Numéro 9 - Septembre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2019

PROCEDURE CIVILE

2e Civ., 26 septembre 2019, n° 18-14.708, (P)

Cassation sans renvoi

Acte de procédure – Notification – Notification par la voie électronique – Domaine d'application – Détermination – Portée

Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société Edifices de France a pour activité la promotion immobilière exercée par des participations dans des sociétés civiles de construction vente constituant le groupe Edifices de France ; que des différends étant apparus entre les associés de la société Edifices de France, portant notamment sur la facturation de prestations ou rémunérations émise par M. Q... et les structures qu'il contrôlait ainsi que par MM. C... et H... A... ou les structures qu'ils contrôlaient à l'encontre des sociétés du groupe, ceux-ci ont désigné M. D... en qualité d'arbitre unique, chargé de statuer comme amiable compositeur en précisant que la sentence arbitrale sera définitive et sans appel ; que M. Q... et la société Financière Vauban ont formé devant la cour d'appel de Douai un recours en annulation à l'encontre de la sentence rendue le 15 novembre 2013 statuant sur les demandes respectives des parties ; que, par un premier arrêt du 17 mars 2016, rendu sur déféré d'une ordonnance du conseiller de la mise en état, la cour d'appel a déclaré recevable le recours en annulation ; que, par un second arrêt du 18 janvier 2018, la cour a annulé la sentence arbitrale et a rejeté une demande de dommages-intérêts pour recours abusif ;

Sur le premier moyen, dirigé contre l'arrêt du 17 mars 2016, pris en ses première, deuxième et quatrième branches :

Vu les articles 930-1 et 1495 du code de procédure civile ;

Attendu, selon le second de ces textes, que le recours en annulation d'une sentence arbitrale est formé, instruit et jugé selon les règles relatives à la procédure en matière contentieuse prévues aux articles 900 à 930-1 du code de procédure civile ; que le premier dispose que les actes de procédure sont, à peine d'irrecevabilité, remis à la juridiction par voie électronique ;

Attendu que, pour déclarer recevable le recours en annulation formé par M. Q... et par la société Financière Vauban contre la sentence arbitrale rendue par M. D... le 15 novembre 2013, l'arrêt retient qu'il ne saurait être reproché à M. Q... et à la société Financière Vauban de ne pas avoir effectué le recours en annulation par la voie électronique puisque ni l'arrêté du 30 mars 2011 consolidé le 1er janvier 2013 et pris en application de l'article 930-1, alinéa 4, du code de procédure civile ni la convention locale de procédure du 10 janvier 2013, qui donnent une énumération précise des actes de procédure qui doivent faire l'objet d'une remise et d'une transmission par voie électronique à la juridiction, ne mentionnent le recours en annulation en matière d'arbitrage, ainsi que cela ressort de la correspondance du 22 septembre 2014 du président de la commission Intranet et nouvelles technologies du conseil national des barreaux qui confirme que les tables de la chancellerie en l'état d'utilisation de la plate-forme e-Barreau ne prévoient pas la mention de « recours en annulation d'une sentence arbitrale » et qu'il n'existe à ce jour aucune mention permettant d'identifier dans le cadre d'un tel recours « un demandeur au recours » ou « un défendeur au recours » ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la recevabilité du recours en annulation de la sentence arbitrale était conditionnée par sa remise à la juridiction par la voie électronique et que les conventions passées entre une cour d'appel et les barreaux de son ressort, aux fins de préciser les modalités de mise en oeuvre de la transmission des actes de procédure par voie électronique, ne peuvent déroger aux dispositions de l'article 930-1 du code de procédure civile, notamment en en restreignant le champ d'application, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen, dirigé contre l'arrêt du 18 janvier 2018 :

Vu l'article 625 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation de l'arrêt du 17 mars 2016 entraîne l'annulation par voie de conséquence de l'arrêt du 18 janvier 2018 qui en est la suite ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DECLARE le recours en annulation formé par M. Q... et la société Financière Vauban irrecevable ;

CONSTATE l'annulation de l'arrêt du 18 janvier 2018.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Sommer - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie ; SCP Delvolvé et Trichet -

Textes visés :

Article 930-1 du code de procédure civile ; article 1495 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 19 octobre 2017, pourvoi n° 16-24.234, Bull. 2017, II, n° 198 (cassation) ; Com., 13 mars 2019, pourvoi n° 17-10.861, Bull. 2019, (cassation).

