Numéro 9 - Septembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2018

PRESCRIPTION CIVILE

2e Civ., 13 septembre 2018, n° 17-20.966, (P)

Rejet

Interruption – Acte interruptif – Action en justice – Conditions – Action dirigée contre celui qu'on veut empêcher de prescrire – Portée

Ayant exactement rappelé que pour être interruptive de prescription une demande en justice doit être dirigée contre celui qu'on veut empêcher de prescrire, une cour d'appel en déduit, à bon droit, que l'action engagée par la victime devant une commission d'indemnisation des victimes d'infractions en vue de son indemnisation par le Fonds de garantie des actes de terrorisme et d'autres infractions, ne pouvait avoir interrompu la prescription à l'égard du responsable qui n'était pas partie à cette instance.

Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 juillet 2016), que le 23 mars 1997, Mme Y... s'est blessée en sautant d'une fenêtre de son appartement, situé au deuxième étage ; que le 26 mars 2009, elle a déposé plainte devant les services de police contre M. X..., avec lequel elle avait entretenu une relation amoureuse, exposant que le jour des faits, il l'avait agressée et qu'elle s'était défenestrée pour tenter de lui échapper ; que sa plainte a fait l'objet d'un classement sans suite en raison de la prescription de l'action publique ; que Mme Y... a saisi, le 21 août 2009, une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) ; que sa demande a été déclarée forclose par un arrêt du 2 novembre 2011 ; qu'elle a alors assigné M. X..., par acte du 17 juin 2013, en responsabilité et indemnisation des conséquences dommageables de sa chute, en présence des organismes sociaux ;

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de dire son action prescrite, de la débouter de toutes ses demandes à l'encontre de M. X... et de la condamner à payer à ce dernier une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors, selon le moyen :

1°/ que si en principe l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque deux actions quoique ayant des causes distinctes tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; que l'action intentée par Mme Y... devant la CIVI et celle intentée sur le fondement de la responsabilité délictuelle à l'encontre de M. X... ont pour but commun la réparation du préjudice corporel qu'elle a subi ; qu'il s'ensuit que l'action diligentée devant la CIVI a interrompu la prescription de son action à l'encontre de M. X... ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 2234 du code civil ;

2°/ que la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la force majeure ; qu'en l'espèce, comme l'avait rappelé Mme Y... dans ses conclusions d'appel, il résultait des conclusions catégoriques du professeur B..., expert près la Cour de cassation, lors de l'expertise médicale de Mme Y... en date du 29 décembre 2014, confortant les conclusions du docteur C... que cette dernière est sous emprise, ce qui est un élément suffisamment fort pour que les personnes arrivent à avoir, au plus profond d'elles-mêmes, un déni de la réalité d'agressions répétées ou de violences volontaires provenant d'un proche et qu'il peut être retenu chez Mme Y... une amnésie psychogène post-traumatique ; que cette réalité médicale est aujourd'hui du domaine de l'exceptionnel et doit reposer sur des éléments précis, sur une anamèse, sur une symptomatologie, ce qui est le cas dans la situation de Mme Y..., qui avait un état antérieur dont il faudra tenir compte dans le cadre de son indemnisation puisqu'une anorexie mentale avait été détectée tôt ; qu'il existe un certain nombre de présomptions graves précises et concordantes permettant d'aller dans le sens d'une amnésie psychogène post traumatique ; en affirmant péremptoirement que si Mme Y... présente actuellement des troubles mnésiques rien n'autorise à dire qu'elle en aurait souffert depuis 1997 et jusqu'en 2009, et encore moins qu'ils auraient constitué une impossibilité pour elle d'agir sans examiner les conclusions du professeur B..., démontrant que Mme Y... avait été dans l'impossibilité absolue d'agir par suite d'un empêchement résultant de la force majeure, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 2234 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, qu'après avoir exactement rappelé que pour être interruptive de prescription une demande en justice doit être dirigée contre celui qu'on veut empêcher de prescrire, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que l'action engagée le 21 août 2009, par Mme Y... devant la CIVI en vue de son indemnisation par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI), ne pouvait avoir interrompu la prescription à l'égard de M. X... qui n'était pas partie à cette instance ;

Et attendu, ensuite, qu'ayant relevé que dans sa déposition devant les services de police, Mme X... relatait très précisément que les faits de mars 1997 lui étaient parfaitement restés en mémoire et qu'elle n'avait pas su ou voulu se renseigner utilement sur les voies de droit qui lui étaient alors ouvertes, puis constaté que l'expert judiciaire n'avait mis en évidence aucune amnésie post-traumatique susceptible de constituer une impossibilité d'agir, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, a légalement justifié sa décision ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la deuxième branche du moyen unique annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Touati - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché ; SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin -

Textes visés :

Articles 2234 et 2241 du code civil.

