Numéro 9 - Septembre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2019

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE

Soc., 11 septembre 2019, n° 18-18.414, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Licenciement économique – Licenciement collectif – Plan de sauvegarde de l'emploi – Contestation – Action en contestation – Prescription – Délai – Point de départ – Détermination – Portée

Le délai de prescription de douze mois prévu par l'article L. 1235-7 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et applicable du 1er juillet 2013 au 24 septembre 2017, concerne les contestations, de la compétence du juge judiciaire, fondées sur une irrégularité de la procédure relative au plan de sauvegarde de l'emploi ou sur la nullité de la procédure de licenciement en raison de l'absence ou de l'insuffisance d'un tel plan, telles les contestations fondées sur les articles L. 1235-11 et L. 1235-16 du code du travail. Ce délai de prescription court à compter de la notification du licenciement.

Encourt dès lors la cassation l'arrêt qui, pour juger un salarié recevable en son action fondée sur l'article L. 1235-16 du code du travail, retient que le délai n'a pu valablement commencer à courir, conformément au principe général édicté par l'article 2224 du code civil repris à l'article L. 1471-1 du code du travail, qu'au jour de l'arrêt du Conseil d'Etat qui a rejeté les pourvois formés contre l'arrêt d'une cour administrative d'appel ayant annulé la décision de validation de l'accord collectif majoritaire.

Licenciement – Nullité – Action en nullité – Prescription – Délai – Point de départ – Détermination – Portée

Licenciement économique – Licenciement collectif – Plan de sauvegarde de l'emploi – Contestation – Action en contestation – Prescription – Délai – Domaine d'application – Détermination – Portée

Licenciement – Nullité – Action en nullité – Prescription – Délai – Détermination

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1235-7 et L. 1235-16 du code du travail, dans leur version issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. S..., salarié de la société Pages jaunes, a été licencié pour motif économique le 30 avril 2014 dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi contenu dans un accord collectif majoritaire signé le 20 novembre 2013 et validé par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France le 2 janvier 2014 ; que, par arrêt du 22 octobre 2014, statuant sur le recours d'un autre salarié, une cour administrative d'appel a annulé cette décision de validation, au motif que l'accord du 20 novembre 2013 ne revêtait pas le caractère majoritaire requis par les dispositions de l'article L. 1233-24-1 du code du travail ; que le Conseil d'Etat a, le 22 juillet 2015, rejeté les pourvois formés contre cet arrêt ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 16 février 2016 ;

Attendu que, pour déclarer le salarié recevable en son action fondée sur l'article L. 1235-16 du code du travail et condamner la société à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les conditions d'exercice de l'action sont subordonnées à la décision irrévocable des juges de l'ordre administratif qui produira ses effets sur la validation ou non du plan de sauvegarde de l'emploi envers toutes les personnes concernées par celui-ci quand bien même elles ne sont pas à l'origine de la saisine de la juridiction administrative ; que le délai visé à l'article L. 1235-7 du code du travail n'a pu valablement commencer à courir, conformément au principe général édicté par l'article 2224 du code civil repris à l'article L. 1471-1 du code du travail, qu'au jour où le demandeur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; qu'en l'espèce c'est donc au jour de l'arrêt du Conseil d'Etat que le point de départ du délai de l'article L. 1235-7 a été reporté, en sorte que l'action a été introduite en temps non couvert par la prescription ;

Attendu cependant que le délai de prescription de douze mois prévu par l'article L. 1235-7 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et applicable du 1er juillet 2013 au 24 septembre 2017, qui concerne les contestations, de la compétence du juge judiciaire, fondées sur une irrégularité de la procédure relative au plan de sauvegarde de l'emploi ou sur la nullité de la procédure de licenciement en raison de l'absence ou de l'insuffisance d'un tel plan, telles les contestations fondées sur les articles L. 1235-11 et L. 1235-16 du code du travail, court à compter de la notification du licenciement ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait constaté que le salarié avait saisi la juridiction prud'homale plus de douze mois après la notification de son licenciement, ce dont il résultait que sa demande d'indemnisation fondée sur les dispositions de l'article L. 1235-16 du code du travail était irrecevable comme prescrite, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare M. S... recevable en son action fondée sur l'article L. 1235-16 du code du travail et condamne la société à lui verser des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Colmar du 13 janvier 2017 en ce qu'il a déclaré la demande de M. S... en paiement de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 1235-16 du code du travail irrecevable comme prescrite.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Leprieur - Avocat général : M. Weissmann - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 1235-7 et L. 1235-16 du code du travail, dans leur version issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013.

