Numéro 9 - Septembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2018

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES

1re Civ., 19 septembre 2018, n° 16-20.164, (P)

Cassation

Exécution – Manquement – Effets à l'égard des tiers – Existence d'un dommage – Réparation – Condition

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 9 décembre 2010, l'association le Foyer de la solidarité a adhéré, par l'intermédiaire de la société GLS l'assurances, courtier (le courtier), à la garantie de remboursement des frais médicaux proposée par la société Mutuelle mieux-être (la mutuelle) ; que celle-ci a résilié le contrat à effet du 31 décembre 2011 ; que, reprochant au courtier de lui avoir intentionnellement transmis des informations erronées sur la nature de la population à assurer et le risque pour la conduire à accepter l'adhésion, la mutuelle l'a assigné en indemnisation ; que la société Markel International Limited, assureur responsabilité de celui-ci, est intervenue volontairement à l'instance ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que la mutuelle fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen, que la victime d'un dol peut rechercher la responsabilité délictuelle de son auteur ; qu'en l'espèce, elle faisait valoir dans ses conclusions que le comportement dolosif du courtier était établi par l'envoi par celui-ci, d'une part, d'une « liste du personnel », d'autre part, de deux demandes de devis, présentant les membres de l'association comme des salariés ; que la cour d'appel a constaté que le courtier lui avait transmis « une liste du personnel » qui ne mentionnait pas des salariés, mais des membres de l'association souscriptrice, qui ne pouvaient pas bénéficier de la garantie santé litigieuse ; qu'en jugeant néanmoins que le courtier n'avait pas commis de faute, sans rechercher, alors qu'elle y était invitée, si le fait de transmettre un document intitulé « liste du personnel », ainsi que deux demandes de devis, présentant faussement les membres de l'association souscriptrice comme des salariés, n'était pas de nature à caractériser des manoeuvres dolosives de celui-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'ambiguïté de l'article 4 des statuts de la mutuelle quant aux bénéficiaires de ses prestations de santé avait pu générer une méprise chez le courtier, ce dont il résultait que les manoeuvres dolosives reprochées à ce dernier n'étaient pas caractérisées, faute d'élément intentionnel, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Mais sur la troisième branche du moyen :

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

Attendu que, pour rejeter les demandes de la mutuelle, l'arrêt retient qu'il ne saurait être déduit de ce que la société GLS l'assurances est un courtier professionnel qu'elle serait de ce seul fait tenue à l'égard de quelqu'un qui n'est pas son mandant, en l'espèce une société d'assurances, à une obligation de vérifier les conditions nécessaires pour adhérer aux produits proposés par celle-ci ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, en proposant à son client, pour assurer ses membres, d'adhérer à une garantie de remboursement de frais de santé complémentaire qui ne pouvait bénéficier qu'à des salariés, le courtier n'avait pas commis un manquement contractuel dont la mutuelle, tiers au contrat, pouvait se prévaloir sur le fondement de la responsabilité délictuelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Reygner - Avocat général : Mme Caron-Deglise - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Le Bret-Desaché -

Textes visés :

Article 1382, devenu 1240 du code civil.

Rapprochement(s) :

Dans le même sens que : Ass. plén., 6 octobre 2006, pourvoi n° 05-13.255, Bull. 2006, Ass. plén., n° 9 (rejet).

1re Civ., 19 septembre 2018, n° 17-24.347, (P)

Cassation

Loi nouvelle – Ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 – Application dans le temps – Détermination – Portée

Attendu, selon le jugement attaqué et les productions, que, le 18 juin 2013, Mme X... a fait l'acquisition d'un climatisateur auprès de la Société méditerranéenne d'applications thermiques et de conditionnement (la SMATEC), laquelle a procédé à son installation à l'intérieur et à l'extérieur de son domicile ; qu'elle a souscrit le lendemain avec cette même société un contrat de maintenance d'une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction ; que la SMATEC a, par lettre du 15 mai 2015, fait savoir à Mme X... qu'elle ne renouvellerait pas le contrat ; que cette dernière l'a assignée pour obtenir le remboursement des frais de déplacement de l'unité extérieure et la réparation du préjudice résultant de la rupture abusive du contrat de maintenance ;

