Numéro 9 - Septembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2018

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX

2e Civ., 20 septembre 2018, n° 17-14.247, (P)

Rejet

Contentieux spéciaux – Contentieux technique – Maladies professionnelles – Reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie par la caisse – Demande du salarié en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur – Contestation par l'employeur du caractère professionnel de la maladie – Procédure – Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles – Désignation par jugement – Appel – Effet suspensif (non)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 novembre 2016), que salarié en qualité de directeur de création par la société Ogility action, aux droits de laquelle vient la société Geometry global (l'employeur), M. Y... a déclaré être atteint d'un syndrome dépressif qui a été pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, après l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (le comité régional) ; que M. Y... ayant engagé une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et celui-ci contestant le caractère professionnel de la maladie, une juridiction de sécurité sociale a désigné un autre comité régional ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la maladie déclarée par la victime présente un lien direct et essentiel avec son activité professionnelle et qu'elle est la conséquence de la faute inexcusable de celui-ci, alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'article 544 du code de procédure civile que les jugements qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d'instruction peuvent être immédiatement frappés d'appel ; qu'il résulte de l'article 514 du même code que l'exécution provisoire ne peut être poursuivie sans avoir été ordonnée si ce n'est pour les décisions qui en bénéficient de plein droit ; qu'il ne résulte d'aucun texte que la décision prescrivant une mesure d'instruction, notamment la saisine d'un comité régional de reconnaissance de maladies professionnelles en application de l'article R. 142-24-2 du code de la sécurité sociale, bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire ; qu'il en résulte que l'employeur, appelant d'un jugement, non assorti de l'exécution provisoire, l'ayant débouté au fond de sa prétention concernant l'opposabilité d'une décision relative à la prise en charge d'une maladie au titre de la législation professionnelle et ayant ordonné la saisine d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, ne peut se voir opposer l'avis de ce comité émis en son absence avant qu'il ait été statué sur l'appel ; qu'au cas présent, la société Geometry Global était appelante d'un jugement ayant, d'une part, rejeté la demande tendant à obtenir que la notification d'un refus de prise en charge lui soit déclaré définitivement opposable et, d'autre part, ordonné la saisine du comité régional des Pays-de-Loire afin qu'il établisse si la maladie déclarée par M. Y... le 22 janvier 2013 présente un lien direct et essentiel avec son activité professionnelle ; qu'elle faisait valoir que ce jugement n'était pas assorti de l'exécution provisoire, de sorte que l'avis émis par le comité régional en son absence alors même qu'il n'avait pas été statué sur l'appel n'était pas régulier, de sorte que la cour d'appel ne pouvait se prononcer sur le caractère professionnel de la maladie sans saisir un nouveau comité régional ; qu'en refusant d'écarter l'avis du comité régional des Pays-de-Loire et en se fondant sur cet avis pour juger que la maladie déclarée par M. Y... le 22 janvier 2013 présente un lien direct et essentiel avec son activité professionnelle, la cour d'appel a violé les articles 514 et 544 du code de procédure civile, L. 461-1 et R. 142-24-2 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu que lorsque le juge est saisi d'une contestation portant sur le caractère professionnel de la maladie sur le fondement de l'article L. 461-1, alinéas 3 à 5, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017, applicable au litige, la désignation préalable d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles qui a un caractère obligatoire en vertu de l'article R. 142-24-2 du même code, est immédiatement exécutoire ;

Que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

Sur le même moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu que l'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que lorsque le juge sollicite l'avis d'un expert dans un litige portant sur des données techniques pour lesquelles il n'a pas la compétence nécessaire pour appréhender l'avis de l'expert, de sorte que celui-ci s'avère prépondérant pour la solution du litige, le droit à un procès équitable implique que les parties disposent de la possibilité de soumettre à l'expert des observations, avant que celui-ci n'émette son avis ; qu'il en résulte que le juge de sécurité sociale, qui ordonne la saisine d'un comité régional de reconnaissance de maladie professionnelle pour déterminer si une maladie non désignée par un tableau de maladies professionnelles présente un lien direct et essentiel avec le travail habituel du salarié, doit veiller à ce que les parties disposent une possibilité effective de faire valoir leurs droits et de présenter des observations devant ce comité avant que celui-ci n'émette son avis ; que la société Geometry Global faisait valoir, pour demander la nullité de l'avis du comité régional des Pays-de-Loire, qu'elle n'avait pas été en mesure de se défendre devant ce comité avant que celui-ci n'émette son avis ; que, pour rejeter cette demande de nullité et refuser de rechercher si l'employeur avait été en mesure de faire valoir ses droits devant le comité, la cour d'appel s'est bornée à relever que la procédure aurait été contradictoire dès lors que le comité s'est prononcée sur la base du dossier constitué par la caisse au cours de la procédure d'instruction sur le fondement de l'article D. 461-29 du code de la sécurité sociale ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les articles 16 du code de procédure civile, R. 142-24-2 et D. 461-29 du code de la sécurité sociale et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'il résulte des articles L. 461-1 et D. 461-29 du code de la sécurité sociale, qu'en cas de saisine d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, dont l'avis s'impose à la caisse, l'information du salarié, de ses ayants droit et de l'employeur sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de leur faire grief, s'effectue avant la transmission du dossier audit comité régional ;

