Numéro 9 - Septembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2018

PROCEDURE CIVILE

2e Civ., 6 septembre 2018, n° 17-20.047, (P)

Rejet

Acte de procédure – Notification – Notification par la voie électronique – Domaine d'application – Détermination – Portée

Etant porté devant le premier président de la cour d'appel, le recours formé, en application de l'article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, contre la décision du bâtonnier statuant en matière de contestations d'honoraires et débours n'entre pas dans le champ d'application de l'arrêté du garde des sceaux du 5 mai 2010, relatif à la communication électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel, tel que fixé par son article 1er.

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 18 avril 2017), que la société Sphere development a formé, par la voie électronique, un recours à l'encontre de la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats d'un barreau ayant fixé à une certaine somme le montant d'honoraires dus par cette société à la SCP Patrick Atlan-BDA avocats (la SCP Atlan) ;

Attendu que la société Sphere development fait grief à l'ordonnance de déclarer son appel irrecevable, alors, selon le moyen, qu'il résulte de la combinaison des articles 748-1, 748-3 et 748-6 du code de procédure civile et de l'article 1er de l'arrêté du garde des sceaux du 5 mai 2010 relatif à la communication électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel que, en matière de contestation d'honoraires et nonobstant les dispositions de l'article 176 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, la déclaration d'appel, les actes de constitution et les pièces qui leur sont associées, peuvent être adressées au greffe du premier président de la cour d'appel, statuant en tant que juridiction d'appel des décisions du bâtonnier, par la voie électronique et par le biais du « réseau privé virtuel avocat » (RPVA) ; qu'en déclarant irrecevable la première déclaration d'appel de la société Sphere development aux motifs que celle-ci avait été effectuée par la voie électronique, le premier président de la cour d'appel a violé les articles 748-1, 748-3 et 748-6 du code de procédure civile et l'article 1er de l'arrêté du garde des sceaux du 5 mai 2010 relatif à la communication électronique dans la procédure sans représentation obligatoire, ensemble l'article 176 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'étant porté devant le premier président de la cour d'appel, le recours formé, en application de l'article 176 du décret du 27 novembre 1991, contre la décision du bâtonnier statuant en matière de contestations d'honoraires et débours n'entre pas dans le champ d'application de l'arrêté du garde des sceaux du 5 mai 2010, relatif à la communication électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel, tel que fixé par son article 1er ;

Et attendu que le fait de subordonner, en application de l'article 748-6 du code de procédure civile, la faculté, offerte aux parties par l'article 748-1 du même code, de remettre par la voie électronique la déclaration de recours prévue par l'article 176 susmentionné, à l'emploi de procédés techniques garantissant, dans des conditions fixées par arrêté du garde des sceaux, la fiabilité de l'identification des parties, l'intégrité des documents, ainsi que la confidentialité et la conservation des échanges et la date certaine des transmissions, est conforme aux exigences du procès équitable dès lors que, répondant à l'objectif de sécurisation de l'usage de la communication électronique, elle est dénuée d'ambiguïté pour un professionnel avisé comme un auxiliaire de justice lorsqu'il recourt à la communication électronique et ne le prive pas de la possibilité d'adresser au greffe la déclaration de recours dans les conditions prévues par cet article ;

Attendu enfin, qu'ayant relevé que le premier recours que la société Sphere development avait exercé le 7 juin 2016 dans le délai, avait été réalisé par la voie électronique et retenu, par des motifs non critiqués par le moyen, que le second recours, fait par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, l'avait été hors délai, c'est à bon droit que le premier président a déclaré la société Sphere development irrecevable en son recours ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu, qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la seconde branche du moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ; article 1er de l'arrêté du 5 mai 2010 du garde des sceaux relatif à la communication par voie électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 10 novembre 2016, pourvoi n° 15-25.431, Bull. 2016, II, n° 247 (rejet) ; 2e Civ., 6 juillet 2017, pourvoi n° 17-01.695, Bull. 2017, II, n° 156 (irrecevabilité) ; 2e Civ., 7 décembre 2017, pourvoi n° 16-19.336, Bull. 2017, II, n° 227 (rejet).

