Numéro 9 - Septembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2018

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE

Soc., 12 septembre 2018, n° 17-10.853, (P)

Rejet

Clause de non-concurrence – Indemnité de non-concurrence – Paiement – Cas – Employeurs successifs appartenant au même groupe économique – Rupture du contrat de travail avec le second employeur – Date – Reprise des effets de la clause – Détermination

Une clause interdisant, avant l'expiration d'un certain délai, au salarié quittant une entreprise d'entrer dans une autre entreprise exerçant une activité similaire ne s'applique pas dès lors que les deux entreprises ne sont pas en situation réelle de concurrence mais appartiennent au même groupe économique, et que le passage du salarié de l'une à l'autre est le résultat d'une entente entre lui et ses deux employeurs successifs. Elle reprend cependant ses effets normaux à partir du jour où le contrat de travail avec le second employeur a été rompu, sans que ce délai puisse s'en trouver reporté ou allongé.

Clause de non-concurrence – Violation – Défaut – Applications diverses – Absence de situation réelle de concurrence

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 17 novembre 2016), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 31 mars 2016, n° 15-11.395), que M. X... a, le 1er septembre 2005, été engagé par la société Comptoir lyonnais d'électricité, aux droits de laquelle vient la société Sonepar Sud-Est, en qualité de directeur commercial ; que le contrat de travail comportait une clause de non-concurrence ; que les relations contractuelles ont été rompues suivant protocole d'accord du 30 juin 2007 afin que le salarié soit engagé le 1er juillet 2007 par la société Teissier appartenant au même groupe ; qu'une rupture conventionnelle homologuée par l'autorité administrative est intervenue début 2010 entre le salarié et la société Teissier ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'indemnité de non-concurrence formulée à l'encontre de la société Sonepar Sud-Est, alors, selon le moyen :

1°/ que la clause interdisant, avant l'expiration d'un certain délai, au salarié quittant une entreprise d'entrer dans une autre entreprise exerçant une activité similaire ne s'applique pas dès lors que les deux entreprises ne sont pas en situation réelle de concurrence mais appartiennent au même groupe économique, et que le passage du salarié de l'une à l'autre est le résultat d'une entente entre lui et ses deux employeurs successifs ; qu'elle reprend ses effets normaux à partir du jour où le contrat de travail avec le second employeur a été rompu ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Sonepar Sud-Est n'avait pas délié le salarié de l'obligation de non-concurrence lors de la rupture du contrat de travail conclu avec la société Teissier ; qu'elle l'a néanmoins débouté de sa demande en paiement de la contrepartie financière au motif qu'à la date de la rupture du second contrat, « plus de deux ans s'étaient écoulés depuis la rupture du contrat initial et la clause de non-concurrence figurant dans ce contrat dont la durée avait été contractuellement fixée à 2 années, avait en conséquence pris fin » ; qu'en statuant ainsi, quand ce délai de deux ans, qui avait été suspendu, ne commençait à courir qu'à compter de la rupture du second contrat, la cour d'appel a violé le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, ensemble l'article L. 1121-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil alors applicable ;

2°/ que la clause de non-concurrence contenue dans un contrat de travail ne produit ses effets qu'à l'égard de la société avec laquelle le salarié a contracté et ne peut être étendue aux autres sociétés du groupe ; qu'en conséquence, la dénonciation de la seconde clause de non-concurrence ne peut avoir pour effet de libérer le salarié de son obligation de non-concurrence à l'égard de l'employeur initial ; qu'en retenant cependant, pour débouter le salarié de sa demande en paiement de la contrepartie financière, que « la clause de non-concurrence insérée au contrat de travail avec la société Teissier était strictement identique à celle liant le salarié à Sonepar » et qu' « il apparaît en conséquence sans ambiguïté dans l'esprit des parties que [le salarié] était tenu de la même et unique obligation de non-concurrence, protégeant Teissier et par la même l'ensemble des sociétés soeurs agissant dans le même secteur dont Sonepar Sud Est », la cour d'appel a derechef violé le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, ensemble l'article L. 1121-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil alors applicable ;

3°/ que la clause de non-concurrence, qui apporte une restriction au principe de la liberté du travail, est d'interprétation stricte et ne peut être étendue au-delà de ses prévisions ; qu'en l'espèce la clause de non-concurrence interdisait au salarié, pendant une durée de deux ans, de s'intéresser, à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, sur le secteur géographique des départements de la région Sud-Est couverts par Sonepar et auprès des catégories de clients ou prescripteurs, ou à toute entreprise ou activité ayant trait tant aux études préalables, qu'à l'installation, la fourniture ou la vente des articles ou matériels se rapportant à son activité pour le compte de la société Sonepar Sud-Est ; qu'en se bornant à retenir qu'après la rupture du contrat avec la société Teissier, le salarié a contracté avec « un professionnel client de Sonepar, ce que la clause lui aurait interdit », sans rechercher si le salarié avait exercé dans le même domaine d'activité que celui de la société Sonepar Sud-Est, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du code civil alors applicable ;

Mais attendu que si la clause interdisant, avant l'expiration d'un certain délai, au salarié quittant une entreprise d'entrer dans une autre entreprise exerçant une activité similaire ne s'applique pas dès lors que les deux entreprises ne sont pas en situation réelle de concurrence mais appartiennent au même groupe économique, et que le passage du salarié de l'une à l'autre est le résultat d'une entente entre lui et ses deux employeurs successifs, elle reprend ses effets normaux à partir du jour où le contrat de travail avec le second employeur a été rompu, sans que ce délai puisse s'en trouver reporté ou allongé ;