1re Civ., 19 septembre 2019, n° 18-15.633, (P)

Cassation

Droits de la défense – Principe de la contradiction – Violation – Cas – Audition d'un mineur après la clôture des débats sans permettre aux parties de présenter leur observations

Sur le premier moyen, qui est recevable :

Vu les articles 16 et 338-12 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que des relations de M. P... et de Mme A... est née Z..., le [...] ; qu'à la suite de leur séparation, M. P... a saisi le juge aux affaires familiales aux fins de voir statuer sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale ;

Attendu que, pour fixer la résidence habituelle de Z... chez son père, l'arrêt se fonde notamment sur les propos de l'enfant, recueillis lors d'une audition organisée après la clôture des débats ;

Qu'en statuant ainsi, sans avoir ni invité les parties à formuler, dans un certain délai, leurs observations en cours de délibéré sur le compte rendu qui leur était adressé, ni ordonné la réouverture des débats, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 juillet 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Feydeau-Thieffry - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau ; Me Le Prado -

Textes visés :

Articles 16 et 338-12 du code de procédure civile.

1re Civ., 19 septembre 2019, n° 18-19.570, (P)

Cassation

Droits de la défense – Principe de la contradiction – Violation – Cas – Mesures de protection judiciaire – Défaut de notification au requérant de la possibilité de consulter le dossier au greffe

Sur le premier moyen :

Vu les articles 16 et 1222 du code de procédure civile ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue contradictoirement ; que cette exigence implique que chaque partie ait la faculté de prendre connaissance et de discuter de toute pièce présentée au juge ; qu'aux termes du second, en matière de protection juridique des majeurs, le dossier peut être consulté au greffe par le requérant jusqu'au prononcé de la décision d'ouverture ou, lorsqu'une modification de la mesure de protection est sollicitée, jusqu'à ce qu'il soit statué sur celle-ci ; qu'il peut être également consulté dans les mêmes conditions et sur autorisation de la juridiction saisie, par une des personnes énumérées à l'article 430 du code civil si elle justifie d'un intérêt légitime ; qu'au sens de ce texte, la modification de la mesure de protection s'entend également de celle des organes de protection ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... O... a été placée sous tutelle par jugement du 2 décembre 2014, un mandataire judiciaire à la protection des majeurs étant désigné en qualité de tuteur ; que, par requête du 10 octobre 2016, Mme B... O..., fille de la majeure protégée, a demandé sa désignation en qualité de subrogé tuteur et la vérification des comptes par un technicien ; que, par une nouvelle requête du 21 avril 2017, elle a demandé sa désignation en qualité de cotuteur avec son frère, M. O... ;

Attendu qu'il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt ni des pièces de la procédure que Mme B... O... ait été avisée de la faculté qui lui était ouverte de consulter le dossier au greffe, de sorte qu'il n'est pas établi qu'elle ait été mise en mesure de prendre connaissance, avant l'audience, des pièces présentées à la juridiction et, par suite, de les discuter utilement ; qu'ainsi, il n'a pas été satisfait aux exigences des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Le Cotty - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie ; SCP Le Bret-Desaché -

Textes visés :

Articles 16 et 1222 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 18 novembre 2015, pourvoi n° 14-28.223, Bull. 2015, I, n° 285 (cassation), et l'arrêt cité.

