Numéro 9 - Septembre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2019

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES

Com., 11 septembre 2019, n° 18-11.401, (P)

Cassation partielle

Interdépendance – Contrats interdépendants – Contrat de location financière – Caducité – Cas – Résiliation du contrat de maintenance par le juge-commissaire

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, qui est recevable comme étant de pur droit :

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article L. 641-11-1 du code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société FF Valentine ménager (la société FF Valentine), preneur, a conclu avec la société Safetic, prestataire de services, deux contrats, l'un portant sur la location financière de matériels, l'autre sur la maintenance desdits matériels, d'une durée de soixante mois, moyennant un loyer mensuel de 110 euros ; que les matériels ont été cédés à la société Parfip France (la société Parfip) ; que le 13 février 2012, la société Safetic a été mise en liquidation judiciaire ; qu'après s'être plainte auprès de la société Parfip du dysfonctionnement des matériels loués, par une lettre du 11 juin 2012, la société FF Valentine a cessé de lui payer les loyers à compter du mois de juillet 2012 ; que dans le cadre de la procédure collective de la société Safetic, le juge-commissaire a prononcé la résiliation du contrat de maintenance par une ordonnance du 26 mars 2013 ; que le 17 décembre 2013, la société Parfip a assigné la société FF Valentine en constatation de la résiliation du contrat de location financière et en paiement des loyers impayés, d'une indemnité de résiliation et d'une clause pénale ; que la société FF Valentine a demandé le rejet de ces demandes et, à titre reconventionnel, la constatation de l'interdépendance des contrats de maintenance et de location financière, et la résiliation de ce dernier avec effet rétroactif à la date de la résiliation du premier ;

Attendu que, pour accueillir les demandes de la société Parfip, tendant notamment à la résiliation du contrat de location financière pour défaut de paiement des loyers, l'arrêt, après avoir relevé que le contrat de maintenance conclu entre les sociétés Safetic et FF Valentine est interdépendant du contrat de location financière liant les sociétés Parfip et FF Valentine, énonce que, la chose jugée ne pouvant nuire à un tiers non partie à une décision de justice, l'ordonnance du juge-commissaire prononçant la résiliation d'un contrat liant une société soumise à une procédure collective à l'un de ses cocontractants ne peut produire d'effet à l'égard de la société qui a financé l'opération ; qu'il en déduit que l'anéantissement du contrat de maintenance résultant de l'ordonnance du juge-commissaire du 26 mars 2013 n'est pas opposable à la société Parfip et que, faute pour la société FF Valentine d'avoir appelé à l'instance le liquidateur de la société Safetic afin de voir prononcer l'anéantissement du contrat de maintenance, sa demande de caducité du contrat de location financière doit être rejetée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que si l'ordonnance du juge-commissaire constatant ou prononçant la résiliation d'un contrat en cours, en application de l'article L. 641-11-1 du code de commerce, est dépourvue de l'autorité de la chose jugée à l'égard des tiers, elle leur est cependant opposable en ce qu'elle constate ou prononce cette résiliation, de sorte que la résiliation du contrat de maintenance, prononcée contradictoirement à l'égard de la société Safetic, par l'ordonnance du juge-commissaire du 26 mars 2013, entraînait, à la date de la résiliation, la caducité par voie de conséquence du contrat de location financière interdépendant, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement entrepris, il donne acte à la société FF Valentine ménager de ce qu'elle ne soutient plus le moyen tiré de la nullité des contrats en cause en application de l'article L. 121-23 du code de la consommation, l'arrêt rendu le 21 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Article L. 641-11-1 du code de commerce.

1re Civ., 12 septembre 2019, n° 18-20.472, (P)

Rejet

Nullité – Atteinte à l'ordre public – Procréation ou gestation pour le compte d'autrui – Converntion conclue sur le territoire national – Action du père biologique en contestation d'une reconnaissance de paternité – Mise en balance des intérêts en présence – Irrecevabilité de l'action reposant sur la convention – Convention européenne des droits de l'homme – Article 8 – Droit au respect de la vie privée et familiale – Violation (non)

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 31 mai 2018), que MM. X... et L... ont contracté avec Mme G..., épouse W..., une convention de gestation pour autrui, aux termes de laquelle celle-ci devait porter, contre rémunération, l'enfant qu'elle concevrait à l'aide du sperme de l'un ou de l'autre ; qu'au cours de la grossesse, M. L... a reconnu l'enfant ; qu'en mars 2013, Mme G... a indiqué au couple que celui-ci était décédé à la naissance ; qu'ayant appris qu'il était vivant et avait été reconnu par M. K..., au foyer duquel il demeurait depuis sa naissance, M. X... a déposé plainte à l'encontre de Mme G... pour escroquerie ; que tant Mme G... que MM. X... et L... et M. et Mme K... ont été condamnés pénalement ; qu'il a été établi, au cours de l'enquête pénale, d'une part, que M. X... était le père biologique de l'enfant, d'autre part, que Mme G... avait décidé de confier l'enfant à naître à M. et Mme K..., contre rémunération, sans faire état de l'existence de « l'insémination artisanale » à l'origine de sa grossesse et du couple X...-L... ; que, selon son acte de naissance, l'enfant V... K... est né le [...] à [...] de Mme G... et de M. K..., qui l'a reconnu le 17 septembre 2012 ; que, le 19 juillet 2013, M. X... a assigné M. K... et Mme G... en contestation de la paternité du premier et en établissement de sa propre paternité sur l'enfant ; qu'il a demandé le changement de nom du mineur, l'exercice exclusif de l'autorité parentale et la fixation de sa résidence chez lui ;