Et attendu que la cour d'appel ayant constaté qu'à la date de la rupture du contrat de travail avec la société Teissier plus de deux ans s'étaient écoulés depuis la rupture du contrat initial et que la clause de non-concurrence figurant dans ce contrat avait été contractuellement fixée à deux années, a exactement retenu que le salarié ne pouvait prétendre au paiement par la société Sonepar Sud-est de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : Mme Valéry - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle ; article L. 1121-1 du code du travail ; article 1134 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur le principe selon lequel la clause de non-concurrence reprend ses effets normaux à partir du jour où le contrat de travail avec le second employeur a été rompu, à rapprocher : Soc., 29 janvier 2014, pourvoi n° 12-22.116, Bull. 2014, V, n° 35 (1) (cassation partielle), et l'arrêt cité.

Soc., 12 septembre 2018, n° 16-26.333, (P)

Rejet

Dispositions relatives à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée – Application – Exclusion – Cas – Période d'essai

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 septembre 2016), que Mme X... a été engagée le 2 septembre 2013 par la société Plasma Surgical en qualité d'ingénieur commercial ; que le contrat de travail prévoyait une période d'essai de quatre mois ; que l'employeur a rompu le contrat le 19 novembre 2013, avec effet immédiat ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de lui allouer une indemnité limitée à une certaine somme à l'exclusion des indemnités de préavis et des congés payés afférents, alors, selon le moyen, que les dispositions de l'article L. 1132-1 du code du travail portant notamment interdiction de toute discrimination liée à l'état de santé du salarié sont applicables à la période d'essai ; que toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance du texte précité est nul et ouvre droit à indemnité pour licenciement illicite et aux indemnités de rupture ; qu'en limitant toutefois l'indemnisation de Mme X... à une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts à l'exclusion des indemnités de préavis et des congés payés afférents après avoir pourtant déclaré discriminatoire et nulle la rupture du contrat de travail de la salariée pendant sa période d'essai fondée sur son état de santé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 1132-4 du code du travail ;

Mais attendu que selon l'article L. 1231-1 du code du travail, les dispositions du titre III du livre II du code du travail relatif à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée ne sont pas applicables pendant la période d'essai ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a déclaré nulle la rupture de la période d'essai, a exactement retenu que la salariée ne pouvait prétendre à l'indemnité de préavis ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen : Publication sans intérêt

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : Mme Valéry - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : Me Le Prado ; SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Article L. 1231-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'exclusion de l'application des dispositions du titre III du livre II du code du travail relatif à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée pendant la période d'essai, à rapprocher : Soc., 7 février 2012, pourvoi n° 10-27.525, Bull. 2012, V, n° 57 (cassation partielle).

Soc., 20 septembre 2018, n° 17-11.602, n° 17-11.605, n° 17-11.606, n° 17-11.607, n° 17-11.608, n° 17-11.609, (P)

Cassation

Licenciement – Cause – Cause réelle et sérieuse – Appréciation – Exclusion – Salarié protégé – Autorisation administrative

En l'état d'une autorisation administrative accordée à l'employeur de licencier des salariés protégés, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier ni le caractère réel et sérieux des motifs retenus pour justifier le licenciement ni la régularité de la consultation du comité d'entreprise sur le projet de licenciement économique collectif.

Vu la connexité, joint les pourvois n° 17-11.602, 17-11.605 à 17-11.609 ;

Sur le premier moyen :

Vu le principe de la séparation des pouvoirs ;

Attendu, qu'en l'état d'une autorisation administrative accordée à l'employeur de licencier les salariés protégés concernés, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier ni le caractère réel et sérieux des motifs retenus pour justifier le licenciement ni la régularité de la consultation du comité d'entreprise sur le projet de licenciement économique collectif ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que, par jugement du 14 mai 2009 d'un tribunal d'instance, une unité économique et sociale a été reconnue entre la société Logistique transport (Logistrans) et les sociétés Serta services transport affrètement, Serta Nord, Serta Rhône-Alpes, Transport service route (TSR) et Livra trans ; que, par jugement du 27 août 2009, le tribunal de commerce d'Évreux a prononcé la liquidation judiciaire des sociétés de l'unité économique et sociale à l'exception de la société Logistrans ; que, par jugement du 27 mai 2010, la société Logistrans a été mise en redressement judiciaire et, par jugement du 17 mars 2011, en liquidation judiciaire, Mme X... ayant été désignée en qualité de mandataire liquidateur ; que MM. Y..., D..., Z..., A..., B... et C..., salariés de la société Logistrans ont été licenciés pour motif économique en mai 2011 dans le cadre d'une procédure accompagnée d'un plan de sauvegarde de l'emploi, après autorisation de l'inspecteur du travail par décisions des 28 avril et 2 mai 2011 ;

