Numéro 9 - Septembre 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2019

ALSACE-MOSELLE

2e Civ., 5 septembre 2019, n° 18-16.680, (P)

Rejet

Procédure civile – Exécution forcée – Exécution sur les biens immeubles – Pourvoi immédiat – Procédure sans représentation obligatoire – Conclusions – Dernières conclusions – Portée

Le pourvoi immédiat de droit local n'est pas soumis aux dispositions de l'article 954, alinéa 3, du code de procédure civile.

Procédure civile – Exécution forcée – Exécution forcée sur les biens immeubles – Ordonnance d'admission d'un créancier à la procédure – Contestation – Conditions – Détermination – Portée

Donne acte à M. F... Q..., Mme A... Q... et M. U... Q... de leur reprise d'instance ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 15 mars 2018), que, par une ordonnance du 26 juin 2009, un tribunal d'instance, statuant comme tribunal de l'exécution, a ordonné, à la requête de la société Charpentes Schuler, l'exécution forcée immobilière de biens immobiliers appartenant à M. et Mme Q..., inscrits au livre foncier de... ; que, le 8 mars 2013, le tribunal de l'exécution a admis à la procédure en qualité de créancier le CIC Est (la banque), venant aux droits du Crédit industriel d'Alsace et de Lorraine, pour les montants indiqués dans sa requête ; que, par ordonnance du 18 février 2016, le tribunal a déclaré la banque créancier poursuivant aux lieu et place de la société Charpentes Schuler ; que M. et Mme Q... ont formé un pourvoi immédiat de droit local à l'encontre de l'ordonnance du 27 janvier 2017 du même tribunal qui a rejeté leurs observations et conclusions tendant notamment à voir constater la prescription de la créance de la banque ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les demandeurs font grief à l'arrêt de rejeter l'exception de prescription et de les débouter de leur demande, alors, selon le moyen, que la cour d'appel ne peut statuer que sur les dernières conclusions des parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, pour rejeter l'exception de prescription et débouter M. et Mme Q... de leur demande, ne s'est pas fondée sur leurs dernières conclusions datées du 23 février 2017 mais sur des conclusions précédemment déposées qui différaient pourtant de ces dernières et a ainsi violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le pourvoi immédiat de droit local qui obéit aux règles de la procédure orale sans représentation obligatoire et qui est formé, instruit et jugé selon les règles régissant la matière gracieuse devant la cour d'appel, n'est pas soumis aux dispositions de l'article 954, alinéa 3, du code de procédure civile, dans sa rédaction alors applicable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses deuxième, troisième, cinquième et sixième branches :

Attendu que les demandeurs font encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que l'autorité de la chose jugée, qui n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a été tranché dans le dispositif du jugement, ne peut être opposée à une demande ultérieure que sous réserve que la chose demandée soit la même, qu'elle soit fondée sur la même cause et qu'elle ait été formée entre les mêmes parties ; qu'en énonçant, pour juger que M. et Mme Q... ne pouvaient plus contester la prescription de la créance de la banque, que les ordonnances en date des 8 mars 2013 et 18 février 2016 par lesquelles le tribunal de l'exécution forcée immobilière avait admis l'adhésion à la procédure de la banque puis précisé que cette dernière était non plus créancier adhérant mais poursuivant avaient autorité de la chose jugée, lesquelles n'avaient pourtant pas statué dans leur dispositif sur l'existence de la créance de la banque, la cour d'appel a violé l'article 1351, devenu 1355, du code civil, ensemble l'article 480 du code de procédure civile ;

2°/ que la disposition d'une décision qui désigne un créancier en qualité de créancier poursuivant dans le cadre d'une procédure de saisie immobilière ne tranche aucune contestation et n'a pas l'autorité de la chose jugée ; qu'en énonçant, pour juger que M. et Mme Q... ne pouvaient plus contester la prescription de la créance de la banque, que l'ordonnance en date du 18 février 2016 par laquelle le tribunal de l'exécution forcée immobilière avait précisé que la banque était non plus créancier adhérant mais créancier poursuivant avait autorité de la chose jugée, laquelle n'avait pourtant tranché aucune contestation, la cour d'appel a violé l'article 480 du code de procédure civile ;

