Numéro 9 - Septembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2018

POUVOIRS DES JUGES

1re Civ., 5 septembre 2018, n° 17-23.120, (P)

Rejet

Appréciation souveraine – Divorce – Effets du divorce – Effets à l'égard des époux – Effets quant aux biens – Dettes ou sûretés consenties par les époux dans le cadre de la gestion d'une entreprise – Charge exclusive à l'un des conjoints

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 16 mai 2017), que le 14 octobre 2005, M. X... et Mme Y..., mariés en 1985 sans contrat préalable, ont acquis le fonds de commerce Embalpac pour l'exploiter sous la forme d'une entreprise individuelle au nom de M. X..., son épouse ayant le statut de conjoint collaborateur ; qu'après leur divorce, prononcé le 3 octobre 2008, des difficultés se sont élevées pour le partage de leurs intérêts patrimoniaux ;

Sur les premier, troisième, quatrième et cinquième moyens, ci-après annexés :

Attendu que ces moyens ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de dire qu'il doit supporter toutes les dettes afférentes à l'entreprise Embalpac en ce compris le prêt de trésorerie de 40 000 euros, alors, selon le moyen, que si, après divorce, le juge du tribunal de grande instance peut décider de faire supporter au conjoint qui conserve le patrimoine professionnel la charge exclusive des dettes ou sûretés consenties par les époux dans le cadre de la gestion d'une entreprise, c'est à la condition de motiver cette décision faisant dérogation au jeu du droit commun ; qu'en le condamnant à supporter seul l'entier passif de l'entreprise Embalpac sans donner aucun motif à l'appui de cette condamnation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1387-1 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que, selon l'article 1387-1 du code civil, lorsque le divorce est prononcé, si des dettes ou sûretés ont été consenties par les époux, solidairement ou séparément, dans le cadre de la gestion d'une entreprise, le tribunal de grande instance peut décider d'en faire supporter la charge exclusive au conjoint qui conserve le patrimoine professionnel ou, à défaut, la qualification professionnelle ayant servi de fondement à l'entreprise, l'arrêt relève que le patrimoine professionnel de l'entreprise Embalpac est attribué à M. X... selon l'accord des parties ; qu'il retient que la valeur patrimoniale de l'entreprise traduit un état de dettes largement supérieur à ses actifs et que les prélèvements annuels personnels de ce dernier jusqu'en 2007 sont disproportionnés au regard de la situation financière de l'entreprise ; qu'il ajoute que M. X... a souscrit à titre personnel, le 15 janvier 2009, un prêt de trésorerie de 40 000 euros ; que de ces énonciations et constatations, la cour d'appel a souverainement déduit qu'il devait supporter seul l'entier passif de l'entreprise ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Auroy - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Bénabent ; Me Le Prado -

Textes visés :

Article 1387-1 du code civil.

1re Civ., 12 septembre 2018, n° 17-17.319, (P)

Rejet

Appréciation souveraine – Protection des consommateurs – Contrats conclus à distance et hors établissement – Champ de l'activité principale

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 23 mai 2017), que, le 17 juillet 2014, hors établissement, Mme X..., architecte, a souscrit auprès de la société Cometik un contrat de création et de licence d'exploitation d'un site Internet dédié à son activité professionnelle, ainsi que d'autres prestations annexes ; que, le 2 septembre suivant, elle a dénoncé le contrat ; que, déniant à Mme X... le droit de se rétracter, la société l'a assignée en paiement ;

Attendu que la société Cometik fait grief à l'arrêt d'anéantir les effets du contrat, de la condamner à rembourser à Mme X... les sommes par elle versées en exécution de celui-ci et de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen, que l'objet d'un contrat entre dans le champ de l'activité principale du professionnel lorsqu'il participe à la satisfaction des besoins de l'activité professionnelle ; que la cour d'appel a elle-même retenu que le contrat conclu le 17 juillet 2014 par Mme X... portait « notamment sur la création d'un site Internet dédié à son activité » ; qu'en retenant pourtant que ce contrat n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 121-16-1, III, du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 121-16-1, III, devenu L. 221-3 du code de la consommation, que le professionnel employant cinq salariés au plus, qui souscrit, hors établissement, un contrat dont l'objet n'entre pas dans le champ de son activité principale, bénéficie des dispositions protectrices du consommateur édictées par ce code ;

Attendu qu'ayant souverainement estimé que la communication commerciale et la publicité via un site Internet n'entraient pas dans le champ de l'activité principale de Mme X..., architecte, la cour d'appel n'a pu qu'en déduire que celle-ci bénéficiait du droit de rétractation prévu par l'article L. 121-21 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Barel - Avocat général : M. Sudre - Avocat(s) : SCP Delamarre et Jehannin ; SCP Boulloche -

Textes visés :

Article L. 121-16-1, III, devenu L. 221-3 du code la consommation.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 24 janvier 1995, pourvoi n° 92-18.227, Bull. 1995, I, n° 54 (2) (rejet).

