Numéro 9 - Septembre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2019

PROTECTION DES CONSOMMATEURS

1re Civ., 26 septembre 2019, n° 18-10.890, (P)

Cassation partielle

Association de défense des consommateurs – Action en justice – Clause des conditions générales – Contrat conclu entre un consommateur et un professionnel – Recevabilité – Conditions – Contrat en cours susceptible de contenir les clauses litigieuses

Ayant relevé qu'un professionnel avait substitué aux clauses litigieuses de nouvelles clauses notifiées à l'ensemble des consommateurs concernés, si bien qu'il ne subsistait aucun contrat en cours susceptible de contenir les clauses litigieuses, une cour d'appel en a exactement déduit que la demande de suppression portant sur ces clauses était irrecevable.

Association de défense des consommateurs – Action en justice – Action en suppression de clauses abusives – Intérêt collectif des consommateurs – Préjudice direct ou indirect – Demande en réparation – Action distincte de celle en suppression des clauses abusives – Effets – Détermination

L'action en suppression de clauses illicites ou abusives est distincte de celle en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs par ces clauses, si bien que l'irrecevabilité de la première ne rend pas sans objet la seconde.

Clauses abusives – Exclusion – Cas – Fournisseurs et distributeurs d'énergie – Clause excluant la responsabilité contractuelle du fournisseur en cas de manquement du distributeur à ses propres obligations

L'article L. 121-92 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ne remet pas en cause l'existence d'une double relation contractuelle unissant le consommateur à chacun des fournisseur et distributeur d'énergie ni non plus ne modifie les responsabilités respectives de ceux-ci envers celui-là, si bien que n'est pas abusive la clause qui exclut la responsabilité contractuelle du fournisseur en cas de manquement du distributeur à ses propres obligations.

Clauses abusives – Exclusion – Cas – Ajustement des mensualités par le professionnel sans communication préalable au consommateur – Conditions – Aucune modification des conditions contractuelles

Ne viole pas l'article L. 121-90 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006, la clause qui prévoit un ajustement des mensualités par le professionnel sans communication préalable au consommateur, si un tel ajustement n'entraîne aucune modification des conditions contractuelles.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 25 février 2013, l'association Union fédérale des consommateurs - Que Choisir (l'UFC) a assigné la société Direct énergie (la société) en suppression de clauses illicites ou abusives contenues dans ses conditions générales de vente d'électricité et de gaz en vigueur au 1er janvier 2013 ; qu'en cours d'instance, la société a émis de nouvelles conditions générales de vente en vigueur au 15 mai 2014 ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que l'UFC fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande de suppression des clauses figurant dans les conditions générales de vente en vigueur au 1er janvier 2013, alors, selon le moyen, qu'une association déclarée et agréée pour la défense des intérêts des consommateurs peut agir devant la juridiction civile en suppression d'une clause illicite ou abusive dans tout contrat proposé ou destiné au consommateur quand bien même la clause dont l'interdiction est réclamée n'est plus utilisée dans des contrats déterminés dès lors qu'elle a pu l'être par le passé ; qu'en affirmant qu'étaient sans objet les demandes de l'UFC en nullité des clauses qui ne figuraient plus dans les conditions générales de vente ni dans aucun contrat en cours ou proposé à la clientèle, quand l'UFC était fondée à agir de façon curative et préventive, afin que soit jugées abusives des clauses ayant été stipulées dans des contrats conclus par la société avec des consommateurs, même si ces contrats n'étaient plus en cours ou proposés à la clientèle au jour où elle statuait, la cour d'appel a violé l'article L. 421-6 du code la consommation dans sa version applicable à l'espèce antérieure à celle résultant de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société avait substitué aux clauses contenues dans les contrats conclus sous l'empire des conditions générales en vigueur au 1er janvier 2013, de nouvelles clauses notifiées à l'ensemble des clients concernés à compter du 15 mai 2014, de sorte qu'il ne subsistait aucun contrat en cours susceptible de contenir les anciennes clauses litigieuses, la cour d'appel en a exactement déduit que la demande de suppression portant sur ces clauses était irrecevable ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que l'UFC fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de suppression de l'article 11.1 des conditions générales de vente en vigueur au 15 mai 2014 et de rejeter en conséquence ses demandes indemnitaires, alors, selon le moyen, que le fournisseur d'énergie est tenu d'offrir au client la possibilité de conclure avec lui un contrat unique portant sur la fourniture et la distribution d'électricité ou de gaz naturel, ce qui implique que le fournisseur soit responsable de tout manquement aux obligations ainsi souscrites, quand bien même il dispose d'une action récursoire contre le gestionnaire du réseau de distribution ; qu'en affirmant, au contraire, pour juger licite la clause selon laquelle le fournisseur pouvait s'exonérer de sa responsabilité à l'égard du consommateur en cas de défaillance du gestionnaire, que le « contrat unique » laissait subsister deux relations contractuelles distinctes liant le consommateur au fournisseur, d'une part, et au gestionnaire de réseau, par l'intermédiaire du fournisseur mandataire, d'autre part, et n'avait donc pas pour effet de modifier les responsabilités respectives de ces derniers, la cour d'appel a violé l'article L. 121-92 devenu L. 224-8 du code de la consommation ;

