Numéro 9 - Septembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2018

CHOSE JUGEE

2e Civ., 6 septembre 2018, n° 17-21.337, (P)

Rejet

Autorité de la chose jugée – Décision revêtue de l'autorité de la chose jugée – Jugement d'orientation – Créance mentionnée dans le dispositif

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 mai 2017), que la caisse régionale de Crédit agricole mutuel d'Aquitaine (la banque) ayant consenti à M. X... un prêt par acte notarié, celle-ci lui a fait délivrer un commandement à fin de saisie immobilière ; que, par un arrêt du 5 mai 2010, une cour d'appel a confirmé le jugement d'orientation d'un juge de l'exécution ayant ordonné la vente forcée du bien et mentionné le montant de la créance ; que le bien a été adjugé et le projet de répartition du prix de vente homologué par une décision du juge de l'exécution du 26 octobre 2012 ; que, par requête du 24 octobre 2013, la banque a fait convoquer M. X... devant un tribunal d'instance à fin de tentative de conciliation, en vue de la saisie de ses rémunérations afin d'obtenir le paiement du solde de sa créance ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'autoriser la saisie de ses rémunérations pour la somme de 27 177,25 euros, outre les intérêts au taux de 4,30 % du 11 décembre 2012 au 4 octobre 2013, alors, selon le moyen :

1°/ que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'en l'absence de contestation relative à l'existence ou au montant de la créance, le jugement d'orientation rendu par le juge de l'exécution en matière de saisie immobilière et qui se borne à « mentionner » la créance du saisissant est dépourvu de toute autorité de chose jugée quant à la détermination du montant de cette créance ; qu'en affirmant, pour autoriser la saisie des rémunérations de M. X..., que le jugement d'orientation rendu par le juge de l'exécution en matière de saisie immobilière a l'autorité de la chose jugée quant à l'existence et au montant de la créance du créancier poursuivant, peu important que le montant n'ait pas fait l'objet de contestation, la cour d'appel a violé les articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil, ensemble les articles R. 311-5, R. 322-15 et R. 322-18 du code des procédures civiles d'exécution ;

2°/ que l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance ; qu'à supposer que le jugement d'orientation, en mentionnant la créance du saisissant, fixe irrévocablement la créance de ce dernier, alors il faut en déduire que l'effet interruptif attaché au commandement de payer ne vaut que jusqu'au jugement d'orientation, qui fait droit à la demande du créancier et fixe définitivement sa créance à l'égard du débiteur ; qu'en décidant que cet effet interruptif se prolonge jusqu'à l'ordonnance homologuant le projet de répartition du prix de vente, la cour d'appel a violé, ensemble, l'article 2242 du code civil et l'article R. 322-8 du code des procédures civiles d'exécution ;

Mais attendu qu'ayant relevé que lors de la procédure de saisie immobilière engagée à l'encontre de M. X..., le juge de l'exécution avait constaté dans le dispositif du jugement d'orientation que la créance de la banque en principal, frais, intérêts et accessoires, s'élevait à la somme de 109 827,44 euros au 17 juin 2009, la cour d'appel a exactement décidé que cette décision avait autorité de la chose jugée et s'imposait au juge de la saisie des rémunérations, même en l'absence de contestation formée devant le juge de l'exécution sur l'existence ou le montant de la créance ;

Et attendu qu'ayant rappelé qu'en vertu de l'article 2242 du code civil, l'interruption de la prescription résultant de la demande en justice produisait ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance, la cour d'appel, qui a retenu à bon droit que l'instance engagée par la saisine du juge de l'exécution ayant donné lieu au jugement d'orientation du 17 décembre 2009 ne s'était éteinte que par l'ordonnance d'homologation du projet de répartition du prix de vente de l'immeuble du 31 octobre 2012, en a exactement déduit que l'action en saisie des rémunérations engagée le 24 octobre 2013, était recevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Lemoine - Avocat général : Mme Vassallo - Avocat(s) : SCP Gaschignard ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Article 1351 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; article 480 du code de procédure civile ; articles R. 311-5, R. 322-15 et R. 322-18 du code des procédures civiles d'exécution ; article 2242 du code civil.

Rapprochement(s) :

Com., 13 septembre 2017, pourvoi n° 15-28.833, Bull. 2017, IV, n° 109 (rejet). 2e Civ., 1er mars 2018, pourvoi n° 17-11.238, Bull. 2018, II, n° 42 (cassation partiellement sans renvoi).