2e Civ., 6 septembre 2018, n° 17-21.337, (P)

Rejet

Interruption – Acte interruptif – Action en justice – Durée de l'interruption – Durée de l'instance

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 mai 2017), que la caisse régionale de Crédit agricole mutuel d'Aquitaine (la banque) ayant consenti à M. X... un prêt par acte notarié, celle-ci lui a fait délivrer un commandement à fin de saisie immobilière ; que, par un arrêt du 5 mai 2010, une cour d'appel a confirmé le jugement d'orientation d'un juge de l'exécution ayant ordonné la vente forcée du bien et mentionné le montant de la créance ; que le bien a été adjugé et le projet de répartition du prix de vente homologué par une décision du juge de l'exécution du 26 octobre 2012 ; que, par requête du 24 octobre 2013, la banque a fait convoquer M. X... devant un tribunal d'instance à fin de tentative de conciliation, en vue de la saisie de ses rémunérations afin d'obtenir le paiement du solde de sa créance ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'autoriser la saisie de ses rémunérations pour la somme de 27 177,25 euros, outre les intérêts au taux de 4,30 % du 11 décembre 2012 au 4 octobre 2013, alors, selon le moyen :

1°/ que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'en l'absence de contestation relative à l'existence ou au montant de la créance, le jugement d'orientation rendu par le juge de l'exécution en matière de saisie immobilière et qui se borne à « mentionner » la créance du saisissant est dépourvu de toute autorité de chose jugée quant à la détermination du montant de cette créance ; qu'en affirmant, pour autoriser la saisie des rémunérations de M. X..., que le jugement d'orientation rendu par le juge de l'exécution en matière de saisie immobilière a l'autorité de la chose jugée quant à l'existence et au montant de la créance du créancier poursuivant, peu important que le montant n'ait pas fait l'objet de contestation, la cour d'appel a violé les articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil, ensemble les articles R. 311-5, R. 322-15 et R. 322-18 du code des procédures civiles d'exécution ;

2°/ que l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance ; qu'à supposer que le jugement d'orientation, en mentionnant la créance du saisissant, fixe irrévocablement la créance de ce dernier, alors il faut en déduire que l'effet interruptif attaché au commandement de payer ne vaut que jusqu'au jugement d'orientation, qui fait droit à la demande du créancier et fixe définitivement sa créance à l'égard du débiteur ; qu'en décidant que cet effet interruptif se prolonge jusqu'à l'ordonnance homologuant le projet de répartition du prix de vente, la cour d'appel a violé, ensemble, l'article 2242 du code civil et l'article R. 322-8 du code des procédures civiles d'exécution ;

Mais attendu qu'ayant relevé que lors de la procédure de saisie immobilière engagée à l'encontre de M. X..., le juge de l'exécution avait constaté dans le dispositif du jugement d'orientation que la créance de la banque en principal, frais, intérêts et accessoires, s'élevait à la somme de 109 827,44 euros au 17 juin 2009, la cour d'appel a exactement décidé que cette décision avait autorité de la chose jugée et s'imposait au juge de la saisie des rémunérations, même en l'absence de contestation formée devant le juge de l'exécution sur l'existence ou le montant de la créance ;

Et attendu qu'ayant rappelé qu'en vertu de l'article 2242 du code civil, l'interruption de la prescription résultant de la demande en justice produisait ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance, la cour d'appel, qui a retenu à bon droit que l'instance engagée par la saisine du juge de l'exécution ayant donné lieu au jugement d'orientation du 17 décembre 2009 ne s'était éteinte que par l'ordonnance d'homologation du projet de répartition du prix de vente de l'immeuble du 31 octobre 2012, en a exactement déduit que l'action en saisie des rémunérations engagée le 24 octobre 2013, était recevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Lemoine - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : SCP Gaschignard ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Article 1351 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; article 480 du code de procédure civile ; articles R. 311-5, R. 322-15 et R. 322-18 du code des procédures civiles d'exécution ; article 2242 du code civil.

