Numéro 9 - Septembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2018

CONCURRENCE

Com., 26 septembre 2018, n° 16-25.403, (P)

Rejet

Autorité de la concurrence – Décision – Procédure d'engagements – Non-respect des engagements acceptés – Sanction – Quantum – Détermination

Il résulte de la combinaison des articles L. 464-2 et L. 464-3 du code de commerce qu'en cas de non-respect des engagements acceptés par l'Autorité de la concurrence, la sanction qu'elle prononce ne peut dépasser le plafond défini par le premier de ces textes, sans qu'il soit renvoyé aux critères prévus à son alinéa 3 pour en déterminer le quantum, lequel est fixé selon les principes généraux d'individualisation et de proportionnalité applicables à toute sanction, de sorte qu'il ne peut être reproché à l'Autorité de n'avoir pas procédé à une analyse du dommage à l'économie résultant des pratiques en cause.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 octobre 2016), que par une décision n° 06-D-29 du 6 octobre 2006, le Conseil de la concurrence, devenu l'Autorité de la concurrence (l'Autorité) a accepté et rendu obligatoires les engagements du GIE Les Indépendants (le GIE) consistant, pour le premier, en une révision de son règlement intérieur concernant les conditions et la procédure d'adhésion et de sortie du GIE, pour le deuxième, en une modification de la notice d'information adressée aux sociétés candidates, les autres engagements portant sur les conditions de mise en oeuvre des deux premiers ; que s'étant saisie d'office de l'examen du respect des engagements souscrits par le GIE, l'Autorité, par une décision n° 15-D-02 du 26 février 2015, a constaté que le GIE avait méconnu plusieurs de ses engagements et lui a infligé une sanction pécuniaire ; que le GIE a formé un recours en annulation, subsidiairement en réformation, de cette décision ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le GIE fait grief à l'arrêt du rejet de son recours alors, selon le moyen, que commet un excès de pouvoir la cour d'appel de Paris qui, saisie d'un recours en annulation sur le fondement de l'article L. 464-8 du code de commerce contre une décision de l'Autorité le rejette après avoir retenu qu'il était partiellement fondé ; que la cour d'appel a considéré que, contrairement à ce qu'avait retenu l'Autorité, le GIE n'avait pas méconnu le deuxième engagement qu'il avait souscrit au titre du « contenu de l'obligation d'information » ; qu'elle a de même retenu au titre de l'article 9 du règlement intérieur relatif au « statut d'adhérent » qu'il n'y avait pas de méconnaissance de l'engagement pris par le GIE, contrairement à l'opinion de l'Autorité ; qu'enfin, elle a retenu, à rebours de ce que l'Autorité avait décidé, que l'engagement pris au titre de l'article 13.8 relatif à l'exclusion d'une radio d'un produit n'avait été méconnu que jusqu'en 2011 seulement ; d'où il suit qu'en rejetant néanmoins le recours en annulation, après avoir décidé qu'il était partiellement fondé, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a commis un excès de pouvoir en violation du texte susvisé ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le GIE demandait, à titre principal, de dire qu'il avait respecté tous les engagements souscrits en 2006 et d'annuler, en conséquence, la décision de l'Autorité et, à titre subsidiaire, de réduire le montant de la sanction infligée, la cour d'appel, qui a constaté que le GIE avait manqué à certains de ses engagements, a pu, sans méconnaître les conséquences légales de ses constatations, rejeter le recours en annulation formé contre la décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que le GIE fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que l'inexécution de l'engagement accepté par l'Autorité, de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence susceptibles de constituer des pratiques prohibées visées aux articles L. 420-1, L. 420-2, L. 420-2-1 et L. 420-5 du code de commerce, s'apprécie par rapport aux préoccupations de concurrence ; qu'en concluant dès lors à l'inexécution par le GIE Les Indépendants au titre de l'engagement pris relativement à « la conservation des équilibres régionaux du produit national » pour la raison que le critère constitué d'un rapport chiffré était seulement mentionné dans la notice d'information remise aux radios candidates, sans figurer dans le règlement intérieur, comme le GIE s'y était engagé, ce dont il résultait que la lettre de l'engagement avait été méconnue, sans rechercher si ledit manquement purement formel n'était pas sans conséquence au regard des préoccupations de concurrence, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 464-2 et L. 464-3 du code de commerce ;

