Numéro 9 - Septembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2018

PROTECTION DES CONSOMMATEURS

1re Civ., 26 septembre 2018, n° 17-17.903, (P)

Cassation partielle

Cautionnement – Principe de proportionnalité – Disproportion de l'engagement – Sanction – Etendue – Détermination

La sanction prévue à l'article L. 341-4, devenu L. 332-1 du code de la consommation, prive le contrat de cautionnement d'effet à l'égard tant du créancier que des cofidéjusseurs lorsque, ayant acquitté la dette, ils exercent leur action récursoire.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant offre préalable acceptée le 16 janvier 2012, la Société générale a consenti à la société civile immobilière La Rose des sables (la SCI) un prêt immobilier d'un montant de 180 000 euros remboursable en cent quatre-vingts mensualités, garanti par les engagements de caution de MM. Gérard et Patrice X... (les consorts X...), et de la société Crédit logement ; que cette dernière, après avoir acquitté la dette, a exercé son recours contre la SCI et les consorts X... ; que ces derniers ont opposé le moyen tiré de la disproportion manifeste de leur engagement ;

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième, cinquième et sixième branches :

Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur la troisième branche du moyen :

Vu l'article L. 341-4, devenu L. 332-1 du code de la consommation, ensemble les articles 2305 et 2310 du code civil ;

Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; que la sanction ainsi prévue prive le contrat de cautionnement d'effet à l'égard tant du créancier que des cofidéjusseurs lorsque, ayant acquitté la dette, ils exercent leur action récursoire ;

Attendu que, pour condamner les consorts X... à payer certaines sommes à la société Crédit logement, l'arrêt retient qu'ils ne peuvent opposer à leur cofidéjusseur, qui exerce son recours personnel, les exceptions purement personnelles aux cautions dans leurs rapports avec le prêteur, telle que la disproportion manifeste de leur engagement ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la quatrième branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare MM. Gérard et Patrice X... irrecevables à opposer à la société Crédit logement l'exception personnelle aux cautions vis-à-vis du prêteur d'inopposabilité de l'engagement de caution en raison de la disproportion aux biens et revenus des cautions de l'article L. 341-4, devenu L. 332-1 du code de la consommation, et en ce qu'il les condamne, chacun, à payer à la société Crédit logement le tiers des sommes de 12 643,24 euros et de 179 583,82 euros, outre les intérêts au taux légal, chacun solidairement avec la société civile immobilière La Rose des sables, ainsi qu'aux dépens d'appel, l'arrêt rendu le 9 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Kloda - Avocat général : M. Sudre - Avocat(s) : SCP Monod, Colin et Stoclet ; SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article L. 341-4, devenu L. 332-1 du code de la consommation ; articles 2305 et 2310 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur la portée de la sanction de la disproportion de l'engagement de caution, à rapprocher : Ch. mixte, 27 février 2015, pourvoi n° 13-13.709, Bull. 2015, Ch. mixte, n° 2 (rejet).

1re Civ., 12 septembre 2018, n° 17-17.319, (P)

Rejet

Démarchage et vente à domicile – Droit de rétractation – Professionnel – Condition – Objet du contrat n'entrant pas dans le champ de l'activité principale – Applications diverses

Ayant souverainement estimé que la communication commerciale et la publicité via un site internet n'entraient pas dans le champ de l'activité principale d'un architecte, au sens de l'article L. 121-16-1, III, devenu L. 221-3 du code de la consommation, une cour d'appel n'a pu qu'en déduire que, celui-ci ayant conclu un contrat de création et de licence d'exploitation de site internet avec un professionnel, bénéficiait du droit de rétractation prévu à l'article L. 121-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 23 mai 2017), que, le 17 juillet 2014, hors établissement, Mme X..., architecte, a souscrit auprès de la société Cometik un contrat de création et de licence d'exploitation d'un site Internet dédié à son activité professionnelle, ainsi que d'autres prestations annexes ; que, le 2 septembre suivant, elle a dénoncé le contrat ; que, déniant à Mme X... le droit de se rétracter, la société l'a assignée en paiement ;

Attendu que la société Cometik fait grief à l'arrêt d'anéantir les effets du contrat, de la condamner à rembourser à Mme X... les sommes par elle versées en exécution de celui-ci et de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen, que l'objet d'un contrat entre dans le champ de l'activité principale du professionnel lorsqu'il participe à la satisfaction des besoins de l'activité professionnelle ; que la cour d'appel a elle-même retenu que le contrat conclu le 17 juillet 2014 par Mme X... portait « notamment sur la création d'un site Internet dédié à son activité » ; qu'en retenant pourtant que ce contrat n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 121-16-1, III, du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 121-16-1, III, devenu L. 221-3 du code de la consommation, que le professionnel employant cinq salariés au plus, qui souscrit, hors établissement, un contrat dont l'objet n'entre pas dans le champ de son activité principale, bénéficie des dispositions protectrices du consommateur édictées par ce code ;

Attendu qu'ayant souverainement estimé que la communication commerciale et la publicité via un site Internet n'entraient pas dans le champ de l'activité principale de Mme X..., architecte, la cour d'appel n'a pu qu'en déduire que celle-ci bénéficiait du droit de rétractation prévu par l'article L. 121-21 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Barel - Avocat général : M. Sudre - Avocat(s) : SCP Delamarre et Jehannin ; SCP Boulloche -

Textes visés :

Article L. 121-16-1, III, devenu L. 221-3 du code la consommation.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 24 janvier 1995, pourvoi n° 92-18.227, Bull. 1995, I, n° 54 (2) (rejet).

