Numéro 9 - Septembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2020

BAIL COMMERCIAL

3e Civ., 17 septembre 2020, n° 19-14.168, (P)

Rejet

Charges récupérables – Paiement – Provision – Exigibilité – Charge de la preuve – Portée

C'est sans inverser la charge de la preuve ni méconnaître son office qu'une cour d'appel retient qu'un bailleur doit, pour conserver les provisions sur charges qu'il a reçues du preneur, justifier du montant des dépenses et que, faute d'y satisfaire, il doit restituer au preneur les sommes versées au titre des provisions.

Charges récupérables – Paiement – Provision – Exigibilité – Absence de justification du bailleur – Remboursement des provisions sur charges

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 décembre 2018), à la suite de la résiliation d'un bail commercial stipulant que le preneur remboursera au bailleur un certain nombre de dépenses annuelles, la société Oursel, bailleresse, a assigné M. X..., en sa qualité de garant solidaire du cessionnaire pour l'exécution de toutes les conditions du bail, en condamnation à lui payer diverses sommes au titre d'un arriéré locatif.

2. M. X..., qui a soutenu que la créance en remboursement de dépenses au titre de charges et impôts n'était pas établie, a demandé la restitution des provisions appelées à ce titre.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société Oursel fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande en remboursement des provisions versées, alors :

« 1°/ qu'il incombe à celui qui réclame la restitution de sommes qu'il prétend avoir indûment payées de prouver le caractère indu du paiement ; qu'en condamnant la société bailleresse à restituer au garant du locataire les sommes correspondant à des provisions sur charges et à la taxe foncière faute pour elle d'en justifier, quand il incombait au contraire au demandeur à la restitution de prouver que les charges et taxes s'ajoutant au loyer n'étaient pas dues, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1353 du code civil ;

2°/ que commet un déni de justice le juge qui, au motif de l'insuffisance des éléments produits par les parties, refuse d'évaluer une créance dont il constate l'existence en son principe ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que le bail du 23 mars 2013 mettait exclusivement à la charge du preneur les charges et la taxe foncière afférentes au bien immobilier loué ; qu'en jugeant néanmoins que faute de fournir les justificatifs y afférents, la société bailleresse ne pouvait obtenir paiement au titre de l'appel des charges et de la taxe foncière mentionnées aux avis d'échéance, la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article 4 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. Il incombe au bailleur qui réclame au preneur de lui rembourser, conformément au contrat de bail commercial le prévoyant, un ensemble de dépenses et de taxes, d'établir sa créance en démontrant l'existence et le montant de ces charges.

5. La cour d'appel a relevé que la SCI Oursel, bailleresse, avait appelé des provisions pour charges et pour taxes foncières.

6. Elle a, sans inverser la charge de la preuve ni méconnaître son office, exactement retenu que la bailleresse devait pour conserver, en les affectant à sa créance de remboursement, les sommes versées au titre des provisions, justifier le montant des dépenses et que, faute d'y satisfaire, elle devait restituer au preneur les sommes versées au titre des provisions.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Andrich - Avocat général : M. Sturlèse - Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh ; SCP Yves et Blaise Capron -

Textes visés :

Articles 4 et 1353 du code civil.

3e Civ., 17 septembre 2020, n° 19-13.242, (P)

Rejet

Domaine d'application – Bail d'une durée égale ou inférieure à deux ans – Congé – Forme – Acte extra-judiciaire – Mentions obligatoires – Inobservation – Sanction – Nullité – Exclusion

Le non-respect des formalités édictées par les articles R. 123-237 et R. 123-238 du code de commerce, bien que constitutif d'une infraction pénale, n'est pas sanctionné par la nullité de l'acte.

Une cour d'appel retient à bon droit que l'absence des mentions prescrites par ces textes sur une lettre de mise en demeure n'en a pas affecté la validité dès lors que son destinataire avait identifié son auteur, qui était son bailleur.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 novembre 2018), par lettre du 28 juillet 2014, la société Alterea Cogedim Assets Management Entreprise, gérant de la société Acep Invest 2 CDG Neuilly, bailleresse, aux droits de laquelle se trouve la société Kosmo, a adressé à la société Sedad, titulaire d'un bail dérogatoire, une mise en demeure de libérer les lieux loués.

