Numéro 9 - Septembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2018

ETRANGER

1re Civ., 19 septembre 2018, n° 17-26.409, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Mesures d'éloignement – Assignation à résidence – Exécution de la mesure d'éloignement – Obstruction volontaire – Caractérisation – Cas – Non-respect d'une obligation de se présenter au commissariat

Le non-respect d'une obligation de se présenter au commissariat caractérise une obstruction volontaire à la mesure d'éloignement au sens de l'article L. 561-2, II, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018.

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 561-2, II, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 ;

Attendu qu'en cas d'impossibilité d'exécution d'office de la mesure d'éloignement résultant de l'obstruction volontaire de l'étranger assigné à résidence, l'autorité administrative peut demander au juge des libertés et de la détention de l'autoriser à requérir les services de police ou les unités de gendarmerie pour qu'ils visitent le domicile de l'étranger afin de s'assurer de sa présence et de le reconduire à la frontière ou, si le départ n'est pas possible immédiatement, de lui notifier une décision de placement en rétention ; que le juge s'assure du caractère exécutoire de la décision d'éloignement que la mesure vise à exécuter et de l'obstruction volontaire de l'étranger à ladite exécution, dûment constatée par l'autorité administrative, résultant notamment de l'absence de réponse de l'étranger à sa demande de présentation pour les nécessités de son exécution ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que par deux décisions du 16 juin 2017, le préfet a fait obligation à M. X... de quitter sans délai le territoire français et l'a assigné à résidence sur le fondement de l'article L. 561-2 du CESEDA en lui faisant obligation de se présenter trois fois par semaine au commissariat de police de Bourgoin-Jallieu ; qu'au visa d'un procès-verbal de carence du 28 juin 2017 établissant que l'intéressé n'avait jamais respecté cette obligation, le préfet a demandé au juge des libertés et de la détention de l'autoriser à requérir les services de police pour qu'ils visitent son domicile et lui notifient une décision de placement en rétention ;

Attendu que, pour rejeter cette demande, l'ordonnance retient que le non-respect par M. X... de son obligation de se présenter trois fois par semaine au commissariat ne caractérise pas une obstruction volontaire à la mesure d'éloignement ;

Qu'en statuant ainsi, le premier président, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare l'appel recevable, l'ordonnance rendue le 26 juillet 2017, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Grenoble ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Gargoullaud - Avocat général : Mme Caron-Deglise - Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois -

Textes visés :

Article L. 561-2, II, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018.

1re Civ., 19 septembre 2018, n° 17-23.695, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Mesures d'éloignement – Assignation à résidence – Visite domiciliaire – Exercice – Conditions – Non-expiration du délai de l'assignation à résidence

La visite domiciliaire prévue à l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut s'exercer à l'égard de l'étranger qui n'était plus assigné à résidence à la date de la demande du préfet.

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 ;

Attendu que, selon le II de ce texte, en cas d'impossibilité d'exécution d'office de la mesure d'éloignement résultant de l'obstruction volontaire de l'étranger assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable une fois, l'autorité administrative peut demander au juge des libertés et de la détention de l'autoriser à requérir les services de police ou les unités de gendarmerie pour qu'ils visitent le domicile de l'étranger ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que, le 25 mai 2016, le préfet a pris à l'égard de M. X..., de nationalité congolaise, en situation irrégulière en France, une décision portant obligation de quitter le territoire national et, le 18 octobre, une décision d'assignation à résidence, pour une durée de quarante-cinq jours, avec obligation de se présenter à un service de police tous les cinq jours ouvrables ; que, le 30 janvier 2017, il a demandé au juge des libertés et de la détention de l'autoriser à requérir les services de police ou de gendarmerie pour qu'ils visitent le domicile de M. X..., en application des dispositions de l'article L. 561-2, II, du CESEDA, au motif que celui-ci n'avait pas respecté les prescriptions liées à son assignation à résidence ;

Attendu que, pour accueillir la demande, l'ordonnance retient que M. X... a opposé une obstruction volontaire à son éloignement, dans la mesure où il n'a entrepris aucune démarche utile pour sa mise en oeuvre, de sorte que les conditions légales de l'autorisation étaient réunies à la date de la requête du préfet et de l'ordonnance du juge ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations qu'à la date de la demande du préfet, M. X... n'était plus assigné à résidence, le premier président a violé le texte susvisé ;

Vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle confirme l'autorisation de visite domiciliaire, l'ordonnance rendue le 2 février 2017, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Bordeaux ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Gargoullaud - Avocat général : Mme Caron-Deglise - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018.

1re Civ., 5 septembre 2018, n° 17-22.507, (P)

Rejet

Mesures d'éloignement – Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire – Procédure – Validité du contrôle d'identité – Succession ininterrompue de réquisitions de contrôles d'identité – Définition – Exclusion – Cas – Réquisitions de contrôles d'identité pour des durées limitées et espacées entre elles de plus de vingt-quatre heures

Des réquisitions de contrôles d'identité diligentées par le procureur de la République pour des périodes limitées, de huit à douze heures, et espacées entre elles de plus de vingt-quatre heures, ne constituent pas une succession ininterrompue de réquisitions de contrôles d'identité dans les mêmes lieux qui caractériserait un contrôle unique généralisé dans le temps et dans l'espace, contraire à la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2016-606/607 du 24 janvier 2017.

