Numéro 9 - Septembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2018

TRAVAIL REGLEMENTATION, REMUNERATION

Soc., 26 septembre 2018, n° 17-15.101, n° 17-15.102, n° 17-15.103, n° 17-15.104, n° 17-15.105, n° 17-15.106, n° 17-15.107, n° 17-15.108, n° 17-15.109, n° 17-15.110 et suivants, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Salaire – Egalité de traitement – Atteinte au principe – Défaut – Cas – Octroi de la prime de treizième mois – Conditions – Détermination – Portée

Une prime de treizième mois, qui n'a pas d'objet spécifique étranger au travail accompli ou destiné à compenser une sujétion particulière, participe de la rémunération annuelle versée, au même titre que le salaire de base, en contrepartie du travail à l'égard duquel les salariés cadres et non-cadres ne sont pas placés dans une situation identique.

Salaire – Primes et gratifications – Prime de treizième mois – Objet – Contrepartie du travail accompli – Portée

Vu la connexité, joint les pourvois n° 17-15.101 à 17-15.133 et 17-15.135 à 17-15.141 ;

Sur le premier moyen :

Vu le principe d'égalité de traitement ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que Mme X... et trente-neuf autres salariés, travaillant au service de la société Cooper sécurité en qualité d'ouvriers et d'employés, ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à obtenir le bénéfice, au titre du principe d'égalité de traitement, d'un avantage correspondant à un treizième

mois accordé aux salariés cadres ;

Attendu que pour faire droit aux demandes des salariés, après avoir énoncé que la seule différence de catégorie professionnelle ne peut en elle-même justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement entre salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, les arrêts retiennent, par motifs propres et adoptés, que sous couvert de douze mois de salaires payés sur treize mois, il s'agit bien d'une prime de treizième mois qui est payée aux cadres de l'entreprise sans que l'employeur n'établisse la différence de traitement instituée entre les cadres et les personnels non-cadres relativement au versement de cette prime qui serait justifiée par des raisons objectives, réelles et pertinentes ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, quelles que soient les modalités de son versement, une prime de treizième mois, qui n'a pas d'objet spécifique étranger au travail accompli ou destiné à compenser une sujétion particulière, participe de la rémunération annuelle versée, au même titre que le salaire de base, en contrepartie du travail à l'égard duquel les salariés cadres et non-cadres ne sont pas placés dans une situation identique, la cour d'appel a violé, par fausse application, le principe susvisé ;

Attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif critiqué par le troisième moyen et relatif aux dommages-intérêts ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils condamnent la société Cooper sécurité à payer aux salariés des sommes à titre de rappel de salaire et de dommages-intérêts, les arrêts rendus le 24 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi de ces chefs ;

Déboute les salariés de leur demande en paiement de sommes à titre de rappel de salaire et de dommages-intérêts.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : Mme Goasguen - Avocat général : M. Liffran - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Principe d'égalité de traitement.

Soc., 19 septembre 2018, n° 17-11.514, (P)

Cassation partielle

Salaire – Frais professionnels – Remboursement – Domaine d'application – Indemnité compensant le surcoût du repas consécutif à un déplacement effectif – Conditions – Détermination – Portée

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 2143-17, L. 2315-3 dans sa rédaction alors applicable et R. 1455-7 du code du travail et la circulaire PERS 793 du 11 août 1982 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé en 1997 en qualité de technicien d'intervention réseau électricité par la société ERDF, aux droits de laquelle viennent les sociétés Enedis et GRDF ; qu'à compter du 1er mars 2015, le salarié a été détaché à plein temps pour assurer les fonctions de président de la caisse mutuelle complémentaire d'activités sociales de Cahors ; que le 15 octobre 2015, il a saisi la juridiction prud'homale en référé afin d'obtenir notamment la condamnation de l'employeur au paiement, pour les périodes d'exercice de ses divers mandats électifs et syndicaux, de provisions sur indemnité de déplacement, ainsi que des dommages-intérêts pour entrave à ses fonctions de délégué du personnel ; qu'intervenant à l'instance, le syndicat CGT Energie 46 EDF/GDF a demandé des dommages-intérêts pour entrave au droit syndical ;

