Numéro 9 - Septembre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2019

TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE

Soc., 25 septembre 2019, n° 18-16.323, (P)

Cassation

Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail – Recours à un expert – Annulation – Effets – Frais d'expertise – Charge – Détermination – Portée

Lorsque l'employeur qui conteste la décision du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de recourir à une expertise obtient l'annulation définitive de cette décision, les sommes perçues par l'expert sont remboursées par ce dernier à l'employeur. Ces dispositions s'appliquent aux frais de l'expertise mise en oeuvre en vertu d'une délibération contestée judiciairement, postérieurement à l'entrée en vigueur de l'article 31 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.

Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail – Recours à un expert – Annulation – Effets – Frais d'expertise – Charge – Prise en charge par l'expert – Conditions – Délibération décidant du recours à l'expertise contestée judiciairement postérieurement à l'entrée en vigueur de l'article 31 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 – Portée

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 4614-13 dans sa rédaction issue de l'article 31 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;

Attendu, selon ce texte, que lorsque l'employeur qui conteste la décision du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de recourir à une expertise obtient l'annulation définitive de cette décision, les sommes perçues par l'expert sont remboursées par ce dernier à l'employeur ; que ces dispositions s'appliquent aux frais de l'expertise mise en oeuvre en vertu d'une délibération contestée judiciairement, postérieurement à l'entrée en vigueur de l'article 31 de la loi du 8 août 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par délibération du 16 juin 2016, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la commune du Thor a décidé de recourir à une expertise sur le fondement de l'article L. 4614-12 du code du travail et a désigné la société Elios pour y procéder ; que par acte d'huissier du 8 novembre 2016, M. E..., pris en sa qualité de maire de la commune et de président du CHSCT, a saisi le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, d'une demande d'annulation de cette délibération ; que par arrêt du 16 novembre 2017, la cour d'appel a fait droit à cette demande ; que le 20 décembre 2017, la société Elios a présenté une requête en omission de statuer sur la demande de condamnation de la commune au paiement de la somme de 39 000 euros correspondant aux frais d'expertise ;

Attendu que pour rectifier l'arrêt du 16 novembre 2017 et, y ajoutant après le chef du dispositif annulant la délibération, constater que la créance d'honoraires de la société Elios est de 39 000 euros et condamner M. E..., en sa qualité de maire du Thor, à payer cette somme à la société Elios au titre des honoraires d'expertise, l'arrêt énonce que la loi du 8 août 2016 a modifié l'article L. 4614-13 du code du travail en enfermant dans un délai de 15 jours le délai ménagé à l'employeur pour contester une expertise, en attachant à la saisine du juge un effet suspensif d'exécution de la mesure et en disposant qu'en cas d'annulation définitive par le juge de la décision du CHSCT, les sommes perçues par l'expert sont remboursées par ce dernier à l'employeur, que toutefois, ces dispositions ne sont applicables qu'aux délibérations rendues par les CHSCT postérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi et que la délibération en litige étant antérieure à la date d'entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016, seules les dispositions antérieures de l'article L. 4614-13 du code du travail telles qu'interprétées de façon continue par la Cour de cassation demeurent applicables jusqu'à cette date par l'effet de la décision 2015-500 QPC du 27 novembre 2015 du Conseil constitutionnel ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la délibération avait été contestée judiciairement postérieurement à l'entrée en vigueur de l'article 31 de la loi du 8 août 2016, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Chamley-Coulet - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés -

Textes visés :

Article L. 4614-13 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'article 31 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.

Soc., 11 septembre 2019, n° 17-18.311, n° 17-18.312, n° 17-18.313, n° 17-18.314, n° 17-18.315, n° 17-18.316, n° 17-18.317, n° 17-18.318, n° 17-18.319, n° 17-18.320 et suivants, (P)

Cassation

Employeur – Obligations – Sécurité des salariés – Obligation de résultat – Manquement – Préjudice – Préjudice spécifique d'anxiété – Droit à réparation – Mise en oeuvre – Salarié n'ayant pas travaillé dans un établissement figurant sur une liste établie par arrêté ministériel – Absence d'influence

Le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave peut être admis à agir contre son employeur, sur le fondement des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de ce dernier, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 modifiée.