2°/ que tout jugement doit être motivé ; que dans son mémoire, le GIE Les Indépendants faisait valoir que l'assouplissement du critère de la conservation des équilibres régionaux du produit national par rapport à celui figurant dans les engagements souscrits était établi par la circonstance qu'il avait permis l'adhésion de cinq radios franciliennes, qu'il identifiait, et qu'aucune radio n'était en attente de son entrée ; qu'en ne se prononçant pas sur ce moyen et en affirmant qu'il « resterait à déterminer le nombre de radios qui seraient entrées dans le groupement si le critère n'avait pas été modifié », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que dans sa décision n° 06-D-29 du 6 octobre 2006, le Conseil de la concurrence avait accepté les engagements présentés par le GIE, lesquels précisaient que : « Des évolutions ultérieures des dispositions concernées par les présents engagements, si elles répondent à des justifications non anticoncurrentielles, ne sont pas exclues, à condition toutefois que la substance des réponses aux préoccupations de concurrence exprimées dans la présente affaire soit clairement préservée » ; qu'ainsi, en affirmant que le respect par le groupement de ses engagements doit s'apprécier non au regard des effets actuels ou potentiels du comportement en cause, mais en considération de la situation concurrentielle que le Conseil de la concurrence avait entendu préserver en acceptant et en rendant obligatoire ces mêmes engagements, pour en déduire l'inexécution par le GIE de son engagement au titre de la « conservation des équilibres régionaux », la cour d'appel a violé les articles L. 464-2 et L. 464-3 du code de commerce ;

4°/ que le pouvoir reconnu par les statuts d'un groupement de mettre fin sans préavis à l'adhésion de l'un des membres n'exclut pas l'existence d'une procédure préalable contradictoire permettant à l'adhérent de préparer sa défense ; qu'en décidant que la procédure contradictoire de l'article 13.3 ne peut trouver à s'appliquer, puisqu'elle consiste préalablement à toute décision à aviser la radio en cause qu'un manquement susceptible d'entraîner son exclusion a été relevé contre elle et à lui laisser préparer sa défense, ce qui est contradictoire avec la possibilité d'un retrait du statut d'adhérent ou de membre prononcé sans préavis, quand rien n'interdit de stipuler qu'une sanction sera prononcée sans préavis après une instruction contradictoire, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du code civil ;

5°/ que l'inexécution de l'engagement accepté par l'Autorité, de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence susceptibles de constituer des pratiques prohibées visées aux articles L. 420-1, L. 420-2, L. 420-2-1 et L. 420-5 du code de commerce, s'apprécie par rapport aux préoccupations de concurrence ; qu'en concluant dès lors à l'inexécution par le GIE au titre de l'engagement pris relativement à « l'absence de procédure contradictoire en cas de sortie de droit » pour la raison que le GIE n'avait pas inséré dans son règlement intérieur une procédure contradictoire, ainsi qu'il s'y était engagé, sans rechercher si, indépendamment de ce manquement formel, le GIE n'avait pas dans la pratique, établie par des courriers adressés les 16 mars et 19 juillet 2012, observé une procédure répondant aux engagements pris de sorte qu'il n'en résultait aucune contravention aux préoccupations de concurrence, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 464-2 et L. 464-3 du code de commerce ;

6°/ qu'il appartient à la cour d'appel de Paris, saisie d'un recours en annulation contre une décision de l'Autorité statuant sur le respect d'engagements acceptés par elle en application de l'article L. 464-2 du code de commerce, d'apprécier elle-même en fait et en droit l'existence de l'inexécution reprochée au défendeur ; d'où il suit qu'en se bornant, au titre de l'engagement pris par le GIE relativement à l'article 14.2 relatif à la « durée du préavis en cas de démission (GIE, produit national, produit régional)", à s'assurer que l'Autorité avait motivé sa décision, sans exercer elle-même son office, la cour d'appel a violé l'article L. 464-8 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que la caractérisation d'un manquement à des engagements conduit à vérifier leur respect formel puis, le cas échéant, l'absence de manquement au regard des préoccupations de concurrence ayant donné lieu à ces engagements ; que l'arrêt, après avoir constaté que le GIE, qui s'était engagé à faire figurer dans son règlement intérieur le rapport chiffré de conservation des équilibres régionaux, ne le mentionnait que dans la notice d'information remise aux candidats, retient que l'absence de cette mention était une cause d'opacité des conditions d'éligibilité au produit national, seules les radios adhérentes depuis le mois d'août 2011 en ayant eu connaissance ; qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel, qui a effectué la recherche invoquée à la première branche et n'était pas tenue d'effectuer celle mentionnée à la deuxième, que ses constatations rendaient inopérante, a pu retenir que le GIE avait méconnu ses engagements ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'interprétant souverainement les nouvelles dispositions introduites en 2010 à l'article 11.3.2 du règlement intérieur, la cour d'appel a pu retenir que le GIE s'était donné la possibilité d'exclure un membre ou un adhérent sans respecter la procédure contradictoire initialement prévue à l'article 13.3 et avait ainsi manqué à son engagement ;

