Numéro 9 - Septembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2018

SECURITE SOCIALE

2e Civ., 20 septembre 2018, n° 17-24.359, (P)

Rejet

Caisse – URSSAF – Contrôle – Procédure – Agent chargé du contrôle – Pouvoirs d'investigation – Etendue – Détermination – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 30 juin 2017), qu'à l'issue d'un contrôle engagé en application de l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale et portant sur les années 2007 et 2008, l'URSSAF de la Manche, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Basse-Normandie (l'URSSAF), a adressé à la société Tradition et bio associés (la société Teba), le 7 octobre 2010, une lettre d'observations mentionnant un redressement pour travail dissimulé entraînant une annulation des réductions de cotisations dont elle avait précédemment bénéficié, puis lui a notifié, le 18 novembre 2010, une mise en demeure ; que la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Attendu que l'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler le redressement, alors, selon le moyen, que les agents de contrôle peuvent interroger les personnes rémunérées par l'entreprise à quelque titre que ce soit ; qu'au nombre des personnes interrogeables comptent les salariés de prestataires suspectés d'exercer leur activité dans un état de subordination juridique ; qu'en considérant que l'URSSAF ne pouvait pas entendre, en tant que personne rémunérée, l'un des salariés de la société Butchery afin de vérifier si celle-ci, en tant que prestataire de service, ne fournissait pas, sous cette apparence et en fraude au droit social, une main d'œuvre à la société Teba, la cour d'appel a violé l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article R. 243-59, alinéa 4, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n° 2007-546 du 11 avril 2007, applicable aux opérations de contrôle litigieuses, que l'agent chargé du contrôle ne peut entendre que les personnes rémunérées par l'employeur ou le travailleur indépendant faisant l'objet de celui-ci ; que les dispositions qui confèrent aux agents des organismes de recouvrement des pouvoirs d'investigation étant d'application stricte, ce texte ne permet pas l'audition des personnes rémunérées par un prestataire de service de la personne contrôlée ;

Et attendu que l'arrêt retient qu'il résulte des termes de la lettre d'observations que c'est l'un des salariés mis à la disposition de la société Teba par la société irlandaise Butchery, dont l'identité n'a pas été précisée, qui a été entendu par l'inspecteur du recouvrement le 10 février 2009, et qu'aucun élément ne permet d'établir qu'il s'agisse d'un salarié rémunéré par la société Teba ;

Que de ces constatations, la cour d'appel a exactement déduit que l'irrégularité affectant cette audition rendait le contrôle irrégulier, ce dont il résultait que le redressement qui en était la suite devait être annulé ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres branches annexées du moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Poirotte - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article R. 243-59, alinéa 4, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n° 2007-546 du 11 avril 2007, applicable aux opérations de contrôle litigieuses.

2e Civ., 20 septembre 2018, n° 17-24.092, (P)

Rejet

Cotisations – Exonération – Exonération au titre de l'aide à la création d'entreprises – Durée – Prorogation – Bénéficiaires – Détermination – Portée

Dans sa rédaction issue du décret n° 2009-489 du 29 avril 2009, l'article D. 161-1-1-1 du code de la sécurité sociale a pour objet de fixer les modalités d'application aux travailleurs indépendants relevant des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts de l'exonération de cotisations prévue par l'article L. 161-1-1. Les avocats entrent dans le champ d'application de ce texte qui ne renvoie au c de l'article D. 131-6-3 qu'en ce qu'il détermine le terme de la période d'exonération.

Cotisations – Exonération – Exonération au titre de l'aide à la création d'entreprises – Durée – Prorogation – Article D. 161-1-1-1 du code de la sécurité sociale – Domaine d'application – Avocat relevant du régime déclaratif spécial des bénéfices des professions non commerciales

Sur le moyen unique, pris en ses troisième et quatrième branches :

