Numéro 9 - Septembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2018

BAIL COMMERCIAL

3e Civ., 13 septembre 2018, n° 16-26.049, (P)

Rejet

Indemnité d'éviction – Evaluation – Montant – Fixation – Prise en charge des frais de réinstallation – Clause d'accession des améliorations au bailleur en fin de bail sans indemnité – Portée

Une clause d'accession sans indemnité stipulée au profit du bailleur dans le bail qui a pris fin ne fait pas obstacle au droit du preneur d'être indemnisé de ses frais de réinstallation au titre de l'indemnité d'éviction.

Sur le second moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 juin 2016), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 4 juin 2013, pourvoi n° 12-17.719), que les consorts X..., propriétaires de locaux à usage commercial donnés à bail à la société C..., avec une clause d'accession sans indemnité au profit du bailleur, lui ont délivré congé pour le 1er avril 1997, avec offre de renouvellement, puis ont exercé leur droit d'option ; que, le 17 janvier 2001, la société C..., placée en liquidation judiciaire et représentée par son liquidateur, a cédé son fonds de commerce à la société ASC ; que celle-ci a assigné les consorts X... en paiement d'une indemnité d'éviction ;

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à payer à la société ASC une certaine somme au titre de l'indemnité d'éviction, alors, selon le moyen :

1°/ que, lorsque le bail commercial contient une clause d'accession au profit du bailleur en fin de bail, l'indemnité d'éviction due au preneur en cas de non-renouvellement doit s'apprécier en l'état des locaux sans les constructions et améliorations réalisées par le preneur en cours de bail ; qu'en l'espèce, il était stipulé au contrat de bail liant la société ASC aux consorts X... que le bailleur resterait propriétaire en fin de bail de tous travaux, embellissements et améliorations réalisés par le preneur, sans indemnité pour ce dernier ; qu'en retenant que la société ASC avait droit à obtenir une indemnité d'éviction fondée sur la valeur des locaux au jour du non-renouvellement, la cour d'appel a violé l'article L. 145-14 du code de commerce ;

2°/ que, subsidiairement, lorsque le bail commercial contient une clause d'accession au profit du bailleur en fin de bail, et que celui-ci a fait l'objet d'un ou plusieurs renouvellements, l'indemnité d'éviction due au preneur en cas de non-renouvellement doit s'apprécier en l'état des locaux sans les constructions et améliorations réalisées par le preneur depuis le dernier renouvellement ; qu'en déduisant en l'espèce de la clause d'accession bénéficiant aux bailleurs au terme du bail que la société ASC avait droit à obtenir une indemnité d'éviction fondée sur la valeur des locaux au jour du non-renouvellement, en ce compris toutes les améliorations apportées par les preneurs depuis le 10 février 1970, au motif que ces améliorations étaient réputées s'être incorporées au local à chaque renouvellement du bail, cependant que les améliorations réalisées lors de la dernière période de location, entre le 1er avril 1988 et le 31 mars 1997, devaient être exclues de cette évaluation comme ayant été acquises par les bailleurs au terme du bail non renouvelé, la cour d'appel a violé l'article L. 145-14 du code de commerce ;

3°/ que, en cas d'accession au profit du bailleur, la partie non amortie des améliorations apportées par le preneur peut être portée dans sa comptabilité en tant que charge déductible ; qu'il en résulte que, en l'absence de tout préjudice du preneur, celui-ci ne peut être indemnisé de la valeur de ses investissements par le bailleur accédant à ces améliorations ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a encore violé l'article L. 145-14 du code de commerce ;

Mais attendu qu'une clause d'accession sans indemnité stipulée au profit du bailleur ne fait pas obstacle au droit du preneur évincé d'être indemnisé des frais de réinstallation dans un nouveau local bénéficiant d'aménagements et équipements similaires à celui qu'il a été contraint de quitter ; que la cour d'appel a relevé que le bail initial contenait une clause d'accession en fin de bail au profit du bailleur et que la locataire avait réalisé des aménagements et des installations dans les lieux avant de se réinstaller dans un autre local à l'issue de son éviction ; qu'il en résulte que la locataire était en droit de prétendre à une indemnité au titre des frais de réinstallation ; que, par ces motifs substitués à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Corbel - Avocat général : Mme Valdès-Boulouque (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Article L. 145-14 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

S'agissant d'une clause d'accession des constructions en fin de jouissance sans indemnité, dans le même sens : 3e Civ., 21 mai 2014, pourvoi n° 13-10.257, Bull. 2014, III, n° 64 (cassation partielle).

3e Civ., 13 septembre 2018, n° 17-19.525, (P)

Cassation

Prix – Révision – Clause d'indexation – Distorsion entre la période de variation de l'indice et la durée entre deux révisions – Licéité – Conditions – Distorsion ne résultant pas de la clause d'indexation

La distorsion entre la période de variation indiciaire et la durée écoulée entre deux révisions, prohibée par l'article L. 112-1, alinéa 2, du code monétaire et financier, doit résulter de la clause d'indexation elle-même et non du seul décalage entre la date de renouvellement du bail et la date prévue pour l'indexation annuelle.

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 112-1, alinéa 2, du code monétaire et financier ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 25 avril 2017), que, le 29 décembre 1993, la société Yvelines investissements, aux droits de laquelle se trouve la SCI Chartrinvest (la SCI), a donné à bail à la société Chartraine de textiles manufacturés, aux droits de laquelle se trouve la société Eurodif, des locaux commerciaux à compter du 1er janvier 1994 ; qu'après avoir refusé de renouveler le bail, la SCI a exercé son droit de repentir et offert à la société locataire le renouvellement du bail au 1er février 2006, puis l'a assignée en fixation du montant du loyer révisé ; que la société locataire a demandé que la clause d'indexation prévue au bail soit réputée non écrite ;

Attendu que, pour accueillir la demande de la société Eurodif, l'arrêt retient que l'application de la clause d'indexation insérée au bail renouvelé engendre une distorsion entre l'intervalle de variation indiciaire (2e trimestre 2005 - 2e trimestre 2006 : 12 mois) et la durée écoulée entre les deux révisions (1er février 2006 au 1er janvier 2007 : 11 mois) et que cette distorsion opère mécaniquement un effet amplificateur lors des indexations suivantes pendant toute la durée du bail ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la distorsion retenue ne résultait pas de la clause d'indexation elle-même, mais du décalage entre la date de renouvellement du bail intervenu le 1er février 2006 et la date prévue pour l'indexation annuelle du loyer fixée au 1er janvier 2006, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 avril 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Provost-Lopin - Avocat général : Mme Guilguet-Pauthe - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article L. 112-1 du code monétaire et financier.

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