Numéro 9 - Septembre 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2020

ASSURANCE DE PERSONNES

2e Civ., 17 septembre 2020, n° 19-10.420, (P)

Cassation

Assurance vie – Contrat non dénoué – Droit personnel du souscripteur – Faculté de rachat du contrat – Acte de nantissement – Droit exclusif du créancier gagiste – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 novembre 2018), le comptable du service des impôts des particuliers de Paris 5ème (le comptable public), agissant sur le fondement de titres exécutoires délivrés à l'encontre de M. M..., a notifié, le 29 août 2016, entre les mains de la société Antarius (l'assureur), deux avis à tiers détenteur portant, notamment, sur un contrat d'assurance vie rachetable « Antarius Avenir » souscrit par le débiteur.

L'assureur a refusé tout versement.

2. Le comptable public a assigné l'assureur devant un juge de l'exécution, en paiement des sommes objet des avis à tiers détenteur, sur le fondement de l'article R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution et l'assureur a fait valoir que le contrat avait fait l'objet d'un nantissement le 11 avril 2011 au profit de la société Crédit du nord (la banque).

3. Par jugement du 27 septembre 2017, le juge de l'exécution a accueilli la demande formée par le comptable public.

Examen du moyen

Sur le moyen relevé d'office

Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015, il est fait application des dispositions de l'article 620 du même code.

Vu l'article 2363 du code civil et l'article L. 132-10 du code des assurances :

4. Il résulte de ces textes que le créancier bénéficiaire d'un nantissement de contrat d'assurance vie rachetable, qui peut provoquer le rachat, dispose d'un droit exclusif au paiement de la valeur de rachat, excluant ainsi tout concours avec les autres créanciers du souscripteur, même privilégiés.

5. Pour condamner l'assureur à verser au comptable public le montant visé par l'avis à tiers détenteur, l'arrêt retient que le privilège du Trésor, pour les contributions directes et taxes assimilées, bien que général, doit, en raison de son rang, s'exercer avant tout autre et primer le nantissement de la créance du souscripteur sur l'assureur au profit de la banque, quelle que soit la date à laquelle ce dernier a été constitué et que le comptable peut exercer immédiatement la faculté de rachat, aux lieu et place de la banque ou du souscripteur.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Leroy-Gissinger - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles 2363 du code civil et L. 132-10 du code des assurances.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 19-11.417, Bull. 2020, (cassation).

1re Civ., 30 septembre 2020, n° 19-11.187, (P)

Rejet

Assurance-vie – Bénéficiaires – Héritiers désignés – Répartition du capital garanti – Volonté du souscripteur – Recherche – Prise en compte du testament

Selon l'article L. 132-8 du code des assurances, le capital ou la rente garantis peuvent être payables lors du décès de l'assuré à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés. Est considérée comme faite au profit de bénéficiaires déterminés la désignation comme bénéficiaires des héritiers ou ayants droit de l'assuré. Les héritiers, ainsi désignés, ont droit au bénéfice de l'assurance en proportion de leurs parts héréditaires et conservent ce droit en cas de renonciation à la succession.

Pour identifier le bénéficiaire désigné sous le terme d'« héritier », qui peut s'entendre d'un légataire à titre universel, il appartient aux juges du fond d'interpréter souverainement la volonté du souscripteur, en prenant en considération, le cas échéant, son testament.

Assurance-vie – Bénéficiaires – Héritiers désignés – Répartition du capital garanti – Volonté du souscripteur – Office du juge – Etendue – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 31 octobre 2018), G... K... est décédée le [...], laissant pour lui succéder ses deux enfants, M. E... et Mme Q... N..., en l'état d'un testament olographe du 27 décembre 2001 instituant sa fille légataire de la moitié de la quotité disponible et Mme B... N..., fille de M. E... N..., légataire de l'autre moitié. Désignée tutrice de sa mère, Mme Q... N... a été autorisée en 2007 par le juge des tutelles à souscrire au nom de celle-ci un contrat d'assurance sur la vie auprès de la société Prédica, dont le paragraphe « bénéficiaires des garanties en cas de décès » indique « mes héritiers ».

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première à troisième branches, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

3. M. E... N... fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé que les seuls héritiers de G... K... sont Mme Q... N... et M. E... N..., que la société Predica a commis une faute d'imprudence en procédant elle-même à la répartition des fonds provenant du contrat d'assurance sur la vie selon sa propre appréciation, contraire à celle du juge des tutelles, et que cette dernière soit condamnée à lui payer la somme de 30 497,61 euros en principal, alors « que seuls les légataires universels peuvent être assimilés à des héritiers ; qu'en retenant, pour juger que la société Predica avait pu valablement verser un sixième de la valeur de l'assurance à Mme B... N..., petite-fille de la défunte et légataire à titre universel, que le terme d' héritiers « présent dans la clause bénéficiaire devait s'entendre des héritiers légaux et testamentaires », quand un légataire à titre universel ne saurait être assimilé à un héritier, la cour d'appel a violé les articles 724 et 731 du code civil, ensemble les articles 1003 et 1010 du même code. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article L. 132-8 du code des assurances, le capital ou la rente garantis peuvent être payables lors du décès de l'assuré à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés.

Est considérée comme faite au profit de bénéficiaires déterminés la désignation comme bénéficiaires des héritiers ou ayants droit de l'assuré.

Les héritiers, ainsi désignés, ont droit au bénéfice de l'assurance en proportion de leurs parts héréditaires et conservent ce droit en cas de renonciation à la succession.

5. Pour identifier le bénéficiaire désigné sous le terme d'« héritier », qui peut s'entendre d'un légataire à titre universel, il appartient aux juges du fond d'interpréter souverainement la volonté du souscripteur, en prenant en considération, le cas échéant, son testament.

6. Après avoir relevé que G... K... avait, par testament olographe désignant ses héritiers et précisant la part revenant à chacun d'eux, formalisé ses volontés avant son placement en tutelle et la souscription en son nom du contrat d'assurance sur la vie, et souverainement apprécié la volonté de la défunte, la cour d'appel a pu en déduire que le capital garanti devait être réparti entre les héritiers légaux et les légataires à titre universel de G... K....

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Buat-Ménard - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia -

Textes visés :

Article L. 132-8 du code des assurances.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 4 avril 1978, pourvoi n° 76-12.085, Bull. 1978, I, n° 138 (rejet) ; 1re Civ., 19 mai 1999, pourvoi n° 96-20.156, Bull. 1999, I, n° 161 (rejet) ; 1re Civ., 10 octobre 2012, pourvoi n° 11-17.891, Bull. 2012, I, n° 200 (cassation partielle) ; 1re Civ., 10 février 2016, pourvoi n° 14-28.272, 14-27.057, Bull. 2016, I, n° 32 (cassation) ; 1re Civ., 19 septembre 2018, pourvoi n° 17-23.568, Bull. 2018, I, n° 151 (cassation partielle).

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