2e Civ., 13 septembre 2018, n° 17-14.654, (P)

Rejet

Autorité du pénal – Etendue – Responsabilité civile – Répartition de la charge de l'indemnisation – Responsables condamnés à des peines différentes par la juridiction pénale – Absence d'influence

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche, qui est recevable comme étant de pur droit :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 11 janvier 2017) et les productions, que, par un arrêt de cour d'appel du 3 juillet 2008 devenu définitif, MM. Z..., Y... et X... ont été condamnés, le premier du chef d'escroquerie et les deux autres du chef de complicité d'escroquerie, pour des faits commis au préjudice de Roger C..., décédé depuis ; que cet arrêt les condamnant solidairement à payer aux ayants droit de la victime une certaine somme à titre de dommages-intérêts, M. Y..., après avoir réglé une partie de l'indemnisation, a fait commandement à M. X... de lui en rembourser le tiers ; que ce dernier a assigné MM. Y... et Z... pour faire juger qu'ils étaient les seuls responsables du préjudice subi par les ayants droit de Roger C... ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes, de dire que la charge du paiement de la condamnation prononcée solidairement à leur encontre devait être répartie par parts viriles entre eux soit un tiers chacun, de déclarer M. Y... fondé en son action récursoire et de le condamner à payer à ce dernier une certaine somme, alors, selon le moyen, que les décisions pénales ont l'autorité absolue de chose jugée au civil ; qu'en jugeant qu'il n'y avait pas lieu de mesurer la gravité des fautes des codébiteurs à l'aune des peines respectives de vingt-quatre mois, douze mois et six mois, prononcées à l'encontre de M. Z..., M. Y... et M. X... par l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 3 juillet 2008, parce que ces peines ne tiendraient pas « uniquement compte des faits commis mais également de la personnalité des prévenus et notamment des fonctions qu'ils occupaient », quand cette différenciation des peines, même si elle n'était que partiellement fondée sur la gravité des faits, imposait une différenciation de la charge définitive de la dette civile, la cour d'appel a violé les articles 1213 et 1351 du code civil, dans leur version applicable à la cause ;

Mais attendu que c'est sans méconnaître l'autorité de la chose jugée au pénal que, dans l'exercice de son pouvoir souverain, la cour d'appel a estimé que les fautes commises par chacun des trois condamnés à des peines différentes étaient d'égale importance et qu'il y avait lieu, dans leurs rapports contributifs, de répartir par parts égales la charge de l'indemnisation ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les première, deuxième, quatrième, cinquième, sixième, septième et huitième branches du moyen unique annexé qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Becuwe - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles 1213 et 1351 du code civil, dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

1re Civ., 19 septembre 2018, n° 17-22.678, (P)

Cassation

Portée – Limites – Evénements postérieurs ayant modifié la situation antérieurement reconnue en justice – Exclusion – Cas – Partie ayant négligé d'accomplir une diligence en temps utile

Le caractère nouveau de l'événement permettant d'écarter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée ne peut résulter de ce que la partie qui l'invoque a négligé d'accomplir une diligence en temps utile.

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 1351 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article 480 du code de procédure civile ;

Attendu que le caractère nouveau de l'événement permettant d'écarter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée ne peut résulter de ce que la partie qui l'invoque a négligé d'accomplir une diligence en temps utile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'André et Janine Z... ont vendu en viager un appartement à la société civile immobilière Marvine ; qu'après la dissolution de cette société, cet immeuble a été attribué à Paul Y..., lequel est décédé le [...], Mme X... étant désignée en qualité d'administrateur provisoire de sa succession ; qu'André et Janine Z... sont décédés les [...], laissant pour leur succéder Mmes A... et C... ; que, le 1er février 2011, ces dernières ont assigné Mme X..., ès qualités, pour obtenir la résolution de la vente en invoquant le défaut de paiement des arrérages de la rente ; qu'un jugement du 19 mars 2013 les a déclarées irrecevables, faute d'avoir fait signifier l'acte de vente aux héritiers de Paul Y... et à Mme X..., ès qualités, conformément à l'article 877 du code civil ; qu'après avoir signifié l'acte de vente, Mmes A... et C... ont, par acte du 2 juin 2014, assigné Mme X..., ès qualités, en résolution de la vente ; que celle-ci a soulevé l'irrecevabilité de la demande en invoquant l'autorité de la chose jugée du jugement du 19 mars 2013 ;

Attendu que, pour rejeter cette fin de non recevoir, l'arrêt retient que l'autorité de la chose jugée attachée à une décision déclarant irrecevable une demande faute d'accomplissement de certaines formalités n'interdit pas à son auteur d'introduire une nouvelle instance après accomplissement de ces dernières, s'il se trouve toujours dans les délais pour agir, et que le principe de concentration des moyens n'est pas heurté par la nouvelle instance fondée sur un situation juridique nouvelle advenue postérieurement à la décision précédente ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 19 mars 2013 et ainsi violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Vigneau - Avocat(s) : SCP Monod, Colin et Stoclet ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article 1351 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; article 480 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Dans le même sens que : 2e Civ., 25 juin 2015, pourvoi n° 14-17.504, Bull. 2015, II, n° 169 (rejet).

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