Numéro 9 - Septembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2018

SEPARATION DES POUVOIRS

Soc., 20 septembre 2018, n° 17-11.602, n° 17-11.605, n° 17-11.606, n° 17-11.607, n° 17-11.608, n° 17-11.609, (P)

Cassation

Contrat de travail – Licenciement économique – Licenciement collectif – Consultation du comité d'entreprise – Régularité – Contrôle – Compétence judiciaire (non)

Vu la connexité, joint les pourvois n° 17-11.602, 17-11.605 à 17-11.609 ;

Sur le premier moyen :

Vu le principe de la séparation des pouvoirs ;

Attendu, qu'en l'état d'une autorisation administrative accordée à l'employeur de licencier les salariés protégés concernés, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier ni le caractère réel et sérieux des motifs retenus pour justifier le licenciement ni la régularité de la consultation du comité d'entreprise sur le projet de licenciement économique collectif ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que, par jugement du 14 mai 2009 d'un tribunal d'instance, une unité économique et sociale a été reconnue entre la société Logistique transport (Logistrans) et les sociétés Serta services transport affrètement, Serta Nord, Serta Rhône-Alpes, Transport service route (TSR) et Livra trans ; que, par jugement du 27 août 2009, le tribunal de commerce d'Évreux a prononcé la liquidation judiciaire des sociétés de l'unité économique et sociale à l'exception de la société Logistrans ; que, par jugement du 27 mai 2010, la société Logistrans a été mise en redressement judiciaire et, par jugement du 17 mars 2011, en liquidation judiciaire, Mme X... ayant été désignée en qualité de mandataire liquidateur ; que MM. Y..., D..., Z..., A..., B... et C..., salariés de la société Logistrans ont été licenciés pour motif économique en mai 2011 dans le cadre d'une procédure accompagnée d'un plan de sauvegarde de l'emploi, après autorisation de l'inspecteur du travail par décisions des 28 avril et 2 mai 2011 ;

Attendu que pour déclarer recevables les demandes des salariés protégés et fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Logistique Transport (Logistrans) des sommes à titre de dommages-intérêts pour absence de mise en place des « IRP » et à titre de dommages-intérêts pour les fautes commises par l'employeur antérieurement au licenciement, les arrêts retiennent que si le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du motif retenu pour justifier le licenciement, il reste compétent pour apprécier les fautes commises par l'employeur pendant la période antérieure au licenciement et qu'en l'espèce, les salariés protégés sollicitaient la réparation de fautes de l'employeur consistant dans l'absence de mise en place des représentants du personnel dans le cadre de l'unité économique et sociale et la légèreté blâmable de l'employeur pendant la période antérieure au licenciement ; que pour faire droit à ces demandes, les arrêts retiennent d'une part, au visa de l'article L. 1235-15 du code du travail, qu'à la suite du jugement du 29 mai 2009 reconnaissant l'existence d'une unité économique et sociale, les institutions représentatives du personnel n'ont pas été mises en place à ce niveau et aucun procès-verbal de carence n'a été établi, que les décisions d'autorisation de licenciements économiques ne font aucunement état du jugement de reconnaissance de l'existence d'une unité économique et sociale, que les licenciements économiques ont été prononcés sans que soient respectées les obligations à l'égard de ces institutions, en sorte que les salariés protégés peuvent prétendre à la réparation de cette carence fautive, que d'autre part, les arrêts retiennent qu'entre le 27 mai 2010, date de l'ouverture de la procédure collective de la société Logistrans, et le 17 mars 2011, date de sa mise en liquidation judiciaire, l'employeur n'a pris aucune mesure qui aurait pu permettre le maintien de l'activité économique, notamment en procédant à la suppression d'heures supplémentaires ou à la réduction du temps de travail, les salariés soutenant sans être contredits que l'ensemble du personnel était rémunéré en heures supplémentaires et non pas sur 38 ou 39 heures jusqu'à la liquidation, celui-ci a ainsi fait preuve d'une légèreté blâmable ayant entraîné le licenciement de cent vingt-trois salariés et dont les salariés protégés peuvent demander réparation ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les demandes des salariés protégés ne tendaient, sous couvert de dommages-intérêts pour la réparation de carences fautives de l'employeur, qu'à contester la régularité de la procédure de consultation de comité d'entreprise et la cause économique de leur licenciement, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième, troisième et quatrième moyens des pourvois :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 29 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : Mme Depelley - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Principe de la séparation des pouvoirs.

Rapprochement(s) :

Dans le même sens que : Soc., 2 juin 2004, pourvoi n° 03-40.071, Bull. 2004, V, n° 159 (2) (cassation partielle sans renvoi), et les arrêts cités.

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