Mais attendu qu'ayant à bon droit retenu qu'en instituant un contrat unique souscrit par le consommateur auprès du fournisseur d'énergie, qui reçoit mandat de son client de signer en son nom et pour son compte le contrat le liant au gestionnaire du réseau de distribution, seul tenu d'assurer l'exécution des prestations relatives à l'accès et à l'utilisation de ce réseau, le législateur n'avait entendu ni remettre en cause l'existence d'une double relation contractuelle unissant le consommateur à chacun des opérateurs ni modifier les responsabilités respectives de ceux-ci envers celui-là, la cour d'appel en a exactement déduit que la clause litigieuse n'avait pas pour effet de limiter la responsabilité contractuelle de la société, de sorte qu'elle n'était pas abusive ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que l'UFC fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de suppression de l'article 7.1.2 des conditions générales de vente en vigueur au 15 mai 2014 et de rejeter en conséquence ses demandes indemnitaires, alors, selon le moyen, que tout projet de modification par le fournisseur des conditions contractuelles est communiqué au consommateur au moins un mois avant la date d'application envisagée ; que cette communication est assortie d'une information précisant au consommateur qu'il peut résilier le contrat sans pénalité ; que la modification de la date d'exigibilité du prix de l'énergie fournie constitue une modification des conditions contractuelles ; qu'en affirmant néanmoins que la modification de l'échéancier de paiement n'entraînait pas de modification des conditions contractuelles, de sorte qu'elle ne devait pas faire l'objet d'une information préalable du consommateur, la cour d'appel a violé l'article L. 121-90 devenu L. 224-10 du code de la consommation ;

Mais attendu qu'ayant à bon droit retenu que l'éventuel ajustement des mensualités n'entraînait aucune modification des conditions contractuelles au sens de l'article L. 121-90, devenu L. 224-10 du code de la consommation, la cour d'appel en a exactement déduit que la clause litigieuse n'était pas illicite ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que l'UFC fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de suppression de l'article 8 des conditions générales de vente en vigueur au 15 mai 2014 et de rejeter en conséquence ses demandes indemnitaires, alors, selon le moyen, que, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu'est présumée abusive de manière irréfragable la clause qui a pour objet ou pour effet de contraindre le consommateur à exécuter ses obligations alors que, réciproquement, le professionnel n'exécuterait pas ses obligations de délivrance d'un bien ou son obligation de fourniture d'un service ; qu'en se bornant à relever que la clause stipulée à l'article 8 sanctionnant par des pénalités le manquement du consommateur à son obligation de paiement ne créait aucun déséquilibre significatif entre les parties, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la clause réciproque stipulée à l'article 8.2 sanctionnant par des pénalités le manquement du fournisseur à ses obligations contractuelles n'était pas en pratique impossible à mettre en oeuvre dès lors que le consommateur n'était pas en mesure de démontrer à qui du fournisseur ou du gestionnaire de réseau une interruption du service était imputable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 132-1 devenu L. 212-1 et R. 132-1, 3°, devenu R. 212-1, 5°, du code de la consommation ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que la pénalité mise à la charge du consommateur faisait l'objet d'une pénalité réciproque à son profit en cas de manquement du fournisseur à ses propres obligations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a déduit qu'aucun déséquilibre significatif au détriment du consommateur n'était démontré ; qu'elle a ainsi, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Mais sur la seconde branche du premier moyen :

