Numéro 9 - Septembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2018

PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION

2e Civ., 6 septembre 2018, n° 17-18.955, (P)

Rejet

Mesures conservatoires – Saisie conservatoire – Tiers saisi – Obligation de renseignement – Défaut – Sanction – Paiement des causes de la saisie – Action du créancier – Délai de prescription – Détermination

L'action du créancier prévue par l'article R. 523-5, alinéa 1, du code des procédures civiles d'exécution, qui tend à faire condamner le tiers saisi au paiement des sommes pour lesquelles la saisie conservatoire des créances a été pratiquée, n'a pas pour objet l'exécution d'un titre exécutoire qui serait détenu à l'égard de ce tiers, de sorte qu'elle n'est pas soumise à la prescription décennale prévue par l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution pour l'exécution de certains titres exécutoires.

Cette action peut être introduite à compter de la signification de la décision, même susceptible de recours, condamnant le débiteur au paiement des sommes pour lesquelles la saisie est pratiquée.

Mesures d'exécution forcée – Saisie-conservatoire – Tiers saisi – Obligation de renseignement – Défaut – Sanction – Paiement des causes de la saisie – Action du créancier – Délai de prescription – Point de départ – Détermination

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 mars 2017), qu'après y avoir été autorisée par ordonnance du 21 mai 2001, la caisse de Crédit agricole Centre-Est, aux droits de laquelle est venue la société Girardet, a fait procéder, le 31 mai 2001, à une saisie conservatoire des sommes détenues pour le compte de M. et Mme B... entre les mains de l'association témoin pour la retraite, l'assurance et l'investissement (Atrai) et de la société Axa courtage ; que par actes des 20 juin et 19 septembre 2014, la société Girardet a assigné respectivement la société Axa courtage et l'Atrai, d'une part, et la société Axa France vie, d'autre part, pour obtenir la condamnation de celles-ci au paiement des causes de la saisie sur le fondement de l'article R. 523-5 du code des procédures civiles d'exécution ;

Attendu que la société Girardet fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en ses demandes à l'encontre de la société Axa France vie comme étant atteintes par la prescription, alors, selon le moyen :

1°/ que la demande du créancier saisissant, tendant à voir condamner le tiers saisi qui a violé son obligation de renseignement à payer les causes de la saisie, consiste à poursuivre à l'encontre dudit tiers l'exécution du titre exécutoire en vertu duquel la saisie avait été pratiquée à l'encontre du débiteur saisi ; qu'il en résulte qu'une telle demande ressortit au régime de l'exécution des titres exécutoires judiciaires et se prescrit par dix ans ; qu'au cas présent, pour déclarer irrecevable la demande présentée par la société Girardet contre Axa France vie à fin de voir celle-ci condamnée à payer les causes de la saisie pratiquée contre les consorts B..., la cour d'appel relève qu'une telle demande consisterait en une action personnelle se prescrivant selon le délai quinquennal de droit commun, déjà écoulé ; qu'en statuant ainsi, cependant que la demande de Girardet consistait à poursuivre contre Axa France vie l'exécution d'une cause déjà constatée par un titre exécutoire judiciaire, la cour d'appel, qui, confondant les alinéas premier et second de l'article R. 523-5 du code des procédures civiles d'exécution, n'a pas appliqué le régime de prescription qui s'imposait et devait conduire à constater la recevabilité de la demande de Girardet à cet égard, a violé l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 2224 du code civil ;

