Numéro 9 - Septembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2018

CONVENTIONS INTERNATIONALES

1re Civ., 5 septembre 2018, n° 17-50.028, (P)

Cassation partielle

Accords et conventions divers – Accord de coopération en matière de justice du 21 février 1974 entre la France et le Cameroun – Article 19, 1° – Délivrance des actes d'état civil sans frais – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Modalité de vérification de l'authenticité des actes d'état civil

L'article 19, 1°, de l'accord de coopération en matière de justice entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République unie du Cameroun du 21 février 1974 ne détermine que les modalités de délivrance réciproque, sans frais, des actes d'état civil détenus par chaque Etat contractant, et n'a pas vocation à régir les modalités des vérifications par les autorités consulaires françaises de l'authenticité des actes d'état civil des Français dressés au Cameroun, lesquelles s'effectuent en accord avec les autorités locales, selon les prescriptions de la loi camerounaise et les usages en vigueur dans le pays.

Viole ce texte et l'article 9 du code de procédure civile l'arrêt qui, pour accueillir une demande de transcription sur les registres de l'état civil français d'un acte de naissance camerounais, écarte, sans examen de leur valeur et de leur portée, les vérifications effectuées par les autorités consulaires françaises auprès d'une maternité camerounaise versées aux débats par le ministère public, alors qu'il résultait de ses propres constatations que ces pièces, recueillies dans des conditions excluant toute atteinte à la souveraineté de l'Etat requis, étaient légalement admissibles.

Sur le moyen unique :

Vu l'article 9 du code de procédure civile, ensemble l'article 19, 1°, de l'accord de coopération en matière de justice entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République unie du Cameroun du 21 février 1974 ;

Attendu, selon le premier de ces textes, qu'il incombe au juge d'examiner tous les éléments de preuve légalement admissibles qui lui sont soumis par une partie au soutien de sa prétention ; que le second, qui ne détermine que les modalités de délivrance réciproque, sans frais, des actes d'état civil détenus par chaque Etat contractant, n'a pas vocation à régir les modalités des vérifications par les autorités consulaires françaises de l'authenticité des actes d'état civil des Français dressés au Cameroun, lesquelles s'effectuent en accord avec les autorités locales, selon les prescriptions de la loi étrangère et les usages en vigueur dans le pays ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... a sollicité la transcription sur les registres de l'état civil français de l'acte de naissance n° 4922/99, dressé le 9 mars 1999, par l'officier d'état civil de Nylon-Bassa, Douala (Cameroun), sur la déclaration de naissance n° 109 bis/99 du centre de santé [...], selon lequel Ismaël X... est né, le [...], d'Elisabeth Y..., née le [...] à Douala (Cameroun), sans mention d'une filiation paternelle, reconnu à Stains (93) le 8 décembre 2003 par André B..., né le [...] à Brazzaville (Congo), français pour avoir acquis la nationalité française par déclaration souscrite en application de l'article 21-2 du code civil ; que sa demande ayant été rejetée, elle a assigné le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes et l'agent judiciaire de l'Etat aux fins de transcription et indemnisation de son préjudice ;

Attendu que, pour accueillir la demande, l'arrêt retient que le ministère public qui a la charge de la preuve du caractère apocryphe de l'acte de naissance ne peut faire état des vérifications effectuées par les autorités consulaires françaises auprès du centre médical [...], dès lors que l'accord franco-camerounais autorise seulement la délivrance à l'autorité consulaire française des expéditions des actes de l'état civil dressés par les autorités locales camerounaises, ce qui ne permet pas des investigations auprès des maternités, lesquelles seraient de nature à porter atteinte à la souveraineté de l'Etat camerounais ;

Qu'en statuant ainsi, en écartant des débats, sans examen de leur valeur et de leur portée, des éléments légalement admissibles, alors qu'elle ne relevait aucune opposition des autorités locales compétentes au contrôle du registre des déclarations de naissance qu'elles détenaient, qu'elles ont présenté et dont elles ont remis une photocopie du feuillet du jour de naissance considéré, ce qui excluait toute atteinte à la souveraineté de l'Etat requis, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu'il y a lieu de mettre hors de cause, sur sa demande, l'Agent judiciaire de l'Etat dont la présence devant la cour d'appel de renvoi n'est pas nécessaire à la solution du litige ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les vérifications menées par les autorités consulaires au centre médical [...] au Cameroun, écarte des débats la lettre du 20 juillet 2009 du Consul général de France à Douala (Cameroun) et ordonne la transcription, dans les registres du centre d'état civil de Nylon-Bassa à Douala, de l'acte de naissance de M. Ismael X... né le [...] à Douala, condamne le Trésor public à payer à Mme Y..., ès qualités, une somme de 2 000 euros et à M. Ismaël X... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 12 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Met hors de cause l'Agent judiciaire de l'Etat.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Acquaviva - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Sevaux et Mathonnet -

Textes visés :

Article 19, 1°, de l'accord de coopération en matière de justice entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République unie du Cameroun du 21 février 1974 ; article 9 du code de procédure civile.