Rapprochement(s) :

Com., 13 septembre 2017, pourvoi n° 15-28.833, Bull. 2017, IV, n° 109 (rejet). 2e Civ., 1er mars 2018, pourvoi n° 17-11.238, Bull. 2018, II, n° 42 (cassation partiellement sans renvoi).

2e Civ., 13 septembre 2018, n° 17-22.474, (P)

Rejet

Prescription décennale – Article 2270-1 du code civil – Domaine d'application – Cas – Action en indemnisation d'un préjudice résultant de troubles anormaux du voisinage – Point de départ – Détermination

L'action en indemnisation d'un préjudice résultant de troubles anormaux du voisinage est une action en responsabilité extracontractuelle, alors soumise à la prescription décennale de l'article 2270-1 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, applicable à la cause, dont le point de départ est la première manifestation des troubles.

Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 1er juin 2017), que se plaignant des nuisances sonores générées par la société Groupement logistique du froid, locataire d'un terrain appartenant à la SCI Val de Charvas, situé à proximité de sa propriété, M. X... les a assignées, après réalisation d'une expertise judiciaire, en indemnisation de la perte de valeur de son bien immobilier ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de dire que ses demandes sont prescrites et donc irrecevables, alors, selon le moyen :

1°/ que l'action fondée sur les troubles anormaux de voisinage relève de la prescription trentenaire ; qu'en retenant, pour considérer que M. X... se serait trouvé prescrit en saisissant le juge des référés en 2010, que l'action pour troubles anormaux du voisinage constituerait une action en responsabilité extracontractuelle et non une action immobilière réelle et serait soumise à une prescription de dix années aux termes de l'article 2270-1 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 qui a réduit à cinq ans le délai désormais prévu par l'article 2224 du code civil, la cour d'appel a violé les articles 2262 du code civil, dans sa version antérieure à la loi du 17 juin 2008, devenu l'article 2227 du même code, dans sa version issue de la loi du 17 juin 2008 ;

2°/ que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en considérant qu'en saisissant pour la première fois le juge des référés en 2010, M. X... se serait trouvé manifestement prescrit en sa demande, quand il était acquis au débat que M. X... n'avait pris connaissance du préjudice qu'il subissait, résultant de la dépréciation de son bien immobilier, qu'en 2008, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil, dans sa version issue de la loi du 17 juin 2008 ;

Mais attendu qu'ayant relevé, d'une part, que l'action pour troubles anormaux du voisinage constitue une action en responsabilité extra-contractuelle et non une action immobilière réelle et qu'une telle action était soumise à la prescription de dix années aux termes de l'article 2270-1 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et retenu, d'autre part, que les documents produits permettaient de constater que la société Groupement logistique du froid exploitait son activité sur le site depuis 1993 sans que son activité n'évolue significativement depuis cette date, la cour d'appel a pu retenir que la première manifestation des troubles de voisinage datait de 1993, et en a exactement déduit que l'action intentée en 2010 par M. X... était prescrite ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la deuxième branche du moyen unique annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Ortscheidt ; SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois -

Textes visés :

Article 2270-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.

2e Civ., 6 septembre 2018, n° 17-18.955, (P)

Rejet

Prescription décennale – Article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Action du créancier en condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie conservatoire

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 mars 2017), qu'après y avoir été autorisée par ordonnance du 21 mai 2001, la caisse de Crédit agricole Centre-Est, aux droits de laquelle est venue la société Girardet, a fait procéder, le 31 mai 2001, à une saisie conservatoire des sommes détenues pour le compte de M. et Mme B... entre les mains de l'association témoin pour la retraite, l'assurance et l'investissement (Atrai) et de la société Axa courtage ; que par actes des 20 juin et 19 septembre 2014, la société Girardet a assigné respectivement la société Axa courtage et l'Atrai, d'une part, et la société Axa France vie, d'autre part, pour obtenir la condamnation de celles-ci au paiement des causes de la saisie sur le fondement de l'article R. 523-5 du code des procédures civiles d'exécution ;