3°/ que l'autorité de la chose jugée, qui n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a été tranché dans le dispositif du jugement, ne peut être opposée à une demande ultérieure que sous réserve que la chose demandée soit la même, qu'elle soit fondée sur la même cause et qu'elle ait été formée entre les mêmes parties ; qu'en énonçant encore, pour juger que M. et Mme Q... ne pouvaient plus se prévaloir d'un manquement de la banque à son obligation de mise en garde ou de conseil, que les ordonnances en date des 8 mars 2013 et 18 février 2016 par lesquelles le tribunal de l'exécution forcée immobilière avait admis l'adhésion à la procédure de la banque puis précisé que cette dernière était non plus créancier adhérant mais poursuivant avaient autorité de la chose jugée, lesquelles n'avaient pourtant pas statué dans leur dispositif sur la responsabilité de la banque à l'égard de M. et Mme Q..., la cour d'appel a violé l'article 1351, devenu 1355, du code civil, ensemble l'article 480 du code de procédure civile ;

4°/ que la disposition d'une décision qui désigne un créancier en qualité de créancier poursuivant dans le cadre d'une procédure de saisie immobilière ne tranche aucune contestation et n'a pas l'autorité de la chose jugée ; qu'en énonçant, pour juger que M. et Mme Q... ne pouvaient plus se prévaloir d'un manquement de la banque à son obligation de mise en garde ou de conseil, que l'ordonnance en date du 18 février 2016 par laquelle le tribunal de l'exécution forcée immobilière avait précisé que la banque était non plus créancier adhérant mais créancier poursuivant avait autorité de la chose jugée, laquelle n'avait pourtant tranché aucune contestation, la cour d'appel a violé l'article 480 du code de procédure civile ;

Attendu qu'ayant relevé que l'ordonnance du 8 mars 2013 du tribunal de l'exécution avait, dans son dispositif, admis l'intervention à la procédure de la banque pour les montants qu'elle avait indiqués dans sa requête et constaté que cette ordonnance n'avait pas fait l'objet d'un pourvoi immédiat et était revêtue de l'autorité de la chose jugée, c'est à bon droit que la cour d'appel, par ce seul motif, a décidé que M. et Mme Q..., à qui il incombait de présenter, dès la notification de la décision d'admission, l'ensemble des moyens qu'ils estimaient de nature à justifier son rejet total ou partiel, ne pouvaient plus contester l'exécution du titre exécutoire par la banque ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen, annexé, pris en ses première et quatrième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Sommer - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot ; Me Le Prado -

Textes visés :

Article 954 du code de procédure civile ; article 43, alinéa 1, de l'Annexe du code de procédure civile relative à son application dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ; article 1355 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur l'exclusion de l'application des dispositions de l'article 954 en cas de procédure orale, à rapprocher : 2e Civ., 30 avril 2002, pourvoi n° 00-15.917, Bull. 2002, II, n° 82 (cassation). Sur la possibilité de contester la créance après l'ordonnance d'adjudication prise par une juridiction de l'exécution en Alsace-Moselle, à rapprocher : 2e Civ., 7 avril 2016, pourvoi n° 15-13.775, Bull. 2016, II, n° 94 (rejet).

Com., 11 septembre 2019, n° 17-26.594, (P)

Cassation partielle

Propriété immobilière – Inscription – Domaine d'application – Demande tendant à faire déclarer inopposable un acte du débiteur (non)