Méconnaît ainsi la portée des articles L. 4121-1et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction applicable au litige, la cour d'appel qui rejette les demandes des salariés de la Sncf mobilités en réparation de leur préjudice d'anxiété aux motifs que la société n'entrait pas dans les prévisions de l'article 41 de la loi précitée.

Jonction

1. En raison de leur connexité, il y a lieu de joindre les pourvois n° 17-18.311 à 17-18.349.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués, M. T... et trente-huit autres salariés de la société SNCF mobilités ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir des dommages-intérêts en réparation d'un préjudice d'anxiété et de celui résultant de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité en raison d'une exposition à l'amiante pendant l'exécution de leur contrat de travail.

3. Par arrêts infirmatifs du 24 mars 2017, la cour d'appel a rejeté leurs demandes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Les salariés font grief aux arrêts de rejeter leur demande tendant à la condamnation de l'employeur à leur verser des dommages-intérêts en réparation de leur préjudice d'anxiété alors :

1°/ « que si, aux termes de l'article 4 du décret n° 2008-639 du 30 juin 2008 les agents reconnus atteints d'une maladie professionnelle causée par l'amiante dans les conditions fixées par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 peuvent demander le bénéfice immédiat d'un dispositif de cessation de fonctions anticipée et obtenir réparation de leur préjudice d'anxiété, il n'en résulte pas que les salariés employés dans les mêmes conditions, dans des entreprises juridiquement insusceptibles de classement au titre dudit article 41 ne puissent revendiquer cette réparation ; que dès lors qu'un agent de la SNCF a été exposé aux poussières d'amiante dans l'un de ses établissements, il peut être regardé comme justifiant l'existence de préjudices tenant à la situation d'inquiétude permanente dans lequel il se trouve face au risque de développer une maladie liée à l'amiante, peu important qu'aucune maladie ne se soit déclarée et que l'entreprise ne soit pas éligible au classement au titre de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 ; qu'en retenant que les salariés, agents de la SNCF non éligibles à l'ACAATA et relevant d'un régime spécial de sécurité sociale, n'avaient pas droit à être indemnisés de leur préjudice d'anxiété dès lors que l'agent n'avait pas déclaré de maladie professionnelle liée à l'amiante, que la SNCF n'était pas une entreprise figurant sur la liste ministérielle visée à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, la cour d'appel a violé l'ancien article 1147 devenu 1231-1 du code civil ; »

2°/ « qu'à défaut d'avoir recherché si les exposants avaient subi un préjudice d'anxiété en se fondant sur les seules dispositions de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 qui n'étaient pas applicables à l'employeur et partant au litige, la cour d'appel a omis d'exercer son office et partant a violé l'article 4 du code civil ; »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, applicable au litige :

5. L'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 modifiée a créé un régime particulier de préretraite permettant notamment aux salariés ou anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante figurant sur une liste établie par arrêté ministériel de percevoir, sous certaines conditions, une allocation de cessation anticipée d'activité (ACAATA), sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle.

6. Par un arrêt du 11 mai 2010 (Soc., 11 mai 2010, n° 09-42.241, Bull. n° 106), adopté en formation plénière de chambre et publié au Rapport annuel, la chambre sociale de la Cour de cassation a reconnu aux salariés ayant travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi précitée et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel, le droit d'obtenir réparation d'un préjudice spécifique d'anxiété tenant à l'inquiétude permanente générée par le risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante.

7. La chambre sociale a ainsi instauré au bénéfice des salariés éligibles à l'ACAATA un régime de preuve dérogatoire, les dispensant de justifier à la fois de leur exposition à l'amiante, de la faute de l'employeur et de leur préjudice, tout en précisant que l'indemnisation accordée au titre du préjudice d'anxiété réparait l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence.

8. Elle a néanmoins affirmé que la réparation du préjudice d'anxiété ne pouvait être admise, pour les salariés exposés à l'amiante, qu'au profit de ceux remplissant les conditions prévues par l'article 41 susmentionné et l'arrêté ministériel pris sur son fondement et dont l'employeur entrait lui-même dans les prévisions de ce texte, de sorte que le salarié qui n'avait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ne pouvait prétendre à l'indemnisation d'un préjudice moral au titre de son exposition à l'amiante, y compris sur le fondement d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité (Soc., 26 avril 2017, n° 15-19.037, Bull. 2017, n° 71).

