Numéro 9 - Septembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2018

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL

2e Civ., 20 septembre 2018, n° 17-14.247, (P)

Rejet

Faute inexcusable de l'employeur – Action de la victime – Caractère professionnel de l'accident ou de la maladie – Contestation par l'employeur – Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles – Désignation par jugement – Caractère immédiatement exécutoire

Lorsque le juge est saisi d'une contestation portant sur le caractère professionnel de la maladie sur le fondement de l'article L. 461-1, alinéas 3 à 5, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017, la désignation préalable d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles qui a un caractère obligatoire en vertu de l'article R. 142-24-2 du même code, est immédiatement exécutoire.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 novembre 2016), que salarié en qualité de directeur de création par la société Ogility action, aux droits de laquelle vient la société Geometry global (l'employeur), M. Y... a déclaré être atteint d'un syndrome dépressif qui a été pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, après l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (le comité régional) ; que M. Y... ayant engagé une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et celui-ci contestant le caractère professionnel de la maladie, une juridiction de sécurité sociale a désigné un autre comité régional ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la maladie déclarée par la victime présente un lien direct et essentiel avec son activité professionnelle et qu'elle est la conséquence de la faute inexcusable de celui-ci, alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'article 544 du code de procédure civile que les jugements qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d'instruction peuvent être immédiatement frappés d'appel ; qu'il résulte de l'article 514 du même code que l'exécution provisoire ne peut être poursuivie sans avoir été ordonnée si ce n'est pour les décisions qui en bénéficient de plein droit ; qu'il ne résulte d'aucun texte que la décision prescrivant une mesure d'instruction, notamment la saisine d'un comité régional de reconnaissance de maladies professionnelles en application de l'article R. 142-24-2 du code de la sécurité sociale, bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire ; qu'il en résulte que l'employeur, appelant d'un jugement, non assorti de l'exécution provisoire, l'ayant débouté au fond de sa prétention concernant l'opposabilité d'une décision relative à la prise en charge d'une maladie au titre de la législation professionnelle et ayant ordonné la saisine d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, ne peut se voir opposer l'avis de ce comité émis en son absence avant qu'il ait été statué sur l'appel ; qu'au cas présent, la société Geometry Global était appelante d'un jugement ayant, d'une part, rejeté la demande tendant à obtenir que la notification d'un refus de prise en charge lui soit déclaré définitivement opposable et, d'autre part, ordonné la saisine du comité régional des Pays-de-Loire afin qu'il établisse si la maladie déclarée par M. Y... le 22 janvier 2013 présente un lien direct et essentiel avec son activité professionnelle ; qu'elle faisait valoir que ce jugement n'était pas assorti de l'exécution provisoire, de sorte que l'avis émis par le comité régional en son absence alors même qu'il n'avait pas été statué sur l'appel n'était pas régulier, de sorte que la cour d'appel ne pouvait se prononcer sur le caractère professionnel de la maladie sans saisir un nouveau comité régional ; qu'en refusant d'écarter l'avis du comité régional des Pays-de-Loire et en se fondant sur cet avis pour juger que la maladie déclarée par M. Y... le 22 janvier 2013 présente un lien direct et essentiel avec son activité professionnelle, la cour d'appel a violé les articles 514 et 544 du code de procédure civile, L. 461-1 et R. 142-24-2 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu que lorsque le juge est saisi d'une contestation portant sur le caractère professionnel de la maladie sur le fondement de l'article L. 461-1, alinéas 3 à 5, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017, applicable au litige, la désignation préalable d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles qui a un caractère obligatoire en vertu de l'article R. 142-24-2 du même code, est immédiatement exécutoire ;

Que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

Sur le même moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu que l'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que lorsque le juge sollicite l'avis d'un expert dans un litige portant sur des données techniques pour lesquelles il n'a pas la compétence nécessaire pour appréhender l'avis de l'expert, de sorte que celui-ci s'avère prépondérant pour la solution du litige, le droit à un procès équitable implique que les parties disposent de la possibilité de soumettre à l'expert des observations, avant que celui-ci n'émette son avis ; qu'il en résulte que le juge de sécurité sociale, qui ordonne la saisine d'un comité régional de reconnaissance de maladie professionnelle pour déterminer si une maladie non désignée par un tableau de maladies professionnelles présente un lien direct et essentiel avec le travail habituel du salarié, doit veiller à ce que les parties disposent une possibilité effective de faire valoir leurs droits et de présenter des observations devant ce comité avant que celui-ci n'émette son avis ; que la société Geometry Global faisait valoir, pour demander la nullité de l'avis du comité régional des Pays-de-Loire, qu'elle n'avait pas été en mesure de se défendre devant ce comité avant que celui-ci n'émette son avis ; que, pour rejeter cette demande de nullité et refuser de rechercher si l'employeur avait été en mesure de faire valoir ses droits devant le comité, la cour d'appel s'est bornée à relever que la procédure aurait été contradictoire dès lors que le comité s'est prononcée sur la base du dossier constitué par la caisse au cours de la procédure d'instruction sur le fondement de l'article D. 461-29 du code de la sécurité sociale ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les articles 16 du code de procédure civile, R. 142-24-2 et D. 461-29 du code de la sécurité sociale et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'il résulte des articles L. 461-1 et D. 461-29 du code de la sécurité sociale, qu'en cas de saisine d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, dont l'avis s'impose à la caisse, l'information du salarié, de ses ayants droit et de l'employeur sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de leur faire grief, s'effectue avant la transmission du dossier audit comité régional ;

Et attendu qu'ayant souverainement constaté que l'avis en cause avait été rendu, notamment, sur la base du rapport circonstancié de l'employeur ainsi que le comité régional le mentionnait en page deux de son avis, la cour d'appel en a exactement déduit que l'employeur n'était pas fondé à se prévaloir du caractère non contradictoire de la procédure suivie devant le comité régional ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que l'employeur fait le même grief à l'arrêt ;

Mais attendu que, sous le couvert des griefs non fondés de défaut de base légale au regard des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 du code du travail et 1147 du code civil et de violation de l'article 455 du code de procédure civile, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l'appréciation souveraine, par les juges du fond, de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve débattus devant eux ;

D'où il suit que le moyen, dépourvu d'objet en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Palle - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Lesourd ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article L. 461-1, alinéas 3 à 5, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017.

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