Mesures d'éloignement – Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire – Placement en rétention – Information du procureur de la République – Dès le début de la retenue – Définition – A compter de la présentation des personnes interpellées à l'officier de police judiciaire

L'information du procureur de la République vingt-sept minutes après la notification des droits en retenue est intervenue dès le début de la retenue au sens de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 13 février 2017), et les pièces de la procédure, que M. X..., de nationalité tunisienne, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en retenue à la suite d'un contrôle d'identité effectué dans le 18e arrondissement de Paris, le 9 février 2017 à 14 heures 20, en exécution de réquisitions du procureur de la République, prises sur le fondement de l'article 78-2, alinéa 7, du code de procédure pénale ; qu'à 15 heures 16, il a été présenté à l'officier de police judiciaire, qui lui a notifié ses droits en retenue et a avisé le procureur de la République à 15 heures 43 ; que, le même jour, le préfet a pris à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français et une décision de placement en rétention administrative ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que M. X... fait grief à l'ordonnance de prolonger cette mesure, alors, selon le moyen, que, selon l'article 78-2, alinéa 6, (devenu alinéa 7) du code de procédure pénale, « sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d'infractions qu'il précise, l'identité de toute personne peut être également contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat.

Le fait que le contrôle d'identité révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes » ; qu'il ressort de ces dispositions que les réquisitions du procureur de la République « ne peuvent viser que des lieux et des périodes de temps déterminé » et que ces dispositions ne sauraient, sans porter atteinte à la liberté d'aller et de venir, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, « autoriser, en particulier par un cumul de réquisitions portant sur des lieux ou des périodes différents, la pratique de contrôles d'identité généralisés dans le temps ou dans l'espace » (Conseil constitutionnel, décision 2016-606/607 QPC du 24 janvier 2017) ; qu'un cumul de réquisitions, portant sur des lieux et périodes de temps différents, incluant systématiquement un même secteur, caractérise une pratique de contrôle d'identité généralisée sur ledit secteur ; que le magistrat délégué, qui constate que des réquisitions ont autorisé, pour les 21, 26, 28, 30 et 31 janvier 2017 puis les 2, 6 et 9 février 2017, des contrôles d'identité dans un même secteur, n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ces constatations, violant de la liberté d'aller et venir et les textes précités ;

Mais attendu que, si la succession ininterrompue de réquisitions de contrôles d'identité dans les mêmes lieux peut caractériser un contrôle unique généralisé dans le temps et dans l'espace, contraire à la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2016-606/607 du 24 janvier 2017, selon laquelle les dispositions de ce texte ne sauraient, sans méconnaître la liberté d'aller et de venir, autoriser le procureur de la République à requérir de tels contrôles d'identité, tel n'est pas le cas d'autorisations données pour des périodes limitées de huit à douze heures, qui sont espacées entre elles de plus de vingt-quatre heures ; qu'ayant constaté que les réquisitions autorisaient un contrôle isolé, le 9 février 2017, de 12 heures à 20 heures et que la précédente réquisition prévoyait un contrôle le 6 février, le premier président en a exactement déduit que la réquisition litigieuse ne s'inscrivait pas dans un contrôle unique généralisé dans le temps et dans l'espace ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les autres branches du même moyen, ci-après annexé :

Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches réunies :

Attendu que M. X... fait le même grief à l'ordonnance, alors, selon le moyen :

1°/ que, selon l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le procureur de la République est informé dès le début de la retenue de l'étranger qui n'est pas en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France ; que tout retard dans l'information donnée à ce magistrat, non justifié par des circonstances insurmontables, est de nature à porter atteinte aux droits de la personne concernée ; qu'en ne considérant pas comme tardive l'information donnée au procureur de la République une heure et vingt-trois minutes après le début du contrôle, moment où l'officier de police judiciaire s'est assuré de la personne de l'intéressé et où celui-ci a été privé de liberté délai non justifié par des circonstances insurmontables auxquelles auraient été confrontés les fonctionnaires de police, le magistrat délégué a méconnu les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

2°/ que tout retard dans la mise en oeuvre de l'information du parquet prévue à l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non justifié par des circonstances insurmontables, fait nécessairement grief aux intérêts de la personne retenue ; que le magistrat délégué a méconnu le texte précité, ensemble l'article L. 552-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Mais attendu que le début de la retenue, au sens de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ses dispositions relatives à l'information du procureur de la République, s'entend de la présentation de l'intéressé à l'officier de police judiciaire ; qu'ayant relevé que M. X... avait été interpellé à 14 heures 20, le procès-verbal de notification des droits en retenue établi par l'officier de police judiciaire à 15 heures 16, et le procureur de la République informé à 15 heures 43, soit vingt-sept minutes plus tard, le premier président a pu en déduire que l'information de ce magistrat avait eu lieu dès le début de la retenue ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Gargoullaud - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois -

Textes visés :

Article 78-2 du code de procédure pénale ; article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Rapprochement(s) :

Sur la définition de la succession ininterrompue de réquisitions de contrôles d'identité, à rapprocher : 1re Civ., 14 mars 2018, pourvoi n° 17-14.424, Bull. 2018, I, n° 47 (cassation sans renvoi). Sur le délai d'information du procureur de la République de la mise en oeuvre de la retenue, dans le même sens que : 1re Civ., 7 février 2018, pourvoi n° 16-24.824, Bull. 2018, I, n° 21 (1) (rejet).

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.