2. Après avoir sommé la société Sedad de quitter les lieux, la société Acep Invest 2 CDG Neuilly l'a assignée en référé en expulsion et en paiement de loyers.

3. La société Sedad a assigné au fond la société Acep Invest 2 CDG Neuilly en substitution d'un bail commercial au bail dérogatoire et en irrégularité de l'expulsion intervenue le 15 juin 2015.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner à la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La société Sedad fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :

« 1°/ qu'aux termes de l'article R. 123-237 du code de commerce, toute personne immatriculée est tenue, à peine de contravention de la 4e classe, d'indiquer certaines mentions sur ses factures, notes de commande, tarifs et documents publicitaires ainsi que sur toutes correspondances et tous récépissés concernant son activité et signés par elle ou en son nom ; que de même, en application de l'article R. 123-238 du même code, les actes et documents émanant de la société et destinés aux tiers, notamment les lettres, factures, annonces et publications diverses, indiquent la dénomination sociale, précédée ou suivie immédiatement et lisiblement de la forme sociale et du capital social ; qu'en affirmant que ces exigences ne s'appliquaient pas à une lettre de mise en demeure, la cour d'appel a violé les articles R. 123-237 et R. 123-238 du code de commerce ;

2°/ qu'on ne peut déroger aux lois qui intéressent l'ordre public ; que toute violation à des dispositions d'ordre public est susceptible d'entraîner la nullité de l'acte passé en contravention à ces dispositions, sans que cette sanction ait à être spécialement prévue par les textes ; qu'il en va notamment ainsi lorsque l'acte litigieux a concouru à la commission d'une infraction pénale ; qu'en affirmant qu'il n'y avait pas lieu de sanctionner de nullité le congé ne comportant pas les mentions exigées par les articles R. 123-237 et R. 123-238 du code de commerce au motif que la seule sanction expressément prévue par ces textes d'ordre public était une sanction pénale, les juges ont violé l'article 6 du code civil et les articles R. 123-237 et R. 123-238 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

6. Le non-respect des formalités édictées par les articles R. 123-237 et R. 123-238 du code de commerce, bien que constitutif d'une infraction pénale, n'emportant pas nécessairement la nullité de l'acte, la cour d'appel, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant, a retenu à bon droit, par motifs propres et adoptés, que l'absence de mentions prescrites sur la lettre de mise en demeure du 28 juillet 2014 n'en affectait pas la validité dès lors que la société locataire avait identifié que la lettre lui avait été adressée par la société bailleresse ou son gérant.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Andrich - Avocat général : M. Sturlèse - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; Me Le Prado -

Textes visés :

Articles R. 123-237 et R. 123-238 du code de commerce.

3e Civ., 17 septembre 2020, n° 19-18.435, (P)

Cassation partielle

Domaine d'application – Volonté des parties de se soumettre au statut – Qualité pour s'en prévaloir – Détermination

Seul le titulaire du bail du local dans lequel est exploité un fonds de commerce a qualité pour revendiquer l'application du statut des baux commerciaux. L'intervention de son conjoint, même si le fonds de commerce est un bien commun et même s'il a le statut de conjoint collaborateur, est irrecevable.

Domaine d'application – Volonté des parties de se soumettre au statut – Qualité pour s'en prévaloir – Exclusion – Cas – Conjoint collaborateur

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 avril 2019), par deux actes intitulés « bail saisonnier » des 26 janvier 2012 et 28 janvier 2013, Mme H... a donné à bail à Mme A... un même local respectivement pour des durées d'une année et de onze mois, pour se terminer les 25 janvier 2013 et 26 décembre 2013.

2. Le 20 décembre 2013, les parties ont conclu un bail dit « précaire » portant sur le même local pour une durée de vingt-trois mois à compter du 27 décembre 2013.

3. Par deux lettres recommandées avec demande d'avis de réception des 27 et 30 octobre 2015, avant l'expiration du bail dérogatoire, Mme H... a rappelé à Mme A... que le bail arrivait à terme et qu'elle devait impérativement libérer les locaux.

4. Le 16 décembre 2015, Mme A... a assigné Mme H... afin notamment de voir juger que le statut des baux commerciaux était applicable aux baux conclus depuis le 26 janvier 2012 et qu'elle était titulaire d'un bail de neuf ans soumis au statut des baux commerciaux à compter du 27 novembre 2015.