Attendu que pour faire droit à ces demandes, l'arrêt, après avoir constaté que la situation de déplacement pendant la journée entière, incluant les heures de pause dite méridienne, était inhérente à l'activité habituelle du salarié, retient qu'il en résulte que l'indemnité de déplacement fixée par la circulaire PERS 793 compense cette sujétion particulière et constitue un complément de salaire dont le salarié ne peut être privé au titre de ses périodes de délégation syndicale ou élective, et non un remboursement de frais imposant la justification qu'il correspond à des frais réellement exposés ;

Attendu, cependant, que l'utilisation des heures de délégation ne doit entraîner aucune perte de salaire pour le représentant du personnel ou le représentant syndical ; qu'en conséquence, celui-ci ne peut être privé du fait de l'exercice de son mandat du paiement d'une indemnité compensant une sujétion particulière de son emploi qui constitue un complément de salaire ; que, toutefois, le salarié ne peut pas réclamer le paiement de sommes correspondant au remboursement de frais professionnels qu'il n'a pas exposés ; que constitue un remboursement de frais une indemnité ayant pour objet, nonobstant son caractère forfaitaire, de compenser le surcoût du repas consécutif à un déplacement effectif ;

Qu'en se déterminant comme elle a fait, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les indemnités litigieuses n'avaient pas pour objet, nonobstant leur caractère forfaitaire, d'indemniser les salariés des frais supplémentaires de repas induits par une situation de déplacement, et si le paiement n'en était pas exclu en l'absence d'un tel déplacement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et attendu que la cassation à intervenir sur la première branche du moyen entraîne, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif critiqués par la seconde branche du moyen condamnant les sociétés à payer au salarié et au syndicat diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour entrave ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne les sociétés Enedis et GRDF à payer à M. X..., à titre de provision, avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, les sommes de 2 269,85 euros au titre des indemnités d'astreinte et 353,93 euros au titre de l'indemnité de zone d'habitat d'astreinte, ordonne l'affichage de la décision et condamne les sociétés Enedis et GRDF à payer à M. X... la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 29 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, sur les autres points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : Mme Chamley-Coulet - Avocat général : M. Boyer - Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet -

Textes visés :

Articles L. 2143-17, L. 2315-3 dans sa rédaction alors applicable et R. 1455-7 du code du travail ; circulaire PERS 793 du 11 août 1982.

Rapprochement(s) :

Sur le principe selon lequel un complément de salaire, à la différence d'un remboursement de frais, doit être pris en compte dans le calcul des sommes dues au titre des heures de délégation, à rapprocher : Soc., 1er juin 2016, pourvoi n° 15-15.202, Bull. 2016, V, n° 127 (rejet), et l'arrêt cité.

Soc., 19 septembre 2018, n° 16-24.041, n° 16-24.042, (P)

Cassation

Salaire – Frais professionnels – Remboursement – Domaine d'application – Indemnités conventionnelles dites de petit et grand déplacements – Conditions – Détermination – Portée

Vu la connexité, joint les pourvois n° 16-24.041 et 16-24.042 ;

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 2315-3 et L. 2325-7 du code du travail dans leur version applicable au litige et la convention nationale des ouvriers des travaux publics du 15 décembre 1992 ;

Attendu que si un salarié exerçant les fonctions de délégué du personnel et de membre du comité d'entreprise ne peut être privé, du fait de l'exercice de ses mandats, du paiement d'une indemnité compensant une sujétion particulière de son emploi qui constitue un complément de salaire, il ne peut, en revanche, réclamer le paiement de sommes correspondant au remboursement de frais professionnels qu'il n'a pas exposés ;

Attendu, selon les ordonnances attaquées, que MM. X... et Y... ont été engagés le 1er août 2000 par la société Ineo Infracom Engie Ineo en qualité d'agent technique et qu'ils étaient délégués du personnel et membres du comité d'entreprise ; qu'ayant constaté que les indemnités conventionnelles dites de petits et grands déplacements ne leur étaient pas versées lorsqu'ils exerçaient leurs mandats, ils en ont demandé le paiement à leur employeur ; que respectivement les 14 avril 2016 et 4 mai 2016, MM. Y... et X... ont saisi la juridiction prud'homale en référé pour obtenir le rappel de ces indemnités ;