Et attendu qu'ayant souverainement constaté que l'avis en cause avait été rendu, notamment, sur la base du rapport circonstancié de l'employeur ainsi que le comité régional le mentionnait en page deux de son avis, la cour d'appel en a exactement déduit que l'employeur n'était pas fondé à se prévaloir du caractère non contradictoire de la procédure suivie devant le comité régional ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que l'employeur fait le même grief à l'arrêt ;

Mais attendu que, sous le couvert des griefs non fondés de défaut de base légale au regard des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 du code du travail et 1147 du code civil et de violation de l'article 455 du code de procédure civile, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l'appréciation souveraine, par les juges du fond, de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve débattus devant eux ;

D'où il suit que le moyen, dépourvu d'objet en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Palle - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Lesourd ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article L. 461-1, alinéas 3 à 5, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017.

2e Civ., 20 septembre 2018, n° 17-24.359, (P)

Rejet

Preuve – Procès-verbaux des contrôleurs de la sécurité sociale – Opérations de contrôle – Audition – Personne auditionnée – Détermination – Portée

Il résulte de l'article R. 243-59, alinéa 4, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n° 2007-546 du 11 avril 2007, applicable aux opérations de contrôle litigieuses, que l'agent chargé du contrôle ne peut entendre que les personnes rémunérées par l'employeur ou le travailleur indépendant faisant l'objet de celui-ci. Les dispositions qui confèrent aux agents des organismes de recouvrement des pouvoirs d'investigation étant d'application stricte, ce texte ne permet pas l'audition des personnes rémunérées par un prestataire de service de la personne contrôlée.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 30 juin 2017), qu'à l'issue d'un contrôle engagé en application de l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale et portant sur les années 2007 et 2008, l'URSSAF de la Manche, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Basse-Normandie (l'URSSAF), a adressé à la société Tradition et bio associés (la société Teba), le 7 octobre 2010, une lettre d'observations mentionnant un redressement pour travail dissimulé entraînant une annulation des réductions de cotisations dont elle avait précédemment bénéficié, puis lui a notifié, le 18 novembre 2010, une mise en demeure ; que la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Attendu que l'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler le redressement, alors, selon le moyen, que les agents de contrôle peuvent interroger les personnes rémunérées par l'entreprise à quelque titre que ce soit ; qu'au nombre des personnes interrogeables comptent les salariés de prestataires suspectés d'exercer leur activité dans un état de subordination juridique ; qu'en considérant que l'URSSAF ne pouvait pas entendre, en tant que personne rémunérée, l'un des salariés de la société Butchery afin de vérifier si celle-ci, en tant que prestataire de service, ne fournissait pas, sous cette apparence et en fraude au droit social, une main d'œuvre à la société Teba, la cour d'appel a violé l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article R. 243-59, alinéa 4, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n° 2007-546 du 11 avril 2007, applicable aux opérations de contrôle litigieuses, que l'agent chargé du contrôle ne peut entendre que les personnes rémunérées par l'employeur ou le travailleur indépendant faisant l'objet de celui-ci ; que les dispositions qui confèrent aux agents des organismes de recouvrement des pouvoirs d'investigation étant d'application stricte, ce texte ne permet pas l'audition des personnes rémunérées par un prestataire de service de la personne contrôlée ;

Et attendu que l'arrêt retient qu'il résulte des termes de la lettre d'observations que c'est l'un des salariés mis à la disposition de la société Teba par la société irlandaise Butchery, dont l'identité n'a pas été précisée, qui a été entendu par l'inspecteur du recouvrement le 10 février 2009, et qu'aucun élément ne permet d'établir qu'il s'agisse d'un salarié rémunéré par la société Teba ;

Que de ces constatations, la cour d'appel a exactement déduit que l'irrégularité affectant cette audition rendait le contrôle irrégulier, ce dont il résultait que le redressement qui en était la suite devait être annulé ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres branches annexées du moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Poirotte - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article R. 243-59, alinéa 4, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n° 2007-546 du 11 avril 2007, applicable aux opérations de contrôle litigieuses.

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