2°/ qu'en tout état de cause, que, en matière d'action personnelle, le point de départ du délai de prescription quinquennal de droit commun est fixé au jour où le titulaire du droit d'action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que, à supposer que le premier alinéa de l'article R. 523-5 du code des procédures civiles d'exécution institue une action personnelle, pour que le créancier saisissant puisse demander la condamnation du tiers saisi à payer les causes de la saisie, ces dernières doivent être constatées définitivement et irrévocablement en justice, de sorte que le caractère irrévocable du titre exécutoire judiciaire qui constate lesdites causes est nécessaire à l'action du créancier ; qu'au cas présent, la cour d'appel a fixé le point de départ de la prescription de l'action de Girardet contre Axa France vie au jour de la signification de la conversion de la saisie conservatoire exercée par lui contre les consorts B... ; qu'en statuant ainsi, sans relever que le titre exécutoire judiciaire ayant présidé à la saisie n'était devenu irrévocable qu'après l'ordonnance de péremption rendue en 2010 par la Cour de cassation, la cour d'appel, qui, pour déterminer le point de départ de la prescription de l'action de Girardet, n'a pas tenu compte de la date de fixation définitive et irrévocable des causes de la saisie, dont la connaissance était essentielle à l'exercice de ladite action contre Axa France vie, a violé l'article 2224 du code civil, ensemble l'article L. 523-5 du code des procédures civiles d'exécution ;

3°/ qu'en tout état de cause, que, en matière d'action personnelle, le point de départ du délai de prescription quinquennal de droit commun est fixé au jour où le titulaire du droit d'action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que, pour que le créancier saisissant puisse demander la condamnation du tiers saisi à l'indemniser du dommage ayant découlé de ses déclarations mensongères ou négligentes, il importe que ledit dommage soit établi ; qu'au cas présent, la cour d'appel a fixé le point de départ de la prescription de l'action indemnitaire, présentée à titre subsidiaire, de Girardet contre Axa France vie, au jour de la signification de la conversion de la saisie conservatoire exercée par lui contre les consorts B... ; qu'en statuant ainsi, sans relever que le titre exécutoire judiciaire ayant présidé à la saisie n'était devenu définitif et même irrévocable qu'après l'ordonnance de péremption rendue en 2010 par la Cour de cassation, la cour d'appel, qui, pour déterminer le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité de Girardet, n'a pas tenu compte de la date de cristallisation du dommage souffert par ce créancier, dont la connaissance était essentielle à l'exercice de ladite action indemnitaire contre Axa France vie, a violé l'article 2224 du code civil, ensemble l'article L. 523-5 du code des procédures civiles d'exécution ;

Mais attendu, d'une part, que le créancier qui agit à l'encontre du tiers saisi pour le faire condamner, sur le fondement de l'article R. 523-5 alinéa premier du code des procédures civiles d'exécution, au paiement des sommes pour lesquelles la saisie conservatoire des créances a été pratiquée n'exécute, à l'égard de ce tiers saisi, aucun titre exécutoire, de sorte que la prescription décennale prévue par l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution n'est pas applicable à cette action ;

Et attendu, d'autre part, que cette action, qui n'est pas soumise à la démonstration d'un dommage, peut être introduite à compter de la signification de la décision, même susceptible de recours, condamnant le débiteur au paiement des sommes pour lesquelles la saisie est pratiquée ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en droit, ne peut être accueilli ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Pic - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin ; SCP Odent et Poulet -

Textes visés :

Article R. 523-5, alinéa 1, du code des procédures civiles d'exécution.

Rapprochement(s) :

En matière de saisie-attribution, à rapprocher : 2e Civ., 6 septembre 2018, pourvoi n° 17-18.953, Bull. 2018, II, n° 167 (rejet).

2e Civ., 6 septembre 2018, n° 17-18.953, (P)

Rejet

Mesures d'exécution forcée – Saisie-attribution – Tiers saisi – Obligation de renseignement – Manquement – Sanction – Paiement des causes de la saisie – Action du créancier – Délai de prescription – Détermination

L'action du créancier prévue par l'article R. 211-5, alinéa 1, du code des procédures civiles d'exécution, qui tend à faire condamner le tiers saisi au paiement des sommes pour lesquelles la saisie-attribution des créances a été pratiquée, n'a pas pour objet l'exécution d'un titre exécutoire qui serait détenu à l'égard de ce tiers, de sorte qu'elle n'est pas soumise à la prescription décennale prévue par l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution pour l'exécution de certains titres exécutoires.