Attendu, en troisième lieu, qu'ayant constaté que de nouveaux cas de « sortie de droit » du GIE avaient été introduits dans le règlement intérieur, en 2006 et en 2011, l'arrêt relève que ces nouveaux cas pouvaient être mis en oeuvre sans procédure contradictoire et en déduit que le GIE n'a pas respecté, à partir de 2006, l'engagement qu'il avait pris de prévoir dans son règlement intérieur que toutes les sorties de droit seraient soumises à une procédure contradictoire ; qu'il retient, effectuant par là-même la recherche invoquée à la cinquième branche, que ce manquement n'a pas disparu du seul fait de l'envoi des courriers des 16 mars et 19 juillet 2012 ;

Et attendu, enfin, qu'après avoir constaté que l'Autorité avait considéré que l'allongement du délai de préavis imposé au membre ou à l'adhérent démissionnaire, lié à l'acquittement d'une pénalité financière au prorata de la durée du préavis non effectuée, produisait un effet de verrouillage entravant, au delà de toute nécessité économique, la possibilité pour une radio de quitter le GIE, l'arrêt, par des motifs qui ne sont pas contestés, écarte un à un les moyens soutenus par le GIE pour contester cette appréciation ; qu'ainsi, la cour d'appel, loin de se borner à s'assurer que l'Autorité avait motivé sa décision, a apprécié l'existence de l'inexécution reprochée au GIE ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que le GIE fait encore le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que tout jugement doit être motivé ; que pour maintenir l'appréciation portée par l'Autorité sur la gravité des manquements reprochés au GIE et confirmer la sanction pécuniaire prononcée, la cour d'appel relève, d'une part, que l'inexécution constitue un manquement grave en lui-même et, d'autre part, que les conséquences négatives, en ce qui concerne l'accès à la publicité, résultent de l'effet cumulatif de ces manquements ; qu'en se prononçant ainsi quand la gravité des manquements devait s'apprécier in concreto en fonction de la nature des engagements méconnus et de leurs conséquences sur la concurrence et qu'elle constatait que trois manquements, dont l'un relatif au statut d'adhérent, relevés par l'Autorité n'étaient pas établis, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que si les mesures, injonctions ou engagements prévus aux articles L. 464-1 et L. 464-2 du code de commerce ne sont pas respectés, l'Autorité peut prononcer une sanction pécuniaire dans les limites fixées à l'article L. 464-2 ; qu'en affirmant qu'il n'était pas renvoyé aux critères de détermination de la sanction pécuniaire définis par l'article L. 464-2 I, alinéa 3, du code de commerce, quand précisément les limites dans lesquelles les sanctions pécuniaires s'apprécient sont définies par ledit texte, la cour d'appel l'a violé par refus d'application ;

3°/ que les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées ; qu'en ne recherchant pas l'importance du dommage causé à l'économie par les manquements reprochés au GIE, tout en se référant aux motifs de la décision de l'Autorité, dont la réformation était demandée, dont l'un des considérants précisait qu'il ne serait pas tenu compte de l'importance du dommage causé à l'économie, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 464-2, I, alinéa 3 et L. 464-3 du code de commerce ;