9. Il apparaît toutefois, à travers le développement de ce contentieux, que de nombreux salariés, qui ne remplissent pas les conditions prévues par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ou dont l'employeur n'est pas inscrit sur la liste fixée par arrêté ministériel, ont pu être exposés à l'inhalation de poussières d'amiante dans des conditions de nature à compromettre gravement leur santé.

10. Dans ces circonstances, il y a lieu d'admettre, en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, que le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée.

11. La cour d'appel a rejeté les demandes des salariés aux motifs que la SNCF n'est pas une entreprise ouvrant droit à l'ACAATA et que, nonobstant les dispositions spécifiques à cette société, notamment en matière de signalement de l'exposition au risque amiante et à la cessation anticipée d'activité pour les agents atteints d'une maladie professionnelle causée par l'amiante, le salarié ne peut obtenir réparation d'un préjudice spécifique d'anxiété par une demande dirigée contre une société qui n'entre pas dans les prévisions de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998.

12. En statuant comme elle a fait, la cour d'appel a méconnu la portée des textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 24 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Van Ruymbeke - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Monod, Colin et Stoclet -

Textes visés :

Articles L. 4121-1et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction applicable au litige.

Rapprochement(s) :

Sur la possibilité d'agir en réparation du préjudice d'anxiété à l'encontre d'une entreprise n'entrant pas dans les prévisions légales, dans le même sens que : Ass. plén., 5 avril 2019, pourvoi n° 18-17.442, Bull. 2019, Ass. plén., (1) (cassation partielle).

Soc., 11 septembre 2019, n° 17-25.300, n° 17-25.301, n° 17-25.302, n° 17-25.303, n° 17-25.304, n° 17-25.305, n° 17-25.306, n° 17-25.307, n° 17-25.308, n° 17-25.309 et suivants, (P)

Cassation

Employeur – Obligations – Sécurité des salariés – Obligation de sécurité – Manquement – Action – Conditions – Détermination – Portée

Jonction

1. En raison de leur connexité, il y a lieu de joindre les pourvois n° 17-24.879 à 17-24.892, 17-24.894 à 17-24.954, 17-24.956 à 17-25.025, 17-25.027 à 17-25.064, 17-25.066 à 17-25.124, 17-25.126 à 17-25.279, 17-25.281 à 17-25.341, 17-25.344 à 17-25.351, 17-25.353 à 17-25.402, 17-25.404 à 17-25.434, 17-25.436 à 17-25.492, 17-25.494 à 17-25.505, 17-25.507 à 17-25.537, 17-25.539 à 17-25.602, 17-25.604 à 17-25.623 ;

Reprise d'instance

2. Il y a lieu de donner acte aux consorts CM..., IN... et PQ... de leur reprise d'instance.

Faits et procédure

3. Selon les arrêts attaqués M. CU... et les autres demandeurs aux pourvois ont été employés, en qualité de mineurs de fond et de jour par les Houillères du bassin de Lorraine (HBL), devenues établissement public à caractère industriel et commercial Charbonnages de France. Cet établissement a été placé en liquidation le 1er janvier 2008, M. DA... étant désigné en qualité de liquidateur.

4. Les salariés ont saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la condamnation de leur employeur au paiement de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice d'anxiété et du manquement à une obligation de sécurité. A la suite de la clôture de la liquidation, les droits et obligations de l'EPIC Charbonnages de France ont été transférés à l'Etat à compter du 1er janvier 2018.

La cour d'appel de Metz a rejeté les demandes des salariés.

Examen des moyens réunis

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, applicable au litige :

5. En application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d'un préjudice d'anxiété personnellement subi résultant d'une telle exposition, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité.

6. Il résulte par ailleurs de la jurisprudence de la Cour (Ass. plén., 5 avril 2019, pourvoi n° 18-17.442, en cours de publication ; Soc. 25 novembre 2015, pourvoi n° 14-24.444, Bull. 2015, V, n° 234) que ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés.