2e Civ., 6 septembre 2018, n° 17-19.657, (P)

Rejet

Conclusions – Conclusions d'appel – Formulation expresse des moyens de fait et de droit sur lesquels chacune des prétentions est fondée – Argumentation non expressément formulée à l'appui d'une prétention – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 décembre 2016), que l'Association le secours de Boissy-Saint-Léger (l'association), créée en 1996, a voté, le 30 décembre 2007, de nouveaux statuts ainsi qu'une nouvelle composition de son bureau, notamment constitué de M. D..., M. C... et M. A..., M. F... présidant le conseil d'administration ; qu'une assemblée générale extraordinaire de l'association ayant approuvé la dissolution du conseil d'administration et la rédaction de nouveaux statuts et ayant élu M. X..., M. Y..., M. Z... et Mme B... au sein du conseil d'administration, lequel a, le jour-même, décidé la dissolution de l'association, celle-ci, représentée par M. F..., a fait assigner à comparaître devant un tribunal de grande instance MM. X..., Y..., Z... et Mme B..., à fin d'obtenir la nullité des décisions du 5 mai 2011 ; que ces derniers ont relevé appel du jugement accueillant cette demande ;

Sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche :

Attendu que M. X..., M. Y..., M. Z... et Mme B... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande en annulation des statuts de l'association en date du 30 décembre 2007 et de tous les actes subséquents, alors, selon le moyen que la prescription commence à courir du jour où le titulaire du droit ou de l'action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que MM. X..., Y... et Z... et Mme B... faisaient valoir que le procès-verbal établi le 30 décembre 2007 n'avait été notifié à aucun membre du conseil d'administration et que l'existence de cette réunion avait tout au plus été révélée à la personne distincte de M. B... qu'avec l'assignation délivrée le 13 juillet 2010 et que, s'agissant de M. Y..., au même titre que tous les autres membres du conseil d'administration non convoqués par M. F..., n'avaient été informés de la tenue de cette réunion que par l'assignation qui lui avait été délivrée le 18 octobre 2012 ; qu'en retenant qu'en tout état de cause, la demande de nullité des décisions et statuts adoptés le 30 décembre 2007 était atteinte par la prescription quinquennale pour la circonstance que les statuts de 2007 connus au plus tard à compter de la déclaration en préfecture le 6 novembre 2008 n'avaient pas été contestés en première instance avant l'appel en date du 10 juin 2014 et l'intervention volontaire le 10 septembre 2014 de M. B..., lequel s'était désisté de sa demande en annulation des décisions du 30 décembre 2007, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser une connaissance effective de cette décision et de ces statuts de 2007 par MM. X..., Y... et Z... et Mme B... avant les assignations qui leur avaient été délivrées en 2012, ce dont il se déduisait que le délai de prescription n'avait pas commencé à courir antérieurement à leur égard ; que la cour d'appel a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil ;

