Numéro 9 - Septembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2018

SOLIDARITE

2e Civ., 13 septembre 2018, n° 17-20.099, (P)

Cassation partielle

Rapports entre les codébiteurs – Contribution – Détermination des parts de chaque codébiteur – Recours d'un coauteur responsable sur le fondement du fait des choses contre un coauteur fautif – Etendue – Détermination

Donne acte à la société Etablissements Haristoy (la société Haristoy) du désistement partiel de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Allianz IARD ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'afin de réaliser des travaux d'élargissement d'une autoroute, la société Eurovia Grands projets et industrie (la société Eurovia GPI) a fait appel courant 2012 à la société TBM Hendaye (la société TBM) pour lui livrer des enrobés ; que cette dernière a loué auprès de la société Haristoy, assurée pour sa responsabilité auprès de la société Allianz IARD, une semi-remorque avec benne assurée auprès de la société GAN assurances (la société GAN) ; que, le 28 juin 2012, un accident s'est produit sur le chantier à la suite de la rupture de l'axe de rotation arrière droit de la benne dans lequel le véhicule de la société Libaros a été endommagé ; que cet accident ayant retardé la poursuite du chantier, la société Eurovia GPI a assigné en indemnisation de ses préjudices la société Haristoy et son assureur ainsi que la société GAN ; que celle-ci, pour s'opposer aux demandes, a versé aux débats un rapport d'expertise établi, en présence des sociétés Haristoy et TBM, par M. A..., l'expert qu'elle avait mandaté, pour qui l'origine du sinistre était imputable à la société Haristoy qui n'avait pas procédé à la réparation de la fissure affectant cet axe de rotation depuis un grave accident subi en 2009 par la benne ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal de la société Haristoy, pris en sa première branche, qui est recevable comme né de la décision attaquée :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour dire que la responsabilité de la société Haristoy est établie dans l'accident du 28 juin 2012, l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que la qualité de l'expertise de M. A..., réalisée lors d'opérations menées contradictoirement, confère à ses conclusions une force qui ne peut être ignorée d'autant qu'aucun autre élément, ni pièces ni expertise complémentaire, n'est produit, en particulier par la société Haristoy, de nature à les contrecarrer ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est fondée exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, peu important qu'elle l'ait été en présence des parties, a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen du pourvoi incident de la société GAN, pris en sa seconde branche :

Vu les articles 1382, devenu 1240, et 1384, alinéa 1, devenu 1242, alinéa 1, du code civil ;

Attendu que, pour limiter à la somme de 7 500 euros la condamnation de la société Haristoy envers la société GAN au titre de l'action récursoire exercée par celle-ci, l'arrêt énonce que si cette dernière sollicite la condamnation de la société Haristoy à lui payer la somme de 15 000 euros en remboursement de l'indemnité qu'elle a payée à l'assureur de la société Libaros, il convient, dès lors que la responsabilité des sociétés TBM et Haristoy est partagée dans l'accident, la première au titre de l'article 1384, alinéa 1, du code civil et la seconde au titre de l'article 1382 de ce code, de ne pas faire droit pour le tout au recours contributif ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'un coauteur, responsable d'un accident sur le fondement de l'article 1242, alinéa 1, du code civil, peut recourir pour le tout contre un coauteur fautif, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement déféré disant que la responsabilité de la société Haristoy est établie et la condamne à payer à la société GAN assurances la somme de 7 500 euros au titre de l'indemnité versée à l'assureur des établissements Libaros, l'arrêt rendu le 23 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Becuwe - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Marc Lévis ; SCP Odent et Poulet -

Textes visés :

Article 16 du code de procédure civile. N2 article 1382, devenu 1240, et article 1384, alinéa 1, devenu 1242, alinéa 1, du code civil.

Rapprochement(s) :

Ch. mixte., 28 septembre 2012, pourvoi n° 11-18.710, Bull. 2012, Ch. mixte, n° 2 (rejet).

2e Civ., 13 septembre 2018, n° 17-14.654, (P)

Rejet

Rapports entre les codébiteurs – Contribution – Détermination des parts de chaque codébiteur – Responsables condamnés à des peines différentes par la juridiction pénale – Absence d'influence

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche, qui est recevable comme étant de pur droit :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 11 janvier 2017) et les productions, que, par un arrêt de cour d'appel du 3 juillet 2008 devenu définitif, MM. Z..., Y... et X... ont été condamnés, le premier du chef d'escroquerie et les deux autres du chef de complicité d'escroquerie, pour des faits commis au préjudice de Roger C..., décédé depuis ; que cet arrêt les condamnant solidairement à payer aux ayants droit de la victime une certaine somme à titre de dommages-intérêts, M. Y..., après avoir réglé une partie de l'indemnisation, a fait commandement à M. X... de lui en rembourser le tiers ; que ce dernier a assigné MM. Y... et Z... pour faire juger qu'ils étaient les seuls responsables du préjudice subi par les ayants droit de Roger C... ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes, de dire que la charge du paiement de la condamnation prononcée solidairement à leur encontre devait être répartie par parts viriles entre eux soit un tiers chacun, de déclarer M. Y... fondé en son action récursoire et de le condamner à payer à ce dernier une certaine somme, alors, selon le moyen, que les décisions pénales ont l'autorité absolue de chose jugée au civil ; qu'en jugeant qu'il n'y avait pas lieu de mesurer la gravité des fautes des codébiteurs à l'aune des peines respectives de vingt-quatre mois, douze mois et six mois, prononcées à l'encontre de M. Z..., M. Y... et M. X... par l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 3 juillet 2008, parce que ces peines ne tiendraient pas « uniquement compte des faits commis mais également de la personnalité des prévenus et notamment des fonctions qu'ils occupaient », quand cette différenciation des peines, même si elle n'était que partiellement fondée sur la gravité des faits, imposait une différenciation de la charge définitive de la dette civile, la cour d'appel a violé les articles 1213 et 1351 du code civil, dans leur version applicable à la cause ;