Attendu que, pour condamner la société à verser aux salariés un rappel d'indemnités conventionnelles de petits et grands déplacements, la formation de référé du conseil de prud'hommes a retenu que l'employeur avait l'obligation d'assimiler le temps de délégation et ses accessoires à du travail effectif et payé à l'échéance normale ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé, d'une part, que les indemnités litigieuses prévues par la convention collective nationale avaient pour objet de compenser soit les frais supplémentaires entraînés par le déplacement des ouvriers qui travaillent sur un chantier dont l'éloignement leur interdit de regagner leur lieu de résidence, soit les frais supplémentaires qu'entraîne pour eux la fréquence des déplacements inhérents à la mobilité de leur lieu de travail, d'autre part, qu'elles ne concernaient que les ouvriers déplacés ou non sédentaires, ce dont il résultait que, nonobstant leur caractère forfaitaire, ces indemnités constituaient un remboursement de frais et non un complément de salaire, la formation de référé du conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les ordonnances rendues le 15 juillet 2016, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdites ordonnances et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Chaumont.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : M. Joly - Avocat général : M. Boyer - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 2315-3 et L. 2325-7 du code du travail dans leur version applicable au litige ; convention collective nationale des ouvriers des travaux publics du 15 décembre 1992.

Rapprochement(s) :

Sur le principe selon lequel un complément de salaire, à la différence d'un remboursement de frais, doit être pris en compte dans le calcul des sommes dues au titre des heures de délégation, à rapprocher : Soc., 1er juin 2016, pourvoi n° 15-15.202, Bull. 2016, V, n° 127 (rejet), et l'arrêt cité.

Soc., 12 septembre 2018, n° 17-10.307, (P)

Cassation partielle

Salaire – Paiement – Créance salariale – Intérêts moratoires – Point de départ – Date à laquelle la créance devient exigible – Conditions – Détermination

En suite de l'interpellation qui résulte de la convocation devant le bureau de conciliation, s'agissant de créances salariales, les intérêts moratoires courent à compter de chaque échéance devenue exigible.

Attendu selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 10 mars 2005 par la société CGSI en qualité de directeur technique, que par avenant n° 1 du 17 novembre 2006, sa rémunération annuelle brute a été fixée à 75 000 euros pour la part fixe et à 11 250 euros pour la part variable, les conditions d'attribution de la part variable étant fixées par un avenant annuel séparé ; que le 15 mai 2007, le salarié a signé un avenant n° 2 fixant les règles d'attribution de la part variable pour une période de douze mois à compter du 1er janvier 2007 ; que le 30 juin 2008, il a été promu aux fonctions de consultant manager ; qu'il a refusé de signer les avenants ultérieurs se rapportant à la part variable de sa rémunération ; que par procès-verbal de conciliation du 6 février 2012, les parties se sont accordées sur le montant de la part variable de la rémunération pour les années 2008 à 2011 ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes de rappels de salaire sur la part variable de la rémunération pour l'année 2012, d'une provision pour l'année 2013 et d'une demande de résiliation de son contrat de travail ; qu'il a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 28 janvier 2014 ;

Sur le premier moyen : Publication sans intérêt

Sur les deuxième et troisième moyens : Publication sans intérêt

Mais sur le quatrième moyen, qui est recevable :

Vu l'article 1153, alinéa 3, du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et l'article R. 1452-5 du code du travail ;

Attendu qu'après avoir condamné l'employeur à payer certaines sommes au titre d'un rappel sur rémunération variable et congés payés afférents pour les années 2012 à 2014, l'arrêt énonce que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du jour de la réception par l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation ;

Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que la demande initiale de rappel de salaire de rémunération variable formée devant le conseil de prud'hommes pour l'année 2012 portait sur une somme dont le montant avait été majoré devant la cour d'appel, que le salarié avait, pour l'année 2013, saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de provision sur rémunération variable dont il avait modifié le montant et la nature devant la cour d'appel et qu'il avait formé à hauteur d'appel une demande nouvelle pour l'année 2014, et alors, d'autre part, que les convocations devant le bureau de conciliation avaient été expédiées le 17 octobre 2012 et que, nonobstant l'interpellation qui en résulte, s'agissant de créances salariales, les intérêts moratoires ne pouvaient courir qu'à compter de chaque échéance devenue exigible, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais uniquement en ce qu'il dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du jour de la réception par l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation, l'arrêt rendu le 9 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : Mme Ala - Avocat général : M. Liffran - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Article 1153, alinéa 3, du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; article R. 1452-5 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le point de départ des intérêts moratoires d'une créance salariale, en sens contraire : Soc., 6 juin 1990, pourvoi n° 89-40.324, Bull. 1990, V, n° 270 (rejet), et l'arrêt cité.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.