Rapprochement(s) :

Sur le domaine d'application de l'article L. 1235-7 du code du travail, à rapprocher : Soc., 20 septembre 2018, pourvoi n° 17-11.591, Bull. 2018, V, (cassation), et l'arrêt cité.

Soc., 11 septembre 2019, n° 18-12.606, (P)

Rejet

Licenciement – Indemnités – Indemnité conventionnnelle de licenciement – Montant – Calcul – Eléments pris en compte – Ancienneté du salarié – Date d'appréciation – Cas – Interruption du préavis en raison d'une faute grave commise par le salarié – Portée

Si le droit à l'indemnité de licenciement naît à la date où le licenciement est notifié, l'évaluation du montant de l'indemnité est faite en tenant compte de l'ancienneté à l'expiration du contrat.

Il en résulte que la cour d'appel qui constate que la faute grave commise au cours de l'exécution de son préavis par le salarié, qui n'en était pas dispensé, a eu pour effet d'interrompre le préavis, décide à bon droit de prendre en compte cette interruption pour déterminer le montant de l'indemnité de licenciement.

Licenciement – Indemnités – Indemnité conventionnelle de licenciement – Ouverture du droit – Moment – Détermination – Portée

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 6 novembre 2017), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 23 mai 2013, pourvoi n° 12-15.047), que Mme C... a été engagée le 4 septembre 1995 par la Mutuelle des fonctionnaires ouvriers et agents de l'Etat en qualité de directrice d'un centre de santé ; que, licenciée pour insuffisance professionnelle le 30 novembre 1998 avec un préavis de six mois, elle s'est vu notifier la rupture immédiate de son contrat de travail pour faute grave le 10 décembre 1998 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement d'une indemnité conventionnelle de licenciement alors, selon le moyen :

1°/ que pour déterminer le montant de l'indemnité de licenciement, l'ancienneté du salarié doit être calculée à la date d'expiration du délai normal de préavis, qu'il ait été ou non exécuté ; que l'ancienneté qui devait être prise en considération pour calculer l'indemnité conventionnelle de licenciement de la salariée conformément à l'article 14.2 de la convention collective du personnel des organismes mutualistes était celle qu'elle aurait acquise à l'issue de son préavis contractuel, soit au terme d'un délai de six mois à compter de la présentation de la lettre de licenciement pour insuffisance professionnelle du 30 novembre 1998 ; qu'en décidant que l'indemnité de licenciement due à la salariée devait être calculée sur la base d'une ancienneté de trois ans et trois mois, courant du 4 septembre 1995 au 10 décembre 1998, date à laquelle l'employeur avait notifié la rupture du préavis pour faute grave, la cour d'appel a retenu une période de référence erronée pour le calcul de l'indemnité litigieuse et a violé l'article L. 122-9 ancien du code du travail, devenu l'article L. 1234-9, ensemble l'article 14.2 de la convention collective du personnel des organismes mutualistes représentés au Comité d'entente ;

2°/ qu'à défaut de respecter la procédure disciplinaire, la rupture pour faute grave du préavis en cours d'exécution est irrégulière ; que le terme du préavis demeure alors fixé à sa date d'expiration normale ; que l'ancienneté qui devait être prise en considération pour calculer l'indemnité conventionnelle de licenciement de la salariée conformément à l'article 14.2 de la convention collective du personnel des organismes mutualistes était celle qu'elle aurait acquise à l'issue de son préavis contractuel, soit au terme d'un délai de 6 mois à compter de la présentation de la lettre de licenciement pour insuffisance professionnelle du 30 novembre 1998 ; qu'en décidant que l'indemnité de licenciement due à la salariée devait être calculée sur la base d'une ancienneté de trois ans et trois mois, courant du 4 septembre 1995 au 10 décembre 1998, date à laquelle l'employeur avait notifié la rupture du préavis pour faute grave, la cour d'appel a retenu une période de référence erronée pour le calcul de l'indemnité litigieuse et a violé l'article L. 122-9 ancien du code du travail, devenu l'article L. 1234-9, ensemble l'article 14.2 de la convention collective du personnel des organismes mutualistes représentés au Comité d'entente ;