2e Civ., 12 septembre 2019, n° 18-13.791, n° 18-14.724, (P)

Rejet

Droits de la défense – Principe de la contradiction – Violation – Défaut – Cas – Application du barème de capitalisation par le juge sans recueillir préalablement les observations des parties

Joint les pourvois n° 18-13.791 et 18-14.724 ;

Donne acte à la société d'Exploitation et de participation hôtelière du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Generali assurances IARD ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 16 janvier 2018), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ, 17 février 2016, pourvoi n° 14-16.560), qu'au cours d'un séjour à l'hôtel Vista Palace, propriété de la société Althoff hôtel France, aux droits de laquelle se trouve la société d'Exploitation et de participation hôtelière (la société), L... G..., qui, se trouvant sur le balcon, n'avait pu regagner sa chambre d'hôtel en raison de la défectuosité du système de fermeture de la porte-fenêtre, a fait une chute mortelle en tentant d'accéder au balcon d'une autre chambre ; que Mme S... veuve G..., agissant tant à titre personnel qu'en qualité d'administratrice légale des biens de ses enfants, alors mineurs, N... et O... G..., Mme X..., veuve G... et M. I... G..., mère et frère du défunt (les consorts G...) ont assigné la société et son assureur, la société Generali assurances IARD (la société Generali) en réparation de leurs préjudices ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° 18-13.791 :

Attendu que Mme S..., Mme N... G... et M. O... G... font grief à l'arrêt de constater qu'eu égard aux sommes déjà perçues de la caisse primaire d'assurance maladie et de la CAPAVES prévoyance, aucune indemnisation complémentaire n'est due à Mme N... G... et M. O... G... par la société au titre de leur préjudice économique, et qu'il y a lieu pour la même raison de cantonner l'obligation de cette société à réparer le préjudice économique de Mme T... S..., veuve G... à la somme de 581 131,99 euros, alors, selon le moyen :

1°/ que la victime a droit à obtenir réparation de son préjudice peu important qu'elle ait par ailleurs obtenu certaines prestations de son organisme de prévoyance dès lors que celles-ci revêtent un caractère forfaitaire et non indemnitaire ; qu'à cet égard, les prestations servies en exécution d'un contrat d'assurance de personne en cas d'accident ou de maladie revêtent un caractère forfaitaire, et non pas indemnitaire, dès lors qu'elles sont calculées en fonction d'éléments prédéterminés par les parties indépendamment du préjudice réellement subi ; qu'il en va également ainsi lorsque l'un de ces éléments prédéterminés porte sur le revenu de l'assuré décédé ; qu'en retenant en l'espèce que l'indemnité servie par CAPAVES prévoyance était indemnitaire et non forfaitaire pour cette seule raison qu'il s'agissait d'un revenu de substitution donc les modalités de calcul étaient en relation directe avec les revenus salariaux de la victime, sans rechercher si cet élément de calcul de la prestation n'avait pas été préétablie et n'était pas indépendant du préjudice effectivement subi par les ayants droit, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1134 ancien devenu 1103 du code civil et L. 131-2, alinéa 2, du code des assurances ;

2°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'à cet égard, les notices d'information jointes aux polices d'assurance ont la même valeur contractuelle que ces dernières, qu'elles permettent d'éclairer et de préciser ; qu'en l'espèce, les consorts G... rappelaient que le contrat de prévoyance conclu avec CAPAVES prévoyance excluait toute subrogation en cas de décès de l'assuré ; qu'en retenant que cette exclusion formelle figurant dans la notice d'information n'était pas de nature à priver CAPAVES prévoyance du recours subrogatoire qu'elle tirait d'une stipulation du contrat d'assurance, les juges du fond ont dénaturé par refus d'application la notice d'information de CAPAVES prévoyance, en violation de l'article 1134 devenu 1103 du code civil ;

3°/ qu'en s'abstenant de rechercher si les termes de la police d'assurance ne devaient pas être interprétés au regard des indications apportées par la notice d'information qui s'y trouvait jointe, les juges du fond ont de toute façon privé leur décision de base légale au regard de l'article 1134 devenu 1103 du code civil ;

Mais attendu que selon l'article L. 931-11 du code de la sécurité sociale, pour le paiement des prestations à caractère indemnitaire, les institutions de prévoyance sont subrogées jusqu'à concurrence desdites prestations dans les droits et actions du participant, du bénéficiaire ou de leurs ayants droit contre le tiers responsable ; qu' ayant constaté que la rente éducation servie par CAPAVES prévoyance à chacun des enfants d'L... G... et le capital décès versé à Mme S... constituaient un revenu de substitution dont les modalités de calcul étaient en relation directe avec les revenus salariaux de la victime, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, en a justement déduit, hors de toute dénaturation, que ces prestations, qui revêtaient un caractère indemnitaire, devaient être déduites du préjudice économique de la veuve et des enfants d'L... G... ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi n° 18-13.791 :