2e Civ., 27 septembre 2018, n° 17-22.013, (P)

Cassation

Surendettement – Procédure – Demande d'ouverture – Recevabilité – Conditions – Détermination – Entrepreneur individuel à responsabilité limitée – Portée

Selon l'article L. 526-6 du code de commerce, tout entrepreneur individuel peut affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d'une personne morale. En outre, il résulte de l'article L. 333-7 du code de la consommation, devenu l'article L. 711-7, que les dispositions régissant le traitement des situations de surendettement sont applicables au débiteur qui a procédé à une déclaration de constitution de patrimoine affecté conformément à l'article L. 526-7 du code de commerce. Ces dispositions s'appliquent à raison d'une situation de surendettement résultant uniquement de dettes non professionnelles. En ce cas, celles de ces dispositions qui intéressent les biens, droits et obligations du débiteur doivent être comprises, sauf dispositions contraires, comme visant les seuls éléments du patrimoine non affecté. Celles qui intéressent les droits et obligations des créanciers du débiteur s'appliquent dans les limites du seul patrimoine non affecté.

Encourt en conséquence la censure, le jugement qui, pour déclarer irrecevable la demande de traitement de la situation de surendettement d'un débiteur, retient qu'il exerce son activité professionnelle sous le statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, alors que la seule circonstance que le patrimoine affecté de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée relève de la procédure instituée par les titres II à IV du livre VI du code de commerce relative au traitement des difficultés des entreprises, n'est pas de nature à exclure le patrimoine non affecté du débiteur de la procédure de traitement des situations de surendettement.

Encourt également la censure au regard de ces textes, le jugement qui, pour déclarer irrecevable la demande de traitement de la situation de surendettement d'un débiteur en raison de son absence de bonne foi, retient qu'il a sciemment caché la réalité de sa situation patrimoniale en ne déclarant pas être propriétaire de biens ayant vocation à être loués dans le cadre de son entreprise individuelle à responsabilité limitée, sans recherche si ces biens n'étaient pas affectés à son patrimoine professionnel.

Surendettement – Procédure – Demande d'ouverture – Recevabilité – Conditions – Bonne foi – Absence – Appréciation – Omission de déclaration de patrimoine – Entrepreneur individuel à responsabilité limitée – Déclaration d'affectation – Recherche nécessaire

Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que la caisse de Crédit municipal de Toulon a formé un recours contre la décision d'une commission de surendettement des particuliers ayant déclaré recevable la demande de Mme X... tendant au traitement de sa situation financière ;

Sur le moyen unique pris en sa seconde branche, qui est préalable :

Vu les articles L. 526-6 du code de commerce et L. 333-7 du code de la consommation, devenu l'article L. 711-7 ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que tout entrepreneur individuel peut affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d'une personne morale ; qu'il résulte du second, que les dispositions régissant le traitement des situations de surendettement sont applicables au débiteur qui a procédé à une déclaration de constitution de patrimoine affecté conformément à l'article L. 526-7 du code de commerce ; que ces dispositions s'appliquent à raison d'une situation de surendettement résultant uniquement de dettes non professionnelles ; qu'en ce cas, celles de ces dispositions qui intéressent les biens, droits et obligations du débiteur doivent être comprises, sauf dispositions contraires, comme visant les seuls éléments du patrimoine non affecté ; que celles qui intéressent les droits et obligations des créanciers du débiteur s'appliquent dans les limites du seul patrimoine non affecté ;

Attendu que pour déclarer irrecevable la demande de traitement de la situation de surendettement de Mme X..., le jugement retient qu'elle exerce son activité professionnelle sous le statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, ce qui la rend éligible aux procédures collectives ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la seule circonstance que le patrimoine affecté de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée relève de la procédure instituée par les titres II à IV du livre VI du code de commerce relative au traitement des difficultés des entreprises n'était pas de nature à exclure le patrimoine non affecté du débiteur de la procédure de traitement des situations de surendettement, le juge du tribunal d'instance a violé les dispositions susvisées ;

Et sur le moyen unique pris en sa première branche :

Vu les articles L. 330-1 et L. 333-7 du code de la consommation, devenus les articles L. 711-1 et L. 711-7 ;

Attendu que pour déclarer irrecevable la demande de traitement de la situation de surendettement de Mme X... en raison de son absence de bonne foi, le jugement retient d'une part, qu'est versé aux débats un document intitulé « modèle de déclaration d'affectation par un entrepreneur à responsabilité limitée » aux termes duquel Mme X... indique être propriétaire de deux mobiles homes ayant vocation à être loués dans le cadre de l'EIRL X... blue vacances et d'autre part, qu'elle a sciemment caché la réalité de sa situation patrimoniale et financière en ne déclarant pas en être propriétaire ;

Qu'en statuant ainsi sans rechercher si les mobiles homes n'étaient pas affectés au patrimoine professionnel de Mme X..., le juge du tribunal d'instance a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 22 juin 2016, entre les parties, par le juge du tribunal d'instance de Draguignan ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le juge du tribunal d'instance de Cannes.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Lemoine - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Articles L. 526-6 et L. 526-7 du code de commerce ; article L. 333-7, devenu l'article L. 711-7, du code de la consommation.

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