Mais attendu, d'abord, que le moyen invite en sa seconde branche la Cour de cassation à revenir sur la doctrine de son précédent arrêt auquel la juridiction de renvoi s'est conformée ;

Attendu, ensuite, que si le droit à l'indemnité de licenciement naît à la date où le licenciement est notifié, l'évaluation du montant de l'indemnité est faite en tenant compte de l'ancienneté à l'expiration du contrat ; qu'ayant constaté que la faute grave commise au cours de l'exécution de son préavis par la salariée, qui n'en était pas dispensée, avait eu pour effet d'interrompre le préavis, la cour d'appel a décidé à bon droit de prendre en compte cette interruption pour déterminer le montant de l'indemnité de licenciement ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Rinuy - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Article L. 1234-9 du code du travail ; article 14.2 de la convention collective du personnel des organismes mutualistes représentés au comité d'entente.

Rapprochement(s) :

Sur la date d'appréciation de l'ancienneté du salarié pour fixer le montant de l'indemnité de licenciement, à rapprocher : Soc., 30 mars 2005, pourvoi n° 03-42.667, Bull. 2005, V, n° 106 (3) (cassation partielle), et les arrêts cités.

Soc., 18 septembre 2019, n° 18-10.261, (P)

Rejet

Licenciement – Licenciement disciplinaire – Formalités préalables – Formalités prévues par des dispositions conventionnelles ou un règlement intérieur – Saisine d'une commission paritaire amiable ayant une mission conciliatrice – Garantie de fond – Exclusion – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 12 octobre 2015), que M. E... a été engagé le 18 novembre 2010 par la société Euronews en qualité de journaliste bilingue de langue farsi ; que la relation de travail était soumise à la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976 ; que licencié le 31 décembre 2012, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la procédure applicable à son licenciement a été respectée, alors, selon le moyen :

1°/ que les règles procédurales conventionnelles constituent des garanties de fond pour le salarié dont le non-respect par l'employeur prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ; que l'article 47 de la convention collective nationale des journalistes précisait que « les parties sont d'accord pour recommander, avant le recours à la procédure prévue par les articles L. 761-4 et L. 761-5 du code du travail, de soumettre les conflits individuels à une commission paritaire amiable, ayant uniquement mission conciliatrice, composée de deux représentants des employeurs et de deux représentants des journalistes désignés par les organisations patronales et de salariés en cause [...] » ; que pour juger que la procédure applicable au licenciement de M. E... avait été respectée, la cour d'appel a jugé qu'il résulte de la combinaison des articles 3B relatif à la liberté d'opinion et 47 de la convention collective que le préalable de conciliation par cette commission n'était exigé qu'en ce qui concerne les litiges relevant de la liberté d'opinion des journalistes ; qu'en statuant de la sorte, quand l'article 47, qui, selon les termes du conseil de prud'hommes, « existe indépendamment de l'article 3B » énonçait que les parties sont d'accord pour recommander de soumettre les conflits individuels à une commission sans limiter sa saisine aux litiges relevant de la liberté d'opinion, la cour d'appel a violé l'article 47 de la convention collective nationale des journalistes ;

2°/ qu'à supposer même que la saisine de la commission paritaire amiable n'ait pas été obligatoire, l'employeur se devait d'informer le salarié sur la possibilité de saisir une telle commission ; qu'en jugeant que la procédure applicable au licenciement avait été respectée, quand M. E... a été privé, faute d'information de la part de l'employeur de la possibilité d'assurer utilement sa défense, la cour d'appel a violé l'article 47 de la convention collective nationale des journalistes ;

3°/ qu'en tout état de cause, il appartenait au juge de rechercher si le fait que la commission paritaire amiable n'ait pas été saisie ou le fait pour M. E... de ne pas avoir été avisé par la société Euronews de la possibilité de saisir cette commission, l'avait privé d'une possibilité d'assurer utilement sa défense, les règles procédurales conventionnelles constituant une garantie de fond ; qu'en ne procédant pas à cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 47 de la convention collective nationale des journalistes ;

Mais attendu, que selon l'article 47 de la convention collective nationale des journalistes se rapportant aux conflits individuels, les parties sont d'accord pour recommander, avant le recours à la procédure prévue par les articles L. 761-4 et L. 761-5 devenus L. 7112-2 à L. 7112-4 du code du travail, de soumettre les conflits individuels à une commission paritaire amiable, ayant uniquement une mission conciliatrice ; qu'il n'en résulte pas pour l'employeur l'obligation de saisir la commission paritaire amiable préalablement à la rupture du contrat le liant au journaliste ;