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Attendu que ce grief n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur la première branche du moyen :

Vu l'article 9 de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu que, selon ce texte, les dispositions de cette ordonnance sont entrées en vigueur le 1er octobre 2016 et les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne ;

Attendu que, pour rejeter les demandes, après avoir énoncé qu'en application des dispositions de l'article 1186 du code civil, le contrat devient caduc si l'un de ses éléments essentiels disparaît, le jugement retient que si, lorsque le contrat d'entretien a été souscrit, l'accès au groupe extérieur était possible, la modification de la situation de l'immeuble rend depuis l'entretien impossible, de sorte que la demande de Mme X... est sans objet ;

Qu'en faisant ainsi application de l'article 1186 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 à un contrat dont il ressortait de ses propres constatations qu'il avait été conclu avant le 1er octobre 2016, la juridiction de proximité a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 30 juin 2017, entre les parties, par la juridiction de proximité de Marseille ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance d'Aubagne.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Vigneau - Avocat général : Mme Caron-Deglise - Avocat(s) : Me Haas ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 9 de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Com., 26 septembre 2018, n° 16-25.937, (P)

Cassation partielle

Nullité – Nullité absolue – Validité soumise à des formes prévues par la loi – Réitération – Nécessité – Conclusion d'un nouveau contrat dans les formes requises

L'acte nul de nullité absolue ne pouvant être rétroactivement confirmé, les parties désirant contracter après la disparition de la cause de cette nullité sont tenues, lorsque la validité de leur convention est soumise à des formes prévues par la loi, de conclure un nouveau contrat, dans les formes ainsi requises, qui produit ses effets à compter de sa formation.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 16 décembre 2014, n° 13-23.986), que la société Nergeco était titulaire du brevet européen n° EP 0 398 791 désignant la France, déposé sous priorité d'une demande de brevet français et intitulé « porte à rideau relevable renforcée par des barres d'armature horizontales » ; qu'elle a conclu avec la société Nergeco France, le 6 décembre 1990, un contrat de management, puis une annexe et des avenants portant sur l'exploitation de ces brevets en France ; que, se prévalant, pour la première, de ses droits de brevet et, pour la seconde, de sa qualité de licenciée, les sociétés Nergeco et Nergeco France (les sociétés Nergeco) ont assigné la société Mavil, devenue la société Gewiss France, et la société Maviflex, en leur reprochant d'avoir mis en oeuvre, sans autorisation, les enseignements de ce brevet ; qu'un arrêt irrévocable rendu par la cour d'appel de Lyon le 2 octobre 2003 a dit que le modèle de porte « Fil'up » des sociétés Mavil et Maviflex est une contrefaçon du brevet européen n° EP 0 398 791 ; que, statuant sur l'évaluation des préjudices résultant de cette contrefaçon, une cour d'appel a condamné les sociétés Mavil et Maviflex à les indemniser ; que cet arrêt ayant été cassé, la juridiction de renvoi a accueilli, en son principe, les demandes indemnitaires des sociétés Nergeco ; que sa décision a été cassée, en ce qu'elle déclarait la société Nergeco France recevable et fondée à agir en contrefaçon du brevet n° EP 0 398 791 et en ce qu'elle condamnait les sociétés Maviflex et Gewiss France à lui payer diverses sommes ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les sociétés Nergeco font grief à l'arrêt de dire la société Nergeco France irrecevable en sa demande, en tant que fondée sur l'article L. 615-2 du code de la propriété intellectuelle, et de prononcer la nullité du contrat conclu entre cette société et la société Nergeco, ainsi que de son annexe, alors, selon le moyen :

