Numéro 9 - Septembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2018

REPRESENTATION DES SALARIES

Soc., 19 septembre 2018, n° 17-11.715, (P)

Rejet

Délégué syndical – Fonctions – Temps passé pour leur exercice – Heures de délégation – Crédit d'heures – Imputation – Cas – Assistance des délégués du personnel, sur leur demande, aux réunions organisées par l'employeur

Sauf accord plus favorable, le temps passé par un délégué syndical de l'entreprise aux réunions organisées par l'employeur conformément à l'article L. 2315-8 du code du travail, aux fins d'assister les délégués du personnel sur leur demande, selon la faculté qui leur est offerte par l'article L. 2315-10, alinéa 2, du code du travail, est imputé sur le crédit d'heures de délégation de l'intéressé.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 1er décembre 2016), que M. X..., salarié de la société C & K Components en qualité de régleur et titulaire d'un mandat de délégué syndical, a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes salariales ;

Sur les premier, troisième, et quatrième moyens : Publication sans intérêt

Sur le deuxième moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de rappel de salaire au titre des heures de délégation, alors, selon le moyen, que les heures utilisées pour participer à des réunions qui ont lieu à l'initiative de l'employeur ne sont pas imputables sur les temps de délégation ; que le temps passé par le délégué syndical aux réunions des délégués du personnel avec l'employeur, à leur demande, doit être payé comme temps de travail et ne doit pas être déduit du crédit d'heures dont il dispose ; qu'en affirmant que seules les réunions auxquelles l'employeur convoque expressément le délégué syndical sont exclues du temps de délégation, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé les articles L. 2315-8, L. 2315-10 et L. 2143-18 du code du travail ;

Mais attendu que, sauf accord plus favorable, le temps passé par un délégué syndical de l'entreprise aux réunions organisées par l'employeur conformément à l'article L. 2315-8 du code du travail, aux fins d'assister les délégués du personnel sur leur demande, selon la faculté qui leur est offerte par l'article L. 2315-10, alinéa 2, est imputé sur le crédit normal d'heures de l'intéressé ; que la cour d'appel en a déduit à bon droit que ces heures ne pouvaient suivre le régime de celles utilisées pour participer à des réunions à l'initiative de l'employeur prévu à l'article L. 2143-18 du code du travail ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le cinquième moyen : Publication sans intérêt

Sur le sixième moyen : Publication sans intérêt

Et attendu que le rejet à intervenir sur les deuxième, cinquième et sixième moyens rend sans objet le septième qui invoque une cassation par voie de conséquence ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : Mme Sabotier - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Articles L. 2315-8 et L. 2315-10, alinéa 2, du code du travail.

Soc., 19 septembre 2018, n° 17-11.638, (P)

Cassation partielle

Règles communes – Fonctions – Exercice – Effets – Rémunération – Maintien – Etendue – Complément de salaire compensant une sujétion particulière à l'emploi – Nécessité

L'utilisation des heures de délégation ne doit entraîner aucune perte de salaire pour le représentant du personnel ou le représentant syndical ; en conséquence, celui-ci ne peut être privé du fait de l'exercice de son mandat du paiement d'une indemnité compensant une sujétion particulière de son emploi qui constitue un complément de salaire ; seules sont exclues de la rémunération due au représentant du personnel au titre des heures de délégation les sommes correspondant au remboursement de frais professionnels qu'il n'a pas exposés.

Doit en conséquence être censuré l'arrêt qui déboute le salarié titulaire d'un mandat de représentation à plein temps de sa demande en paiement des primes conventionnelles de temps de repas et d'équipe versées aux salariés travaillant en horaire posté avec alternance, alors que le salarié était affecté à cette catégorie d'emploi.

Règles communes – Fonctions – Temps passé pour leur exercice – Heures de délégation – Paiement – Calcul – Indemnité forfaitaire compensant une sujétion particulière de l'emploi – Intégration – Applications diverses – Primes conventionnelles de temps de repas et d'équipe – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., salarié de la Société de véhicules automobiles de Batilly depuis 1980, a été élu membre du comité d'entreprise en 1984 et en est devenu secrétaire à temps complet à compter de 1990 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale le 15 mars 2010 pour que soit constatée la discrimination syndicale dont il disait avoir été victime dans son déroulement de carrière, et en diverses demandes indemnitaires ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur, qui est préalable et sur le second moyen du pourvoi principal du salarié :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, ci-après annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié :

Vu les articles L. 2325-7 dans sa rédaction alors applicable et L. 2143-17 du code du travail, ensemble les articles L. 1132-1 et L. 2141-5 du même code ;

Attendu que l'utilisation des heures de délégation ne doit entraîner aucune perte de salaire pour le représentant du personnel ou le représentant syndical ; qu'en conséquence, celui-ci ne peut être privé du fait de l'exercice de son mandat du paiement d'une indemnité compensant une sujétion particulière de son emploi qui constitue un complément de salaire ;

Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour perte des primes d'équipe et de temps repas versées aux membres de son équipe, la cour d'appel retient que les primes litigieuses sont versées exclusivement aux salariés travaillant en horaire posté avec alternance afin de compenser les sujétions particulières liées à ces horaires, ce dont il résulte qu'elles ne peuvent être réclamées par le salarié qui n'est pas soumis aux mêmes contraintes ;

Qu'en statuant ainsi, alors que seules sont exclues de la rémunération due au représentant du personnel au titre des heures de délégation les sommes correspondant au remboursement de frais professionnels qu'il n'a pas exposés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de ses demandes au titre des primes d'équipe et de temps repas,

l'arrêt rendu le 2 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat général : M. Boyer - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Articles L. 2325-7 dans sa rédaction alors applicable, L. 2143-17, L. 1132-1 et L. 2141-5 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le principe selon lequel un complément de salaire, à la différence d'un remboursement de frais, doit être pris en compte dans le calcul des sommes dues au titre des heures de délégation, à rapprocher : Soc., 1er juin 2016, pourvoi n° 15-15.202, Bull. 2016, V, n° 127 (rejet), et l'arrêt cité.

Soc., 19 septembre 2018, n° 16-24.041, n° 16-24.042, (P)

Cassation

Règles communes – Fonctions – Exercice – Effets – Rémunération – Maintien – Etendue – Complément de salaire compensant une sujétion particulière à l'emploi – Nécessité

Si un délégué du personnel ou un représentant du personnel ne peut être privé, du fait de l'exercice de ses mandats, du paiement d'une indemnité compensant une sujétion particulière de son emploi qui constitue un complément de salaire, il ne peut, en revanche, réclamer le paiement de sommes correspondant au remboursement de frais professionnels qu'il n'a pas exposés.

Constituent, nonobstant leur caractère forfaitaire, un remboursement de frais, les indemnités conventionnelles dites de petit et grand déplacements prévues par la convention collective nationale des ouvriers des travaux publics du 15 décembre 1992, qui ne concernent que les ouvriers déplacés ou non sédentaires et qui ont pour objet de compenser soit les frais supplémentaires entraînés par les déplacements des ouvriers qui travaillent sur un chantier dont l'éloignement leur interdit de regagner leur lieu de résidence, soit les frais supplémentaires qu'entraîne pour eux la fréquence des déplacements inhérents à la mobilité de leur lieu de travail.

Vu la connexité, joint les pourvois n° 16-24.041 et 16-24.042 ;

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 2315-3 et L. 2325-7 du code du travail dans leur version applicable au litige et la convention nationale des ouvriers des travaux publics du 15 décembre 1992 ;

Attendu que si un salarié exerçant les fonctions de délégué du personnel et de membre du comité d'entreprise ne peut être privé, du fait de l'exercice de ses mandats, du paiement d'une indemnité compensant une sujétion particulière de son emploi qui constitue un complément de salaire, il ne peut, en revanche, réclamer le paiement de sommes correspondant au remboursement de frais professionnels qu'il n'a pas exposés ;

Attendu, selon les ordonnances attaquées, que MM. X... et Y... ont été engagés le 1er août 2000 par la société Ineo Infracom Engie Ineo en qualité d'agent technique et qu'ils étaient délégués du personnel et membres du comité d'entreprise ; qu'ayant constaté que les indemnités conventionnelles dites de petits et grands déplacements ne leur étaient pas versées lorsqu'ils exerçaient leurs mandats, ils en ont demandé le paiement à leur employeur ; que respectivement les 14 avril 2016 et 4 mai 2016, MM. Y... et X... ont saisi la juridiction prud'homale en référé pour obtenir le rappel de ces indemnités ;

Attendu que, pour condamner la société à verser aux salariés un rappel d'indemnités conventionnelles de petits et grands déplacements, la formation de référé du conseil de prud'hommes a retenu que l'employeur avait l'obligation d'assimiler le temps de délégation et ses accessoires à du travail effectif et payé à l'échéance normale ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé, d'une part, que les indemnités litigieuses prévues par la convention collective nationale avaient pour objet de compenser soit les frais supplémentaires entraînés par le déplacement des ouvriers qui travaillent sur un chantier dont l'éloignement leur interdit de regagner leur lieu de résidence, soit les frais supplémentaires qu'entraîne pour eux la fréquence des déplacements inhérents à la mobilité de leur lieu de travail, d'autre part, qu'elles ne concernaient que les ouvriers déplacés ou non sédentaires, ce dont il résultait que, nonobstant leur caractère forfaitaire, ces indemnités constituaient un remboursement de frais et non un complément de salaire, la formation de référé du conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les ordonnances rendues le 15 juillet 2016, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdites ordonnances et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Chaumont.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : M. Joly - Avocat général : M. Boyer - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 2315-3 et L. 2325-7 du code du travail dans leur version applicable au litige ; convention collective nationale des ouvriers des travaux publics du 15 décembre 1992.