Et attendu que la cour d'appel, après avoir rappelé à bon droit que le préalable obligatoire de conciliation concerne les litiges prévus par l'article 3B de la convention collective se rapportant à la liberté d'opinion et constaté que les motifs de rupture du contrat étaient étrangers aux dispositions de cet article, en a exactement déduit, sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que la saisine préalable de la commission paritaire, qui ne présentait aucun caractère obligatoire, était sans effet sur la régularité du licenciement ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa deuxième branche comme étant nouveau, mélangé de fait et de droit, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Prieur - Avocat général : M. Desplan - Avocat(s) : SCP L. Poulet-Odent ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Articles 3B et 47 de la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976 ; articles L. 7112-2 à L. 7112-4 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur d'autres cas d'absence de violation d'une garantie de fond, en matière de procédure disciplinaire, à rapprocher : Soc., 11 mars 2015, pourvoi n° 13-11.400, Bull. 2015, V, n° 46 (cassation) ; Soc., 6 avril 2016, pourvoi n° 14-21.530, Bull. 2016, V, n° 65 (1) (rejet), et l'arrêt cité.

Soc., 11 septembre 2019, n° 17-31.321, n° 18-14.971, (P)

Rejet et cassation partielle

Licenciement – Salarié protégé – Mesures spéciales – Autorisation administrative – Compétence judiciaire – Licenciement pour inaptitude – Recherche des causes de l'inaptitude – Appréciation – Portée

Vu la connexité, joint les pourvois n° 17-31.321 et 18-14.971 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, qu'engagée à compter du 4 juillet 1974 par la société FDG international en qualité de conditionneuse, Mme K... a parallèlement occupé la fonction de membre du comité d'entreprise ; que suivant autorisation accordée par l'inspecteur du travail le 20 mars 2015, la salariée a été licenciée pour inaptitude d'origine non professionnelle ; qu'invoquant l'origine professionnelle de son inaptitude, la salariée a saisi la juridiction prud'homale le 1er septembre 2015 ; qu'à titre principal, elle soutenait que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que subsidiairement elle demandait réparation des préjudices résultant de l'origine professionnelle de son inaptitude et l'octroi, à ce titre, d'une indemnité compensatrice de préavis, d'une indemnité spéciale de licenciement, de dommages-intérêts pour procédure irrégulière et pour perte d'emploi ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° 18-14.971, qui est recevable :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt avant dire droit du 6 juin 2017 d'inviter les parties à formuler leurs observations exclusivement sur le moyen soulevé d'office de l'irrecevabilité de la contestation de la cause réelle et sérieuse du licenciement, alors, selon le moyen, que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que le juge doit se prononcer sur tout ce qui lui est demandé ; qu'en invitant Mme K... et la société FDG international à formuler leurs observations exclusivement sur le moyen soulevé d'office de l'irrecevabilité de Mme K... à contester la cause réelle et sérieuse du licenciement quand cette dernière sollicitait également l'infirmation du jugement et à voir juger que son inaptitude est d'origine professionnelle et qu'elle est consécutive à une maladie professionnelle de type épicondylite, la cour a modifié l'objet du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'aux termes de l'arrêt du 13 novembre 2017, ayant rappelé qu'à titre subsidiaire, la salariée sollicitait l'application du régime protecteur découlant de l'origine de l'inaptitude qu'elle considérait comme étant professionnelle, la cour d'appel a examiné la recevabilité des demandes formées à ce titre et ainsi statué sur l'entier litige ; qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° 17-31.321 en ce qu'il vise les demandes de dommages-intérêts pour perte d'emploi et pour procédure irrégulière :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt du 13 novembre 2017 de déclarer irrecevables ces demandes subsidiaires, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en déclarant irrecevable la demande subsidiaire de Mme K... au motif que le licenciement pour inaptitude non professionnelle aurait été autorisé par l'inspection du travail sans qu'aucun recours n'ait été exercé contre cette autorisation quand la décision autorisant le licenciement en date du 20 mars 2015 vise uniquement une demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude de Mme K... sans aucunement se prononcer sur l'origine professionnelle ou non de cette inaptitude, la cour a dénaturé les termes clairs et précis de la décision autorisant le licenciement en date du 20 mars 2015 en violation du principe précité ;