Vu l'article L. 421-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, ensemble l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

Attendu que, pour rejeter la demande d'indemnisation au titre du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs par les conditions générales de vente en vigueur au 1er janvier 2013, l'arrêt retient que la notification de nouvelles clauses à l'ensemble des clients concernés, en cours de procédure, ne laisse subsister aucun contrat susceptible de contenir les clauses litigieuses, de sorte que la demande est sans objet ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'action en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs est distincte de celle en suppression des clauses illicites ou abusives, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'indemnisation au titre du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs par les conditions générales de vente en vigueur au 1er janvier 2013, l'arrêt rendu le 9 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Vitse - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article L. 421-6 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 ; article 31 du code de procédure civile ; article L. 421-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 ; article 1382, devenu 1240, du code civil ; article L. 121-92 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ; article L. 121-90 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 26 avril 2017, pourvoi n° 15-18.970, Bull. 2017, I, n° 94 (2) (cassation partielle). 1re Civ., 26 avril 2017, pourvoi n° 15-18.970, Bull. 2017, I, n° 94 (1) (cassation partielle).

1re Civ., 26 septembre 2019, n° 18-10.891, (P)

Cassation partielle

Association de défense des consommateurs – Action en justice – Clause des conditions générales – Contrat conclu entre un consommateur et un professionnel – Recevabilité – Conditions – Contrat en cours susceptible de contenir les clauses litigieuses

Ayant relevé qu'un professionnel avait substitué aux clauses litigieuses de nouvelles clauses notifiées à l'ensemble des consommateurs concernés, si bien qu'il ne subsistait aucun contrat en cours susceptible de contenir les clauses litigieuses, une cour d'appel en a exactement déduit que la demande de suppression portant sur ces clauses était irrecevable.

Association de défense des consommateurs – Action en justice – Action en suppression de clauses abusives – Intérêt collectif des consommateurs – Préjudice direct ou indirect – Demande en réparation – Action distincte de celle en suppression des clauses abusives – Effets – Détermination

L'action en suppression de clauses illicites ou abusives est distincte de celle en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs par ces clauses, si bien que l'irrecevabilité de la première ne rend pas sans objet la seconde.

Clauses abusives – Exclusion – Cas – Fournisseurs et distributeurs d'énergie – Clause excluant la responsabilité contractuelle du fournisseur en cas de manquement du distributeur à ses propres obligations

L'article L. 121-92 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ne remet pas en cause l'existence d'une double relation contractuelle unissant le consommateur à chacun des fournisseur et distributeur d'énergie ni non plus ne modifie les responsabilités respectives de ceux-ci envers celui-là, si bien que n'est pas abusive la clause qui exclut la responsabilité contractuelle du fournisseur en cas de manquement du distributeur à ses propres obligations.

Clauses abusives – Exclusion – Cas – Fournisseurs et distributeurs d'énergie – Devoir de conseil – Clause subordonnant le devoir de conseil relatif à l'adéquation du prix à la sollicitation préalable du consommateur

N'est pas abusive, la clause par laquelle le fournisseur d'énergie subordonne, en cours de contrat, l'exercice de son devoir de conseil relatif à l'adéquation du tarif aux besoins du consommateur, à la sollicitation préalable de ce dernier.