Attendu que pour déclarer recevables les demandes des salariés protégés et fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Logistique Transport (Logistrans) des sommes à titre de dommages-intérêts pour absence de mise en place des « IRP » et à titre de dommages-intérêts pour les fautes commises par l'employeur antérieurement au licenciement, les arrêts retiennent que si le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du motif retenu pour justifier le licenciement, il reste compétent pour apprécier les fautes commises par l'employeur pendant la période antérieure au licenciement et qu'en l'espèce, les salariés protégés sollicitaient la réparation de fautes de l'employeur consistant dans l'absence de mise en place des représentants du personnel dans le cadre de l'unité économique et sociale et la légèreté blâmable de l'employeur pendant la période antérieure au licenciement ; que pour faire droit à ces demandes, les arrêts retiennent d'une part, au visa de l'article L. 1235-15 du code du travail, qu'à la suite du jugement du 29 mai 2009 reconnaissant l'existence d'une unité économique et sociale, les institutions représentatives du personnel n'ont pas été mises en place à ce niveau et aucun procès-verbal de carence n'a été établi, que les décisions d'autorisation de licenciements économiques ne font aucunement état du jugement de reconnaissance de l'existence d'une unité économique et sociale, que les licenciements économiques ont été prononcés sans que soient respectées les obligations à l'égard de ces institutions, en sorte que les salariés protégés peuvent prétendre à la réparation de cette carence fautive, que d'autre part, les arrêts retiennent qu'entre le 27 mai 2010, date de l'ouverture de la procédure collective de la société Logistrans, et le 17 mars 2011, date de sa mise en liquidation judiciaire, l'employeur n'a pris aucune mesure qui aurait pu permettre le maintien de l'activité économique, notamment en procédant à la suppression d'heures supplémentaires ou à la réduction du temps de travail, les salariés soutenant sans être contredits que l'ensemble du personnel était rémunéré en heures supplémentaires et non pas sur 38 ou 39 heures jusqu'à la liquidation, celui-ci a ainsi fait preuve d'une légèreté blâmable ayant entraîné le licenciement de cent vingt-trois salariés et dont les salariés protégés peuvent demander réparation ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les demandes des salariés protégés ne tendaient, sous couvert de dommages-intérêts pour la réparation de carences fautives de l'employeur, qu'à contester la régularité de la procédure de consultation de comité d'entreprise et la cause économique de leur licenciement, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième, troisième et quatrième moyens des pourvois :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 29 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : Mme Depelley - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Principe de la séparation des pouvoirs.

Rapprochement(s) :

Dans le même sens que : Soc., 2 juin 2004, pourvoi n° 03-40.071, Bull. 2004, V, n° 159 (2) (cassation partielle sans renvoi), et les arrêts cités.

Soc., 12 septembre 2018, n° 16-26.853, (P)

Rejet

Licenciement – Cause – Cause réelle et sérieuse – Défaut – Applications diverses – Licenciement prononcé en violation d'une procédure constituant une garantie de fond et contenue dans une convention collective

Aux termes de l'article 28 de la convention collective du 14 mai 1959 applicable aux officiers des entreprises de navigation du territoire de la Polynésie française armant des navires de commerce de plus de 25 tonneaux de jauge brute au cabotage colonial, la suspension de fonction et de solde et la révocation de l'officier titularisé ne peuvent être prononcées par la direction qu'après avis d'une commission d'enquête constituée paritairement et comprenant le chef d'entreprise ou son délégué, le chef d'armement ou du service technique ou son délégué, le capitaine le plus ancien à Papeete, deux officiers ayant un grade au moins égal à celui de l'intéressé, présents à Papeete et dont l'un appartient à l'entreprise.

Une cour d'appel, qui a relevé qu'alors qu'est exigée une composition paritaire de la commission d'enquête, l'employeur ne conteste pas que les deux seules personnes qui pouvaient être librement choisies par les parties, à savoir les officiers ayant un grade au moins égal à celui du salarié présents à Papeete et dont l'un appartient à l'entreprise, ont été désignées unilatéralement par lui, en a exactement déduit que les parties n'étant pas représentées à parité à la commission d'enquête, le licenciement était intervenu en violation de la garantie de fond prévue par la convention collective et était, en conséquence, sans cause réelle et sérieuse.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Papeete, 15 septembre 2016), que M. X... a été engagé le 24 décembre 2002 par la société Aremiti en qualité d'officier de pont 15e catégorie ; que la convention collective du 14 mai 1959 des officiers des entreprises de navigation du territoire de la Polynésie française armant des navires de commerce de plus de 25 tonneaux de jauge brute au cabotage colonial était applicable aux relations contractuelles ; que le salarié a, le 16 février 2011, été licencié pour insubordination, manquement à la discipline, refus d'embarquement et défaut de respect des règles de conduite et de sécurité de son navire ; que, contestant son licenciement, il a saisi le tribunal du travail de diverses demandes ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire l'action du salarié recevable alors, selon le moyen :

1°/ que l'article 37 de la convention collective du 14 mai 1959 applicable aux officiers des entreprises de navigation du territoire de la Polynésie française armant des navires de commerce de plus de 25 tonneaux de jauge brute au cabotage colonial dispose que « tout litige particulier survenant à un officier sera présenté au chef du service de l'inspection du travail qui s'efforcera, dans toute la mesure du possible, d'obtenir un accord de conciliation entre les parties en litige » et que « dans le cas où un accord ne pourrait s'établir, le litige sera présenté au tribunal du travail, dans les formes prévues par les lois en vigueur ou éventuellement devant le tribunal du commerce, en ce qui concerne les capitaines ayant le commandement du navire » ; que s'il instaure une procédure de conciliation obligatoire et préalable à une action judiciaire, ce texte n'impose pas à l'employeur de saisir l'inspecteur du travail avant un licenciement ; qu'en considérant que la société Aremiti avait l'obligation de saisir l'inspecteur du travail avant de procéder au licenciement de M. X... et que, n'ayant pas eu recours à cette procédure de conciliation préalable, elle ne pouvait de bonne foi reprocher au salarié de n'avoir pas lui-même saisi l'Inspection du travail avant de porter ses demandes devant le tribunal du travail, cependant que la société Aremiti n'avait nullement l'obligation de saisir l'inspecteur du travail avant de procéder au licenciement de M. X..., de sorte qu'aucun manquement de sa part à la bonne foi ne se trouvait caractérisée en l'espèce, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 37 de la convention collective du 14 mai 1959 applicable aux officiers des entreprises de navigation du territoire de la Polynésie française armant des navires de commerce de plus de 25 tonneaux de jauge brute au cabotage colonial ;