2°/ que si, par dérogation au principe selon lequel le juge judiciaire ne peut apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement du salarié inapte, l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations, cette jurisprudence ne s'applique pas à la contestation du caractère professionnel ou non de l'inaptitude ; qu'en déclarant irrecevables les demandes subsidiaires de Mme K... au motif que « le licenciement pour inaptitude non professionnelle ayant été autorisé par l'inspection du travail sans qu'aucun recours n'ait été exercé contre cette autorisation, elle n'allègue à aucun moment que son inaptitude trouve son origine dans un manquement de son employeur à une de ses obligations » tout en constatant que celle-ci sollicitait à titre subsidiaire, sans en tirer de conséquence sur la validité de son licenciement, l'application du régime protecteur découlant de son inaptitude qu'elle considérait comme étant d'origine professionnelle, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé le principe de la séparation des pouvoirs ;

3°/ que le juge prud'homal est seul compétent pour apprécier le caractère professionnel de l'inaptitude et qu'il lui incombe de rechercher si l'inaptitude a, au moins partiellement, pour origine une maladie professionnelle ou un accident du travail ; qu'en déclarant irrecevables les demandes subsidiaires de Mme K... au motif que « le licenciement pour inaptitude non professionnelle ayant été autorisé par l'inspection du travail sans qu'aucun recours n'ait été exercé contre cette autorisation », la cour a violé la loi des 16-24 août 1790 et les articles L. 1226-10 et L. 1226-14 du code du travail ;

4°/ qu'en tout état de cause, le juge ne doit pas dénaturer les conclusions des parties ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables les demandes subsidiaires de Mme K..., que celle-ci n'allègue à aucun moment que son inaptitude trouve son origine dans un manquement de son employeur à une de ses obligations quand cette dernière invoquait dans ses conclusions d'appel la violation par l'employeur de l'article L. 1226-10 du code du travail, la cour a méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, en l'état d'une autorisation administrative de licenciement pour inaptitude d'un salarié protégé, apprécier la régularité de la procédure d'inaptitude, le respect par l'employeur de son obligation de reclassement et le caractère réel et sérieux du licenciement ;

Et attendu qu'ayant constaté, sans dénaturation, que la salariée sollicitait des dommages-intérêts pour perte d'emploi et pour procédure irrégulière en raison de l'origine de son inaptitude, c'est à bon droit que la cour d'appel les a déclarées irrecevables ;

Mais sur le moyen unique du même pourvoi en ce qu'il vise les demandes d'indemnité spéciale de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis :

Vu la loi des 16-24 août 1790 et l'article L. 1226-14 du code du travail ;

Attendu que si le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, en l'état d'une autorisation administrative de licenciement pour inaptitude d'un salarié protégé, apprécier la régularité de la procédure d'inaptitude, le respect par l'employeur de son obligation de reclassement et le caractère réel et sérieux du licenciement, il demeure compétent, sans porter atteinte à ce principe, pour rechercher si l'inaptitude du salarié avait ou non une origine professionnelle et accorder, dans l'affirmative, les indemnités spéciales prévues à l'article L. 1226-14 du code du travail ;

Attendu que pour déclarer irrecevables les demandes de la salariée, l'arrêt retient que le licenciement pour inaptitude non professionnelle ayant été autorisé par l'inspection du travail, la salariée n'allègue à aucun moment que son inaptitude trouve son origine dans un manquement de son employeur à ses obligations, l'origine professionnelle d'une inaptitude ne découlant pas nécessairement d'un comportement fautif de l'employeur ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la salariée demandait le bénéfice des indemnités prévues par l'article L. 1226-14 du code du travail et qu'il lui appartenait en conséquence de rechercher si l'inaptitude de la salariée avait pour origine une maladie professionnelle ou un accident du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi n° 18-14.971 dirigé contre l'arrêt du 6 juin 2017 ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes de Mme K... tendant à l'octroi d'une indemnité compensatrice de préavis et d'une indemnité spéciale de licenciement, l'arrêt rendu le 13 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Chamley-Coulet - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Loi des 16-24 août 1790 ; article L. 1226-14 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la compétence du juge judiciaire pour accorder au salarié protégé, licencié pour inaptitude après une autorisation accordée par l'autorité administrative, la réparation du préjudice résultant de l'origine de l'inaptitude, à rapprocher : Soc., 17 octobre 2018, pourvoi n° 17-17.985, Bull. 2018, V, (2) (cassation partielle), et les arrêts cités.

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