Clauses abusives – Définition – Clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties – Cas – Clause mettant à la charge du consommateur une pénalité en cas de manquement à son obligation de paiement sans réciproque sur l'obligation principale du professionnel

Viole les articles L. 132-1 et R. 132-1, 5°, devenus L. 212-1 et R. 212-1, 5°, du code de la consommation, la clause qui met à la charge du consommateur une pénalité en cas de manquement à son obligation de paiement, sans que soit mise à la charge du professionnel une pénalité réciproque portant sur sa propre obligation principale de fourniture d'énergie.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 25 février 2013, l'association Union fédérale des consommateurs - Que Choisir (l'UFC) a assigné la société GDF Suez, devenue Engie (la société), en suppression de clauses illicites ou abusives contenues dans ses conditions générales de vente de gaz naturel de décembre 2011 et septembre 2013 ; qu'en cours d'instance, la société a émis de nouvelles conditions générales de vente en juin 2014, octobre 2015 et janvier 2016 ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que l'UFC fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande de suppression des clauses figurant dans les conditions générales de vente de décembre 2011 et septembre 2013, alors, selon le moyen, qu'une association déclarée et agréée pour la défense des intérêts des consommateurs peut agir devant la juridiction civile en suppression d'une clause illicite ou abusive dans tout contrat proposé ou destiné au consommateur quand bien même la clause dont l'interdiction est réclamée n'est plus utilisée dans des contrats déterminés dès lors qu'elle a pu l'être par le passé ; qu'en affirmant que l'UFC était dépourvue d'intérêt à agir et qu'étaient sans objet les demandes de l'UFC en nullité des clauses qui ne figuraient plus dans les conditions générales de vente ni dans aucun contrat en cours ou proposé à la clientèle, quand l'UFC était fondée à agir de façon curative et préventive, afin que soit jugées abusives des clauses ayant été stipulées dans des contrats conclus par la société avec des consommateurs, même si ces contrats n'étaient plus en cours ou proposés à la clientèle au jour où elle statuait, la cour d'appel a violé l'article L. 421-6 du code la consommation dans sa version applicable à l'espèce antérieure à celle résultant de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société avait substitué aux clauses contenues dans les contrats soumis aux conditions générales de vente de décembre 2011 et septembre 2013, de nouvelles clauses notifiées à l'ensemble des clients concernés, de sorte qu'il ne subsistait aucun contrat en cours susceptible de contenir les anciennes clauses litigieuses, la cour d'appel en a exactement déduit que la demande de suppression portant sur ces clauses était irrecevable ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que l'UFC fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de suppression de l'article 13 des conditions générales de vente de juin 2014 et de rejeter en conséquence ses demandes indemnitaires, alors, selon le moyen, que le fournisseur d'énergie est tenu d'offrir au client la possibilité de conclure avec lui un contrat unique portant sur la fourniture et la distribution d'électricité ou de gaz naturel, ce qui implique que le fournisseur soit responsable de tout manquement aux obligations ainsi souscrites, quand bien même il dispose d'une action récursoire contre le gestionnaire du réseau de distribution ; qu'en affirmant, au contraire, pour juger licite la clause selon laquelle le fournisseur pouvait s'exonérer de sa responsabilité à l'égard du consommateur en cas de défaillance du gestionnaire, que le « contrat unique » laissait subsister deux relations contractuelles distinctes liant le consommateur au fournisseur, d'une part, et au gestionnaire de réseau, par l'intermédiaire du fournisseur mandataire, d'autre part, et n'avait donc pas pour effet de modifier les responsabilités respectives de ces derniers, la cour d'appel a violé l'article L. 121-92, devenu L. 224-8 du code de la consommation ;