1°/ que si l'acte nul, de nullité absolue, ne peut être rétroactivement confirmé, il est en revanche loisible aux parties de renouveler leur accord ou de maintenir leur commune volonté lorsque la cause de nullité a cessé ; qu'en l'espèce les sociétés Nergeco justifiaient, postérieurement à la date à laquelle la cause de nullité du contrat de management liée au défaut d'immatriculation de la société Nergeco France avait disparu, soit le 2 février 1991, date de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, qu'elles avaient eu la volonté commune de maintenir et réitérer leur accord, que ce soit par l'inscription du contrat et de son annexe au registre national des brevets le 3 juin 1998, par la signature des avenants des 3 septembre 1998 et 20 novembre 2006, également inscrits au registre national des brevets respectivement les 19 avril 1999 et 12 janvier 2007 ou encore par l'exécution réciproque et continue, depuis le 6 décembre 1990, de l'ensemble des engagements mis à leur charge par le contrat de management ; qu'en énonçant cependant, pour déclarer la société Nergeco France irrecevable, faute de qualité à agir en tant que licenciée de la société Nergeco, en sa demande de réparation du préjudice causé par les actes de contrefaçon du brevet n° EP 0 398 791, que « la nullité affectant des actes conclus par une société dépourvue d'existence juridique étant une nullité absolue, elle ne (pouvait) être rétroactivement couverte après la disparition de la cause de nullité » et que c'est en conséquence en vain que les société Nergeco arguaient « de la réfection du contrat de management » par l'effet de multiples actes et démarches attestant leur volonté commune de maintenir et réitérer celui-ci, la cour d'appel a violé l'article L. 615-2 du code de la propriété intellectuelle, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que si l'acte nul, de nullité absolue, ne peut être rétroactivement confirmé, il est en revanche loisible aux parties de renouveler leur accord ou de maintenir leur commune volonté lorsque la cause de nullité a cessé ; qu'en l'espèce les sociétés Nergeco justifiaient que, postérieurement à la date à laquelle la cause de nullité du contrat de management, liée au défaut de concession simultanée d'une licence sur le brevet européen n° EP 0 398 791 et sur les demandes de brevets français, avait disparu, soit le 13 juillet 1994, date à laquelle les brevets français avaient cessé de produire leurs effets, elles avaient eu la volonté commune de maintenir et réitérer leur accord, que ce soit par l'inscription du contrat de licence et de son annexe au registre national des brevets le 3 juin 1998, par la signature des avenants des 3 septembre 1998 et 20 novembre 2006, également inscrits au registre national des brevets respectivement les 19 avril 1999 et 12 janvier 2007 ou encore par l'exécution réciproque et continue, depuis le 6 décembre 1990, de l'ensemble des engagements mis à leur charge par le contrat de management ; qu'en énonçant cependant, pour déclarer la société Nergeco France irrecevable, faute de qualité à agir en tant que licenciée de la société Nergeco, en sa demande de réparation du préjudice causé par les actes de contrefaçon du brevet n° EP 0 398 791, que la nullité prévue par l'article L. 614-14 du code de la propriété intellectuelle est une nullité absolue et que la validité du contrat de management et de l'avenant s'apprécient à la date de leur signature, écartant ainsi les multiples actes et démarches attestant de la volonté commune des sociétés Nergeco et Nergeco France de maintenir et réitérer leur contrat de management après la disparition de la cause de nullité l'entachant, la cour d'appel a violé l'article L. 615-2 du code de la propriété intellectuelle, ensemble l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu que l'acte nul de nullité absolue ne pouvant être rétroactivement confirmé, les parties désirant, après la disparition de la cause de cette nullité, contracter, sont tenues, lorsque la validité de leur convention est soumise à des formes prévues par la loi, de conclure un nouveau contrat, dans les formes ainsi requises, qui produit ses effets à compter de sa formation ; que le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1351, devenu 1355, du code civil, et l'article 480 du code de procédure civile ;