Attendu, selon le jugement attaqué (juridiction de proximité de Paris 1er, 16 juin 2017), rendu en dernier ressort, et les productions, qu'étant éligible à l'aide à la création ou à la reprise d'entreprise, Mme X..., avocat affiliée en cette qualité à la Caisse nationale des barreaux français (la CNBF), a bénéficié, à compter de l'ouverture de son cabinet, le 3 novembre 2010, pour une durée de douze mois, de l'exonération de cotisations sociales prévue par l'article L. 161-1-1, devenu L. 131-6-4 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction alors applicable ; que, faisant application de l'article D. 161-1-1-1 du même code dans sa rédaction antérieure au décret n° 2009-489 du 29 avril 2009, la CNBF a prolongé cette période d'exonération pour une même durée ; qu'ayant ultérieurement constaté que les revenus déclarés par Mme X... au titre de l'année 2012 excédaient le plafond auquel était subordonnée la prolongation de la durée d'exonération, la CNBF lui a réclamé un rappel de cotisations pour les années 2012 et 2013 et lui a fait signifier un titre exécutoire auquel l'intéressée a formé opposition devant une juridiction de proximité ;

Attendu que la CNBF fait grief au jugement d'annuler le titre exécutoire et de lui enjoindre de recalculer les cotisations dont Mme X... est redevable pour les années 2012 et 2013 en application de l'article D. 161-1-1-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n° 2009-484 du 29 avril 2009, alors, selon le moyen :

1°/ que l'article D. 161-1-1-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue du décret précité du 29 avril 2009, se contente de viser « l'application des dispositions de l'article L. 161-1-1 aux travailleurs indépendants relevant des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts », lesquels concernent les micro-entreprises générant des revenus non commerciaux ; qu'il ne résulte aucunement de la combinaison de ces dispositions que l'article D. 161-1-1-1 du code de la sécurité sociale aurait vocation à s'appliquer aux avocats, qui appartiennent à une profession réglementée, ont un statut propre et relèvent d'un régime autonome et spécifique, d'ordre public, régi par les articles L. 723 et suivant du code de la sécurité sociale ; qu'en retenant que l'article D. 161-1-1-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue du décret du 29 avril 2009, serait applicable aux avocats, dont Mme X..., du seul fait qu'il ne les exclut pas et en annulant, en conséquence, le titre exécutoire du 6 août 2014 à l'encontre de cette dernière portant sur les cotisations impayées auprès de la CNBF au titre des années 2012 et 2013 avant d'enjoindre la CNBF de recalculer les cotisations dont Mme X... serait redevable auprès de cet organisme pour ces deux années en application de ces dispositions, la juridiction de proximité a violé l'article D. 161-1-1-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-484 du 29 avril 2009, ainsi que l'article L. 133-6-8 dudit code et les articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts ;

2°/ que l'article D. 131-6-3 du code de la sécurité sociale prévoit que les travailleurs indépendants relevant de l'article L. 133-6-8 dudit code, auquel se réfère l'article D. 161-1-1-1 de ce code, dans sa version issue du décret n° 2009-484 du 29 avril 2009, et qui bénéficient de l'ACCRE ont droit à un taux de cotisation réduit correspondant à une fraction des taux prévus par les articles D. 131-6-1 et D. 131-6-2 du code de la sécurité sociale ; que ces deux articles excluent les avocats, l'article D. 131-6-1 du code de la sécurité sociale visant exclusivement le groupe des professions artisanales, industrielles et commerciales et l'article D. 131-6-2 visant les professions libérales relevant de la CIPAV ; qu'en annulant néanmoins, sur le fondement de l'article D. 161-1-1-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-484 du 29 avril 2009, le titre exécutoire du 6 août 2014 à l'encontre de Mme X... portant sur les cotisations impayées auprès de la CNBF au titre des années 2012 et 2013 avant d'enjoindre la CNBF de recalculer les cotisations dont Mme X... est redevable auprès de cet organisme pour les années 2012 et 2013, la juridiction de proximité a violé ledit article ainsi que les articles D. 131-6-1, D. 131-6-2 et D. 161-6-3, du code de la sécurité sociale ainsi que l'article L. 133-6-8 de ce même code ;

Mais attendu que, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-489 du 29 avril 2009, l'article D. 161-1-1-1 du code de la sécurité sociale a pour objet de fixer les modalités d'application aux travailleurs indépendants relevant des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts de l'exonération de cotisations prévue par l'article L. 161-1-1 ; que les avocats entrent dans le champ d'application de ce texte qui ne renvoie au c de l'article D. 131-6-3 qu'en ce qu'il détermine le terme de la période d'exonération ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les première et deuxième branches du moyen annexé qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Poirotte - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Le Bret-Desaché -

Textes visés :

Articles L. 161-1-1, devenu L. 131-6-4, dans sa rédaction alors applicable, et D. 161-1-1-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n° 2009-489 du 29 avril 2009 ; articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts.