Mais attendu que l'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer et qu'en application de l'article 5, alinéas 5 et 6, de la loi du 1er juillet 1901 sur les associations, celles-ci sont tenues de faire connaître, dans les trois mois, tous les changements survenus dans leur administration, ainsi que toutes les modifications apportées à leurs statuts, ces modifications et changements n'étant opposables aux tiers qu'à partir du jour où ils auront été déclarés ; qu'ayant relevé que les décisions du 30 décembre 2007, adoptant de nouveaux statuts et élisant le conseil d'administration, avaient été déclarées en préfecture le 6 novembre 2008, la cour d'appel en a exactement déduit que ces décisions et statuts étaient connus au plus tard à compter de cette déclaration en préfecture, et que la demande de nullité de ces actes, qui n'avait pas été formée avant l'appel du 10 juin 2014 et l'intervention volontaire de M. B... le 10 septembre 2014, était atteinte par la prescription quinquennale ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. X..., M. Y..., M. Z... et Mme B... font grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il les avait condamnés conjointement à payer à l'association la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que l'arrêt attaqué a condamné conjointement MM. X..., Y..., Z... et Mme B... à payer à l'association, la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, en ce qu'ils auraient participé au conseil d'administration et à l'assemblée générale extraordinaire de l'association tandis qu'ils n'en étaient pas membres ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la convocation par sept membres du conseil d'administration de l'association de tous les membres de cette association inscrits avant le 7 décembre 1997 pour une assemblée générale extraordinaire du 5 mai 2011 visait à remettre l'association en conformité avec ses statuts et à faire face à l'inertie totale de son président et qu'ainsi la démarche de MM. X..., Y..., Z... et Mme B... qui s'inscrivait dans la volonté de donner un nouvel élan à l'association était justifiée et exclusive de tout comportement fautif, la cour d'appel, qui n'a pas suffisamment caractérisé l'existence d'une faute à leur encontre, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, en sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu que sous le couvert d'un manque de base légale, le moyen ne reproche qu'un défaut de réponse à conclusions ; qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile les conclusions d'appel doivent formuler expressément les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune des prétentions est fondée ; que l'argumentation figurant dans les conclusions d'appel de M. X..., M. Y..., M. Z... et Mme B... et invoquée à l'appui du moyen, à laquelle la cour d'appel aurait omis de répondre, n'ayant pas été expressément formulée à l'appui de leur prétention au rejet de la demande de dommages-intérêts dirigée à leur encontre, le moyen manque en fait ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches, et le deuxième moyen annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation, ainsi que sur la troisième branche du premier moyen, qui n'est pas recevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Lesourd -

Textes visés :

Article 954 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 26 juin 2014, pourvoi n° 13-20.393, Bull. 2014, II, n° 150 (cassation), et l'arrêt cité.

2e Civ., 13 septembre 2018, n° 17-20.099, (P)

Cassation partielle

Droits de la défense – Principe de la contradiction – Violation – Cas – Expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties – Fondement exclusif de la décision du juge – Expertise réalisée en présence de l'ensemble des parties – Absence d'influence

Viole l'article 16 du code de procédure civile l'arrêt qui, pour retenir la responsabilité d'une société dans un accident, se fonde exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, peu important qu'elle l'ait été en présence de l'ensemble de celles-ci.

Donne acte à la société Etablissements Haristoy (la société Haristoy) du désistement partiel de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Allianz IARD ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'afin de réaliser des travaux d'élargissement d'une autoroute, la société Eurovia Grands projets et industrie (la société Eurovia GPI) a fait appel courant 2012 à la société TBM Hendaye (la société TBM) pour lui livrer des enrobés ; que cette dernière a loué auprès de la société Haristoy, assurée pour sa responsabilité auprès de la société Allianz IARD, une semi-remorque avec benne assurée auprès de la société GAN assurances (la société GAN) ; que, le 28 juin 2012, un accident s'est produit sur le chantier à la suite de la rupture de l'axe de rotation arrière droit de la benne dans lequel le véhicule de la société Libaros a été endommagé ; que cet accident ayant retardé la poursuite du chantier, la société Eurovia GPI a assigné en indemnisation de ses préjudices la société Haristoy et son assureur ainsi que la société GAN ; que celle-ci, pour s'opposer aux demandes, a versé aux débats un rapport d'expertise établi, en présence des sociétés Haristoy et TBM, par M. A..., l'expert qu'elle avait mandaté, pour qui l'origine du sinistre était imputable à la société Haristoy qui n'avait pas procédé à la réparation de la fissure affectant cet axe de rotation depuis un grave accident subi en 2009 par la benne ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal de la société Haristoy, pris en sa première branche, qui est recevable comme né de la décision attaquée :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour dire que la responsabilité de la société Haristoy est établie dans l'accident du 28 juin 2012, l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que la qualité de l'expertise de M. A..., réalisée lors d'opérations menées contradictoirement, confère à ses conclusions une force qui ne peut être ignorée d'autant qu'aucun autre élément, ni pièces ni expertise complémentaire, n'est produit, en particulier par la société Haristoy, de nature à les contrecarrer ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est fondée exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, peu important qu'elle l'ait été en présence des parties, a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen du pourvoi incident de la société GAN, pris en sa seconde branche :