Attendu que pour dire irrecevable la demande de la société Nergeco France, l'arrêt énonce que celle-ci ne peut demander de statuer sur sa demande d'indemnisation sur un fondement autre que celui de la contrefaçon, sur lequel elle a initialement fondé sa demande et sur lequel la cour d'appel de Lyon a définitivement jugé qu'elle pouvait, par principe, prétendre être indemnisée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon, le 2 octobre 2003, ne tranchait pas, dans son dispositif, le litige portant sur le fondement de la demande d'indemnisation présentée par la société Nergeco France, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur ce moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 565 du code de procédure civile ;

Attendu, selon ce texte, que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ;

Attendu que pour dire la société Nergeco France irrecevable en sa demande en réparation du préjudice causé par les actes de contrefaçon du brevet n° EP 0 398 791, l'arrêt retient que cette société ne peut former une demande d'indemnisation sur un fondement autre que celui de la contrefaçon, sur lequel elle a initialement basé sa demande ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les demandes successivement formées par la société Nergeco France sur le fondement de l'article L. 615-2 du code de la propriété intellectuelle puis sur celui de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, tendaient toutes deux à obtenir réparation du préjudice qui lui avait été causé par la contrefaçon du brevet, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit la société Nergeco France irrecevable en sa demande de réparation du préjudice fondée sur l'article 1382 du code civil et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 18 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Sémériva - Avocat(s) : SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer ; Me Balat ; Me Bertrand -

Textes visés :

Article 1134 du code civil ; article L. 614-14 du code de la propriété intellectuelle ; article 565 du code de procédure civile ; article L. 615-2 du code de la propriété intellectuelle ; article 1382 du code civil.

Com., 26 septembre 2018, n° 16-28.133, (P)

Cassation partielle

Obligations solidaires – Solidarité entre créanciers – Présomption – Exclusion

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par MM. X... et Y... que sur le pourvoi incident relevé par MM. Z... et A... et les sociétés SC Conseil et M&M Investissements ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que le 19 novembre 2004, MM. X... et Y... ont promis de céder à MM. A... et Z... et à la société Foncière immobilière Girondine les cent parts qu'ils détenaient dans le capital de la SARL SC Conseil, devenue SAS, société de courtage d'assurances ; que ce protocole de cession prévoyait une faculté de substitution des cessionnaires par un tiers et comportait une clause de non-concurrence pour une durée de cinq ans, expirant le 31 décembre 2009 ; qu'une convention de garantie d'actif et de passif a été signée le même jour ; que par acte du 31 janvier 2005, M. X... a cédé une action à M. Z... et quarante-neuf à la société M&M Investissements, et M. Y... a cédé une action à M. A... et quarante-neuf à cette société ; qu'estimant que MM. X... et Y... avaient violé la clause de non-concurrence stipulée au bénéfice de la société SC Conseil, par le biais de la société Axialis qu'ils avaient constituée, et que la garantie d'actif et de passif devait être mise en jeu, MM. A... et Z... et la société SC Conseil ont assigné en paiement MM. X... et Y... et la société Axialis ; que la société M&M Investissements est intervenue volontairement à l'instance pour demander l'exécution, à son bénéfice, de la garantie d'actif et de passif ;

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal :

Attendu que MM. X... et Y... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en paiement de la somme de 7 622 euros alors, selon le moyen, que le paiement volontaire réalisé en exécution d'un contrat ne saurait suffire à en modifier les termes ; qu'en retenant, pour exclure tout remboursement de MM. X... et Y..., qu'ils avaient accepté de prendre en charge le paiement de la somme de 7 622 euros au titre de la garantie de passif, quand un tel constat ne suffisait pas à justifier l'application de la garantie, qui supposait un passif effectivement mis à la charge de la société SC Conseil, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;