1re Civ., 5 septembre 2018, n° 17-26.010, (P)

Rejet

Convention de Washington du 26 octobre 1973 portant loi uniforme sur la forme d'un testament international – Loi uniforme annexée – Signature du testateur – Modalités – Signature en présence d'une personne habilitée à instrumenter et de deux témoins – Equivalence des conditions en droit interne – Signature en présence de deux notaires

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 29 juin 2017), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 4 janvier 2017, pourvoi n° 16-10.134), que Paul X... est décédé le [...], en l'état d'un testament authentique du 14 juin 2007 consentant divers legs particuliers à plusieurs personnes, dont deux de ses neveux, Jean X... et M. Claude X..., l'association diocésaine de Toulouse et le vicaire général du diocèse de cette ville ; que, contestant la régularité de ce testament, Jean X... et M. X... ont assigné les différents légataires en nullité de celui-ci ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses première, deuxième, cinquième, sixième et septième branches et le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexés :

Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses troisième et quatrième branches, réunies :

Attendu que M. X... et Mmes Y..., A... et B... X..., venant aux droits de leur père, Jean X..., font grief à l'arrêt de dire que le testament du 14 juin 2007, déclaré faux et annulé en tant que testament authentique pour non-respect de la formalité de dictée exigée à l'article 972 du code civil, est valable en tant que testament international, et d'ordonner en conséquence la délivrance du legs consenti à l'association diocésaine de Toulouse, ainsi que des fruits et revenus produits par lui depuis le décès de Paul X..., alors, selon le moyen :

1°/ que l'annulation d'un testament authentique pour non-respect des dispositions des articles 971 à 975 du code civil ne fait pas obstacle à la validité de l'acte en tant que testament international dès lors que les formalités de la Loi uniforme sur la forme d'un testament international annexée à la Convention de Washington du 26 octobre 1973 ont été accomplies ; que les articles 4 et 5 de cette Loi uniforme prescrivent, à peine de nullité de l'acte en vertu de son article 1er, que le testateur déclare en présence de deux témoins et d'une personne habilitée à instrumenter à cet effet en France que le document est son testament, qu'il en connaît le contenu et qu'il le signe en présence des témoins et du notaire ou s'il l'a déjà fait, reconnaît et confirme sa signature ; qu'en jugeant, pour retenir que le testament authentique du 14 juin 2007 déclaré nul valait comme testament international, que les deux témoins pouvaient être palliés par un notaire, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 de la Loi uniforme sur la forme d'un testament international annexée à la Convention de Washington du 26 octobre 1973, ensemble l'article 1er de la Loi uniforme sur la forme d'un testament international annexée à la Convention de Washington du 26 octobre 1973 ;

2°/ que l'article V de la Convention portant Loi uniforme sur la forme du testament international, disposant que les conditions requises pour être témoin d'un testament international sont régies par la loi en vertu de laquelle la personne habilitée a été désignée, ne peut pas signifier, en contradiction avec les articles 1er, 4 et 5 de la Loi uniforme, qu'un testament international est valable lorsqu'il est reçu par deux notaires, nonobstant l'absence de deux témoins ; qu'en jugeant que la présence d'un second notaire équivalait à celle des deux témoins requis par la Loi uniforme sur la forme d'un testament international au regard de l'article V de la Convention, la cour d'appel a violé l'article V de la Convention portant Loi uniforme sur la forme du testament international, ensemble les articles 1er, 4 et 5 de la Loi uniforme sur la forme d'un testament international annexée à la Convention de Washington du 26 octobre 1973 ;

Mais attendu qu'après avoir exactement énoncé que l'annulation d'un testament authentique pour non-respect des dispositions des articles 971 à 975 du code civil ne fait pas obstacle à la validité de l'acte en tant que testament international, dès lors que les formalités prescrites par la Convention de Washington du 26 octobre 1973 ont été accomplies, l'arrêt retient, à bon droit, que l'obligation faite au testateur de déclarer sa volonté et de signer le testament en présence de deux témoins et d'une personne habilitée à instrumenter à cet effet, en l'occurrence, sur le territoire de la République française, un notaire, est satisfaite en ce que ces formalités ont été accomplies en présence de deux notaires, par équivalence des conditions prévue en droit interne à l'article 971 du code civil ; qu'ayant constaté que toutes les conditions prévues par la loi uniforme sur la forme d'un testament international avaient été remplies à l'occasion de l'établissement du testament reçu le 14 juin 2007, la cour d'appel en a justement déduit que cet acte, déclaré nul en tant que testament authentique, était valable en tant que testament international ; que le moyen, qui, en sa seconde branche, critique un motif surabondant, n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Auroy - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Odent et Poulet ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles 1, 4 et 5 de la loi uniforme sur la forme d'un testament international annexée à la Convention de Washington du 26 octobre 1973 ; articles 971 à 975 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 25 novembre 2015, pourvoi n° 14-21.287, Bull. 2015, I, n° 300 (cassation partielle), et les arrêts cités.