Cette action peut être introduite à compter de la signification du procès-verbal de saisie-attribution, date à laquelle le créancier a eu connaissance de l'absence de déclaration « sur-le-champ » par le tiers saisi de l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur.

Mesures d'exécution forcée – Saisie-attribution – Tiers saisi – Obligation de renseignement – Défaut – Sanction – Paiement des causes de la saisie – Action du créancier – Délai de prescription – Point de départ – Détermination

Sur le troisième moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 mars 2017), que la caisse de Crédit agricole Centre-Est, aux droits de laquelle est venue la société Girardet, a fait pratiquer, le 16 décembre 1991, quatre saisies-arrêts entre les mains de l'Association de sécurité et d'assistance collective (Asac) afin d'appréhender des primes versées par MM. Jean-François et Christian Y... et Mmes Catherine et Elisabeth Y... puis a signifié, le 11 décembre 2006, une saisie-attribution entre les mains de ce même tiers ; que la société Girardet a par la suite assigné l'Asac et la société Allianz vie pour les voir condamnées au paiement des sommes objet des saisies-arrêts et de la saisie-attribution sur le fondement de l'article R. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution ;

Attendu que la société Girardet fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites ses demandes dirigées contre Allianz vie et l'Asac, à raison de la saisie-attribution du 11 décembre 2006, alors selon le moyen :

1°/ que la demande du créancier saisissant, tendant à voir condamner le tiers saisi qui a violé son obligation de renseignement à payer les causes de la saisie, consiste à poursuivre, à l'encontre dudit tiers, l'exécution du titre exécutoire en vertu duquel la saisie avait été pratiquée à l'encontre du débiteur saisi ; qu'il en résulte qu'une telle demande ressortit au régime de l'exécution des titres exécutoires judiciaires et se prescrit par dix ans ; qu'au cas présent, pour déclarer irrecevable la demande présentée par la société Girardet contre l'Asac et Allianz vie à fin de voir celles-ci condamnées à payer les causes de la saisie pratiquée contre les consorts Y..., la cour d'appel relève qu'une telle demande consisterait en une action personnelle se prescrivant selon le délai quinquennal de droit commun, déjà écoulé ; qu'en statuant ainsi, cependant que la demande de la société Girardet consistait à poursuivre contre l'Asac et Allianz vie l'exécution d'une cause déjà constatée par un titre exécutoire judiciaire, la cour d'appel, qui, confondant les alinéas premier et second de l'article R. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution, n'a pas appliqué le régime de prescription qui s'imposait et devait conduire à constater la recevabilité de la demande de la société Girardet à cet égard, a violé l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 2224 du code civil ;

2°/ qu'en tout état de cause, que, en matière d'action personnelle, le point de départ du délai de prescription quinquennal de droit commun est fixé au jour où le titulaire du droit d'action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que, à supposer que le premier alinéa de l'article R. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution institue une action personnelle, pour que le créancier saisissant puisse demander la condamnation du tiers saisi à payer les causes de la saisie, ces dernières doivent être constatées irrévocablement en justice, de sorte que l'irrévocabilité du titre exécutoire judiciaire, qui constate lesdites causes, est nécessaire à l'action du créancier ; qu'au cas présent, la cour d'appel a fixé le point de départ de la prescription de l'action de la société Girardet contre l'Asac et Allianz vie, en paiement des causes de la saisie, au jour de la signification de la saisie-attribution exercée par la société Girardet contre les consorts Y... ; qu'en statuant ainsi, sans relever que le titre exécutoire judiciaire ayant présidé à la saisie n'était devenu irrévocable qu'après l'ordonnance de péremption rendue en 2010 par la Cour de cassation, la cour d'appel, qui, pour déterminer le point de départ de la prescription de l'action de la société Girardet, n'a finalement pas tenu compte de la date de fixation irrévocable des causes de la saisie, dont la connaissance était essentielle à l'exercice de ladite action contre l'Asac et Allianz vie, a violé l'article 2224 du code civil, ensemble l'article L. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution ;