Attendu que Mme S..., Mme N... G... et M. O... G... font grief à l'arrêt de les débouter de leur appel en garantie contre la société Generali, alors, selon le moyen, que les clauses d'exclusion de garantie sont strictement limitées aux exclusions qu'elles prévoient ; qu'en l'espèce, la clause figurant dans la police d'assurance de la société Generali excluait la garantie de l'assureur dans le cas où la responsabilité de l'assuré était engagé à raison d'un vice, un défaut ou un dysfonctionnement dont il avait connaissance ; que les juges du fond ont retenu que la responsabilité de l'assuré était engagée pour manquement à son obligation de sécurité à raison, non seulement d'une anomalie du système de fermeture des portes-fenêtres, mais également d'une absence de toute information du client sur le fonctionnement du système de verrouillage ; qu'en excluant toute garantie de la société Generali sur la base d'une clause qui ne visait pas le manquement à une obligation d'information, les juges n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs constatations, et ont violé les articles 1134 devenu 1103 du code civil et L. 113-1 du code des assurances ;

Mais attendu qu'ayant relevé par motifs propres et adoptés que l'article 18 des dispositions générales du contrat stipulait une exclusion de garantie dans le cas où la responsabilité de l'assuré était engagée en raison d'un vice, d'un défaut, d'un dysfonctionnement, dont il avait connaissance pendant la période de validité du contrat si aucune mesure n'était prise pour empêcher le dommage, puis constaté que l'enquête de police avait mis en évidence que la société avait connaissance du défaut du système de fermeture des portes-fenêtres, plusieurs employés et clients ayant été enfermés à l'extérieur antérieurement à l'accident et qu'elle n'avait pris aucune mesure efficace pour remédier aux risques, c'est par une exacte application de l'exclusion litigieuse, qui n'opérait aucune distinction selon le fondement de la responsabilité encourue par l'assuré, que la cour d'appel a décidé que la garantie de la société Generali n'était pas due ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi n° 18-14.724 :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de fixer le préjudice économique de Mme S... veuve G... à la somme de 851 131,99 euros, alors, selon le moyen, que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de l'application, pour le calcul du préjudice économique subi par le conjoint survivant, du dernier barème de capitalisation, soit celui de 2016, et non du barème applicable au jour du décès de la victime, soit celui de 2004, qui avait été invoqué par les consorts G..., sans provoquer les observations des parties, et en particulier de la SEPH, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, tenue d'assurer la réparation intégrale du dommage actuel et certain de la victime sans perte ni profit, a fait application du barème de capitalisation qui lui a paru le plus adapté à assurer les modalités de cette réparation pour le futur, sans avoir à recueillir préalablement les observations des parties sur cette méthode de calcul ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen du pourvoi n° 18-14.724, annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Touati - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; Me Haas ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Article 16 du code de procédure civile ; principe de la réparation intégrale du préjudice.

Rapprochement(s) :

Sur le pouvoir souverain des juges quant au choix du barème de capitalisation dans le calcul de la réparation intégrale du dommage, à rapprocher : 2e Civ., 10 décembre 2015, pourvoi n° 14-27.243, Bull. 2015, II, n° 277 (rejet).

1re Civ., 19 septembre 2019, n° 18-19.665, (P)

Rejet

Fin de non-recevoir – Fin de non-recevoir soulevée d'office – Exclusion – Prescription

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 décembre 2017), que M. P... et Mme J..., de nationalité française, se sont mariés le 21 juin 1995 à Paris ; qu'en octobre 2009 et janvier 2010, les époux ont tous deux déposé une requête en divorce ; que, soutenant avoir découvert l'existence d'un précédent mariage de Mme J..., célébré avec M. L... à Las Vegas le 8 avril 1981, M. P... l'a assignée en nullité de leur mariage le 3 avril 2012 ; que M. L... a été appelé en intervention forcée ;

