des taxes foncières.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le second moyen, réunis

Enoncé du moyen

5. M. H... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors :

« 1°/ que l'action en reconnaissance d'un bail rural verbal se prescrit par cinq ans à compter du jour où il a été prétendument conclu ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la Scea Tournavaux demandait la reconnaissance d'un bail rural verbal sur la propriété de M. H... à compter du jour où ce dernier avait cessé de participer à l'exploitation, soit au 1er janvier 2011 et que cette demande avait été formée auprès du tribunal paritaire des baux ruraux par requête du 18 mai 2017 ; qu'en déclarant néanmoins recevable l'action de la Scea de Tournavaux, qui était prescrite dès le 1er janvier 2016, soit cinq ans après le jour de la prétendue conclusion du bail, la cour d'appel a violé les articles L. 411-1 et L. 411-2 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 2224 du code civil et 122 du code de procédure civile ;

2°/ que l'action en reconnaissance d'un bail rural verbal se prescrit par cinq ans à compter du jour de sa conclusion ; que la circonstance que le bail litigieux est toujours en cours à la date de la présentation de l'action en reconnaissance n'a pas pour effet de reporter le point de départ du délai de prescription ; qu'en déclarant recevable l'action de la Scea Tournavaux au motif en réalité inopérant que le bail rural était toujours en cours au jour où elle a introduit son action, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 2224 du code civil et 122 du code de procédure civile ;

3°/ que le statut du fermage n'est pas applicable à la mise à disposition de biens agricoles au profit d'une société d'exploitation ; que lorsque la mise à disposition a été conclue pour une durée déterminée, elle perdure jusqu'au terme convenu initialement par les parties, même en cas de cessation anticipée par le propriétaire de toute participation effective à l'exploitation au sein de la société ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'article 3 de la convention de mise à disposition conclue le 3 juin 2010 prévoyait que celle-ci était consentie et acceptée pour une durée de dix années entières et consécutives qui prendrait effet le 1er juin 2010 pour finir le 31 mai 2020 ; qu'en affirmant, pour dire qu'un bail avait succédé à la convention de mise à disposition à compter du 1er janvier 2011, que la cessation de la participation personnelle de M. H... à l'exploitation au sein de la société bénéficiaire de la mise à disposition ne lui permettait plus à compter de la date de cet événement, de se prévaloir de l'exclusion du statut du fermage, à moins qu'il n'ait manifesté concomitamment son intention de mettre fin à cette mise à disposition, la cour d'appel a violé les articles L. 411-1 et L. 411-2 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

6. La cour d'appel a retenu, à bon droit, que l'article L. 411-2 du code rural et de la pêche maritime doit être interprété en ce sens que la cessation de la participation personnelle à l'exploitation au sein de la société bénéficiaire de la mise à disposition ne permet plus à l'auteur de celle-ci, à compter de la date de cet événement, de se prévaloir de l'exclusion du statut du fermage, à moins qu'il n'ait manifesté concomitamment son intention de mettre fin à cette mise à disposition.

7. Ayant relevé que M. H... était devenu associé non exploitant à compter du 1er janvier 2011, ne s'était pas retiré de la SCEA, n'avait pas mis fin à la mise à disposition, au profit de cette société, des terres dont il était propriétaire, et avait continué à percevoir le prix convenu dans la convention du 3 juin 2010, et que l'action intentée par la SCEA tendait à voir constater que les conditions justifiant l'exclusion du statut du fermage n'étaient plus remplies le 1er janvier 2011, la cour d'appel en a exactement déduit que les relations entre les parties étaient régies à compter de cette date par un bail rural verbal, qui était toujours en cours, de sorte que la demande de la SCEA n'était pas prescrite.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Dagneaux - Avocat général : M. Sturlèse - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh -

Textes visés :

Article L. 411-2 du code rural et de la pêche maritime.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 8 octobre 1997, pourvoi n° 95-19.267, Bull. 1997, III, n° 187 (cassation), et l'arrêt cité ; 3e Civ., 5 décembre 2001, pourvoi n° 00-13.569, Bull. 2001, III, n° 144 (rejet), et l'arrêt cité.

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