2e Civ., 13 septembre 2018, n° 17-14.654, (P)

Rejet

Appréciation souveraine – Responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle – Dommage – Réparation – Pluralité de responsables – Responsables condamnés à des peines différentes par la juridiction pénale – Faute de chacun

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche, qui est recevable comme étant de pur droit :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 11 janvier 2017) et les productions, que, par un arrêt de cour d'appel du 3 juillet 2008 devenu définitif, MM. Z..., Y... et X... ont été condamnés, le premier du chef d'escroquerie et les deux autres du chef de complicité d'escroquerie, pour des faits commis au préjudice de Roger C..., décédé depuis ; que cet arrêt les condamnant solidairement à payer aux ayants droit de la victime une certaine somme à titre de dommages-intérêts, M. Y..., après avoir réglé une partie de l'indemnisation, a fait commandement à M. X... de lui en rembourser le tiers ; que ce dernier a assigné MM. Y... et Z... pour faire juger qu'ils étaient les seuls responsables du préjudice subi par les ayants droit de Roger C... ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes, de dire que la charge du paiement de la condamnation prononcée solidairement à leur encontre devait être répartie par parts viriles entre eux soit un tiers chacun, de déclarer M. Y... fondé en son action récursoire et de le condamner à payer à ce dernier une certaine somme, alors, selon le moyen, que les décisions pénales ont l'autorité absolue de chose jugée au civil ; qu'en jugeant qu'il n'y avait pas lieu de mesurer la gravité des fautes des codébiteurs à l'aune des peines respectives de vingt-quatre mois, douze mois et six mois, prononcées à l'encontre de M. Z..., M. Y... et M. X... par l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 3 juillet 2008, parce que ces peines ne tiendraient pas « uniquement compte des faits commis mais également de la personnalité des prévenus et notamment des fonctions qu'ils occupaient », quand cette différenciation des peines, même si elle n'était que partiellement fondée sur la gravité des faits, imposait une différenciation de la charge définitive de la dette civile, la cour d'appel a violé les articles 1213 et 1351 du code civil, dans leur version applicable à la cause ;

Mais attendu que c'est sans méconnaître l'autorité de la chose jugée au pénal que, dans l'exercice de son pouvoir souverain, la cour d'appel a estimé que les fautes commises par chacun des trois condamnés à des peines différentes étaient d'égale importance et qu'il y avait lieu, dans leurs rapports contributifs, de répartir par parts égales la charge de l'indemnisation ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les première, deuxième, quatrième, cinquième, sixième, septième et huitième branches du moyen unique annexé qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Becuwe - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles 1213 et 1351 du code civil, dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

1re Civ., 26 septembre 2018, n° 17-20.143, (P)

Rejet

Appréciation souveraine – Santé publique – Etablissement de santé – Responsabilité du fait d'un défaut d'organisation et de fonctionnement – Perte du dossier médical – Dommage – Réparation – Perte de chance

Sur les moyens réunis du pourvoi principal et du pourvoi incident :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 avril 2017), qu'à la suite d'un accouchement, pratiqué le 26 décembre 2002, dans les locaux de la société Polyclinique du parc Rambot (la polyclinique) par M. X..., gynécologue obstétricien exerçant son activité à titre libéral, Mme Y... a présenté une lésion du périnée, entraînant des incontinences urinaire et anale, consécutive à l'utilisation, pour extraire l'enfant qui présentait des troubles du rythme cardiaque, de spatules de Thierry ; qu'elle a saisi d'une demande d'indemnisation la commission régionale de conciliation et d'indemnisation Provence-Alpes-Côte d'Azur (la CCI) qui a ordonné une expertise ; que, celle-ci ayant mis en évidence la perte du dossier de l'accouchement et du séjour de Mme Y..., la CCI a, par un avis du 28 mai 2009, estimé que la réparation des préjudices incombait à la polyclinique et à son assureur, la société Axa France IARD (l'assureur) ; qu'en raison du refus de ce dernier d'indemniser Mme Y..., l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) s'est substitué à l'assureur et l'a indemnisée ; que, subrogé dans les droits de la patiente en application de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, il a assigné la polyclinique et son assureur en remboursement des sommes versées ;