Attendu que M. P... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en annulation de son mariage avec Mme J... et sa demande de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que la recevabilité d'une action en nullité du mariage pour absence de consentement se prescrit par trente ans à compter du jour de la célébration du mariage ; qu'en matière d'état des personnes, les fins de non-recevoir ont un caractère d'ordre public ; qu'après avoir constaté que, « par acte d'huissier, délivré le 3 avril 2012, M. P... a fait assigner Mme J... devant le tribunal de grande instance de Paris afin de voir annuler leur mariage célébré le 21 juin 1995 à la mairie de Paris 2ème arrondissement compte tenu de l'existence d'un premier mariage contracté par Mme J... avec M. L..., le 8 avril 1981 à Las Vegas (Etats-Unis) », la cour d'appel, qui a prononcé la nullité du mariage célébré le 8 avril 1981, soit plus de trente après sa célébration, sans relever d'office la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité, a violé les articles 146 et 184 du code civil, ensemble les articles 122 et 125, alinéa 1, du code de procédure civile ;

2°/ que le mariage est nul lorsque les époux ne se sont prêtés à la cérémonie qu'en vue d'atteindre un but étranger à l'union matrimoniale, lequel doit être exclusif de toute intention conjugale ; qu'en se bornant à énoncer que les époux ne se sont prêtés à la cérémonie du mariage « qu'en vue manifestement d'atteindre un résultat étranger à l'union matrimoniale », sans préciser quel but étranger au mariage avait pu être recherché par les époux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale des articles 146 et 184 du code civil ;

3°/ qu'en se bornant à énoncer que « les circonstances tant préalables que postérieures à l'événement célébré à Las Vegas, démontrent que leur consentement à mariage faisait défaut », sans rechercher quelle était l'intention des époux au moment de la célébration du mariage, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard des articles 146 et 184 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, qu'aux termes de l'article 2247 du code civil, les juges ne peuvent suppléer d'office le moyen résultant de la prescription ; que cette règle s'applique même lorsque la prescription est d'ordre public ; qu'il en résulte que les juges du fond ne pouvaient relever d'office la prescription trentenaire de l'action en nullité du mariage célébré le 8 avril 1981, prévue à l'article 184 du code civil ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel a relevé que Mme J... avait présenté la cérémonie à Las Vegas à ses amis comme un rite sans conséquences, que le voyage n'avait pas eu pour but ce mariage puisque les bans n'avaient pas été publiés, que Mme J... et M. L... n'avaient entrepris aucune démarche en vue de sa transcription à leur retour en France, qu'ils n'avaient pas conféré à leur enfant le statut d'enfant « légitime » puisqu'ils l'avaient reconnu, sans aucune allusion à leur mariage dans l'acte de naissance, et qu'ils avaient tous deux contracté des unions en France après ce mariage ; qu'elle en a souverainement déduit que le consentement à mariage faisait défaut, de sorte que, l'union célébrée le 8 avril 1981 étant inopposable, la demande d'annulation du mariage du 21 juin 1995 devait être rejetée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Le Cotty - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés -

Textes visés :

Article 2247 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur l'impossibilité pour le juge de suppléer d'office le moyen tiré de la prescription, à rapprocher : 1re Civ., 9 décembre 1986, pourvoi n° 85-11.263, Bull. 1986, I, n° 293 (3) (cassation), et l'arrêt cité ; Soc., 29 juin 2005, pourvoi n° 03-41.966, Bull. 2005, V, n° 224 (2) (rejet), et les arrêts cités.

2e Civ., 5 septembre 2019, n° 18-21.717, (P)

Rejet

Moyens de défense – Exceptions de procédure – Définition – Exclusion – Cas – Caducité de la déclaration d'appel

Sur le moyen unique, pris en ses première et sixième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 22 juin 2018), que la Banque populaire Aquitaine Centre-Atlantique (la banque) a relevé appel le 25 avril 2017 du jugement d'un tribunal de grande instance l'ayant condamnée in solidum avec la société Axa France vie à payer diverses sommes à M. E... ; qu'elle a signifié sa déclaration d'appel à M. E... le 12 juin 2017, puis a remis ses conclusions au greffe le 5 juillet 2017 et les a signifiées à M. E... par acte d'huissier de justice du 19 juillet 2017 ; que M. E..., qui avait entre-temps constitué un avocat, par un acte remis au greffe le 10 juillet 2017, a soulevé la caducité de la déclaration d'appel, faute de notification des conclusions d'appelant à son avocat ;