5. M. A..., conjoint collaborateur de Mme A..., est intervenu volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Mme H... fait grief à l'arrêt de recevoir l'intervention volontaire de M. A... et dire que celui-ci est cotitulaire avec Mme A... d'un bail commercial, alors :

« 1°/ que la copropriété entre époux, mariés sous le régime de la communauté légale, d'un fonds de commerce, n'entraîne pas la cotitularité du bail commercial dès lors que ce bail n'a été consenti qu'à un seul des époux ; qu'un époux commun en biens n'est donc pas recevable à intervenir volontairement à l'instance en vue d'élever une prétention, ou d'appuyer une prétention formulée par son conjoint, tendant à la revendication du statut des baux commerciaux en vertu d'un bail auquel il n'est pas partie ; qu'en déclarant néanmoins recevable l'intervention volontaire de M. A... au motif inopérant que le fonds de commerce était commun aux deux époux à défaut de preuve de l'antériorité de sa création par rapport au mariage, la cour d'appel a violé les articles 329 et 330 du code de procédure civile et 1401 du code civil ;

2°/ que le conjoint collaborateur du preneur n'est pas cotitulaire du bail commercial consenti à ce dernier ; qu'il n'est donc pas recevable à intervenir volontairement à l'instance en vue d'élever une prétention, ou d'appuyer une prétention formulée par son conjoint, tendant à la revendication du statut des baux commerciaux en vertu d'un bail auquel il n'est pas partie ; qu'en déclarant néanmoins recevable l'intervention volontaire de M. A..., au motif inopérant qu'il avait la qualité de conjoint collaborateur de son épouse régulièrement immatriculée au registre du commerce et des sociétés, la cour d'appel a violé les articles 329 et 330 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 121-6, alinéa 1er, du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 329 du code de procédure civile, 1401 du code civil et L. 121-6, alinéa 1er, du code de commerce :

7. Selon le premier de ces textes, l'intervention principale n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à la prétention qu'il élève.

8. Aux termes du deuxième, la communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres. Il en résulte que le fait qu'un fonds de commerce constitue un acquêt de communauté est sans incidence sur la titularité du bail commercial qui n'a été consenti qu'à un seul des époux.

9. Selon le troisième, le conjoint collaborateur, lorsqu'il est mentionné au registre du commerce et des sociétés, est réputé avoir reçu du chef d'entreprise le mandat d'accomplir au nom de ce dernier les actes d'administration concernant les besoins de l'entreprise.

10. Pour déclarer recevable l'intervention volontaire de M. A..., l'arrêt relève que M. et Mme A... se sont mariés le [...] sous le régime légal de la communauté réduite aux acquêts et retient que le fonds de commerce est commun aux deux époux, à défaut de prouver que sa création est antérieure à la célébration du mariage, de sorte que M. A..., conjoint collaborateur de son épouse, a qualité pour agir.

11. En statuant ainsi, après avoir constaté que Mme A... était seule titulaire du bail des locaux dans lequel était exploité le fonds de commerce, peu important le statut de conjoint collaborateur de M. A..., la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

12. Mme H... fait grief à l'arrêt de dire que M. et Mme A... sont titulaires d'un bail soumis au statut des baux commerciaux à compter du 27 décembre 2013, alors « que les actions qui tendent à l'application du statut des baux commerciaux se prescrivent par deux ans ; qu'est soumise à la prescription biennale, l'action en requalification d'un bail saisonnier en bail dérogatoire au sens de l'article L. 145-5 du code de commerce ; qu'en décidant néanmoins que les baux conclus le 26 janvier 2012 et le 28 janvier 2013 n'étaient pas des baux saisonniers, ainsi qu'ils avaient été qualifiés par les parties, mais des baux dérogatoires, pour en déduire que M. et Mme A... étaient fondés à se prévaloir de ces baux dérogatoires, afin d'établir s'être maintenus dans les lieux pendant plus de deux années et prétendre ainsi être titulaires d'un bail commercial soumis au statut en application de l'article L. 145-5 du code de commerce, bien qu'il ait été constant que Mme A... avait engagé son action le 16 décembre 2015 de sorte que l'exception de prescription biennale faisait obstacle à de telles requalifications, la cour d'appel a violé l'article L. 145-60 du code de commerce, et l'article L. 145-5 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi du 18 juin 2014. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 145-5 et L. 145-60 du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi du 18 juin 2014 :

13. Il résulte de ces textes que l'action en requalification d'un bail saisonnier en bail commercial est soumise à la prescription biennale.