2e Civ., 20 septembre 2018, n° 17-24.264, (P)

Rejet

Cotisations – Réduction – Réduction des cotisations dues au titre des heures supplémentaires – Domaine d'application – Détermination – Portée

Il ressort de la combinaison des articles L. 241-17 et L. 241-18 du code de la sécurité sociale, d'une part, de l'article 81 quater du code général des impôts et des textes auxquels celui-ci renvoie, d'autre part, que les indemnités de congés payés calculées sur les heures supplémentaires structurelles, qui ne rémunèrent pas des heures de travail accomplies par les salariés, n'ouvrent pas droit à la réduction et à la déduction forfaitaire prévues par ces dispositions, qu'elles soient versées directement par l'employeur ou par l'intermédiaire d'une caisse de congés payés.

Cotisations – Réduction – Bénéfice – Exclusion – Cas – Heures supplémentaires structurelles – Indemnités de congés payés calculées sur les heures supplémentaires structurelles – Versement par l'employeur ou par une caisse de congés payés – Absence d'influence

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 29 juin 2017), qu'à la suite d'un contrôle portant sur les années 2008 à 2010, l'URSSAF des Pyrénées-Atlantiques, aux droits de laquelle vient l'URSSAF d'Aquitaine, a notifié à la société A3TP (la société) plusieurs chefs de redressement qui ont fait l'objet d'une mise en demeure du 10 janvier 2012 ; que la société a saisi une juridiction de sécurité sociale d'un recours portant sur les chefs de redressement résultant de la réintégration, dans l'assiette des cotisations, des sommes qui en avaient été exclues au titre de la réduction de cotisations salariales et de la déduction forfaitaire des cotisations patronales, respectivement prévues par les articles L. 241-17 et L. 241-18 du code de la sécurité sociale ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la première branche du moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Et sur le même moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors, selon le moyen, que le bénéfice de la réduction des cotisations salariales et de la déduction forfaitaire des cotisations patronales instituées par les articles L. 241-17 et L. 241-18 du code de la sécurité sociale et l'article 81 quater du code général des impôts, dans leur rédaction issue de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, peut porter sur des heures supplémentaires dont l'employeur assure le paiement par l'intermédiaire d'une caisse de congés payés ; qu'en retenant au contraire que les allégements de charges sociales prévus par cette loi ne s'appliquaient qu'aux heures supplémentaires payées directement par l'employeur lui-même et non à celles versées par la caisse de congés payés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Mais attendu que, selon les articles L. 241-17 du code de la sécurité sociale, applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, et L. 241-18 du même code, dans sa rédaction alors applicable, seules les rémunérations entrant dans le champ d'application de l'article 81 quater du code général des impôts ouvrent droit à la réduction et à la déduction forfaitaire de cotisations instituées par ces textes ; qu'il résulte de l'article 81 quater du code général des impôts et des textes auxquels celui-ci renvoie que sont exonérés d'impôt sur le revenu les salaires versés aux salariés au titre des heures supplémentaires et complémentaires accomplies par ceux-ci ; qu'il ressort de la combinaison de ces textes que les indemnités de congés payés calculées sur les heures supplémentaires structurelles, qui ne rémunèrent pas des heures de travail accomplies par les salariés, n'ouvrent pas droit à la réduction et à la déduction forfaitaire litigieuses, qu'elles soient versées directement par l'employeur ou par l'intermédiaire d'une caisse de congés payés ;

Et attendu que l'arrêt retient que le redressement porte sur les heures supplémentaires structurelles versées aux salariés au cours de leurs périodes d'absence pour congés payés ;

Qu'il en résulte que le recours formé par la société n'était pas fondé ;

Que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués par le moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Poirotte - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Articles L. 241-17 applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses et L. 241-18 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction alors applicable ; article 81 quater du code général des impôts.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 19 décembre 2013, pourvoi n° 12-27.592, Bull. 2013, II, n° 243 (cassation).

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