Mais attendu qu'ayant à bon droit retenu qu'en instituant un contrat unique souscrit par le consommateur auprès du fournisseur d'énergie, qui reçoit mandat de son client de signer en son nom et pour son compte le contrat le liant au gestionnaire du réseau de distribution, seul tenu d'assurer l'exécution des prestations relatives à l'accès et à l'utilisation de ce réseau, le législateur n'avait entendu ni remettre en cause l'existence d'une double relation contractuelle unissant le consommateur à chacun des opérateurs ni modifier les responsabilités respectives de ceux-ci envers celui-là, la cour d'appel en a exactement déduit que la clause litigieuse n'avait pas pour effet de limiter la responsabilité contractuelle de la société, de sorte qu'elle n'était pas abusive ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que l'UFC fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de suppression de l'article 4.3 des conditions générales de vente de juin 2014, octobre 2015 et janvier 2016, et de rejeter en conséquence ses demandes indemnitaires, alors, selon le moyen, qu'il incombe au professionnel de renseigner, en cours de contrat, le consommateur sur ses besoins et l'adéquation du service proposé à l'utilisation qui en est faite ; qu'est présumée abusive la clause ayant pour objet ou pour effet de supprimer le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations ; qu'en affirmant que n'était pas abusive la clause par laquelle la société subordonne, en cours de contrat, l'exercice de son devoir de conseil relatif à l'adéquation du tarif à la consommation réelle du consommateur, à la sollicitation préalable de ce dernier, la cour d'appel a violé les articles L. 111-1 et R. 132-1, 6° devenu R. 212-1, 6°, du code de la consommation, ensemble l'article 1147, devenu 1231-1 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant à bon droit retenu qu'il n'incombait pas au fournisseur d'énergie de vérifier spontanément, en cours de contrat, l'adéquation du tarif pratiqué à l'évolution des besoins de son client, mais uniquement de répondre aux sollicitations de celui-ci, la cour d'appel en a exactement déduit que la clause litigieuse n'était pas abusive ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur la seconde branche du premier moyen :

Vu l'article L. 421-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, ensemble l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

Attendu que, pour rejeter la demande d'indemnisation au titre du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs par les conditions générales de vente de décembre 2011 et septembre 2013, l'arrêt retient que la notification de nouvelles clauses à l'ensemble des clients concernés, en cours de procédure, ne laisse subsister aucun contrat susceptible de contenir les clauses litigieuses, de sorte que la demande est sans objet ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'action en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs est distincte de celle en suppression des clauses illicites ou abusives, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Sur le troisième moyen :

Vu l'article L. 121-87, 8°, devenu L. 224-3, 8°, du code de la consommation ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que l'offre de fourniture d'électricité ou de gaz naturel doit préciser, dans des termes clairs et compréhensibles, le délai prévisionnel de fourniture de l'énergie ;

Attendu que, pour rejeter la demande de suppression de l'article 3.3 des conditions générales de vente établies en juin 2014, et rejeter en conséquence les demandes indemnitaires de l'UFC, l'arrêt retient que si le délai prévisionnel de fourniture de l'énergie n'y est pas mentionné, une telle information figure dans les conditions particulières du contrat ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la clause litigieuse ne permettait pas au consommateur de connaître, avant la conclusion du contrat, le délai prévisionnel de fourniture de l'énergie, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le cinquième moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 132-1 et R. 132-1, 5°, devenus L. 212-1 et R. 212-1, 5°, du code de la consommation ;

Attendu que, pour valider l'article 7.1 des conditions générales de vente de juin 2014, octobre 2015 et janvier 2016, et rejeter en conséquence les demandes indemnitaires de l'UFC, l'arrêt retient que le défaut de réciprocité de la pénalité infligée au consommateur en cas de retard de paiement ne crée aucun déséquilibre significatif à son détriment, dès lors que la société n'a pas la maîtrise du réseau de distribution, qu'elle subit d'importantes contraintes techniques et que la pénalité infligée au client apparaît modérée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la pénalité encourue par le consommateur en cas de retard de paiement ne s'accompagnait d'aucune pénalité réciproque en cas de manquement de la société à son obligation principale de fourniture d'énergie, peu important son défaut de maîtrise du réseau de distribution, l'ampleur de ses contraintes techniques et la modicité de la pénalité infligée au consommateur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du cinquième moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande d'indemnisation au titre du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs par les conditions générales de vente de décembre 2011 et septembre 2013, la demande de suppression de l'article 3.3 des conditions générales de vente de juin 2014, la demande de suppression de l'article 7.1 des conditions générales de vente de juin 2014, octobre 2015 et janvier 2016, et les demandes indemnitaires subséquentes, l'arrêt rendu le 16 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Vitse - Avocat général : M. Chaumont - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article L. 421-6 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 ; article 31 du code de procédure civile ; article L. 421-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 ; article 1382, devenu 1240, du code civil ; article L. 121-92 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ; articles L. 111-1 et R. 132-1, 6°, devenu R. 212-1, 6°, du code de la consommation ; article 1147, devenu 1231-1, du code civil ; article L. 121-87, 8°, devenu L. 224-3, 8°, du code de la consommation ; articles L. 132-1 et R. 132-1, 5°, devenus L. 212-1 et R. 212-1, 5°, du code de la consommation.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 26 avril 2017, pourvoi n° 15-18.970, Bull. 2017, I, n° 94 (2) (cassation partielle) ; 1re Civ., 26 septembre 2019, pourvoi n° 18-10.890, Bull. 2019, I, (1) (cassation partielle). 1re Civ., 26 avril 2017, pourvoi n° 15-18.970, Bull. 2017, I, n° 94 (1) (cassation partielle) ; 1re Civ., 26 septembre 2019, pourvoi n° 18-10.890, Bull. 2019, I, (2) (cassation partielle). 1re Civ., 26 septembre 2019, pourvoi n° 18-10.890, Bull. 2019, I, (3) (cassation partielle).