14. Pour accueillir la demande de Mme A..., l'arrêt retient que les baux conclus le 26 janvier 2012 et le 28 janvier 2013 n'étaient pas des baux saisonniers, mais des baux dérogatoires, de sorte que les preneurs, qui s'étaient maintenus plus de deux ans dans les lieux, étaient titulaires d'un bail soumis au statut des baux commerciaux à compter du 27 décembre 2013.

15. En statuant ainsi, après avoir constaté que l'action en requalification des baux saisonniers en baux commerciaux était prescrite pour avoir été engagée le 16 décembre 2015, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.

Et sur le sixième moyen

Enoncé du moyen

16. Mme H... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir condamner Mme A... à lui restituer sa licence IV et de sa demande d'expertise aux fins d'évaluer la redevance d'une telle licence, alors « qu'il résulte tant de la déclaration de mutation de la licence IV du 26 janvier 2012, que du récépissé de cette déclaration, qu'ils ont été remplis et signés par Mme A... seule, sans l'intervention de Mme H... à cette déclaration ; qu'en affirmant néanmoins qu'il résultait du récépissé de cette déclaration que Mme H... avait déclaré muter sa licence IV au profit de Mme A..., la cour d'appel a violé l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. »

Réponse de la Cour

17. Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

18. Pour rejeter les demandes de Mme H..., l'arrêt retient qu'il ressort d'un récépissé de déclaration du 26 janvier 2012 que Mme H..., propriétaire d'une licence IV, déclare muter cette licence au profit de Mme A....

19. En statuant ainsi, alors que ce document a été rédigé et signé par Mme A... sans l'intervention de Mme H..., la cour d'appel, qui l'a dénaturé, a violé le principe susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il reçoit l'intervention volontaire de M. A..., dit que M. et Mme A... sont titulaires d'un bail soumis au statut des baux commerciaux à compter du 27 décembre 2013, que les clauses de l'ancien bail, à l'exception de celles contraires aux dispositions d'ordre public du statut, sont maintenues, enjoint Mme H... d'établir un nouveau bail, sans astreinte, dit n'y avoir lieu à expertise aux fins d'évaluer la valeur locative, rejeté la demande de Mme H... de restitution de la licence IV et d'expertise, l'arrêt rendu le 25 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Provost-Lopin - Avocat(s) : SCP Richard -

Textes visés :

Article 329 du code de procédure civile ; article 1401 du code civil ; article L. 121-6, alinéa 1, du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur le droit au statut du bail pour le conjoint, à rapprocher : 3e Civ., 28 mai 2008, pourvoi n° 07-12.277, Bull. 2008, III, n° 96 (rejet).

3e Civ., 24 septembre 2020, n° 19-13.333, (P)

Rejet

Renouvellement – Refus – Nullité – Causes – Irrégularité de forme – Acte extrajudiciaire – Déclaration verbale – Absence d'influence

A défaut de figurer dans un acte notifié par le bailleur au preneur, une déclaration verbale du bailleur refusant de renouveler le bail ne constitue pas un acte de refus de renouvellement du bail tel qu'exigé par l'article L. 145-10 du code de commerce.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 6 décembre 2018), le 15 novembre 1999, M. T... a pris à bail commercial des locaux appartenant à Q... M....

2. Par acte extrajudiciaire du 25 septembre 2008, le preneur a signifié au bailleur une demande de renouvellement du bail.

3. Lors de la délivrance de l'acte, le bailleur a déclaré à l'huissier de justice instrumentaire qu'il refusait de renouveler le bail et voulait reprendre son bien.

4. Le preneur, considérant que le bail avait pris fin à son terme, sans renouvellement en raison du refus du bailleur, lui a remis les clés, puis l'a assigné en paiement d'une indemnité d'éviction.