La demande tendant à faire déclarer inopposable au créancier un acte accompli par le débiteur, n'entrant pas dans les prévisions de l'article 38-4 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, n'a pas à être inscrite au livre foncier.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne (la banque) a consenti plusieurs prêts à M. G..., agent général d'assurances, et à son épouse, ainsi que des ouvertures de crédit ; que par un acte notarié du 7 juin 2010, ces derniers ont apporté à la SCI Defran un immeuble sur lequel ils avaient consenti à la banque une promesse d'hypothèque en garantie du remboursement de certains prêts ; que par une lettre du 24 avril 2012, la banque leur a notifié l'interruption de tous ses concours en invoquant le comportement gravement répréhensible de M. G... puis les a assignés en paiement ; qu'elle a également demandé que l'apport immobilier lui soit déclaré inopposable pour fraude paulienne ; que, reconventionnellement, M. et Mme G... ont recherché la responsabilité de la banque ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que M. et Mme G... font grief à l'arrêt de les condamner à payer à la banque diverses sommes et de rejeter leurs demandes alors, selon le moyen, que tout concours à durée indéterminée autre qu'occasionnel qu'un établissement de crédit consent à une entreprise ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite à l'expiration d'un délai de préavis qui ne peut sous peine de nullité de la rupture du concours être inférieur à soixante jours ; que si la banque est dispensée de respecter ce délai de préavis en cas de comportement gravement répréhensible imputable au bénéficiaire du crédit, un tel comportement doit s'apprécier au regard du propre comportement de la banque ; que la banque présentatrice chargée d'encaisser un chèque doit s'assurer de l'identité du déposant et vérifier qu'il en est bien le bénéficiaire ; qu'en imputant, en l'espèce, à M. G..., un comportement gravement répréhensible pour avoir encaissé sur ses comptes des chèques dont les bénéficiaires étaient ses clients, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la banque n'avait pas elle-même manqué à ses obligations en s'abstenant de vérifier que le déposant était bien le bénéficiaire des chèques litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable en la cause ;

Mais attendu que l'éventuel manquement de l'établissement de crédit à son obligation de vérifier que le déposant était le bénéficiaire des chèques ne le prive pas de la faculté, qu'il tient de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, de rompre sans préavis les concours accordés en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s'avérerait irrémédiablement compromise ; que la cour d'appel n'avait donc pas à effectuer la recherche inopérante invoquée par le moyen ; que celui-ci n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Attendu que M. et Mme G... font grief à l'arrêt de déclarer inopposable à la banque l'acte d'apport alors, selon le moyen, que sont inscrites au livre foncier, à peine d'irrecevabilité, les demandes en justice tendant à obtenir la résolution, la révocation, l'annulation ou la rescision d'une convention ou d'une disposition à cause de mort ; que la demande en déclaration d'inopposabilité d'une convention pour fraude paulienne tend à la révocation de celle-ci, peu important que la remise en cause de l'acte ne bénéficie qu'au créancier exerçant l'action paulienne ; qu'une telle demande doit, dès lors, être inscrite au livre foncier ;qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la demande de la banque, tendant à voir déclarer inopposable à son égard l'apport, à la SCI Defran, de l'immeuble des époux G... situé à [...], n'était pas irrecevable, faute d'avoir été inscrite au livre foncier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 38-4 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;

Mais attendu que la demande tendant à faire déclarer inopposable au créancier un acte accompli par le débiteur, n'entrant pas dans les prévisions de l'article 38-4 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, n'avait pas à être inscrite au livre foncier ; que la cour d'appel n'avait donc pas à procéder à la recherche, inopérante, invoquée par le moyen ; que celui-ci n'est pas fondé ;

Et sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, sur le deuxième moyen et sur le troisième moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner M. et Mme G... à payer à la banque une certaine somme au titre du solde débiteur du compte chèque n° [...], l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que M. et Mme G... ne soulèvent aucun moyen de nature à remettre en cause les sommes réclamées par la banque à la suite de l'interruption de ses concours ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. et Mme G... qui faisaient valoir que la banque ne produisait aucun document contractuel justifiant de l'existence de ce compte, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et sur le quatrième moyen :

Vu l'article 564 du code de procédure civile ;

Attendu que pour déclarer irrecevable comme nouvelle en appel la demande de M. et Mme G... tendant à la déchéance du droit aux intérêts, l'arrêt retient qu'ils n'ont jamais contesté la créance de la banque ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette demande ne tendait pas à faire écarter, en les restreignant, les prétentions adverses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de M. et Mme G... tendant à la déchéance de la banque de son droit aux intérêts et en ce que, confirmant le jugement, il les condamne solidairement à payer à la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne, au titre du compte chèque n° [...], la somme de 9 033,58 euros avec intérêts au taux contractuel de 14,81 % l'an à compter du 8 mai 2012 et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu, le 12 juillet 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : M. Remeniéras - Avocat général : M. Richard de la Tour (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Article L. 313-12 du code monétaire et financier ; article 38-4 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

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