7. Pour rejeter la demande des salariés au titre d'un préjudice d'anxiété, les arrêts retiennent, d'abord, que la réparation du préjudice spécifique d'anxiété, défini par la situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, n'est admise, pour les salariés exposés à l'amiante, qu'au profit de ceux remplissant les conditions prévues par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et l'arrêté ministériel pris en application, et que les salariés doivent être déboutés de leur demande présentée à titre principal en réparation du préjudice d'anxiété, lequel n'est pas ici indemnisable, même sur le fondement de l'obligation de sécurité, et ce en l'absence de dispositions légales spécifiques.

8. Les arrêts retiennent, ensuite, que les salariés versent aux débats plusieurs attestations mettant en cause la qualité, le nombre et le port des masques individuels fournis par l'employeur ainsi que le système d'arrosage destiné à capter les poussières. À titre d'exemple, il y est ainsi fait état de ce que « nous n'avions pas de masque à poussières individuel... la plupart des mineurs ne portait pas de masques à poussières, certains d'entre nous achetaient des masques en mousse en pharmacie... nous fermions l'eau pour ne pas être noyés à front... dans les années 90 on portait des masques jetables ils se colmataient vite avec la respiration et la poussière les colmatait et on n'en avait pas assez à disposition et ils n'étaient pas adaptés à un travail physique intense » (M. QTV... UPU...), de ce que « les différentes sortes de masques présentaient chacun leurs lacunes... distribution limitée au jour...les buses étaient souvent bouchées voire hors service.

Les arrosages sectoriels étaient très vite hors service » (M. YZ... IV...), de ce que « le port du masque n'était pas obligatoire » (M. HI... JX..., M. TH... BC..., M. DM... VV..., M. ZO... SA...), de ce que « plus il fallait de l'eau pour la neutraliser, ce qui provoquait énormément de boue à l'avant de la machine, celle-ci s'embourbait, conclusion mécanique, il fallait réduire la quantité d'eau sur l'arrosage.

En sachant que les buses d'arrosage étaient souvent bouchées car la qualité de l'eau était médiocre. Pour nous protéger de toute cette poussière, il nous fallait des masques de protection, lorsqu'on avait la chance d'en avoir ce qui était très rare, ils étaient très souvent et rapidement inutilisables ou hors service... » (M. HG... JH...), ou de ce que « les buses du soutènement machant, les premières années, étaient inexistantes et ensuite étaient régulièrement bouchées par les poussières » (M. MRT... KC...) ou de ce qu'il y avait des buses à eau sur les tambours mais le débit était insuffisant pour éliminer toute la poussière du havage. Même avec des buses bouchées le havage continuait car le plus important était avant tout la production' (M. OEF... MB...) ou de ce que « j'ai assisté plusieurs fois à la mise en place du capteur de poussières qui était toujours placé derrière une toile de jute mouillée par une buse à eau » (M. ZO... BP...)".

9. Les arrêts retiennent également que l'attestation de M. DM... VJ..., un ancien salarié des HBL qui après son départ en 1973 a travaillé pour un fournisseur des HBL, ce qui l'a conduit à faire des essais techniques dans des galeries, fait état de ce que « nous sommes donc descendus par la tête de taille pour accéder à la haveuse qui était en plein abattage, la poussière était tellement dense qu'on n'y voyait pas à 2 mètres. Nous avons progressé jusqu'au pied de la taille pour les essais de serrage au couple en situation réelle, mon masque à poussière était bon à jeter, quand je me suis mouché, le mouchoir était noir.

Au retour, j'ai remarqué qu'un capteur de poussière était masqué par de la toile de jute arrosée par une buse à eau. Dans la voie de base, les convoyeurs, les broyeurs dégageaient malgré l'arrosage une énorme poussière et mon masque était saturé ; un mineur me l'a soufflé à l'air comprimé afin que je puisse le réutiliser, il m'a précisé qu'il lui faudrait environ quatre ou cinq masques par poste ce que j'ai tendance à croire, le mien étant colmaté après une petite heure. D'après ses dires confirmés aussi par l'agent de maîtrise de chantier, il arrivait fréquemment qu'il n'y ait plus aucun masque de stock ».

10. La cour d'appel a toutefois considéré que ces attestations et témoignages faisaient état de constats qui ne pouvaient être reliés directement à la situation concrète de chaque salarié demandeur en fonction des différents postes successivement occupés par eux.