2°/ qu'en ajoutant « qu'en tout état de cause », la décision de licenciement avait rendu inutile toute procédure de conciliation, cependant que, s'il instaure une procédure de conciliation obligatoire et préalable à une action judiciaire, l'article 37 de la convention collective du 14 mai 1959 applicable aux officiers des entreprises de navigation du territoire de la Polynésie française armant des navires de commerce de plus de 25 tonneaux de jauge brute au cabotage colonial n'impose pas à l'employeur de saisir l'inspecteur du travail avant un licenciement, de sorte que la mesure de licenciement ne vaut pas, en soi, refus de négocier de la part de l'employeur, la cour d'appel a de nouveau violé ce texte par refus d'application ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 37 de la convention collective du 14 mai 1959 applicable aux officiers des entreprises de navigation du territoire de la Polynésie française armant des navires de commerce de plus de 25 tonneaux de jauge brute au cabotage colonial, tout litige particulier survenant à un officier sera présenté au chef du service de l'inspection du travail qui s'efforcera, dans toute la mesure du possible, d'obtenir un accord de conciliation entre les parties en litige. Dans le cas où un accord ne pourrait s'établir, le litige sera présenté au tribunal du travail, dans les formes prévues par les lois en vigueur ou éventuellement devant le tribunal du commerce, en ce qui concerne les capitaines ayant le commandement du navire ; qu'il en résulte que lorsque la rupture du contrat de travail est intervenue à l'initiative de l'employeur, c'est à lui seul qu'il incombe de mettre en oeuvre, au préalable, la procédure de conciliation conventionnelle ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que le salarié avait été licencié, en a exactement déduit que seul l'employeur avait l'obligation de saisir l'inspecteur du travail d'une tentative de conciliation ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner au paiement de sommes à ce titre alors, selon le moyen :

1°/ que l'article 28 de la convention collective applicable aux officiers des entreprises de navigation du territoire de la Polynésie française armant des navires de commerce de plus de 25 tonneaux de jauge brute au cabotage colonial du 14 mai 1959 dispose que « la suspension de fonction et de solde et la révocation de l'officier titularisé ne peuvent être prononcées par la direction qu'après avis d'une commission d'enquête constituée paritairement et comprenant le chef d'entreprise ou son délégué, le chef d'armement ou du service technique ou son délégué, le capitaine le plus ancien à Papeete, deux officiers ayant un grade au moins égal à celui de l'intéressé, présents à Papeete et dont l'un appartient à l'entreprise » ; qu'en considérant que la commission d'enquête ayant statué sur le cas de M. X... était irrégulièrement composée, au seul motif que ce dernier n'avait désigné aucun membre de cette commission, cependant qu'aucune disposition du texte ne prévoit un tel mode de désignation, la cour d'appel a violé le texte précité ;

2°/ que, dans ses conclusions d'appel, la société Aremiti faisait valoir qu'en vue de la constitution de la commission d'enquête appelée à émettre un avis sur le cas des officiers révoqués, elle avait pris contact de longue date avec l'administrateur des affaires maritimes et avec l'inspection du travail, dont elle n'avait fait que suivre les instructions, lesquelles ne lui imposaient pas de confier à l'officier le choix de certains membres de cette commission ; qu'en laissant sans réponse ces écritures déterminantes, la cour d'appel a violé l'article 268 du code de procédure civile de Polynésie française ;

3°/ que, dans ses conclusions d'appel, la société Aremiti faisait valoir que M. X... n'avait pas contesté la formation de la commission avant qu'elle ne se réunisse, pas plus qu'il ne l'avait contestée lors de sa comparution ; qu'en laissant là encore sans réponse ces écritures déterminantes, la cour d'appel a violé l'article 268 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 28 de la convention collective du 14 mai 1959 applicable aux officiers des entreprises de navigation du territoire de la Polynésie française armant des navires de commerce de plus de 25 tonneaux de jauge brute au cabotage colonial, la suspension de fonction et de solde et la révocation de l'officier titularisé ne peuvent être prononcées par la direction qu'après avis d'une commission d'enquête constituée paritairement et comprenant le chef d'entreprise ou son délégué, le chef d'armement ou du service technique ou son délégué, le capitaine le plus ancien à Papeete, deux officiers ayant un grade au moins égal à celui de l'intéressé, présents à Papeete et dont l'un appartient à l'entreprise ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a relevé qu'alors qu'est exigée une composition paritaire de la commission d'enquête, l'employeur ne conteste pas que les deux seules personnes qui pouvaient être librement choisies par les parties, à savoir les officiers ayant un grade au moins égal à celui du salarié présents à Papeete et dont l'un appartient à l'entreprise, ont été désignées unilatéralement par lui, en a exactement déduit, sans avoir à répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, que les parties n'étant pas représentées à parité à la commission d'enquête, le licenciement était intervenu en violation de la garantie de fond prévue par la convention collective et était, en conséquence, sans cause réelle et sérieuse ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : Mme Ducloz - Avocat général : M. Liffran - Avocat(s) : Me Balat -

Textes visés :

Article 28 de la convention collective du 14 mai 1959 applicable aux officiers des entreprises de navigation du territoire de la Polynésie française armant des navires de commerce de plus de 25 tonneaux de jauge brute au cabotage colonial.