Vu les articles 1382, devenu 1240, et 1384, alinéa 1, devenu 1242, alinéa 1, du code civil ;

Attendu que, pour limiter à la somme de 7 500 euros la condamnation de la société Haristoy envers la société GAN au titre de l'action récursoire exercée par celle-ci, l'arrêt énonce que si cette dernière sollicite la condamnation de la société Haristoy à lui payer la somme de 15 000 euros en remboursement de l'indemnité qu'elle a payée à l'assureur de la société Libaros, il convient, dès lors que la responsabilité des sociétés TBM et Haristoy est partagée dans l'accident, la première au titre de l'article 1384, alinéa 1, du code civil et la seconde au titre de l'article 1382 de ce code, de ne pas faire droit pour le tout au recours contributif ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'un coauteur, responsable d'un accident sur le fondement de l'article 1242, alinéa 1, du code civil, peut recourir pour le tout contre un coauteur fautif, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement déféré disant que la responsabilité de la société Haristoy est établie et la condamne à payer à la société GAN assurances la somme de 7 500 euros au titre de l'indemnité versée à l'assureur des établissements Libaros, l'arrêt rendu le 23 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Becuwe - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Marc Lévis ; SCP Odent et Poulet -

Textes visés :

Article 16 du code de procédure civile. N2 article 1382, devenu 1240, et article 1384, alinéa 1, devenu 1242, alinéa 1, du code civil.

Rapprochement(s) :

Ch. mixte., 28 septembre 2012, pourvoi n° 11-18.710, Bull. 2012, Ch. mixte, n° 2 (rejet).

2e Civ., 27 septembre 2018, n° 17-18.881, (P)

Rejet

Instance – Péremption – Demande – Recevabilité – Conditions – Détermination

Est recevable l'incident de péremption soulevé par une partie après qu'elle s'est opposée à une demande de rétablissement de l'affaire au rôle.

Instance – Péremption – Demande – Demande formée après une opposition à un rétablissement de l'affaire au rôle – Recevabilité

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 10 février 2017), que M. et Mme X... ont interjeté appel du jugement d'un tribunal de grande instance les ayant condamnés avec exécution provisoire à payer différentes sommes à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Atlantique Vendée (la banque) et ont conclu au fond le 6 novembre 2012 ; que l'affaire ayant été radiée sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile, M. Jean-Yves X..., intervenant volontairement en qualité de curateur de M. Philippe X..., et M. et Mme X... (les consorts X...) ont, le 29 octobre 2014, conclu au fond et sollicité le rétablissement de l'affaire ; que la demande de ré-inscription, sur laquelle la banque a conclu le 10 décembre 2014, a été rejetée ; que le 25 février 2016, la banque a soulevé un incident de péremption de l'instance ;

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de constater que la péremption est acquise depuis le 6 novembre 2014 et que le jugement a force de chose jugée, alors, selon le moyen :

1°/ que la péremption doit, à peine d'irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen ; qu'en ayant jugé que la banque avait valablement pu soulever l'exception de péremption, par conclusions du 25 février 2016, alors qu'il avait déjà conclu le 10 décembre 2014, la péremption étant acquise depuis le 6 novembre 2014, la cour d'appel a violé l'article 388 du code de procédure civile ;