Attendu que la société Girardet fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en ses demandes à l'encontre de la société Axa France vie comme étant atteintes par la prescription, alors, selon le moyen :

1°/ que la demande du créancier saisissant, tendant à voir condamner le tiers saisi qui a violé son obligation de renseignement à payer les causes de la saisie, consiste à poursuivre à l'encontre dudit tiers l'exécution du titre exécutoire en vertu duquel la saisie avait été pratiquée à l'encontre du débiteur saisi ; qu'il en résulte qu'une telle demande ressortit au régime de l'exécution des titres exécutoires judiciaires et se prescrit par dix ans ; qu'au cas présent, pour déclarer irrecevable la demande présentée par la société Girardet contre Axa France vie à fin de voir celle-ci condamnée à payer les causes de la saisie pratiquée contre les consorts B..., la cour d'appel relève qu'une telle demande consisterait en une action personnelle se prescrivant selon le délai quinquennal de droit commun, déjà écoulé ; qu'en statuant ainsi, cependant que la demande de Girardet consistait à poursuivre contre Axa France vie l'exécution d'une cause déjà constatée par un titre exécutoire judiciaire, la cour d'appel, qui, confondant les alinéas premier et second de l'article R. 523-5 du code des procédures civiles d'exécution, n'a pas appliqué le régime de prescription qui s'imposait et devait conduire à constater la recevabilité de la demande de Girardet à cet égard, a violé l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 2224 du code civil ;

2°/ qu'en tout état de cause, que, en matière d'action personnelle, le point de départ du délai de prescription quinquennal de droit commun est fixé au jour où le titulaire du droit d'action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que, à supposer que le premier alinéa de l'article R. 523-5 du code des procédures civiles d'exécution institue une action personnelle, pour que le créancier saisissant puisse demander la condamnation du tiers saisi à payer les causes de la saisie, ces dernières doivent être constatées définitivement et irrévocablement en justice, de sorte que le caractère irrévocable du titre exécutoire judiciaire qui constate lesdites causes est nécessaire à l'action du créancier ; qu'au cas présent, la cour d'appel a fixé le point de départ de la prescription de l'action de Girardet contre Axa France vie au jour de la signification de la conversion de la saisie conservatoire exercée par lui contre les consorts B... ; qu'en statuant ainsi, sans relever que le titre exécutoire judiciaire ayant présidé à la saisie n'était devenu irrévocable qu'après l'ordonnance de péremption rendue en 2010 par la Cour de cassation, la cour d'appel, qui, pour déterminer le point de départ de la prescription de l'action de Girardet, n'a pas tenu compte de la date de fixation définitive et irrévocable des causes de la saisie, dont la connaissance était essentielle à l'exercice de ladite action contre Axa France vie, a violé l'article 2224 du code civil, ensemble l'article L. 523-5 du code des procédures civiles d'exécution ;

3°/ qu'en tout état de cause, que, en matière d'action personnelle, le point de départ du délai de prescription quinquennal de droit commun est fixé au jour où le titulaire du droit d'action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que, pour que le créancier saisissant puisse demander la condamnation du tiers saisi à l'indemniser du dommage ayant découlé de ses déclarations mensongères ou négligentes, il importe que ledit dommage soit établi ; qu'au cas présent, la cour d'appel a fixé le point de départ de la prescription de l'action indemnitaire, présentée à titre subsidiaire, de Girardet contre Axa France vie, au jour de la signification de la conversion de la saisie conservatoire exercée par lui contre les consorts B... ; qu'en statuant ainsi, sans relever que le titre exécutoire judiciaire ayant présidé à la saisie n'était devenu définitif et même irrévocable qu'après l'ordonnance de péremption rendue en 2010 par la Cour de cassation, la cour d'appel, qui, pour déterminer le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité de Girardet, n'a pas tenu compte de la date de cristallisation du dommage souffert par ce créancier, dont la connaissance était essentielle à l'exercice de ladite action indemnitaire contre Axa France vie, a violé l'article 2224 du code civil, ensemble l'article L. 523-5 du code des procédures civiles d'exécution ;