Mais attendu que l'arrêt retient qu'à la suite d'un sinistre survenu en 2004, un litige s'est élevé entre la société SC Conseil et M. C... sur la prise en charge d'une franchise d'un montant de 7 622 euros, et que MM. X... et Y..., tenus informés des péripéties du dossier, et de la proposition d'indemnisation de M. C... par accord amiable, ont accepté de prendre en charge ce règlement au titre de leur garantie de passif, puisque ce litige était bien relatif à leur gestion ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu rejeter la demande en remboursement de la somme de 7 622 euros ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que la société SC Conseil, MM. A... et Z... et la société M&M Investissements font grief à l'arrêt de rejeter la demande formée par la société SC Conseil sur le fondement de la concurrence déloyale alors, selon le moyen, qu'un préjudice s'infère nécessairement de la violation d'une clause de non-concurrence, génératrice d'un trouble commercial ; qu'en se fondant, pour débouter la société SC Conseil, sur la circonstance que celle-ci ne parvenait ni à établir ni chiffrer un préjudice, ni un lien de causalité entre un préjudice et les agissements reprochés aux appelants, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable ;

Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a pu estimer que la société SC Conseil, qui n'avait communiqué à l'expert aucune information, malgré sa demande, sur le montant des commissions payées par ses clients, ne rapportait pas la preuve qui lui incombait de l'étendue du préjudice allégué ni du lien de causalité entre ce préjudice et la faute reprochée à MM. X... et Y... ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le deuxième moyen du pourvoi principal :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal :

Vu l'article 1197 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la société M&M Investissements et condamner solidairement MM. X... et Y... à lui payer certaines sommes en exécution de la garantie d'actif et de passif, l'arrêt retient que la solidarité est présumée en matière commerciale, et que la prescription a donc été utilement interrompue par l'action de MM. A... et Z... et de la société SC Conseil ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la solidarité active ne se présume pas et que MM. A... et Z... agissaient en qualité de créanciers, bénéficiaires de la garantie, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

REJETTE le pourvoi incident ;

Et sur le pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne solidairement MM. X... et Y... à payer à la société M&M Investissements les sommes de 37 007,74 euros et 1 892,35 euros au titre de la garantie d'actif et de passif, l'arrêt rendu le 18 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers.

- Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme de Cabarrus - Avocat général : M. Debacq - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Article 1197 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

3e Civ., 6 septembre 2018, n° 17-22.026, (P)

Rejet

Résiliation – Résiliation judiciaire – Causes – Torts réciproques – Cas – Refus des parties de poursuivre l'exécution du contrat après dépôt du rapport d'expertise

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 23 mai 2017), que M. et Mme X... ont confié à la société TC construction (la société TC) la construction d'une maison individuelle ; que la société TC a assigné M. et Mme X... en paiement du solde de son marché ; que ceux-ci ont reconventionnellement demandé que la société TC soit déclarée entièrement responsable de l'arrêt du chantier et tenue de les indemniser et ont sollicité une nouvelle expertise et le paiement d'une provision ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de prononcer la résiliation du marché de travaux aux torts réciproques des parties et de les condamner à payer à la société TC la somme de 14,83 euros pour solde de tout compte, alors, selon le moyen :

1°/ que la résiliation d'un contrat ne saurait être prononcée aux torts réciproques des parties lorsque seule l'une d'entre elle a manqué à ses obligations, de sorte qu'en prononçant la résiliation du contrat aux torts réciproques des époux X... et de la société TC construction, après avoir constaté les malfaçons et manquements imputables à cette dernière, et sans constater aucun tort imputable aux époux X..., la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°/ qu'en rejetant la demande d'indemnisation des époux X... sans rechercher la part de responsabilité incombant à chacune des parties eu égard aux prétendus torts retenus, ni la part du dommage de l'une et de l'autre qu'elles doivent respectivement supporter de ce fait, la cour d'appel a, en tout état de cause, privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Mais attendu qu'ayant relevé que les parties n'avaient ni l'une, ni l'autre, voulu sérieusement poursuivre l'exécution du contrat après le dépôt du rapport d'expertise, la cour d'appel, qui, sans être tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a pu prononcer la résiliation du marché de travaux aux torts réciproques des parties, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Pronier - Avocat général : M. Charpenel (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois ; SCP Gaschignard -

Textes visés :

Article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

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