11. La cour d'appel a, par ailleurs, retenu qu'il était démontré que l'employeur avait pris toutes mesures nécessaires de protection, tant individuelle que collective, et également d'information, au vu notamment de différents documents relatifs aux taux d'empoussiérage, de documents relatifs aux systèmes d'aérage, de capteurs et dispositifs d'arrosage, aux masques individuels, d'attestations - telle celle de M. ARL... HU... indiquant que ''tant au point de vue des machines d'abattages, des différents convoyeurs, que du soutènement, et des effets individuels ces différents moyens de lutte étaient constamment contrôlés et entretenus... les masques à poussière étaient à la portée de chaque agent avant la descente en quantité suffisante. Des contrôles de poussière étaient organisés par des appareils individuels portés par des agents durant tout le poste aux conditions réelles de travail » ou celle de M. COQ... IB... qui indique avoir constaté sur trente ans l'évolution des méthodes et du matériel dans tous les services et dans le domaine de la lutte contre les poussières par la recherche et la mise en oeuvre des moyens les plus efficaces ainsi que leur adaptation en fonction de l'évolution des techniques et des matériels- de documents relatifs au suivi par les médecins du travail des nuisances professionnelles et du suivi médical renforcé du personnel des mines, des nombreux rapports des délégués-mineurs faisant apparaître que lorsque une observation est formulée sur la sécurité, il y est donné suite par l'exploitant, par exemple le rapport du 10 avril 1997 où le délégué mineur indique « lors de l'utilisation de la balayeuse, un nuage de poussière est créé, le personnel est incommodé. Je demande le retrait immédiat de cet engin balayeuse inadapté aux conditions du carreau Merlebach nord » avec la réponse apportée : « le balayage ne sera plus fait par temps sec avec cet engin. Une balayeuse « humide » d'une société extérieure sera commandée selon les besoins » ; notamment encore le rapport de M. HY... TC... du 21 août 1958 indiquant « Veine Anna 3 sud + nord les ouvriers travaillent dans une atmosphère poussiéreuse.

Les masques que ces ouvriers possèdent rendent leur respiration pénible. Je demande à l'exploitant de revoir pour les masques une meilleure qualité » avec parallèlement la réponse « les mesures nécessaires sont prises » ou ceux de M. BM... mentionnant le 22 septembre 1982 « visité la 1°NE Aux. Constaté un important empoussiérage du T.B provenant de la veine Irma, j'ai demandé au secteur concerné l'installation d'une batterie de buses à eau pour neutraliser les poussières à la tête du montage Irma Sud. Ce travail fut réalisé en cours de poste » et mentionnant le 17 janvier 1983 « assisté partiellement au havage du front, j'ai pu constater que la neutralisation des poussières par le dépoussiéreur était très positive, des comptes-rendus des réunions de la commission d'hygiène et de sécurité, ainsi que des rapports sur l'activité du service médical du travail, tel celui de l'année 1986 où il est noté « les effets des nombreuses remarques faites par les médecins du travail au cours de leurs visites de chantier et d'atelier : beaucoup ont été prises en compte par la hiérarchie qui a permis tantôt des améliorations techniques, tantôt la fourniture d'effets de protection individuelle et dans certains cas une information du personnel » et où il est précisé, au nombre des constatations faites par les médecins du travail au cours de leurs visites de chantiers du fond « comme points positifs : l'augmentation du nombre de dépoussiéreurs dans les chantiers de creusement, l'utilisation croissante des masques antipoussières ».

12. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à établir que l'employeur démontrait qu'il avait effectivement mis en oeuvre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, telles que prévues aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, la cour d'appel, qui devait rechercher si les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité de l'employeur telles que définies aux paragraphes 3 et 4 étaient réunies, n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

13. Il n'y a pas lieu de mettre hors de cause l'Agence nationale de garantie des droits des mineurs.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 7 juillet 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

Remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Van Ruymbeke et M. Silhol - Avocat général : Mme Courcol-Bouchard (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés ; SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, applicable au litige.

Rapprochement(s) :

Sur l'obligation de sécurité à la charge de l'employeur en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, à rapprocher : Ass. plén., 5 avril 2019, pourvoi n° 18-17.442, Bull. 2019, Ass. plén., (1) (cassation partielle), et l'arrêt cité.