Rapprochement(s) :

Sur le principe selon lequel un licenciement prononcé en violation d'une procédure constituant une garantie de fond et contenue dans une convention collective est dépourvu de cause réelle et sérieuse, à rapprocher : Soc., 17 mars 2015, pourvoi n° 13-24.252, Bull. 2015, V, n° 49 (rejet), et l'arrêt cité ; Soc., 2 décembre 2015, pourvoi n° 14-18.534, Bull. 2015, V, n° 243 (rejet).

Soc., 19 septembre 2018, n° 16-27.201, (P)

Cassation partielle

Licenciement – Cause – Cause réelle et sérieuse – Défaut – Indemnité – Conditions – Effectif de l'entreprise – Calcul – Salariés pris en compte – Exclusion – Cas – Agent employé dans les conditions du droit public – Fondement – Détermination

Selon l'article L. 1111-1 du code du travail, les dispositions du livre I du code du travail sont applicables au personnel des personnes publiques employé dans les conditions du droit privé, sous réserve des dispositions particulières ayant le même objet résultant du statut qui régit ce personnel.

Il en résulte que, sauf dispositions légales contraires, les agents employés dans les conditions du droit public ne sont pas pris en compte aux fins de déterminer l'effectif de l'entreprise pour l'application de l'article L. 1235-5 du code du travail.

Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 1111-1, L. 1111-2 et L. 1111-3 du code du travail, ensemble l'article L. 1235-5 du code du travail ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, les dispositions du livre I du code du travail sont applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu'à leurs salariés ; qu'elles sont également applicables au personnel des personnes publiques employé dans les conditions du droit privé, sous réserve des dispositions particulières ayant le même objet résultant du statut qui régit ce personnel ; qu'il en résulte que, sauf dispositions légales contraires, les agents employés dans les conditions du droit public ne sont pas pris en compte aux fins de déterminer l'effectif de l'entreprise pour l'application de l'article L. 1235-5 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... a été engagée le 15 septembre 2008 par contrat d'avenir, en qualité d'aide à la scolarisation d'enfants handicapés par l'établissement public local d'enseignement Lycée professionnel Beauregard ; que deux avenants au contrat d'avenir et un contrat d'accompagnement dans l'emploi ont été conclus ultérieurement, le dernier s'achevant au 31 décembre 2011 ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale aux fins de voir requalifier la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée et en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que pour confirmer le jugement ayant alloué à la salariée une indemnité de six mois de salaires en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, après avoir accueilli la demande de la salariée en requalification de son contrat de travail, l'arrêt retient que rien ne permet d'exclure de l'effectif pour le calcul des dommages-intérêts les salariés de droit public en l'absence de toutes dispositions textuelles les écartant du décompte ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle n'avait pas constaté que l'établissement public employait plus de dix salariés de droit privé, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu que la cassation sur le premier moyen entraîne, par voie de dépendance, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif critiqué par le second moyen ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement en ce qu'il alloue à Mme Y... une indemnité de six mois de salaires en application de l'article L. 1235-3 du code du travail et en ce qu'il ordonne, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, le remboursement à Pôle emploi, par l'établissement public local d'enseignement Lycée professionnel Beauregard, des indemnités de chômage payées à Mme Y... à la suite de son licenciement, dans la limite d'un mois, l'arrêt rendu le 6 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : Mme Aubert-Monpeyssen - Avocat général : M. Boyer - Avocat(s) : SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot -

Textes visés :

Articles L. 1111-1, L. 1111-2, L. 1111-3 et L. 1235-5, dans sa rédaction applicable à la cause, du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur les modalités d'appréciation de l'effectif d'au moins onze salariés prévu par l'article L. 1235-5 du code du travail, à rapprocher : Soc., 27 mai 1992, pourvoi n° 89-42.593, Bull. 1992, V, n° 346 (cassation partielle) ; Soc., 18 janvier 1995, pourvoi n° 91-41.070, Bull. 1995, V, n° 30 (rejet) ; Soc., 23 septembre 2015, pourvoi n° 14-13.264, Bull. 2015, V, n° 180 (cassation).

Soc., 12 septembre 2018, n° 16-11.690, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Licenciement – Cause – Cause réelle et sérieuse – Faute du salarié – Faute grave – Défaut – Applications diverses – Propos injurieux diffusés par un salarié sur un compte de réseau social – Conditions – Détermination

Ne sont pas constitutifs d'une faute grave les propos injurieux diffusés par un salarié sur un compte de réseau social « facebook » accessibles aux seules personnes agréées par lui et composant un groupe fermé de quatorze personnes, de tels propos relevant d'une conversation de nature privée.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y..., salariée de l'Agence du Palais, gérée par Mme X..., a été engagée le 6 janvier 2004 en qualité de négociatrice immobilier par la société Dupain ; que le 3 mars 2009, elle a été licenciée pour faute grave par cette dernière et a saisi la juridiction prud'homale ; que Mme X... a été désignée en qualité de liquidateur amiable de la société Dupain ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement pour faute grave dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à verser des sommes à la salariée, alors, selon le moyen :

1°/ que caractérise une faute grave, la seule diffusion, publique ou privée, par le salarié sur le réseau social Facebook de propos injurieux et humiliants à l'encontre de son employeur ; qu'ayant relevé que Mme Y... avait proféré des propos injurieux et offensants à l'égard de Mme X..., son employeur, et en décidant cependant que ce grief n'est pas constitutif d'une faute grave au motif inopérant que l'employeur n'en démontre pas le caractère public dès lors que les termes litigieux n'étaient accessibles qu'à un groupe fermé de quatorze personnes et étaient donc d'ordre privé, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