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de déclarer régulière la constitution de M. E... en qualité d'intimé et recevables ses conclusions et actes de procédure, de déclarer recevable et partiellement fondé l'incident de caducité de la déclaration d'appel soulevé par celui-ci et de constater la caducité de sa déclaration d'appel à l'égard de M. E... alors, selon le moyen :

1°/ que le non-respect d'un délai de procédure prescrit à peine de caducité de l'instance est un moyen de défense tendant à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte et constitue donc une exception de procédure qui met fin à l'instance ; que celle-ci doit, à peine d'irrecevabilité, être soulevée in limine litis ; qu'en l'espèce, après avoir conclu au fond, l'intimé a soulevé la caducité de l'appel faute pour l'appelant d'avoir valablement notifié ses conclusions à son avocat dans les quatre mois de la déclaration d'appel ; que pour déclarer recevable ce moyen qui n'avait pourtant pas été invoqué in limine litis, la cour d'appel a retenu qu'il s'agissait d'un incident d'instance ; qu'en statuant ainsi, à l'égard d'un moyen constitutif d'une exception de procédure, la cour d'appel a violé les articles 73 et 74 du code de procédure civile, ensemble les articles 908, 911 et 914 du même code ;

2°/ qu'en sanctionnant l'absence de notification entre avocats des conclusions de l'appelante par la caducité de la déclaration d'appel quand lesdites conclusions avaient été régulièrement déposées, le 5 juillet 2017, antérieurement à la constitution de l'avocat de l'intimé, au greffe de la cour dans les trois mois de la déclaration d'appel puis signifiées par voie d'huissier de justice dans le mois suivant, le 19 juillet 2017, à M. E... qui y avait répondu par conclusions au fond du 18 septembre 2017, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge de la banque en violation de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu, d'une part, que la caducité est un incident d'instance, qui n'est pas assujetti à l'application de l'article 74 du code de procédure civile ;

Et attendu, d'autre part, qu'en application de l'article 911 du même code, sous les sanctions prévues par les articles 908 à 910 de ce code, les conclusions sont signifiées aux parties qui n'ont pas constitué avocat dans le mois suivant l'expiration du délai de leur remise au greffe de la cour d'appel, que cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat ; qu'il résulte sans ambiguïté de ce texte qu'en l'absence de signification par l'appelant de ses conclusions à l'intimé préalablement à la notification qui lui est faite par ce dernier de sa constitution d'avocat, l'appelant est tenu, à peine de caducité, de notifier ses conclusions à cet avocat ; que cette notification, qui a lieu entre avocats, de la constitution d'intimé met l'avocat de l'appelant en mesure de respecter cette exigence, laquelle poursuit l'objectif légitime de permettre à l'avocat de l'intimé de disposer pour conclure de la totalité du temps qui lui est imparti à cette fin par l'article 909 du code de procédure civile ;

Qu'ayant retenu, par des motifs qui n'encourent pas la critique, que l'avocat de M. E... avait régulièrement notifié, le 10 juillet 2017, sa constitution à celui de la banque et relevé que celle-ci avait uniquement signifié ses conclusions à M. E... par acte d'huissier de justice le 19 juillet 2017, c'est sans méconnaître les exigences du droit à un procès équitable que la cour d'appel, retenant exactement que la banque devait procéder à la notification de ses conclusions à l'avocat de M. E... via le réseau privé virtuel avocat avant le 25 août 2017, a constaté, en l'absence d'une telle notification, la caducité de la déclaration d'appel à l'égard de cet intimé ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu, qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique annexé, pris en ses deuxième à cinquième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Gouz-Fitoussi -

Textes visés :

Articles 74 et 908 du code de procédure civile ; article 911 du code de procédure civile.