Soc., 11 septembre 2019, n° 17-26.879, n° 17-26.880, n° 17-26.881, n° 17-26.882, n° 17-26.883, n° 17-26.885, n° 17-26.886, n° 17-26.887, n° 17-26.888, n° 17-26.889 et suivants, (P)

Cassation

Employeur – Obligations – Sécurité des salariés – Obligation de sécurité – Manquement – Préjudice – Préjudice spécifique d'anxiété – Droit à réparation – Mise en oeuvre – Salarié n'ayant pas travaillé dans un établissement figurant sur une liste établie par arrêté ministériel – Absence d'influence

Jonction

1. En raison de leur connexité, il y a lieu de joindre les pourvois n° 17-26.879 à 17-26.883, 17-26.885 à 17-26.895 et 18-10.100 ;

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués, M. E... et seize autres salariés, employés en qualité de marins par la société nationale maritime Corse Méditerrannée (SNCM), ont saisi le tribunal d'instance aux fins de voir condamner l'employeur à leur payer diverses sommes en réparation d'un préjudice d'anxiété en raison d'une exposition à l'amiante pendant l'exécution de leur contrat de travail.

3. La SNCM a fait l'objet d'un redressement judiciaire le 28 novembre 2014 et d'un plan de cession le 20 novembre 2015, la SCP J... et H..., étant désignée en qualité de liquidateur.

4. La cour d'appel a accueilli la demande des salariés au titre de l'indemnisation du préjudice d'anxiété dès lors qu'ils bénéficient, au titre des dispositions du décret n° 2002-1272 du 18 octobre 2002 visant expressément l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, d'une présomption de préjudice d'anxiété indemnisable, sans avoir d'autre preuve à rapporter, présomption assimilable à celle reconnue aux salariés ayant travaillé dans des établissements listés par arrêté ministériel comme susceptible d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de fixer au passif de la procédure collective une somme de dommages-intérêts due à chacun des défendeurs aux pourvois au titre de l'indemnisation du préjudice d'anxiété, alors, que « le droit à indemnisation du préjudice d'anxiété fondé sur l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 repose sur le travail au sein « des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales » et au sein desquels « l'exercice des activités de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de flocage et de calorifugeage à l'amiante de l'établissement doit présenter un caractère significatif » ; que la présomption de responsabilité résultant de ce texte repose ainsi la situation concrète de l'établissement et l'exercice avéré au sein de cet établissement d'une activité significative nécessitant l'emploi d'amiante comme matière première ; que le régime de cessation anticipée d'activité des marins mis en place par le décret du décret n° 2002-1272 du 18 octobre 2002, modifiant le décret du 17 juin 1938 relatif à l'organisation et l'unification du régime d'assurance des marins, est ouvert à tout marin ayant exercé des fonctions en machine ou polyvalentes à bord d'un navire de passager avant le 31 décembre 1998 ; que ce régime spécifique, qui est exclusivement fondé sur la date de construction des navires sur lesquels le marin a été affecté, ne repose pas sur l'existence d'une utilisation effective, ni a fortiori, significative d'amiante au sein desdits navires et ne saurait donc, s'agissant de l'indemnisation du préjudice d'anxiété, être assimilé au classement d'un établissement sur le fondement de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 ; qu'en procédant à une assimilation pure et simple du régime de cessation anticipée d'activité des marins prévu par l'article 65 du décret du 17 juin 1938, dans sa rédaction issue du décret du 18 octobre 2002 au régime ACAATA de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, pour juger que les marins ayant exercé des fonctions en machines ou polyvalentes sur des navires de passagers antérieurement au 31 décembre 1998, bénéficient « d'une présomption de préjudice d'anxiété indemnisable, sans avoir d'autre preuve à rapporter », la cour d'appel a violé les articles 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, 41 de la loi du 23 décembre 1998 et 65 du décret du 17 juin 1938, dans sa rédaction issue du décret du 18 octobre 2002 ».

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, applicable au litige, ensemble l'article 65 du décret du 17 juin 1938 dans sa rédaction issue du décret n° 2002-1272 du 18 octobre 2002 :

6. L'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 modifiée a créé un régime particulier de préretraite permettant notamment aux salariés ou anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante figurant sur une liste établie par arrêté ministériel de percevoir, sous certaines conditions, une allocation de cessation anticipée d'activité (ACAATA), sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle.