Rapprochement(s) :

Sur le principe selon lequel un complément de salaire, à la différence d'un remboursement de frais, doit être pris en compte dans le calcul des sommes dues au titre des heures de délégation, à rapprocher : Soc., 1er juin 2016, pourvoi n° 15-15.202, Bull. 2016, V, n° 127 (rejet), et l'arrêt cité.

Soc., 19 septembre 2018, n° 17-11.514, (P)

Cassation partielle

Règles communes – Fonctions – Exercice – Effets – Rémunération – Maintien – Etendue – Complément de salaire compensant une sujétion particulière à l'emploi – Nécessité

L'utilisation des heures de délégation ne doit entraîner aucune perte de salaire pour le représentant du personnel ou le représentant syndical. En conséquence, celui-ci ne peut être privé du fait de l'exercice de son mandat du paiement d'une indemnité compensant une sujétion particulière de son emploi qui constitue un complément de salaire. Toutefois, le salarié ne peut pas réclamer le paiement de sommes correspondant au remboursement de frais professionnels qu'il n'a pas exposés.

Constitue un remboursement de frais une indemnité ayant pour objet, nonobstant son caractère forfaitaire, de compenser le surcoût du repas consécutif à un déplacement effectif.

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 2143-17, L. 2315-3 dans sa rédaction alors applicable et R. 1455-7 du code du travail et la circulaire PERS 793 du 11 août 1982 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé en 1997 en qualité de technicien d'intervention réseau électricité par la société ERDF, aux droits de laquelle viennent les sociétés Enedis et GRDF ; qu'à compter du 1er mars 2015, le salarié a été détaché à plein temps pour assurer les fonctions de président de la caisse mutuelle complémentaire d'activités sociales de Cahors ; que le 15 octobre 2015, il a saisi la juridiction prud'homale en référé afin d'obtenir notamment la condamnation de l'employeur au paiement, pour les périodes d'exercice de ses divers mandats électifs et syndicaux, de provisions sur indemnité de déplacement, ainsi que des dommages-intérêts pour entrave à ses fonctions de délégué du personnel ; qu'intervenant à l'instance, le syndicat CGT Energie 46 EDF/GDF a demandé des dommages-intérêts pour entrave au droit syndical ;

Attendu que pour faire droit à ces demandes, l'arrêt, après avoir constaté que la situation de déplacement pendant la journée entière, incluant les heures de pause dite méridienne, était inhérente à l'activité habituelle du salarié, retient qu'il en résulte que l'indemnité de déplacement fixée par la circulaire PERS 793 compense cette sujétion particulière et constitue un complément de salaire dont le salarié ne peut être privé au titre de ses périodes de délégation syndicale ou élective, et non un remboursement de frais imposant la justification qu'il correspond à des frais réellement exposés ;

Attendu, cependant, que l'utilisation des heures de délégation ne doit entraîner aucune perte de salaire pour le représentant du personnel ou le représentant syndical ; qu'en conséquence, celui-ci ne peut être privé du fait de l'exercice de son mandat du paiement d'une indemnité compensant une sujétion particulière de son emploi qui constitue un complément de salaire ; que, toutefois, le salarié ne peut pas réclamer le paiement de sommes correspondant au remboursement de frais professionnels qu'il n'a pas exposés ; que constitue un remboursement de frais une indemnité ayant pour objet, nonobstant son caractère forfaitaire, de compenser le surcoût du repas consécutif à un déplacement effectif ;

Qu'en se déterminant comme elle a fait, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les indemnités litigieuses n'avaient pas pour objet, nonobstant leur caractère forfaitaire, d'indemniser les salariés des frais supplémentaires de repas induits par une situation de déplacement, et si le paiement n'en était pas exclu en l'absence d'un tel déplacement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et attendu que la cassation à intervenir sur la première branche du moyen entraîne, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif critiqués par la seconde branche du moyen condamnant les sociétés à payer au salarié et au syndicat diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour entrave ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne les sociétés Enedis et GRDF à payer à M. X..., à titre de provision, avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, les sommes de 2 269,85 euros au titre des indemnités d'astreinte et 353,93 euros au titre de l'indemnité de zone d'habitat d'astreinte, ordonne l'affichage de la décision et condamne les sociétés Enedis et GRDF à payer à M. X... la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 29 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, sur les autres points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : Mme Chamley-Coulet - Avocat général : M. Boyer - Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet -

Textes visés :

Articles L. 2143-17, L. 2315-3 dans sa rédaction alors applicable et R. 1455-7 du code du travail ; circulaire PERS 793 du 11 août 1982.

Rapprochement(s) :

Sur le principe selon lequel un complément de salaire, à la différence d'un remboursement de frais, doit être pris en compte dans le calcul des sommes dues au titre des heures de délégation, à rapprocher : Soc., 1er juin 2016, pourvoi n° 15-15.202, Bull. 2016, V, n° 127 (rejet), et l'arrêt cité.

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