2e Civ., 20 septembre 2018, n° 17-13.639, (P)

Cassation

Principes généraux – Autorité des conventions – Autorité supérieure à la loi – Application

Selon l'article XXXI de l'Accord entre la France et le Canada sur la sécurité sociale, publié par le décret n° 81-353 du 8 avril 1981, les autorités compétentes françaises et les autorités compétentes des provinces du Canada pourront conclure des ententes portant sur toute législation de sécurité sociale relevant de la compétence provinciale, pour autant que ces ententes ne soient pas contraires aux dispositions de l'Accord.

Dès lors, les stipulations d'une telle entente l'emportent, par l'effet de l'article 55 de la Constitution, sur l'application des dispositions de l'article L. 512-2, alinéas 2 à 4, du code de la sécurité sociale.

Accords et conventions divers – Accord entre la France et le Canada sur la sécurité sociale – Applicabilité directe – Portée

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 2, § 1, A, f, 3, 4 et 47 de l'entente en matière de sécurité sociale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Québec, publiée par le décret n° 2007-215 du 19 février 2007, et l'article XXXI de l'Accord entre la France et le Canada sur la sécurité sociale, publié par le décret n° 81-353 du 8 avril 1981, ensemble l'article 55 de la Constitution ;

Attendu qu'il résulte de la combinaison des quatre premiers de ces textes que les personnes qui, exerçant une activité salariée ou non salariée et ayant été soumises à la législation de sécurité sociale du Québec ou ayant acquis des droits du chef de celle-ci, bénéficient, dès lors qu'elles résident légalement sur le territoire français, des prestations familiales prévues par la législation française pour leurs enfants à charge qui les accompagnent sur le territoire français ; que, selon l'avant-dernier de ces textes, alors applicable, les autorités compétentes françaises et les autorités compétentes des provinces du Canada pourront conclure des ententes portant sur toute législation de sécurité sociale relevant de la compétence provinciale, pour autant que ces ententes ne soient pas contraires aux dispositions de celui-ci ; que, dès lors, les stipulations des premiers l'emportent, par l'effet du dernier de ces textes, sur l'application des dispositions de l'article L. 512-2, alinéas 2 à 4, du code de la sécurité sociale ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. X..., de nationalité canadienne et résidant antérieurement au Québec, est entré en France le 9 août 2013 et a obtenu un titre de séjour pour l'exercice d'une activité salariée ; qu'entrés le même jour en France, son épouse et leurs quatre enfants ont été munis de documents en qualité de visiteurs ; que M. X... a sollicité auprès de la caisse d'allocations familiales des Bouches-du-Rhône (la caisse) le bénéfice des allocations familiales, que celle-ci lui a refusé au motif qu'il ne produisait pas pour chacun de ses enfants le certificat médical délivré par l'office français de l'immigration et de l'intégration ; que M. X... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que pour rejeter son recours, l'arrêt relève que les articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale imposent que les conditions d'ouverture des droits aux prestations familiales en faveur de mineurs étrangers à charge d'allocataires étrangers soient soumises à la production soit d'un certificat de contrôle médical pour chaque enfant concerné, soit d'une attestation délivrée par l'autorité préfectorale précisant que l'enfant est entré en France au plus tard en même temps que l'un de ses parents admis au séjour, à savoir dans le cadre d'une procédure de regroupement familial ; que la caisse fait ressortir que ces conditions ne sont pas remplies en l'espèce ; que de façon non contestée par les parties, M. X... n'a pas envoyé de certificat médical et que le présent litige s'inscrit hors procédure de regroupement familial ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il constatait que les enfants de M. X... étaient entrés régulièrement sur le territoire français, de sorte qu'ils ouvraient droit au bénéfice des prestations familiales en vertu du principe de l'égalité de traitement institué par l'entente franco-québécoise en matière de sécurité sociale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y a lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Moreau - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Article 55 de la Constitution ; article XXXI de l'Accord entre la France et le Canada sur la sécurité sociale, publié par le décret n° 81-353 du 8 avril 1981 ; articles 2, § 1, A, f, 3, 4 et 47 de l'entente en matière de sécurité sociale entre la République française et le gouvernement du Québec, publiée par le décret n° 2007-215 du 19 février 2007.

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