7. Par un arrêt du 11 mai 2010 (Soc., 11 mai 2010, pourvoi n° 09-42.241, Bull. 2010, n° 106), adopté en formation plénière de chambre et publié au Rapport annuel, la chambre sociale de la Cour de cassation a reconnu aux salariés ayant travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi précitée et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel, le droit d'obtenir réparation d'un préjudice spécifique d'anxiété tenant à l'inquiétude permanente générée par le risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante.

8. La chambre sociale a ainsi instauré au bénéfice des salariés éligibles à l'ACAATA un régime de preuve dérogatoire, les dispensant de justifier à la fois de leur exposition à l'amiante, de la faute de l'employeur et de leur préjudice, tout en précisant que l'indemnisation accordée au titre du préjudice d'anxiété réparait l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence.

9. L'article 65, 1°, a) du décret du 17 juin 1938 relatif à la réorganisation et à l'unification du régime d'assurance des marins, dans sa rédaction issue du décret n° 2002-1272 du 18 octobre 2002, énonce que la caisse verse une allocation de cessation anticipée d'activité aux marins et anciens marins, sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu'ils remplissent les conditions suivantes :

1° Exercer ou avoir exercé :

a) Des fonctions à la machine à bord de navires comportant des équipements contenant de l'amiante ; pour l'application de cette disposition, et sauf preuve contraire, sont considérés comme ayant comporté des équipements de ce type les navires construits avant les dates définies dans le tableau figurant en annexe au décret n° 98-332 du 29 avril 1998 relatif à la prévention des risques dus à l'amiante à bord des navires.

10. Le régime de cessation anticipée d'activité pour les salariés marins ayant exercé des fonctions à la machine à bord des navires comportant des équipements contenants de l'amiante, fondé sur la date de construction des navires sur lesquels les marins ont exercé et qui permet la preuve contraire par l'employeur de l'absence de tels équipements, n'est pas assimilable à celui prévu par l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 pour les salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante et figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget.

11. Toutefois, en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée.

12. La cour d'appel a constaté que les navires de la SNCM en la cause, dont l'affectation essentielle au transport de passagers n'est pas contestée, ne sont pas rattachables au siège social de la SNCM, ni aux établissements listés par les arrêtés des 7 juillet 2000, 4 septembre 2007 et 26 mai 2015, comme susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante, que les salariés n'ont pas exercé un métier au sein des établissements listés de la SNCM mais des métiers en qualité de marin sur les navires, et qu'ils bénéficient au titre des dispositions du décret n° 2002-1272 du 18 octobre 2002 visant expressément l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, d'une présomption de préjudice d'anxiété indemnisable, sans avoir d'autre preuve à rapporter, présomption assimilable à celle reconnue aux salariés ayant travaillé dans des établissements listés par arrêté ministériel comme susceptible d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante.

13. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les salariés n'avaient pas travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, de sorte qu'en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, les salariés devaient justifier d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d'un préjudice d'anxiété personnellement subi résultant d'une telle exposition, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 22 septembre 2017 et celui rendu le 17 novembre 2017 (RG : 16/00797), entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Capitaine - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, ensemble l'article 65 du décret du 17 juin 1938 dans sa rédaction issue du décret n° 2002-1272 du 18 octobre 2002.

Rapprochement(s) :

Sur la possibilité d'agir en réparation du préjudice d'anxiété à l'encontre d'une entreprise n'entrant pas dans les prévisions légales, dans le même sens que : Ass. plén., 5 avril 2019, pourvoi n° 18-17.442, Bull. 2019, Ass. plén., (1) (cassation partielle).