4°/ que la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en justifiant sa décision en se référant à la motivation de la décision de l'Autorité, dont le § 202 reprochait au GIE un manquement à ses engagements dans l'article 9 du règlement intérieur, quand elle retenait que la rédaction de cet article 9 ne pouvait « être considérée comme contraire à l'engagement souscrit », la cour d'appel s'est contredite et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés ; que pour justifier le montant de la sanction pécuniaire de 300 000 euros prononcée par l'Autorité, la cour d'appel retient qu'il est justifié par la gravité des manquements relevés par l'Autorité qui ont consisté à méconnaître les engagements clairs et précis acceptés par le Conseil de la concurrence ; d'où il suit qu'ayant constaté que deux manquements ayant justifié le montant élevé de la sanction n'étaient pas établis, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en maintenant le montant de la sanction au niveau prononcé par l'Autorité et a violé les articles L. 464-2, I, alinéa 2 et L. 464-3 du code de commerce ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que l'article L. 464-3 du code de commerce permet à l'Autorité, si les engagements qu'elle a acceptés ne sont pas respectés, de prononcer une sanction pécuniaire « dans les limites fixées à l'article L. 464-2 du même code », l'arrêt retient exactement que seul le montant maximal de la sanction est ainsi défini, sans toutefois qu'il soit renvoyé aux critères prévus à l'alinéa 3 de ce dernier texte pour en déterminer le quantum, lequel est fixé selon les principes généraux d'individualisation et de proportionnalité applicables à toute sanction, de sorte qu'il ne peut être reproché à l'Autorité de ne pas avoir procédé à une analyse du dommage à l'économie résultant des pratiques en cause ; qu'il retient que la gravité des manquements aux engagements pris est appréciée au regard des préoccupations de concurrence auxquelles ces engagements devaient mettre fin ; qu'il relève que la méconnaissance de tels engagements, en contrepartie desquels l'Autorité a renoncé à engager une procédure aux fins de sanction, constitue un manquement grave en lui-même ; qu'il relève encore que même si le GIE n'a manqué qu'à certains de ses engagements, l'effet cumulatif de ces violations a eu des conséquences négatives sur l'accès à la publicité radiophonique nationale ; qu'il retient, appréciant souverainement la proportionnalité de la sanction, que le fait que deux des manquements sanctionnés par l'Autorité ne soient pas établis, n'est pas de nature à diminuer le montant de la sanction prononcée ; qu'en cet état, la cour d'appel, qui a procédé à une analyse concrète de la nature des engagements méconnus, ainsi que de la gravité des manquements constatés et de leurs effets, a pu, sans se contredire, rejeter le recours en réformation de la décision de l'Autorité ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Poillot-Peruzzetto - Avocat général : M. Richard de la Tour (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix -

Textes visés :

Articles L. 464-2 et L. 464-3 du code de commerce.

Com., 12 septembre 2018, n° 14-19.589, (P)

Cassation

Pratique anticoncurrentielle – Entente illicite – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Concertation sur les prix ou sur les quantités mises sur le marché ou échanges d'informations stratégiques – Conditions – Pratiques entre membres d'une organisation de producteurs ou d'une association d'organisations de producteurs reconnue

Il résulte de l'arrêt du 14 novembre 2017 de la Cour de justice de l'Union européenne (C-671/15) que si des pratiques qui portent sur une concertation relative aux prix ou aux quantités mises sur le marché ou sur des échanges d'informations stratégiques peuvent être soustraites à l'interdiction des ententes prévue à l'article 101, § 1, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) lorsqu'elles sont convenues entre membres d'une même organisation de producteurs ou d'une même association d'organisations de producteurs reconnue par un Etat membre et qu'elles sont strictement nécessaires à la poursuite du ou des objectifs qui lui ont été assignés en conformité avec la réglementation relative à l'organisation commune du marché concerné, de telles pratiques ne peuvent échapper à cette interdiction lorsqu'elles sont convenues entre différentes organisations de producteurs ou associations d'organisations de producteurs ainsi qu'avec des entités non reconnues dans le cadre de l'organisation commune du marché concerné.

Pratique anticoncurrentielle – Entente illicite – Domaine d'application – Cas – Prix, quantitées mises sur le marché ou échanges d'informations stratégiques – Concertation entre différentes organisations de producteurs, associations d'organisations de producteurs ou entités non reconnues

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, saisie par le ministre chargé de l'économie de la situation de la concurrence dans le secteur de la production et de la commercialisation des endives, l'Autorité de la concurrence (l'Autorité) a, par une décision n° 12-D-08 du 6 mars 2012, dit établi que l'Association des producteurs d'endives de France (l'APEF), l'Association des producteurs vendeurs d'endives (l'APVE), le Comité économique fruits et légumes du Nord de la France (le CELFNORD), le Comité économique régional agricole fruits et légumes (le CERAFEL), la Fédération du commerce de l'endive (la FCE), la Fédération nationale des producteurs d'endives (la FNPE), devenue l'Union des endiviers, la Section nationale endives (la SNE), la société Groupe Perle du Nord et les organisations de producteurs Cap'endives, Fraileg, France endives, Marché de Phalempin, Primacoop, Prim'Santerre, Soleil du Nord, Sipema et Valois-Fruits avaient enfreint les dispositions de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE, devenu l'article 101, paragraphe 1, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et de l'article L. 420-1 du code de commerce, en participant à une entente complexe et continue sur le marché français, ayant consisté en une concertation sur le prix et sur les quantités d'endives mises sur le marché et en un système d'échanges d'informations stratégiques ayant servi à mettre en place une police des prix, ces pratiques ayant eu pour objet la fixation en commun d'un prix minimum de vente à la production d'endives et ayant permis aux producteurs et à plusieurs de leurs organisations professionnelles de maintenir des prix de vente minima, et ce, pendant une période ayant débuté en janvier 1998 et toujours en cours à la date de la décision ; que des sanctions pécuniaires ont été prononcées ; que la cour d'appel, par l'arrêt attaqué, a réformé la décision de l'Autorité et dit qu'il n'était pas établi que les entités en cause avaient enfreint les dispositions des articles 101, paragraphe 1, TFUE et L. 420-1 du code de commerce ; que la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, estimant qu'il existait une difficulté sérieuse quant à l'interprétation des règlements portant organisation commune des marchés (OCM), dans le secteur des fruits et légumes, et l'étendue des « dérogations spécifiques », selon la terminologie employée par la Commission européenne dans ses observations d'amicus curiae, aux règles de concurrence que ces règlements étaient susceptibles de contenir dans leurs dispositions relatives aux organisations de producteurs (OP) et leurs associations (AOP), notamment au regard de l'objectif de régularisation des prix à la production assigné à ces organisations, a sursis à statuer sur le pourvoi formé par le président de l'Autorité et a interrogé, à titre préjudiciel, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) ;