Attendu que l'ONIAM, d'une part, la polyclinique et son assureur, d'autre part, font grief à l'arrêt de condamner les seconds à rembourser au premier les sommes versées à Mme Y... à hauteur de 75 % au titre de la perte de chance subie par celle-ci d'obtenir la réparation de son préjudice corporel, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en cas de perte par la faute de l'établissement de santé du dossier médical d'un patient ayant subi un accident médical imputable à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins réalisé en son sein, sans lequel ce patient se trouve dans l'impossibilité d'établir si cet acte a été pratiqué dans les règles de l'art, cet établissement doit être considéré comme la « personne responsable » en application de l'article L. 1142- 15, alinéa 4, du code de la santé publique ; qu'eu égard au caractère subsidiaire de la solidarité nationale, cette responsabilité est encourue pour l'intégralité des dommages subis par le patient et pour l'indemnisation desquels l'ONIAM est subrogé dans les droits dudit patient en application des dispositions précitées ; qu'ayant constaté que la perte du dossier médical constituait une faute de la polyclinique dans l'organisation des soins qui engageait sa responsabilité au regard de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, que les dommages subis par la patiente résultaient des actes des soins prodigués au cours de l'accouchement et que la perte dudit dossier empêchait de déterminer si ces soins avaient été conformes aux règles de l'art, la cour d'appel, en ne condamnant l'établissement qu'à l'indemnisation d'une perte de chance pour la patiente d'obtenir réparation de son dommage, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles L. 1142-15 et L. 1142-1 du code de la santé publique dans leurs rédactions applicables ;

2°/ que le recours subrogatoire de l'ONIAM, après qu'il a indemnisé la personne victime d'un accident médical, ne peut être exercé que contre la personne responsable de l'accident ; qu'à cet égard, l'établissement de soins ne répond pas des conséquences des actes pratiqués par un praticien exerçant en son sein à titre libéral ; que, pour condamner la polyclinique et son assureur de responsabilité à rembourser à l'ONIAM la somme de 52 842,85 euros correspondant à 75 % des sommes versées par cet office à Mme Y... en indemnisation des préjudices qui seraient résulté de l'accouchement de cette dernière, pratiqué par M. X..., praticien exerçant à titre libéral au sein de la polyclinique, la cour d'appel a retenu que la perte du dossier médical de Mme Y... constituait une faute de cet établissement et qu'il appartenait à la polyclinique et à son assureur de fournir les éléments permettant de retracer le déroulement précis de l'accouchement et de rapporter la preuve qu'il avait été réalisé dans les règles de l'art, et de l'absence de lien de causalité entre la perte du dossier et la perte de chance subie par la victime d'obtenir la réparation de son préjudice corporel ; qu'en statuant de la sorte, quand la perte du dossier médical de Mme Y..., si elle constituait une faute de la polyclinique, ne pouvait avoir pour effet de substituer la responsabilité de cet établissement à celle de M. X..., praticien libéral sous la responsabilité duquel l'accouchement de Mme Y... avait été effectué, la cour d'appel a violé les articles L. 1142-1 et L. 1142-15 du code de la santé publique ;

Mais attendu, d'abord, que les professionnels de santé et les établissements de santé engagent leur responsabilité en cas de faute, sur le fondement de l'article L. 1142-1, I, alinéa 1, du code de la santé publique ; que, lorsqu'ils exercent leur activité à titre libéral, les premiers répondent personnellement des fautes qu'ils ont commises ; que les seconds engagent leur responsabilité en cas de perte d'un dossier médical dont la conservation leur incombe ; qu'une telle perte, qui caractérise un défaut d'organisation et de fonctionnement, place le patient ou ses ayants droit dans l'impossibilité d'accéder aux informations de santé concernant celui-ci et, le cas échéant, d'établir l'existence d'une faute dans sa prise en charge ; que, dès lors, elle conduit à inverser la charge de la preuve et à imposer à l'établissement de santé de démontrer que les soins prodigués ont été appropriés ;