3°/ qu'en tout état de cause, que, en matière d'action personnelle, le point de départ du délai de prescription quinquennal de droit commun est fixé au jour où le titulaire du droit d'action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que, pour que le créancier saisissant puisse demander la condamnation du tiers saisi à l'indemniser du dommage ayant découlé de ses déclarations mensongères ou négligentes, il importe que ledit dommage soit établi ; qu'au cas présent, la cour d'appel a fixé le point de départ de la prescription de l'action indemnitaire, présentée à titre subsidiaire, de la société Girardet contre l'Asac et Allianz vie au jour de la signification de la saisie-attribution exercée par lui contre les consorts Y... ; qu'en statuant ainsi, sans relever que le titre exécutoire judiciaire ayant présidé à la saisie n'était devenu irrévocable qu'après l'ordonnance de péremption rendue en 2010 par la Cour de cassation, la cour d'appel, qui, pour déterminer le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité de la société Girardet, n'a pas tenu compte de la date de cristallisation du dommage souffert par ce créancier, dont la connaissance était essentielle à l'exercice de ladite action indemnitaire contre l'Asac et Allianz vie, a violé l'article 2224 du code civil, ensemble l'article L. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution ;

4°/ qu'enfin, en matière d'action personnelle, le point de départ du délai de prescription quinquennal de droit commun est fixé au jour où le titulaire du droit d'action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que, pour que le créancier saisissant puisse demander la condamnation du tiers saisi à l'indemniser du dommage ayant découlé de ses déclarations mensongères ou négligentes, il importe que la réalité et la gravité du dommage et de la faute soient établies ; qu'au cas présent, la cour d'appel a fixé le point de départ de la prescription de l'action indemnitaire de la société Girardet contre l'Asac et Allianz vie au jour de la signification de la saisie-attribution exercée par la société Girardet contre les consorts Y... ; qu'en statuant ainsi, sans relever que la nature insaisissable des fonds saisis, du fait qu'ils auraient été versés à Allianz vie par l'Asac pour le compte des consorts Y... dans le cadre d'une assurance-vie collective, n'avait été révélée par les défendeurs qu'incidemment, dans leurs conclusions de 2014, la cour d'appel, qui, pour déterminer le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité de la société Girardet, n'a pas tenu compte de la date où la connaissance effective de la gravité du dommage et de la faute commise par l'Asac et Allianz vie avait été rendue possible, a violé l'article 2224 du code civil, ensemble l'article L. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution ;

Mais attendu, d'une part, que le créancier qui agit à l'encontre du tiers saisi pour le faire condamner, sur le fondement de l'article R. 211-5 alinéa premier du code des procédures civiles d'exécution, au paiement des sommes pour lesquelles la saisie-attribution des créances a été pratiquée n'exécute à l'égard de ce tiers saisi aucun titre exécutoire ; que c'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a retenu que la prescription décennale prévue par l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution n'était pas applicable à cette action ;

Et attendu, d'autre part, que cette action qui n'est pas soumise à la démonstration d'un dommage pouvant être introduite dès que le créancier a connaissance de l'absence de déclaration « sur le champ », par le tiers saisi, des renseignements prévus à l'article L. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution, c'est à bon droit que la cour d'appel a fixé le point de départ du délai de prescription à la date de signification du procès-verbal de saisie-attribution ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les premier et deuxième moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Pic - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix -

Textes visés :

Article R. 211-5, alinéa 1, du code des procédures civiles d'exécution.

Rapprochement(s) :

En matière de saisie conservatoire, à rapprocher : 2e Civ., 6 septembre 2018, pourvoi n° 17-18.955, Bull. 2018, II, n° 166 (rejet).

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