2°/ qu'en écartant la faute grave sans rechercher, comme elle était invitée à le faire, si ce grief tiré de la diffusion de propos injurieux et offensants à l'égard de l'employeur n'était pas au moins constitutif d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que les propos litigieux avaient été diffusés sur le compte ouvert par la salariée sur le site facebook et qu'ils n'avaient été accessibles qu'à des personnes agréées par cette dernière et peu nombreuses, à savoir un groupe fermé composé de quatorze personnes, de sorte qu'ils relevaient d'une conversation de nature privée, la cour d'appel a pu retenir que ces propos ne caractérisaient pas une faute grave ; qu'exerçant le pouvoir qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, elle a décidé que le grief ne constituait pas une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième et troisième moyens : Publication sans intérêt

Mais sur le quatrième moyen : Publication sans intérêt

Et vu l'article 627 du code de procédure civile et après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il condamne Mme X..., en qualité de liquidateur amiable de la société Dupain à payer à Mme Y... une somme de 173,91 euros à titre de congés payés afférents à un rappel de commissions, l'arrêt rendu le 3 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi de ce chef.

- Président : M. Frouin (président) - Rapporteur : Mme Van Ruymbeke - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.

Soc., 20 septembre 2018, n° 17-11.546, n° 17-11.547, n° 17-11.549, n° 17-11.550, n° 17-11.551, n° 17-11.552, n° 17-11.553, n° 17-11.555, n° 17-11.559, n° 17-11.561 et suivants, (P)

Cassation

Licenciement économique – Licenciement collectif – Plan de sauvegarde de l'emploi – Contestation – Action en contestation – Prescription – Délai – Domaine d'application – Détermination – Portée

Le délai de prescription de douze mois prévu par le second alinéa de l'article L. 1235-7 du code du travail, dans sa version antérieure à la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, concerne les actions mettant en cause la régularité de la procédure relative au plan de sauvegarde de l'emploi ou les actions susceptibles d'entraîner la nullité de la procédure de licenciement en raison de l'absence ou de l'insuffisance d'un tel plan.

Doit être censurée une cour d'appel qui ne déclare pas prescrites, en application de cet article, les demandes de salariés, alors qu'il résultait de ses constatations qu'elles mettaient en cause d'une part la régularité des mandats des représentants du personnel dans le cadre de la consultation sur le plan de sauvegarde de l'emploi et d'autre part l'insuffisance de ce plan au regard des mesures de réduction ou d'aménagement du temps de travail et de reclassement, peu important que la nullité de la procédure de licenciement ne soit pas encourue pour une entreprise en liquidation judiciaire.

Vu la connexité, joint les pourvois n° 17-11.546, 17-11.547, 17-11.549 à 17-11.553, 17-11.555, 17-11.559, 17-11.561 à 17-11.563, 17-11.566, 17-11.575, 17-11.576, 17-11.580, 17-11.582, 17-11.584, 17-11.589, 17-11.591 à 17-11.594, 17-11.597 et 17-11.600 ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 1235-7, alinéa 2, du code du travail, dans sa version applicable au litige ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que par jugement du 14 mai 2009 d'un tribunal d'instance, une unité économique et sociale a été reconnue entre la société Logistique transport (Logistrans) et les sociétés Serta services transport affrètement, Serta Nord, Serta Rhone Alpes, Transport service route (TSR) et Livra trans ; que par jugement du 27 août 2009, le tribunal de commerce d'Évreux a prononcé la liquidation judiciaire des sociétés de l'unité économique et sociale à l'exception de la société Logistrans ; que par jugement du 27 mai 2010, la société Logistrans a été mise en redressement judiciaire, et par jugement du 17 mars 2011, en liquidation judiciaire, Mme X... ayant été désignée en qualité de mandataire liquidateur ; que M. Z... et vingt-quatre autres salariés de la société Logistrans ont été licenciés pour motif économique par lettres du 25 mars 2011, dans le cadre d'une procédure accompagnée d'un plan de sauvegarde de l'emploi ; que le 22 mars 2013, ils ont saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir le paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et irrégularité de la procédure de licenciement ;

Attendu que pour déclarer recevables les demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et irrégularité de la procédure de licenciement, les arrêts retiennent que les salariés contestaient la cause réelle et sérieuse de leur licenciement et la régularité de la procédure motif pris de l'absence de recherche sérieuse de reclassement et de mandat de représentants du personnel dans le cadre de la consultation sur le plan de sauvegarde de l'emploi, en sorte que la prescription quinquennale de droit commun était applicable ;

Attendu, cependant, que le délai de prescription de douze mois prévu par le second alinéa de l'article L. 1235-7 du code du travail, dans sa version alors en vigueur, concerne les actions mettant en cause la régularité de la procédure relative au plan de sauvegarde de l'emploi ou les actions susceptibles d'entraîner la nullité de la procédure de licenciement en raison de l'absence ou de l'insuffisance d'un tel plan ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que les demandes de dommages-intérêts des salariés mettaient en cause d'une part la régularité des mandats des représentants du personnel dans le cadre de la consultation sur le plan de sauvegarde de l'emploi et d'autre part l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi au regard des mesures de réduction ou d'aménagement du temps de travail et de reclassement, peu important que la nullité de la procédure de licenciement ne soit pas encourue pour l'entreprise en liquidation judiciaire, en sorte que ces demandes introduites le 22 mars 2013 sont irrecevables comme prescrites, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième moyens des pourvois :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 29 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Caen.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : Mme Depelley - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Article L. 1235-7, alinéa 2, dans sa version antérieure à la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013.