Mais attendu, d'une part, que le créancier qui agit à l'encontre du tiers saisi pour le faire condamner, sur le fondement de l'article R. 523-5 alinéa premier du code des procédures civiles d'exécution, au paiement des sommes pour lesquelles la saisie conservatoire des créances a été pratiquée n'exécute, à l'égard de ce tiers saisi, aucun titre exécutoire, de sorte que la prescription décennale prévue par l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution n'est pas applicable à cette action ;

Et attendu, d'autre part, que cette action, qui n'est pas soumise à la démonstration d'un dommage, peut être introduite à compter de la signification de la décision, même susceptible de recours, condamnant le débiteur au paiement des sommes pour lesquelles la saisie est pratiquée ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en droit, ne peut être accueilli ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Pic - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin ; SCP Odent et Poulet -

Textes visés :

Article R. 523-5, alinéa 1, du code des procédures civiles d'exécution.

Rapprochement(s) :

En matière de saisie-attribution, à rapprocher : 2e Civ., 6 septembre 2018, pourvoi n° 17-18.953, Bull. 2018, II, n° 167 (rejet).

2e Civ., 6 septembre 2018, n° 17-18.953, (P)

Rejet

Prescription décennale – Article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Action du créancier en condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie-attribution

Sur le troisième moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 mars 2017), que la caisse de Crédit agricole Centre-Est, aux droits de laquelle est venue la société Girardet, a fait pratiquer, le 16 décembre 1991, quatre saisies-arrêts entre les mains de l'Association de sécurité et d'assistance collective (Asac) afin d'appréhender des primes versées par MM. Jean-François et Christian Y... et Mmes Catherine et Elisabeth Y... puis a signifié, le 11 décembre 2006, une saisie-attribution entre les mains de ce même tiers ; que la société Girardet a par la suite assigné l'Asac et la société Allianz vie pour les voir condamnées au paiement des sommes objet des saisies-arrêts et de la saisie-attribution sur le fondement de l'article R. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution ;

Attendu que la société Girardet fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites ses demandes dirigées contre Allianz vie et l'Asac, à raison de la saisie-attribution du 11 décembre 2006, alors selon le moyen :

1°/ que la demande du créancier saisissant, tendant à voir condamner le tiers saisi qui a violé son obligation de renseignement à payer les causes de la saisie, consiste à poursuivre, à l'encontre dudit tiers, l'exécution du titre exécutoire en vertu duquel la saisie avait été pratiquée à l'encontre du débiteur saisi ; qu'il en résulte qu'une telle demande ressortit au régime de l'exécution des titres exécutoires judiciaires et se prescrit par dix ans ; qu'au cas présent, pour déclarer irrecevable la demande présentée par la société Girardet contre l'Asac et Allianz vie à fin de voir celles-ci condamnées à payer les causes de la saisie pratiquée contre les consorts Y..., la cour d'appel relève qu'une telle demande consisterait en une action personnelle se prescrivant selon le délai quinquennal de droit commun, déjà écoulé ; qu'en statuant ainsi, cependant que la demande de la société Girardet consistait à poursuivre contre l'Asac et Allianz vie l'exécution d'une cause déjà constatée par un titre exécutoire judiciaire, la cour d'appel, qui, confondant les alinéas premier et second de l'article R. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution, n'a pas appliqué le régime de prescription qui s'imposait et devait conduire à constater la recevabilité de la demande de la société Girardet à cet égard, a violé l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 2224 du code civil ;

2°/ qu'en tout état de cause, que, en matière d'action personnelle, le point de départ du délai de prescription quinquennal de droit commun est fixé au jour où le titulaire du droit d'action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que, à supposer que le premier alinéa de l'article R. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution institue une action personnelle, pour que le créancier saisissant puisse demander la condamnation du tiers saisi à payer les causes de la saisie, ces dernières doivent être constatées irrévocablement en justice, de sorte que l'irrévocabilité du titre exécutoire judiciaire, qui constate lesdites causes, est nécessaire à l'action du créancier ; qu'au cas présent, la cour d'appel a fixé le point de départ de la prescription de l'action de la société Girardet contre l'Asac et Allianz vie, en paiement des causes de la saisie, au jour de la signification de la saisie-attribution exercée par la société Girardet contre les consorts Y... ; qu'en statuant ainsi, sans relever que le titre exécutoire judiciaire ayant présidé à la saisie n'était devenu irrévocable qu'après l'ordonnance de péremption rendue en 2010 par la Cour de cassation, la cour d'appel, qui, pour déterminer le point de départ de la prescription de l'action de la société Girardet, n'a finalement pas tenu compte de la date de fixation irrévocable des causes de la saisie, dont la connaissance était essentielle à l'exercice de ladite action contre l'Asac et Allianz vie, a violé l'article 2224 du code civil, ensemble l'article L. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution ;