Mais attendu que c'est sans méconnaître l'autorité de la chose jugée au pénal que, dans l'exercice de son pouvoir souverain, la cour d'appel a estimé que les fautes commises par chacun des trois condamnés à des peines différentes étaient d'égale importance et qu'il y avait lieu, dans leurs rapports contributifs, de répartir par parts égales la charge de l'indemnisation ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les première, deuxième, quatrième, cinquième, sixième, septième et huitième branches du moyen unique annexé qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Becuwe - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles 1213 et 1351 du code civil, dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Com., 26 septembre 2018, n° 16-28.133, (P)

Cassation partielle

Solidarité active – Présomption – Exclusion

Il résulte de l'article 1197 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, que la solidarité active ne se présume pas.

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par MM. X... et Y... que sur le pourvoi incident relevé par MM. Z... et A... et les sociétés SC Conseil et M&M Investissements ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que le 19 novembre 2004, MM. X... et Y... ont promis de céder à MM. A... et Z... et à la société Foncière immobilière Girondine les cent parts qu'ils détenaient dans le capital de la SARL SC Conseil, devenue SAS, société de courtage d'assurances ; que ce protocole de cession prévoyait une faculté de substitution des cessionnaires par un tiers et comportait une clause de non-concurrence pour une durée de cinq ans, expirant le 31 décembre 2009 ; qu'une convention de garantie d'actif et de passif a été signée le même jour ; que par acte du 31 janvier 2005, M. X... a cédé une action à M. Z... et quarante-neuf à la société M&M Investissements, et M. Y... a cédé une action à M. A... et quarante-neuf à cette société ; qu'estimant que MM. X... et Y... avaient violé la clause de non-concurrence stipulée au bénéfice de la société SC Conseil, par le biais de la société Axialis qu'ils avaient constituée, et que la garantie d'actif et de passif devait être mise en jeu, MM. A... et Z... et la société SC Conseil ont assigné en paiement MM. X... et Y... et la société Axialis ; que la société M&M Investissements est intervenue volontairement à l'instance pour demander l'exécution, à son bénéfice, de la garantie d'actif et de passif ;

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal :

Attendu que MM. X... et Y... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en paiement de la somme de 7 622 euros alors, selon le moyen, que le paiement volontaire réalisé en exécution d'un contrat ne saurait suffire à en modifier les termes ; qu'en retenant, pour exclure tout remboursement de MM. X... et Y..., qu'ils avaient accepté de prendre en charge le paiement de la somme de 7 622 euros au titre de la garantie de passif, quand un tel constat ne suffisait pas à justifier l'application de la garantie, qui supposait un passif effectivement mis à la charge de la société SC Conseil, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;

Mais attendu que l'arrêt retient qu'à la suite d'un sinistre survenu en 2004, un litige s'est élevé entre la société SC Conseil et M. C... sur la prise en charge d'une franchise d'un montant de 7 622 euros, et que MM. X... et Y..., tenus informés des péripéties du dossier, et de la proposition d'indemnisation de M. C... par accord amiable, ont accepté de prendre en charge ce règlement au titre de leur garantie de passif, puisque ce litige était bien relatif à leur gestion ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu rejeter la demande en remboursement de la somme de 7 622 euros ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que la société SC Conseil, MM. A... et Z... et la société M&M Investissements font grief à l'arrêt de rejeter la demande formée par la société SC Conseil sur le fondement de la concurrence déloyale alors, selon le moyen, qu'un préjudice s'infère nécessairement de la violation d'une clause de non-concurrence, génératrice d'un trouble commercial ; qu'en se fondant, pour débouter la société SC Conseil, sur la circonstance que celle-ci ne parvenait ni à établir ni chiffrer un préjudice, ni un lien de causalité entre un préjudice et les agissements reprochés aux appelants, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable ;

Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a pu estimer que la société SC Conseil, qui n'avait communiqué à l'expert aucune information, malgré sa demande, sur le montant des commissions payées par ses clients, ne rapportait pas la preuve qui lui incombait de l'étendue du préjudice allégué ni du lien de causalité entre ce préjudice et la faute reprochée à MM. X... et Y... ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le deuxième moyen du pourvoi principal :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal :

Vu l'article 1197 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la société M&M Investissements et condamner solidairement MM. X... et Y... à lui payer certaines sommes en exécution de la garantie d'actif et de passif, l'arrêt retient que la solidarité est présumée en matière commerciale, et que la prescription a donc été utilement interrompue par l'action de MM. A... et Z... et de la société SC Conseil ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la solidarité active ne se présume pas et que MM. A... et Z... agissaient en qualité de créanciers, bénéficiaires de la garantie, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

REJETTE le pourvoi incident ;

Et sur le pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne solidairement MM. X... et Y... à payer à la société M&M Investissements les sommes de 37 007,74 euros et 1 892,35 euros au titre de la garantie d'actif et de passif, l'arrêt rendu le 18 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers.

- Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme de Cabarrus - Avocat général : M. Debacq - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Article 1197 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

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