Rapprochement(s) :

Sur le domaine d'application du délai de prescription prévu par l'article L. 1235-7 du code du travail, à rapprocher : Soc., 15 juin 2010, pourvoi n° 09-65.062, Bull. 2010, V, n° 134 (rejet).

Soc., 26 septembre 2018, n° 17-11.102, (P)

Rejet

Licenciement – Indemnités – Indemnité conventionnelle de licenciement – Montant – Calcul – Modalités – Dispositions légales – Salarié employé à temps complet et à temps partiel – Plafond de l'indemnité conventionnelle de licenciement – Règle de la proportionnalité – Application (non)

Si le principe d'égalité entre travailleurs à temps complet et travailleurs à temps partiel, posé par l'article L. 3123-13 du code du travail dans sa rédaction applicable, impose de calculer l'indemnité conventionnelle de licenciement en tenant compte, à défaut de dispositions conventionnelles contraires, proportionnellement des périodes d'emploi effectuées à temps plein et à temps partiel, la règle de proportionnalité ne trouve pas à s'appliquer, sauf dispositions contraires de la convention collective, au plafond qui a un caractère forfaitaire.

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 novembre 2016), que Mme X..., engagée en qualité d'ingénieur par la société Dassault aviation à compter du 1er décembre 1977 et qui a alterné des périodes de travail à temps complet et à temps partiel, a été licenciée le 21 janvier 2011 ; qu'estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'un complément d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'un complément d'indemnité de licenciement, alors, selon le moyen :

1°/ que compte tenu de la durée de son travail et de son ancienneté dans l'entreprise, la rémunération du salarié à temps partiel est proportionnelle à celle du salarié qui, à qualification égale, occupe à temps complet un emploi équivalent dans l'établissement ou l'entreprise ; que l'indemnité de licenciement du salarié ayant été occupé à temps complet et à temps partiel dans la même entreprise est calculée proportionnellement aux périodes d'emploi accomplies selon l'une et l'autre de ces deux modalités depuis son entrée dans l'entreprise ; que seules des dispositions conventionnelles expresses plus favorables peuvent y déroger ; que l'article 29 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie prévoit que l'indemnité conventionnelle de licenciement dont il fixe le taux est plafonnée à 18 mois de traitement ; qu'il en résulte que ce plafond de 18 mois de salaires doit se voir appliquer le principe de proportionnalité pour les salariés ayant effectué des périodes de travail à temps partiel ; qu'en calculant en l'espèce ce plafond sur la base de 18 mois de salaire à temps complet pour le calcul de l'indemnité de licenciement de Mme X..., lorsqu'elle avait pourtant constaté qu'elle avait été occupée à temps complet et à temps partiel, ce qui lui imposait de proratiser ce plafond en fonction de la durée de travail accomplie par la salariée sur toute la période, la Cour d'appel a violé les articles L. 3123-10, L. 3123-11, L. 3123-13 du Code du travail dans leur rédaction antérieure au 10 août 2016, ensemble l'article 29 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie ;

2°/ que dans ses conclusions d'appel reprises oralement à l'audience, la société Dassault Aviation avait établi l'indemnité conventionnelle de licenciement de Mme X... en calculant dans un premier temps une indemnité théorique calculée sur la base du salaire correspondant à un temps complet et de l'ancienneté totale de la salariée de 33, 58 ans, à laquelle elle avait appliqué la majoration de 18 mois de salaires à temps complet, avant dans un second temps, d'appliquer à cette indemnité correspondant à celle qui aurait été due à la salariée si elle avait travaillé à temps complet sur toute la période, le coefficient de 0,849 correspondant à son taux d'activité sur toute la période ; que dès lors en affirmant que l'employeur avait appliqué successivement deux fois le coefficient de 0,84 sur l'ancienneté puis sur le montant de l'indemnité de licenciement, pour écarter son calcul, la Cour d'appel a, par motifs adoptés, dénaturé les conclusions d'appel de l'exposante, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que si le principe d'égalité entre travailleurs à temps complet et travailleurs à temps partiel, posé par l'article L. 3123-13 du code du travail, dans sa rédaction applicable, impose de calculer l'indemnité conventionnelle de licenciement en tenant compte, à défaut de dispositions conventionnelles contraires, proportionnellement des périodes d'emploi effectuées à temps plein et à temps partiel, la règle de proportionnalité ne trouve pas à s'appliquer, sauf disposition contraire de la convention collective, au plafond qui a un caractère forfaitaire ;

Et attendu qu'ayant constaté que l'article 29 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 institue, pour la détermination du montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement, un plafond égal à dix huit mois de traitement, la cour d'appel, qui a préalablement appliqué la règle de proportionnalité pour le calcul de l'indemnité théorique de licenciement, en a, à bon droit, limité le montant par application du plafond conventionnel, non proratisé ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen, ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : M. Schamber - Avocat général : M. Liffran - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 3123-10, L. 3123-11 et L. 3123-13 du code du travail dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ; article 29 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972.

Rapprochement(s) :

Sur le calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement, à rapprocher : Soc., 30 septembre 1992, pourvoi n° 89-40.267, Bull. 1992, V, n° 486 (cassation), et l'arrêt cité.