2e Civ., 5 septembre 2019, n° 17-28.471, (P)

Cassation

Moyens de défense – Exceptions de procédure – Définition – Exclusion – Cas – Exception de nullité de la signification de la décision de justice qui sert de fondement à une procédure de saisie immobilière

L'exception de nullité d'un acte de signification d'une décision de justice, invoquée pour contester le caractère exécutoire de la décision de justice sur le fondement de laquelle la procédure de saisie immobilière est pratiquée, constitue non une exception de procédure mais une défense au fond qui peut être proposée en tout état de cause.

Défense au fond – Définition – Exception de nullité de la signification de la décision de justice qui sert de fondement à une procédure de saisie immobilière

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :

Vu les articles 71 et 72 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 311-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

Attendu selon l'arrêt attaqué, que M. O... a souscrit différents prêts auprès de la Banque française commerciale de Guyane ; que cette dernière ayant cédé ses créances au Fonds commun de titrisation Hugo créances I, celui-ci a fait délivrer à M. O... un commandement de payer valant saisie immobilière ; qu'à l'audience d'orientation, un jugement d'un juge de l'exécution a rejeté toutes les contestations de M. O... et ordonné la vente forcée des biens et droits immobiliers objets de la saisie ;

Attendu que pour déclarer irrecevable l'exception de nullité des actes de signification des décisions de justice, l'arrêt retient que M. O... a soutenu, préalablement au moyen de nullité, deux fins de non-recevoir tirées de la prescription de la créance et du défaut de qualité du créancier poursuivant ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la nullité invoquée, qui tendait à contester le caractère exécutoire des décisions de justice sur le fondement desquelles la procédure de saisie immobilière avait été pratiquée constituait non une exception de procédure mais une défense au fond qui peut être proposée en tout état de cause, la cour d‘appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 juillet 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Lemoine - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot ; SCP Yves et Blaise Capron -

Textes visés :

Articles 71 et 72 du code de procédure civile ; article L. 311-2 du code des procédures civiles d'exécution.

2e Civ., 26 septembre 2019, n° 18-13.438, (P)

Rejet

Ordonnance sur requête – Rétractation – Juge de la rétractation – Pouvoirs – Détermination – Portée

Lorsque des opérations de constat et de saisie sont réalisées après le délai imparti dans une ordonnance sur requête, il entre dans les pouvoirs du juge de la rétractation de constater la caducité de l'autorisation.

Ordonnance sur requête – Ordonnance faisant droit à la requête – Opérations de saisie – Autorisation – Délai – Expiration – Effets – Caducité

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er mars 2018), que se plaignant d'actes de concurrence déloyale par la société Flashlab, la société Eurofins analyses pour le bâtiment Est (la société Eurofins) a saisi le président d'un tribunal de commerce à fin de voir désigner un huissier de justice pour effectuer diverses mesures sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ; que la requête de la société Eurofins a été accueillie ;

Attendu que la société Eurofins fait grief à l'arrêt de constater la caducité de l'autorisation donnée par le juge des requêtes aux fins de constat suivant ordonnance du 10 février 2015 rectifiée le 23 février 2015, de prononcer la rétractation de ladite ordonnance, et de dire que cette rétractation emporte toutes conséquences de droit et donc l'annulation des constats effectués en exécution de cette ordonnance, alors selon le moyen, que l'instance en rétractation d'une ordonnance sur requête a pour seul objet de soumettre à l'examen d'un débat contradictoire le bien-fondé de l'ordonnance initiale rendue à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire si bien qu'en retenant néanmoins que la constatation de la caducité d'une telle ordonnance pour défaut d'exécution de la mesure d'instruction autorisée dans le délai imparti, relevait de l'office du juge de la rétractation, la cour d'appel a violé les articles 493, 496 et 497 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que les opérations de constat et de saisie avaient été réalisées après l'expiration du délai imparti dans l'ordonnance, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que, l'autorisation donnée par le juge pour exécuter ces mesures étant devenue caduque, il entrait dans les pouvoirs du juge de la rétractation de constater cette caducité ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique annexé, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Lemoine - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois ; SCP Bénabent -

Textes visés :

Articles 493, 496 et 497 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 14 décembre 2006, pourvoi n° 04-20.673, Bull. 2006, II, n° 353 (cassation partielle sans renvoi).

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