5. Q... M... étant décédé, l'instance a été reprise par ses héritiers.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. M. T... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement d'une indemnité d'éviction, alors :

« 1°/ que l'article L. 145-10 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie n'exclut pas qu'un même acte extrajudiciaire comporte à la fois la demande en renouvellement du bail commercial émanant du locataire et la réponse du bailleur à cette demande ; que le bailleur fait valablement connaître ses intentions quant au renouvellement du bail lorsqu'il déclare sur-le-champ à l'huissier de justice chargé de lui signifier la demande qu'il refuse le renouvellement et que l'officier ministériel consigne cette réponse dans son acte par des mentions valant jusqu'à inscription du faux ; qu'en considérant que la mention, portée sur l'acte de signification par M. T... de la demande en renouvellement du bail, du refus opposé par Q... M... ne satisfaisait pas à la condition tenant à ce que le bailleur fasse connaître, par acte extrajudiciaire, s'il refuse le renouvellement, la cour d'appel a violé le texte précité dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 août 2008 ;

2°/ que la nullité sanctionnant l'inobservation du mode de notification du refus de renouvellement du bail opposé par le bailleur à une demande en renouvellement est une nullité relative qui ne peut être invoquée que par le preneur ; qu'en autorisant les ayants droit du bailleur à se prévaloir de ce que le refus de renouvellement exprimé par celui-ci et mentionné dans l'acte de l'huissier chargé de lui signifier la demande de renouvellement était de nul effet, la cour d'appel a violé l'article L. 145-10 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 août 2008 ensemble l'article 1304 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°/ que la motivation du refus de renouvellement du bail opposé par le bailleur à la demande en renouvellement du preneur ne constitue pas une condition de validité de ce refus ; qu'en considérant, pour la dire de nul effet, que la mention du refus du bailleur portée sur l'acte de signification de la demande en renouvellement du bail ne répondait pas au formalisme impliquant que le bailleur précise les motifs du refus, la cour d'appel a violé l'article L. 145-10 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 août 2008 ;

4°/ qu'en répondant à l'huissier, qui l'a consigné dans son acte, qu'il refusait le renouvellement pour la raison ainsi énoncée : « je veux reprendre mon bien », Q... M... a motivé son refus ; qu'en retenant que le formalisme tenant à la motivation du refus n'avait pas été observé, la cour d'appel a dénaturé les termes de l'acte d'huissier du 25 septembre 2008 en violation de son obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

5°/ que la nullité tenant à ce que l'acte par lequel le bailleur notifie son refus de renouvellement du bail n'indique pas le délai dans lequel le locataire qui entend, soit contester le refus de renouvellement, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit saisir le tribunal est une nullité relative qui ne peut être soulevée que par le preneur ; qu'en autorisant les ayants droit du bailleur à soutenir que le refus de renouvellement exprimé par ce dernier et mentionné dans l'acte de l'huissier chargé de lui signifier la demande en renouvellement était nul pour ne pas satisfaire à ce formalisme, la cour d'appel a violé l'article L. 145-10 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 août 2008 ensemble l'article 1304 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

6°/ que le défaut de mention du délai dans lequel le locataire peut contester le refus de renouvellement du bail ou demander le paiement d'une indemnité d'éviction en saisissant le tribunal constitue un vice de forme n'affectant la validité de l'acte que s'il fait grief à celui qui l'invoque ; qu'en déclarant nul comme ne respectant pas ce formalisme le refus de renouvellement opposé par Q... M... auprès de l'huissier chargé de lui signifier la demande en renouvellement cependant que ses ayants droit n'ont pas établi ni même allégué un grief, la cour d'appel a violé l'article L. 145-10 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 août 2008 ensemble l'article 114 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie. »

Réponse de la Cour

8. A défaut de figurer dans un acte notifié par le bailleur au preneur, une déclaration de refus de renouveler le bail, faite verbalement par le bailleur, en réponse à l'interpellation de l'huissier de justice lui signifiant une demande du preneur de renouvellement du bail, ne constitue pas un acte de refus de renouvellement prévu à l'article L. 145-10 du code de commerce, applicable en Nouvelle-Calédonie, dans sa rédaction antérieure à la loi du 4 août 2008.

9. Ayant relevé que le bailleur s'était borné à déclarer verbalement à l'huissier de justice, lui signifiant une demande du preneur de renouvellement du bail, qu'il refusait de renouveler le bail, la cour d'appel en a déduit à bon droit, par ce seul motif, que la simple mention de cette déclaration portée sur l'acte de signification était sans effet sur le renouvellement du bail.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin (président) - Rapporteur : Mme Corbel - Avocat général : Mme Guilguet-Pauthe - Avocat(s) : SCP Colin-Stoclet ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article L. 145-10 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-776 du 4 août 2008.

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