Attendu, ensuite, que, lorsque l'établissement de santé n'a pas rapporté une telle preuve et que se trouve en cause un acte accompli par un praticien exerçant à titre libéral, la faute imputable à cet établissement fait perdre au patient la chance de prouver que la faute du praticien est à l'origine de l'entier dommage corporel subi ; que cette perte de chance est souverainement évaluée par les juges du fond ;

Attendu, enfin, qu'à la suite de l'avis d'une CCI concluant à la responsabilité d'un établissement de santé, du refus de l'assureur de ce dernier de procéder à une offre d'indemnisation et de la substitution à cet assureur de l'ONIAM, ce dernier se trouve, selon l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, subrogé dans les droits de la victime, à concurrence des sommes qu'il lui a versées dans le cadre d'une transaction, contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur ; que l'ONIAM peut ainsi exercer une action à leur encontre au titre de la responsabilité consécutive à la perte du dossier médical d'un patient et à l'absence de preuve que les soins prodigués à celui-ci ont été appropriés ; que le juge détermine alors, sans être lié par l'avis de la commission ni par le contenu de la transaction, si la responsabilité de l'établissement de santé est engagée et, dans l'affirmative, évalue les préjudices consécutifs à la faute commise, afin de fixer le montant des indemnités dues à l'ONIAM ;

Et attendu qu'ayant relevé que la polyclinique avait perdu le dossier médical de Mme Y... et n'était pas en mesure d'apporter la preuve qu'aucune faute n'avait été commise lors de l'accouchement, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que l'ONIAM était fondé à exercer un recours subrogatoire à l'encontre de cet établissement de santé et de l'assureur ; que, compte tenu des conditions d'exercice du praticien dont les actes étaient critiqués, elle a justement énoncé que la faute imputable à la polyclinique avait fait perdre à l'intéressée la chance d'obtenir la réparation de son dommage corporel qu'elle a souverainement évaluée à hauteur de 75 % des préjudices en résultant ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Duval-Arnould - Avocat général : M. Sudre - Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Articles L. 1142-1, I, et L. 1142-15 du code de la santé publique.

1re Civ., 26 septembre 2018, n° 17-16.089, (P)

Cassation partielle

Office du juge – Etendue – Obligation de trancher le litige conformément aux règles de droit applicables – Article 16 du code civil – Détermination – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'association Fonds régional d'art contemporain de Lorraine (le FRAC) a organisé, dans ses locaux, une exposition intitulée « You are my mirror 1 ;

L'infamille », à l'occasion de laquelle a été présentée une oeuvre de M. Y..., constituée de plusieurs lettres rédigées en ces termes :

« Les enfants, nous allons vous enfermer, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard Papa et Maman.

Les enfants, nous allons faire de vous nos esclaves, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman.

Les enfants, nous allons vous faire bouffer votre merde, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard Papa et Maman.

Les enfants, nous allons vous sodomiser, et vous crucifier, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman.

Les enfants, nous allons vous arracher les yeux, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman.

Les enfants, nous allons vous couper la tête, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman.

Les enfants, nous vous observons, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman.

Les enfants, nous allons vous tuer par surprise, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman.

Les enfants, nous allons vous empoisonner, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman.

Les enfants, vous crèverez d'étouffement, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman.

Les enfants, nous allons égorger vos chiens, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman.

Les enfants, nous allons vous découper et vous bouffer, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman.

Les enfants, nous allons faire de vous nos putes, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman.

Les enfants, nous allons vous violer, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman.

Les enfants, nous allons vous arracher les dents, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman.

Les enfants, nous allons vous défoncer le crâne à coups de marteau, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman.

Les enfants, nous allons vous coudre le sexe, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman.

Les enfants, nous allons vous pisser sur la gueule, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman.

Les enfants, nous allons vous enterrer vivants, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman.