2°/ que la péremption doit être demandée avant tout autre moyen ; qu'en jugeant que la banque avait valablement pu soulever l'exception de péremption par conclusions du 25 février 2016, après avoir conclu le 10 décembre 2014 alors que la péremption était acquise, au motif inopérant qu'à cette date, la banque n'avait d'autre choix que de s'opposer à la demande de rétablissement présentée par les consorts X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 388 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la banque, qui s'était bornée à s'opposer à la demande de rétablissement de l'affaire au rôle, n'avait invoqué aucun moyen au sens de l'article 388 du code de procédure civile, la cour d'appel en a exactement déduit que l'incident de péremption était recevable ;

D'où il suit qu'abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la deuxième branche, le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les troisième et quatrième branches du moyen annexé qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché ; SCP Capron -

Textes visés :

Article 388 du code de procédure civile.

2e Civ., 27 septembre 2018, n° 17-20.134, (P)

Rejet

Intervention – Intervention volontaire – Intervention volontaire d'un tiers – Recevabilité – Exclusion – Cas – Défaut de qualité – Applications diverses

Une personne, dont les droits et obligations ne sont pas en discussion, n'a pas qualité pour défendre à l'action engagée contre son débiteur.

Doit par conséquent être rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt d'une cour d'appel ayant déclaré irrecevable l'intervention volontaire à titre principal de sociétés qui ne tendait qu'à contester une procédure d'exécution dirigée contre leur débitrice.

Intervention – Intervention volontaire – Intervention principale – Recevabilité – Conditions – Qualité pour défendre – Exclusion – Cas – Créancier contestant une procédure d'exécution dirigée contre son débiteur

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 26 janvier 2017), que la société Montinvest international a fait délivrer à la société Gayant investissement (la société Gayant) un commandement de payer valant saisie immobilière puis l'a assignée, ainsi que le comptable du service des impôts d'Amiens Nord-Est, créancier inscrit, à l'audience d'orientation d'un juge de l'exécution ; que se prétendant créancières de la société Gayant, la société groupe Orion et la société Partners Finance (les sociétés Orion et Partners) ont pris des conclusions d'intervention volontaire, aux fins de voir annuler le commandement et radier son inscription au fichier immobilier, puis ont relevé appel du jugement déclarant irrecevable leur intervention et ordonnant la vente forcée de l'immeuble saisi ;

Attendu que les sociétés Orion et Partners font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur intervention volontaire, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en se déterminant par la circonstance qu'il n'est pas établi que les comptes reprenant les créances des sociétés Orion et Partners aient effectivement été approuvés, pour en déduire que celles-ci ne démontrent pas être créancières de la société Gayant et, partant, ne justifient pas d'un intérêt à agir dans le cadre de la procédure de saisie immobilière litigieuse, sans répondre au chef péremptoire des conclusions d'appel des exposantes qui faisait valoir que ces comptes avaient été publiés au greffe du tribunal de commerce, ainsi qu'en atteste la pièce n° 16 extraite du site infogreffe, régulièrement produite au débat, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que les juges du fond ne peuvent trancher le litige sans viser, examiner et analyser, même succinctement, les pièces régulièrement produites au débat et qui viennent au soutien des prétentions des parties ; qu'en l'espèce, au soutien de leur moyen faisant valoir que contrairement à ce que prétendaient les intimées, les comptes de la société Gayant, faisant notamment apparaître les dettes contractées à l'égard des sociétés Orion et Partners, avaient été effectivement publiés et, partant, approuvés, les sociétés Orion et Partners ont produit au débat un extrait du site infogreffe faisant apparaître que les comptes annuels de l'intéressée pour les années 2014 et 1999 à 2012 avaient été publiés au greffe du tribunal de commerce de Paris ; que, dès lors, en se déterminant par la circonstance qu'il n'est pas établi que les comptes reprenant les créances des sociétés Orion et Partners aient effectivement été approuvés, pour en déduire que celles-ci ne démontrent pas être créancières de la société Gayant et, partant, ne justifient pas d'un intérêt à agir dans le cadre de la procédure de saisie immobilière litigieuse, sans viser ni examiner, même succinctement, ce document régulièrement produit au débat, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que l'approbation des comptes d'une société à responsabilité limitée, prévue à l'article L. 223-26 du code de commerce, ne préjuge pas de l'état effectif des dettes et créances de la société ; que, dès lors, en se déterminant par la circonstance qu'il n'est pas établi que les comptes reprenant les créances des sociétés Orion et Partners aient effectivement été approuvés, pour en déduire que les intéressées ne démontrent pas être créancières de la société Gayant, la cour d'appel, qui se détermine par une motivation inopérante, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 31 du code de procédure civile ;