Attendu que par un arrêt du 14 novembre 2017 (C-671/15), la CJUE a dit pour droit :

L'article 101 TFUE, lu conjointement avec l'article 2 du règlement n° 26 du Conseil, du 4 avril 1962, portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce des produits agricoles, l'article 11, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2200/96 du Conseil, du 28 octobre 1996, portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes, l'article 2 du règlement (CE) n° 1184/2006 du Conseil, du 24 juillet 2006, portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce de certains produits agricoles, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil, du 22 octobre 2007, l'article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1182/2007 du Conseil, du 26 septembre 2007, établissant des règles spécifiques pour le secteur des fruits et légumes, modifiant les directives 2001/112/CE et 2001/113/CE ainsi que les règlements (CEE) n° 827/68, (CE) n° 2200/96, (CE) n° 2201/96, (CE) n° 2826/2000, (CE) n° 1782/2003 et (CE) n° 318/2006, et abrogeant le règlement (CE) n° 2202/96, ainsi que l'article 122, premier alinéa, et les articles 175 et 176 du règlement n° 1234/2007, tel que modifié par le règlement (CE) n° 491/2009 du Conseil, du 25 mai 2009, doit être interprété en ce sens que :

- des pratiques qui portent sur la fixation collective de prix minima de vente, sur une concertation relative aux quantités mises sur le marché ou sur des échanges d'informations stratégiques, telles que celles en cause au principal, ne peuvent être soustraites à l'interdiction des ententes prévue à l'article 101, paragraphe 1, TFUE lorsqu'elles sont convenues entre différentes organisations de producteurs ou associations d'organisations de producteurs, ainsi qu'avec des entités non reconnues par un État membre aux fins de la réalisation d'un objectif défini par le législateur de l'Union européenne dans le cadre de l'organisation commune du marché concerné, telles que des organisations professionnelles ne disposant pas du statut d'organisation de producteurs, d'association d'organisations de producteurs ou d'organisation interprofessionnelle au sens de la réglementation de l'Union européenne,

- des pratiques qui portent sur une concertation relative aux prix ou aux quantités mises sur le marché ou sur des échanges d'informations stratégiques, telles que celles en cause au principal, peuvent être soustraites à l'interdiction des ententes prévue à l'article 101, paragraphe 1, TFUE lorsqu'elles sont convenues entre membres d'une même organisation de producteurs ou d'une même association d'organisations de producteurs reconnue par un État membre et qu'elles sont strictement nécessaires à la poursuite du ou des objectifs assignés à l'organisation de producteurs ou à l'association d'organisations de producteurs concernée en conformité avec la réglementation de l'Union européenne ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le président de l'Autorité fait grief à l'arrêt de réformer la décision n° 12-D-08 et de dire qu'il n'est pas établi que les entités en cause ont enfreint les dispositions de l'article 101, paragraphe 1, TFUE et de l'article L. 420-1 du code de commerce alors, selon le moyen :

1°/ que les règles de concurrence sont applicables à l'ensemble des accords, décisions et pratiques qui se rapportent à la production ou au commerce des produits agricoles et ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, sous réserve de trois dérogations appliquées de manière restrictive ; qu'en jugeant que « la primauté des objectifs de la politique agricole commune a été rappelée de manière constante par la jurisprudence communautaire », la cour d'appel a violé les articles 42, 101 et 288 TFUE, 1 et 2 du règlement n° 26/62 du Conseil du « 20 avril 1962 », 1 et 2 du règlement (CEE) n° 1184/2006 du Conseil du 24 juillet 2006, 175 et 176 du règlement (CEE) n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007 et L. 420-1 du code de commerce ;