Nous allons baiser vos enfants et les exterminer, nous introduire chez vous, vous séquestrer, vous arracher la langue, vous chier dans la bouche, vous dépouiller, vous brûler vos maisons, tuer toute votre famille, vous égorger, filmer notre mort. » ;

que, soutenant que la représentation de cette oeuvre, accessible à tous, était constitutive de l'infraction prévue et réprimée par l'article 227-24 du code pénal, l'Association générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française et chrétienne (l'AGRIF) a signalé ces faits au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Metz, qui a décidé d'un classement sans suite ; qu'invoquant l'atteinte portée à la dignité de la personne humaine, garantie par l'article 16 du code civil, elle a assigné le FRAC, sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240 du même code, pour obtenir réparation du préjudice résultant de l'atteinte portée aux intérêts collectifs qu'elle a pour objet de défendre ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, et sur le second moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés :

Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur la deuxième branche du second moyen :

Vu l'article 16 du code civil, ensemble l'article 12, alinéa 1, du code de procédure civile ;

Attendu que, pour rejeter la demande indemnitaire de l'AGRIF, après avoir relevé que ladite association soutient qu'indépendamment de toute incrimination pénale, l'organisation de l'exposition au cours de laquelle a été présentée l'oeuvre litigieuse, qui porte atteinte à la dignité de la femme et au respect de l'enfant, est constitutive d'une faute civile, l'arrêt retient que l'argumentation présentée par l'AGRIF ne fait référence utile à aucun texte de loi qu'aurait pu enfreindre le FRAC en exposant les écrits litigieux, dès lors que l'article 16 du code civil n'a pas valeur normative et ne fait que renvoyer au législateur l'application des principes qu'il énonce ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le principe du respect de la dignité de la personne humaine édicté par l'article 16 du code civil est un principe à valeur constitutionnelle dont il incombe au juge de faire application pour trancher le litige qui lui est soumis, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevable l'action civile de l'Association générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française et chrétienne relative aux faits délictueux prévus à l'article 227-24 du code pénal, l'arrêt rendu le 19 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Canas - Avocat général : M. Sudre - Avocat(s) : SCP Le Griel ; SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Article 16 du code civil ; article 12 du code de procédure civile.

2e Civ., 13 septembre 2018, n° 17-14.171, (P)

Cassation

Premier président – Excès de pouvoir – Cas – Premier président statuant au fond après avoir déclaré le recours irrecevable

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel et les productions, que M. X... a confié la défense de ses intérêts à la SCP Arcole (l'avocat) dans un litige l'opposant à un établissement de crédit ; que l'avocat a saisi le bâtonnier de son ordre d'une demande de fixation de ses honoraires ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :

Vu les articles 640 et 680 du code de procédure civile, ensemble l'article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;

Attendu que pour déclarer irrecevable le recours formé par M. X... contre la décision du bâtonnier fixant les honoraires de l'avocat, l'ordonnance affirme à juste titre que le délai imparti à cet effet ne court qu'à compter de la signification de cette décision par acte d'huissier de justice dès lors que l'avis de réception de la lettre recommandée du 24 février 2015 qui avait été adressée à M. X... a été retourné avec la mention « avisé non réclamé », puis retient qu'il résulte des pièces remises à l'audience par M. X... que la première signification de la décision du bâtonnier a été effectuée le 8 décembre 2015 « avec l'ordonnance du 27 mai 2015 » du président du tribunal de grande instance ayant rendu exécutoire cette décision, ce dont elle déduit que le recours exercé par M. X... par lettre recommandée du 27 janvier 2016 est irrecevable ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, lorsque l'avis de réception de la lettre recommandée adressée pour assurer la notification de la décision du bâtonnier statuant en matière d'honoraires n'a pas été signé par le destinataire ou une personne munie d'un pouvoir à cet effet, le délai de recours d'un mois prévu par l'article 176 du décret du 27 novembre 1991 ne commence à courir qu'à compter d'une signification de la décision du bâtonnier, laquelle ne se confond pas avec la signification de l'ordonnance du président du tribunal de grande instance rendant exécutoire cette décision, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article 122 du code de procédure civile ;

Attendu qu'en conséquence de l'irrecevabilité du recours qu'elle retient, l'ordonnance déclare confirmer la décision du bâtonnier du 24 février 2015 ;

Qu'en statuant ainsi, le premier président, qui a excédé ses pouvoirs en statuant au fond après avoir déclaré irrecevable le recours de M. X..., a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la dernière branche du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 27 avril 2016, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Bourges.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Gelbard-Le Dauphin - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Le Bret-Desaché -

Textes visés :

Articles 640 et 680 du code de procédure civile ; article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ; article 122 du code de procédure civile.

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