Numéro 9 - Septembre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2019

ETRANGER

1re Civ., 19 septembre 2019, n° 18-20.297, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Mesures d'éloignement – Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire – Fin de la rétention – Diligences de l'administration pour le départ de l'étranger – Demandeur d'asile – Durée de la rétention – Temps strictement nécessaire à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et à l'exécution d'une décision de transfert – Applications diverses

L'administration étant tenue d'accomplir toutes diligences pour que la durée de la rétention d'un étranger demandeur d'asile n'excède pas le temps strictement nécessaire à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, et le cas échéant, à l'exécution d'une décision de transfert, une durée de treize jours pour prendre une telle décision, sans que l'administration ait caractérisé des circonstances de nature à justifier un tel délai, est excessive.

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que l'étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention au titre du 1° bis du I de l'article L. 561-2 que pour le temps strictement nécessaire à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, et le cas échéant, à l'exécution d'une décision de transfert et qu'en cas d'accord d'un Etat requis, la décision de transfert est notifiée à l'étranger dans les plus brefs délais ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que M. J..., de nationalité ivoirienne, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en garde à vue le 26 avril 2018 pour des faits de détention de faux documents et d'escroquerie ; que la consultation du fichier Eurodac a mis en évidence qu'il avait précédemment introduit une demande de protection internationale en Italie ; que la mesure de rétention administrative, décidée par arrêté du préfet du 27 avril, a été prolongée le 28 par le juge des libertés et de la détention pour vingt-huit jours ; que M. J... a, le 23 mai 2018, demandé qu'il soit mis fin à sa rétention ;

Attendu que, pour rejeter la demande de mise en liberté de M. J..., l'ordonnance, par motifs propres et adoptés, relève que, le 26 avril 2018, une demande de prise en charge de M. J... a été communiquée aux autorités italiennes, que celles-ci ont accepté leur responsabilité par un accord implicite du 11 mai 2018, que le 14 mai, un laissez-passer européen a été établi et une demande d'acheminement adressée au pays requis, que le 24 mai, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a pris et notifié à M. J... un arrêté de transfert vers l'Italie et qu'un départ a été programmé pour le 7 juin 2018 ; qu'elle en déduit que l'administration n'a pas agi de manière tardive ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la décision de transfert était intervenue treize jours après l'accord des autorités italiennes, sans que l'administration ait caractérisé des circonstances de nature à justifier un tel délai, le premier président a violé le texte susvisé ;

Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare la requête de M. J... recevable, l'ordonnance rendue le 29 mai 2018, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Pau ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Feydeau-Thieffry - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018.

1re Civ., 19 septembre 2019, n° 18-18.741, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Mesures d'éloignement – Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire – Placement en rétention – Notification du placement en rétention – Intervention dès la fin d'un contrôle d'identité sans placement en retenue de l'étranger – Exclusion – Cas – Mesure d'enquête nécessaire – Définition – Audition préalable à la décision d'éloignement justifiant la rétention

Constitue une mesure d'enquête, rendant nécessaire le placement en retenue de l'étranger, l'audition préalable à la décision d'éloignement qui justifie la rétention.

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 551-2 et L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que, si la notification de la décision de placement en rétention peut intervenir dès la fin d'un contrôle d'identité, sans que l'étranger soit placé en retenue, c'est à la condition qu'aucune opération préalable de vérification de son droit de circulation ou de séjour ne soit nécessaire ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que, le 21 février 2018, M. W..., de nationalité algérienne, en situation irrégulière en France, a été interpellé à l'occasion d'un contrôle d'identité et invité à suivre les fonctionnaires de police au commissariat où lui ont été notifiées deux décisions du préfet portant obligation de quitter le territoire français et placement en rétention ; que le juge des libertés et de la détention a été saisi par M. W... d'une contestation de la décision de placement en rétention et par le préfet d'une demande de prolongation de cette mesure ;

Attendu que, pour ordonner le maintien de la mesure, l'ordonnance retient qu'en l'absence d'acte d'investigation nécessaire, la mise à disposition est une mesure régulière qui a duré trois heures cinquante-cinq, temps nécessaire pour effectuer le transport, l'audition et la formalisation des décisions administratives, et que l'intéressé a été informé de la réponse de la préfecture de police indiquant qu'une mesure administrative serait éventuellement prise à son encontre après audition ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations qu'une mesure d'enquête avait été nécessaire avant la décision d'éloignement qui justifiait la rétention, le premier président a violé les textes susvisés ;

Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare les requêtes recevables, l'ordonnance rendue le 26 février 2018, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Gargoullaud - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SARL Cabinet Briard -

Textes visés :

Articles L. 551-2 et L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

1re Civ., 19 septembre 2019, n° 18-20.359, (P)

Cassation sans renvoi

Mesures d'éloignement – Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire – Placement en rétention – Ordonnance du juge des libertés et de la détention – Appel – Effet dévolutif – Etendue – Détermination – Portée

L'appel relatif au chef de l'ordonnance constatant l'irrégularité de la procédure préalable à la rétention s'étend au chef disant n'y avoir lieu de statuer sur la requête en contestation de la décision de placement en rétention, de sorte que le premier président qui infirme le premier doit examiner la légalité de cette décision.

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 562 du code de procédure civile ;

Attendu que, selon ce texte, l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs du jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que, le 19 janvier 2018, M. I..., de nationalité algérienne, a été placé en rétention administrative par décision du préfet ; que le juge des libertés et de la détention, saisi, le 20 janvier, par M. I... d'une contestation de cette décision et, le lendemain, par le préfet, d'une demande de prolongation de la mesure, a joint les deux procédures, constaté l'irrégularité de la procédure préalable à la rétention, dit n'y avoir lieu de statuer sur la requête de M. I... et rejeté la demande de prolongation du préfet de police ;

Attendu que, pour décider le maintien de la rétention, l'ordonnance retient que le délai de mise à disposition de l'intéressé avant la rétention n'est pas excessif et relève qu'aucun autre moyen n'est soutenu en cause d'appel ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'appel relatif au chef de l'ordonnance constatant l'irrégularité de la procédure préalable à la rétention s'étendait au chef disant n'y avoir lieu de statuer sur la requête en contestation de la décision de placement en rétention, qui en dépendait, le premier président, qui n'a pas examiné la légalité de cette décision, a violé le texte susvisé ;

Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 23 janvier 2018 par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Gargoullaud - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Zribi et Texier -

Textes visés :

Article 562 du code de procédure civile.

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