2°/ que les articles 101 à 106 TFUE s'appliquent par principe à l'ensemble des accords, décisions et pratiques qui se rapportent à la production ou au commerce des produits agricoles et ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence ; que par exception, l'article 101, paragraphe 1, TFUE ne s'applique pas à de tels accords, décisions et pratiques lorsqu'ils font partie intégrante d'une organisation nationale de marché, ou lorsqu'ils sont nécessaires à la réalisation des objectifs de la politique agricole commune, ou encore lorsqu'ils ont été mis en oeuvre par des exploitants agricoles, associations d'exploitants agricoles ou associations de ces associations ressortissant à un seul État membre, dans la mesure où, sans comporter l'obligation de pratiquer un prix déterminé, ils concernent la production ou la vente de produits agricoles ou l'utilisation d'installations communes de stockage, de traitement ou de transformation de produits agricoles ; qu'en jugeant que les règles de concurrence relatives aux accords, décisions et pratiques visés par les articles 101 TFUE et L. 420-1 du code de commerce ne s'appliquaient à la production et au commerce des produits agricoles que dans la mesure où leur application ne met pas en péril la réalisation des objectifs de la PAC et n'entrave pas le fonctionnement des organisations nationales des marchés agricoles, la cour d'appel a inversé le principe et les exceptions et a ainsi violé les articles 101 et 288 TFUE, 1 et 2 du règlement n° 26/62 du Conseil du « 20 avril 1962 », 1 et 2 du règlement (CE) n° 1184/2006 du Conseil du 24 juillet 2006, 175 et 176 du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007 et L. 420-1 du code de commerce ;

3°/ que la Commission européenne a compétence exclusive pour constater pour quels accords, décisions et pratiques les conditions d'exemption relatives à la production et au commerce des produits agricoles sont remplies ; qu'en s'appuyant sur les objectifs de la politique agricole commune pour écarter l'analyse de l'Autorité de la concurrence selon laquelle en l'absence de décision de la Commission européenne, les organismes poursuivis n'étaient pas recevables à se prévaloir de la justification des pratiques au titre du régime spécifique au secteur agricole en application de l'article 2 du règlement (CE) n° 1184/2006, la cour d'appel a violé les articles 42, 101 et 288 TFUE, 1 et 2 du règlement n° 26/62 du Conseil du « 20 avril 1962 », 1 et 2 du règlement (CE) n° 1184/2006 du Conseil du 24 juillet 2006, 175 et 176 du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007 et L. 420-1 du code de commerce ;

4°/ que l'article 101, paragraphe 1, TFUE ne s'applique pas à des accords, décisions et pratiques anticoncurrentiels lorsqu'ils font partie intégrante d'une organisation nationale de marché ; qu'en énonçant que : « les règles de concurrence (...) ne s'appliquent à la production et au commerce des produits agricoles (...) que dans la mesure où leur application (...) n'entrave pas le fonctionnement des organisations nationales des marchés agricoles dont les mécanismes de régulation sont (...) dérogatoires au droit commun de la concurrence », cependant qu'une organisation commune des marchés agricoles dans le secteur des fruits et légumes a été instaurée depuis 1972, de sorte que les mécanismes de régulation mis en place dans le secteur de l'endive ne pouvaient être assimilés à ceux d'un produit agricole soumis à une organisation nationale de marché, la cour d'appel a violé les articles 40, 42, 101 et 288 TFUE, 1 et 2 du règlement n° 26/62 du Conseil du « 20 avril 1962 », 1 et 2 du règlement (CE) n° 1184/2006 du Conseil du 24 juillet 2006, 175 et 176 du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007 et L. 420-1 du code de commerce ;

5°/ que l'article 101, paragraphe 1, TFUE ne s'applique pas à des accords, décisions et pratiques anticoncurrentiels lorsqu'ils sont nécessaires à la réalisation de l'ensemble des objectifs de la politique agricole commune ; qu'en s'appuyant sur le fait que la défense des revenus des producteurs était un des objectifs assignés à la politique agricole commune par l'article 39 TFUE pour approuver la justification de la commission des pratiques litigieuses par les entreprises mises en cause et refuser de les sanctionner, la cour d'appel a violé les articles 42, 101 et 288 TFUE, 1 et 2 du règlement n° 26/62 du Conseil du « 20 avril 1962 », 1 et 2 du règlement (CE) n° 1184/2006 du Conseil du 24 juillet 2006, 175 et 176 du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007 et L. 420-1 du code de commerce ;