3°/ qu'en tout état de cause, que, en matière d'action personnelle, le point de départ du délai de prescription quinquennal de droit commun est fixé au jour où le titulaire du droit d'action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que, pour que le créancier saisissant puisse demander la condamnation du tiers saisi à l'indemniser du dommage ayant découlé de ses déclarations mensongères ou négligentes, il importe que ledit dommage soit établi ; qu'au cas présent, la cour d'appel a fixé le point de départ de la prescription de l'action indemnitaire, présentée à titre subsidiaire, de la société Girardet contre l'Asac et Allianz vie au jour de la signification de la saisie-attribution exercée par lui contre les consorts Y... ; qu'en statuant ainsi, sans relever que le titre exécutoire judiciaire ayant présidé à la saisie n'était devenu irrévocable qu'après l'ordonnance de péremption rendue en 2010 par la Cour de cassation, la cour d'appel, qui, pour déterminer le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité de la société Girardet, n'a pas tenu compte de la date de cristallisation du dommage souffert par ce créancier, dont la connaissance était essentielle à l'exercice de ladite action indemnitaire contre l'Asac et Allianz vie, a violé l'article 2224 du code civil, ensemble l'article L. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution ;

4°/ qu'enfin, en matière d'action personnelle, le point de départ du délai de prescription quinquennal de droit commun est fixé au jour où le titulaire du droit d'action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que, pour que le créancier saisissant puisse demander la condamnation du tiers saisi à l'indemniser du dommage ayant découlé de ses déclarations mensongères ou négligentes, il importe que la réalité et la gravité du dommage et de la faute soient établies ; qu'au cas présent, la cour d'appel a fixé le point de départ de la prescription de l'action indemnitaire de la société Girardet contre l'Asac et Allianz vie au jour de la signification de la saisie-attribution exercée par la société Girardet contre les consorts Y... ; qu'en statuant ainsi, sans relever que la nature insaisissable des fonds saisis, du fait qu'ils auraient été versés à Allianz vie par l'Asac pour le compte des consorts Y... dans le cadre d'une assurance-vie collective, n'avait été révélée par les défendeurs qu'incidemment, dans leurs conclusions de 2014, la cour d'appel, qui, pour déterminer le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité de la société Girardet, n'a pas tenu compte de la date où la connaissance effective de la gravité du dommage et de la faute commise par l'Asac et Allianz vie avait été rendue possible, a violé l'article 2224 du code civil, ensemble l'article L. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution ;

Mais attendu, d'une part, que le créancier qui agit à l'encontre du tiers saisi pour le faire condamner, sur le fondement de l'article R. 211-5 alinéa premier du code des procédures civiles d'exécution, au paiement des sommes pour lesquelles la saisie-attribution des créances a été pratiquée n'exécute à l'égard de ce tiers saisi aucun titre exécutoire ; que c'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a retenu que la prescription décennale prévue par l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution n'était pas applicable à cette action ;

Et attendu, d'autre part, que cette action qui n'est pas soumise à la démonstration d'un dommage pouvant être introduite dès que le créancier a connaissance de l'absence de déclaration « sur le champ », par le tiers saisi, des renseignements prévus à l'article L. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution, c'est à bon droit que la cour d'appel a fixé le point de départ du délai de prescription à la date de signification du procès-verbal de saisie-attribution ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les premier et deuxième moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Pic - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix -

Textes visés :

Article R. 211-5, alinéa 1, du code des procédures civiles d'exécution.

Rapprochement(s) :

En matière de saisie conservatoire, à rapprocher : 2e Civ., 6 septembre 2018, pourvoi n° 17-18.955, Bull. 2018, II, n° 166 (rejet).

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