Soc., 18 septembre 2019, n° 17-23.305, (P)

Cassation partielle

Hygiène et sécurité – Médecine du travail – Examens médicaux – Inaptitude physique du salarié – Inaptitude consécutive à un accident du travail – Constat d'inaptitude du médecin du travail – Modalités – Détermination – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Q..., né le [...], a été engagé par la société UTA à compter du 3 janvier 1991 en qualité de pilote de ligne ; que le 1er janvier 1992, son contrat de travail a été transféré à la société Air France (la société) ; qu'il a été victime d'un accident de travail le 15 juin 2006 et d'une rechute le 6 juin 2011 ; que le 3 juin 2013, il a été déclaré inapte définitivement à exercer la profession de naviguant classe 1 par le président du conseil médical de l'aviation civile ; qu'à la suite d'une visite médicale du 2 septembre 2013, le médecin du travail a déclaré le salarié « inapte définitif vol ; apte sol avec restriction ; pas de trajet supérieur à 20 minutes (domicile-lieu de travail)" ; que le 23 septembre 2013, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; que le Défenseur des droits est intervenu ;

Sur les deuxième, quatrième et cinquième moyens :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens ci-après annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à ce que son licenciement soit dit nul et à ce que la société soit condamnée à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement nul, alors, selon le moyen, que les personnels navigants de l'aéronautique civile ne peuvent être déclarés inaptes à leur poste de travail à l'issue d'une période de suspension du contrat de travail consécutive à une maladie ou un accident qu'après avoir été examinés à deux reprises par le médecin du travail ; qu'en retenant que, dès lors que le conseil médical avait déclaré le salarié inapte au vol, il n'appartenait pas au médecin du travail d'apprécier l'aptitude de celui-ci à son poste de travail, la cour d'appel a violé l'article R. 4624-31 du code du travail, l'article L. 6521-6 du code des transports et l'article D. 424-2 du code de l'aviation civile ;

Mais attendu que lorsque l'inaptitude définitive aux fonction de navigant a été prononcée par le conseil médical de l'aéronautique de l'aviation civile (le CMAC), le médecin du travail peut délivrer l'avis d'inaptitude du salarié à son poste de travail en un seul examen ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté qu'à la suite de la déclaration définitive d'inaptitude prononcée par le CMAC le 3 juin 2013, le salarié avait fait l'objet le 2 septembre 2013 d'un examen médical par le médecin du travail qui l'avait déclaré inapte définitif au vol, et apte au sol avec restrictions, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le sixième moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à ce que la société soit condamnée à lui payer des dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de consulter les délégués du personnel, alors, selon le moyen, qu'en rejetant la demande tendant à ce que la société soit condamnée à payer des dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de consulter les délégués du personnel dans le cadre de la recherche de reclassement sans exposer, ne serait-ce que sommairement, les raisons de ce rejet, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que, sous le couvert d'un grief de défaut de motivation, le moyen critique une omission de statuer qui peut être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile ; que le moyen n'est pas recevable ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu les articles 2.2.2.2 et 2.4.2 du chapitre 7 de la convention d'entreprise du personnel navigant technique d'Air France ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, l'officier navigant quittant la compagnie pour inaptitude physique définitive perçoit une indemnité de licenciement pour perte de licence, fixée forfaitairement jusqu'à douze ans d'ancienneté à un mois de salaire par année complète d'ancienneté administrative et au-delà de douze années d'ancienneté administrative PNT, et en plus de l'indemnité calculée d'après les dispositions précitées, à un demi-mois de salaire par année complète d'ancienneté en sus de douze, que cette indemnité est plafonnée à dix-huit mois et demi pour les officiers navigants ayant plus de 50 ans ; qu'au-delà de 56 ans, l'indemnité maximum de dix-huit mois et demi est linéairement et mensuellement dégressive à raison de cinq mois par année sans toutefois descendre au-dessous de l'indemnité définie à l'article 2.4.2. ; que toutefois lorsque, au-delà de 56 ans, le montant maximum de dix-huit mois et demi n'est pas atteint, l'indemnité continue à croître tant que le montant est inférieur au montant maximum prévu à l'alinéa précédent, à âge identique ; qu' il décroît ensuite linéairement comme indiqué ci-dessus ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt retient que la société avait satisfait à ses obligations conventionnelles en versant au salarié une indemnité conventionnelle de licenciement calculée selon les modalités applicables en cas d'indemnité dégressive ;

Qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans rechercher la date à laquelle le salarié avait atteint le seuil maximum de dix-huit mois et demi de salaire, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de sa demande de rappel sur l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt rendu le 4 juillet 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Ricour - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; Me Le Prado ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article R. 4624-31 du code du travail ; article L. 6521-6 du code des transports ; article D. 424-2 du code de l'aviation civile.

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