6°/ que les règles de concurrence s'appliquent aux accords entre exploitants agricoles, associations d'exploitants agricoles et associations de ces associations ressortissant à un seul État membre concernant la production ou la vente de produits agricoles qui comportent l'obligation de pratiquer un prix déterminé ; qu'en refusant d'appliquer aux pratiques litigieuses l'article 101, paragraphe 1, TFUE relatif à la prohibition des accords et pratiques anticoncurrentiels après avoir constaté, au stade de l'analyse de l'objet des pratiques, que les modalités de fixation collective de prix minimum retenues par l'Autorité de la concurrence, en particulier la détermination d'un cours pivot, la mise en place d'une bourse aux échanges et d'un « cadran bourse », ainsi que la fixation d'un prix minimum sous couvert d'un prix de retrait, avaient été mises en oeuvre pendant plusieurs mois, ce dont il résultait que les accords et pratiques en cause avaient comporté l'obligation de pratiquer un prix déterminé, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 101 et 288 du TFUE, 1 et 2 du règlement n° 26/62 du Conseil du « 20 avril 1962 », 1 et 2 du règlement (CE) n° 1184/2006 du Conseil du 24 juillet 2006, 175 et 176 du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007 et L. 420-1 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que dans son arrêt du 14 novembre 2017 (C-671/15), la CJUE a rappelé que, dans la poursuite des objectifs que sont l'instauration d'une politique agricole commune et l'établissement d'un régime de concurrence non faussée, l'article 42 TFUE reconnaît la primauté de la politique agricole commune par rapport aux objectifs du traité, dans le domaine de la concurrence, et le pouvoir du législateur de l'Union de décider dans quelle mesure les règles de concurrence trouvent à s'appliquer dans le secteur agricole (point 37) ; qu'elle a précisé que les interventions du législateur de l'Union à ce titre ont pour objet non pas d'établir des dérogations ou des justifications à l'interdiction des pratiques visées à l'article 101, paragraphe 1, et à l'article 102 TFUE, mais d'exclure du champ d'application de ces dispositions des pratiques qui, si elles intervenaient dans un secteur autre que celui de la politique agricole commune, en relèveraient (point 38) ; que le moyen procède, en sa première branche, d'un postulat erroné ;

Attendu, en deuxième lieu, que la cour d'appel n'a pas inversé le principe et les exceptions en énonçant les motifs critiqués par la deuxième branche, qui ne font que reprendre, en substance, les termes des considérants 2 du règlement n° 26, 3 du règlement n° 1184/2006 et 84 du règlement n° 1234/2007, selon lesquels les règles de concurrence relatives aux accords, décisions et pratiques visés à l'article 101, paragraphe 1, TFUE doivent être appliquées à la production et au commerce des produits agricoles, dans la mesure où leur application ne met pas en péril la réalisation des objectifs de la politique agricole commune et n'entrave pas le fonctionnement des organisations nationales des marchés agricoles ;

Et attendu, enfin, que, la cour d'appel n'ayant pas fondé sa décision sur les hypothèses d'inapplicabilité des règles de concurrence au secteur agricole, prévues par les articles 2 des règlements n° 26 et n° 1184/2006 et 176 du règlement n° 1234/2007, le moyen qui procède, en ses quatre dernières branches, du postulat contraire, est inopérant ;

D'où il suit que le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :

Attendu que le président de l'Autorité fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, qu'en énonçant que « tant les règlements OCM que des dispositions de droit interne, pour les besoins de la réalisation des objectifs fixés par la politique agricole commune, ont attribué aux organismes collectifs mis en cause des missions particulières s'inscrivant dans un cadre dérogatoire au droit de la concurrence, que « les règlements OCM et les dispositions (...) du code rural (...) ont (...) confié aux OP et aux AOP des missions s'inscrivant dans le cadre de règles dérogatoires au droit de la concurrence », et que « l'OCM unique a également institué un régime dérogatoire au droit de la concurrence en permettant aux producteurs de se regrouper au sein d'AOP de gouvernance au sein desquelles ils disposent du droit de se concerter », cependant qu'en dehors de l'application des dérogations expresses à l'application de l'article 101, paragraphe 1, TFUE instaurées par les règlements portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce des produits agricoles, l'exercice des missions dévolues aux organisations de producteurs et associations de ces organisations ne pouvait se concevoir que dans le respect des règles de concurrence, la cour d'appel a violé les articles 101 et 288 du TFUE, 1 et 2 du règlement n° 26/62 du Conseil du « 20 avril 1962 », 1 et 2 du règlement (CE) n° 1184/2006 du Conseil du 24 juillet 2006, 175 et 176 du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007 et L. 420-1 du code de commerce ;