2e Civ., 5 septembre 2019, n° 18-15.547, (P)

Cassation

Surendettement – Commission de surendettement – Saisine du juge de l'exécution – Suspension des procédures d'exécution – Cas – Jugement ordonnant la vente forcée antérieurement à la décision de recevabilité à la procédure de surendettement

En application de l'article L. 722-4 du code de la consommation, lorsque la décision de recevabilité d'une demande de traitement de la situation financière du débiteur intervient après que la vente forcée d'un bien immobilier lui appartenant a été ordonnée par un jugement, exécutoire de plein droit nonobstant appel, le report de la date d'adjudication ne peut résulter que d'une décision du juge chargé de la saisie immobilière, saisi à cette fin par la commission de surendettement des particuliers, pour causes graves et dûment justifiées.

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu l'article L. 722-4 du code de la consommation ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que sur des poursuites de saisie immobilière engagées par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Normandie (la banque) à l'encontre de M. et Mme C..., un jugement d'orientation d'un juge de l'exécution du 17 janvier 2017 a, notamment, ordonné la vente forcée du bien saisi ; que M. et Mme C... ont interjeté appel de cette décision ; que, le 7 juillet 2017, sur le recours qu'ils ont formé contre la décision d'irrecevabilité rendue par une commission de surendettement, le juge d'un tribunal d'instance a déclaré recevable leur demande tendant au traitement de leur situation de surendettement ;

Attendu que pour infirmer le jugement d'orientation et, statuant à nouveau, constater que M. et Mme C... bénéficient d'une procédure de surendettement des particuliers, et en conséquence, débouter la banque de sa demande tendant à voir ordonner la vente forcée du bien saisi, l'arrêt retient que M. et Mme C... sont fondés à invoquer l'effet suspensif du jugement les ayant admis au bénéfice de l'ouverture d'une procédure de surendettement, en application de l'article L. 722-2 du code de la consommation, les dispositions de l'article L. 722-4 du même code n'ayant vocation à s'appliquer que lorsque la vente forcée a été ordonnée par une décision définitive, passée en force de chose jugée, tel n'étant pas le cas en l'espèce, la présente procédure tendant à la réformation du jugement ayant notamment ordonné ladite vente forcée ;

Qu'en statuant ainsi alors que, lorsque la décision de recevabilité d'une demande de traitement de la situation financière du débiteur intervient après que la vente forcée d'un bien immobilier lui appartenant a été ordonnée par un jugement d'orientation, exécutoire de plein droit nonobstant appel, le report de la date d'adjudication ne peut résulter que d'une décision du juge chargé de la saisie immobilière, saisi à cette fin par la commission de surendettement des particuliers, pour causes graves et dûment justifiées, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Dumas - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : SCP Capron ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article L. 722-4 du code de la consommation.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 7 janvier 2016, pourvoi n° 14-26.908, Bull. 2016, II, n° 1 (cassation sans renvoi).

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