Mais attendu que les sociétés Orion et Partners, dont les droits et obligations n'étaient pas en discussion, n'avaient pas qualité pour défendre à l'action engagée contre leur débiteur ; que, par ce motif de pur droit, substitué aux motifs critiqués, après avis donné aux parties, l'arrêt, qui a constaté que les conclusions des sociétés Orion et Partners ne tendaient qu'à contester la saisie immobilière dirigée contre la société Gayant, se trouve légalement justifié ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Boulloche -

Textes visés :

Article 31 du code de procédure civile.

2e Civ., 27 septembre 2018, n° 17-20.127, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Ordonnance sur requête – Ordonnance faisant droit à la requête – Demande de rétractation – Office du juge – Etendue

L'instance en rétractation, prévue par l'article 497 du code de procédure civile, a pour seul objet de soumettre à un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire, de sorte que la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet.

En conséquence est irrecevable devant le juge de la rétractation une demande tendant à voir ordonner, en cas de rejet de la demande de rétractation, la mainlevée d'une mesure de séquestre.

Ordonnance sur requête – Rétractation – Demande – Demande incidente – Demande nouvelle – Irrecevabilité

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que se plaignant d'actes de concurrence déloyale commis par la Société française de transports Gondrand frères (la société Gondrand), la société Maghreb solutions a saisi le président d'un tribunal de commerce à fin de voir désigner un huissier de justice pour effectuer diverses mesures sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile puis a assigné cette société au fond en indemnisation du préjudice subi résultant de ces actes ; que la requête de la société Maghreb solutions ayant été accueillie et une mesure de séquestre ordonnée, la société Gondrand, après avoir été assignée au fond, a saisi un juge des référés pour obtenir la rétractation de l'ordonnance ; qu'à titre reconventionnel, la société Maghreb solutions a demandé la mainlevée de la mesure de séquestre à laquelle la société Gondrand a opposé une exception de listispendance ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les premier et deuxième moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu les articles 100, 496, 497 et 875 du code de procédure civile ;

Attendu que pour ordonner la mainlevée du séquestre de l'ensemble des documents saisis lors des opérations de constat effectuées par l'huissier de justice le 27 août 2014, l'arrêt retient que la société Gondrand ne peut être admise à soulever l'exception de litispendance devant la cour d'appel au profit d'une juridiction de première instance, en l'occurence le tribunal de commerce de Paris ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'instance en rétractation ayant pour seul objet de soumettre à un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire, la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet, de sorte qu'était irrecevable la demande tendant à voir ordonner, en cas de rejet de la demande de rétractation, la mainlevée de la mesure de séquestre, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a ordonné la mainlevée du séquestre de l'ensemble des documents saisis lors des opérations de constat réalisées le 27 août 2014 dans les locaux de la Société française de transports Gondrand frères, et la communication à la société Maghreb solutions de l'ensemble de ces documents, dans un délai de huit jours à compter de la signification de la présente ordonnance, l'arrêt rendu le 13 avril 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DECLARE irrecevable la demande de mainlevée du séquestre présentée au cours de l'instance en rétractation.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Pic - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Article 497 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2 Civ., 9 septembre 2010, pourvoi n° 09-69.936, Bull. 2010, II, n° 151 (rejet).

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