Mais attendu qu'il résulte des textes visés par le moyen, tels qu'interprétés par la CJUE dans son arrêt du 14 novembre 2017 (C-671/15), que les hypothèses d'inapplicabilité de l'article 101, paragraphe 1, TFUE, dans le secteur des fruits et légumes, ne se limitent pas aux seules hypothèses expressément prévues par les articles 2 des règlements n° 26 et n° 1184/2006 et 176 du règlement n° 1234/2007, mais peuvent couvrir également les pratiques qui portent sur une concertation relative aux prix ou aux quantités mises sur le marché ou sur des échanges d'informations stratégiques lorsqu'elles sont convenues entre membres d'une même OP ou d'une même AOP, reconnue par un État membre, et qu'elles sont strictement nécessaires à la poursuite du ou des objectifs assignés à l'OP ou à l'AOP concernée en conformité avec la réglementation de l'Union européenne ; que le moyen, qui procède d'un postulat contraire, manque en droit ;

Mais sur le moyen relevé d'office, en application de l'article 620 du code de procédure civile, suggéré par le demandeur au pourvoi :

Vu les articles 101 TFUE et L. 420-1 du code de commerce, ensemble l'article 2 du règlement n° 26 du Conseil, du 4 avril 1962, l'article 11, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2200/96 du Conseil, du 28 octobre 1996, l'article 2 du règlement (CE) n° 1184/2006 du Conseil, du 24 juillet 2006, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil, du 22 octobre 2007, l'article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1182/2007 du Conseil, du 26 septembre 2007, l'article 122, premier alinéa, et les articles 175 et 176 du règlement n° 1234/2007, tel que modifié par le règlement (CE) n° 491/2009 du Conseil, du 25 mai 2009 ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt du 14 novembre 2017 de la CJUE (C-671/15) que si des pratiques qui portent sur une concertation relative aux prix ou aux quantités mises sur le marché ou sur des échanges d'informations stratégiques peuvent être soustraites à l'interdiction des ententes prévue à l'article 101, paragraphe 1, TFUE lorsqu'elles sont convenues entre membres d'une même OP ou d'une même AOP reconnue par un État membre et qu'elles sont strictement nécessaires à la poursuite du ou des objectifs qui lui ont été assignés en conformité avec la réglementation relative à l'organisation commune du marché concerné, de telles pratiques ne peuvent échapper à cette interdiction lorsqu'elles sont convenues entre différentes OP ou AOP ainsi qu'avec des entités non reconnues dans le cadre de l'organisation commune du marché concerné ;

Attendu que pour dire qu'il n'est pas établi que les entités sanctionnées ont enfreint les dispositions des articles 101, paragraphe 1, TFUE et L. 420-1 du code de commerce, après avoir constaté que, pendant toute la période visée par le grief, tant la réglementation de l'organisation commune de marché mise en place dans le secteur des fruits et légumes que les dispositions du droit interne avaient, pour les besoins de la réalisation des objectifs fixés par la politique agricole commune, attribué aux organismes collectifs mis en cause des missions particulières qui s'inscrivaient dans un cadre dérogatoire au droit de la concurrence, l'arrêt relève qu'il existe des difficultés d'interprétation de la réglementation OCM sur l'étendue exacte et les limites de la mission de régularisation des prix assignée aux OP et AOP et retient qu'il n'est pas indiscutablement démontré que les pratiques incriminées de fixation collective de prix minimum aient dépassé ces limites ; qu'il retient encore, s'agissant des concertations portant sur les quantités d'endives mises sur le marché, qu'il n'est pas établi avec certitude que les organismes poursuivis seraient sortis des limites des missions qui leur étaient légalement assignées tendant, en application de la réglementation OCM, à assurer la programmation de la production et son adaptation à la demande, notamment en quantité et qualité, et à harmoniser les disciplines de production ;

Qu'en se déterminant ainsi, en retenant que les pratiques litigieuses pouvaient être soustraites à l'application des articles 101, paragraphe 1, TFUE et L. 420-1 du code de commerce, sans rechercher si les conditions d'une telle soustraction à l'interdiction des ententes étaient réunies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS et, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mai 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Orsini - Avocat général : M. Richard de la Tour (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article 101, § 1, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Rapprochement(s) :

Dans le même sens que : CJUE, arrêt du 14 novembre 2017, Association des producteurs vendeurs d'endives (APVE) e.a., C-671/15.

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