Sur le moyen unique, pris en ses troisième, cinquième, sixième et septième branches, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes en contestation de la paternité de M. K... et en établissement de sa propre paternité sur l'enfant V... K..., alors, selon le moyen :

1°/ qu'en l'état du litige opposant le père biologique de l'enfant au père d'intention qui l'a reconnu à la suite d'une procréation pour autrui, l'illicéité de la gestation pour autrui ne constitue pas une fin de non-recevoir à l'exercice par le père biologique d'une action tendant tant à établir la filiation biologique de son enfant qu'à contester sa filiation à l'égard du parent d'intention qui l'a reconnu frauduleusement après avoir également conclu un contrat de mère porteuse ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 6 et 16-7 du code civil et de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ qu'en l'état du litige opposant le père biologique de l'enfant au père d'intention qui l'a reconnu à la suite d'une procréation pour autrui, l'illicéité de la gestation pour autrui ne constitue pas une fin de non-recevoir à l'exercice par le père biologique d'une action tendant tant à établir la filiation biologique de son enfant qu'à contester sa filiation à l'égard du parent d'intention qui l'a reconnu frauduleusement après avoir également conclu un contrat de mère porteuse ; qu'en déclarant irrecevables les demandes de M. X..., comme reposant sur un contrat de mère porteuse illicite, quand l'enfant avait été remis par la mère à M. K... qui l'avait reconnu en exécution d'un contrat de mère porteuse, la cour d'appel qui a déduit un motif inopérant, en violation des articles 6 et 16-7 du code civil et de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que l'impossibilité d'établir un lien de filiation paternelle constituant une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée de l'enfant, il appartient au juge d'apprécier si, concrètement, elle ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de l'intéressé, au regard du but légitime poursuivi, et en particulier, si un juste équilibre est ménagé entre les intérêts publics et concurrents en jeu ; qu'en se déterminant en considération de l'intérêt supérieur de l'enfant qui a tissé des liens affectifs avec ses parents d'intention depuis quatre ans, à la date à laquelle elle statuait, après avoir déclaré irrecevables les demandes de M. X..., comme reposant sur un contrat de mère porteuse illicite, la cour d'appel, qui n'a pas opéré un tel contrôle de proportionnalité, a violé l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu, d'abord, qu'aux termes de l'article 16-7 du code civil, toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle ; que, selon l'article 16-9 du même code, ces dispositions sont d'ordre public ; qu'ayant relevé que l'action de M. X... en contestation de la reconnaissance de paternité de M. K..., destinée à lui permettre d'établir sa propre filiation sur l'enfant, reposait sur la convention de gestation pour autrui qu'il avait conclue avec Mme G..., la cour d'appel en a exactement déduit que la demande était irrecevable comme reposant sur un contrat prohibé par la loi ;

Attendu, ensuite, que l'arrêt énonce que la réalité biologique n'apparaît pas une raison suffisante pour accueillir la demande de M. X..., au regard du vécu de l'enfant V... ; qu'il relève que celui-ci vit depuis sa naissance chez M. K..., qui l'élève avec son épouse dans d'excellentes conditions, de sorte qu'il n'est pas de son intérêt supérieur de voir remettre en cause le lien de filiation avec celui-ci, ce qui ne préjudicie pas au droit de l'enfant de connaître la vérité sur ses origines ; qu'il observe qu'il en est ainsi même si la façon dont ce lien de filiation a été établi par une fraude à la loi sur l'adoption n'est pas approuvée, et précise que le procureur de la République, seul habilité désormais à contester la reconnaissance de M. K..., a fait savoir qu'il n'entendait pas agir à cette fin ; qu'ayant ainsi mis en balance les intérêts en présence, dont celui de l'enfant, qu'elle a fait prévaloir, la cour d'appel n'a pas méconnu les exigences conventionnelles résultant de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Le Cotty - Avocat général : Mme Caron-Deglise - Avocat(s) : SCP Alain Bénabent ; SCP Piwnica et Molinié ; SCP Boullez -

Textes visés :

Article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; articles 16-7 et 16-9 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur la primauté de l'intérêt supérieur de l'enfant mis en balance avec le droit du père biologique à établir sa filiation, cf. : CEDH, arrêt du 5 novembre 2002, Yousef c. Pays-Bas, n° 33711/96.

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