Soc., 26 septembre 2018, n° 17-15.915, (P)

Rejet

Retraite – Indemnité du capital retraite – Calcul – Période à prendre en compte – Détachement dans les conditions de l'article 4.8 du statut du personnel du Port autonome de Papeete – Portée

Il résulte de la combinaison des articles 4.8 c) et 7.7.2 du statut du personnel du Port autonome de Papeete, que la période de détachement accordée conformément aux prévisions de l'article 4.8 doit être prise en compte pour le calcul de l'indemnité du capital retraite prévue à l'article 7.7.2.

Sur le moyen unique, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Papeete, 5 janvier 2017), que Mme Z... A... a été engagée le 9 octobre 1984 par le Port autonome de Papeete en qualité de secrétaire de direction ; que par décision du 24 février 1988, elle a été détachée auprès du ministre de la mer, de l'équipement, de l'énergie et des postes et télécommunications, jusqu'alors directeur général de l'établissement ; que son détachement a pris fin par décision du 8 avril 1991, date à laquelle elle a repris au sein du Port autonome ses fonctions de secrétaire de direction ; qu'elle a pris sa retraite le 31 mai 2012 ; que contestant les modalités de calcul de l'indemnité de capital retraite sur la base de 25 ans de service, sans prise en compte de la période de détachement, elle a saisi le tribunal du travail ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une certaine somme à titre de rappel d'indemnité de capital retraite alors, selon le moyen :

1°/que l'article 7.2.2 du statut du personnel du Port autonome de Papeete du 19 avril 1985 dispose que le montant de l'indemnité de capital retraite est fixé au salaire brut de l'agent multiplié par son nombre d'années de service effectif au Port autonome ; que les périodes de service effectif, au sens de ces dispositions, s'entendent de celles au cours desquelles l'agent réalise toute son activité professionnelle au sein du Port autonome, à l'exclusion de tout engagement auprès d'un autre employeur ; que les périodes de détachement de l'agent, durant lesquelles celui-ci travaille pour un établissement ou une administration tiers et n'est, par conséquent, pas au service effectif du Port autonome, ne peuvent être prises en compte pour le calcul de son indemnité de capital retraite ; qu'en allouant cependant à Mme Z... A... une somme à titre de rappel d'indemnité de capital retraite, correspondant aux années durant lesquelles celle-ci était en détachement auprès du ministre de la mer, de l'équipement, de l'énergie et des postes et télécommunications de la Polynésie française, la cour d'appel a violé l'article susvisé, ensemble l'article 4.8 du statut du personnel du Port autonome de Papeete, la délibération du conseil d'administration du Port autonome de Papeete n° 10/85 du 19 avril 1985 et l'article 1er de l'arrêté n° 653/CM du 2 juillet 1985 ;

2°/ qu'en retenant que les deux postes successivement occupés par la salariée, avant et pendant son détachement, étaient similaires, que son activité n'avait pas subi de modification véritable et qu'elle avait exécuté des prestations effectives au profit du Port autonome pendant son détachement, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à établir que Mme Z... A... était au service effectif du Port autonome de Papeete pendant ce détachement, a privé sa décision de base légale au regard des mêmes dispositions ;

3°/ que le juge ne peut fonder sa décision que sur des faits qui sont dans les débats ; qu'en retenant, pour juger que Mme Z... A... avait exécuté des prestations effectives au profit du Port durant son détachement, que les deux postes successivement occupés par elle, avant et pendant son détachement, étaient similaires, et que son activité n'avait pas subi de modification véritable, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des faits qui n'étaient pas dans le débat, a violé l'article 4 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

4°/ qu'en n'invitant pas les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 6 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

Mais attendu, d'une part, qu'aux termes de l'article 4.8 c) du statut du personnel du Port autonome de Papeete, le détachement pourra être accordé soit du fait de la Direction, soit à la demande de l'agent, en cas d'affectation auprès d'un autre Etablissement public ou de l'Administration territoriale. Dans ces deux derniers cas, le détachement ne génère pas des droits à congé mais n'est pas suspensif de l'ancienneté, et, d'autre part, que l'article 7.7.2 prévoit que le montant de l'indemnité du capital retraite est fixé en fonction du nombre d'années de service de l'agent au Port autonome, le nombre d'années pris en compte étant le nombre d'années de service effectif écoulées entre la date du recrutement et la date de cessation des services ; qu'il résulte de la combinaison de ces textes que la période de détachement accordée conformément aux prévisions de l'article 4.8 doit être prise en compte pour le calcul de l'indemnité du capital retraite prévue à l'article 7.7.2 ;

Attendu que la cour d'appel a relevé que par décision du 24 février 1988, le directeur par intérim du port autonome de Papeete a constaté le détachement à compter du 1er février 1988 de Mme Z... A... auprès du ministre de la mer, de l'équipement, de l'énergie et des postes et télécommunications, en qualité d'attachée de cabinet et secrétaire du ministre et que, conformément aux dispositions du contrat de travail et de l'article 4.8 du statut du personnel, le détachement ne génère pas des droits à congés mais n'est pas suspensif du droit à l'ancienneté ; qu'il en résulte que le Port autonome est tenu de prendre en compte les années de détachement pour le calcul de l'indemnité de capital retraite prévue à l'article 7.7.2 du statut du personnel ;

Que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, la décision se trouve légalement justifiée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : Mme Goasguen - Avocat général : M. Liffran - Avocat(s) : SCP Monod, Colin et Stoclet ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Articles 4.8 c) et 7.7.2 du statut du personnel du Port autonome de Papeete.

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