Numéro 9 - Septembre 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2018

ASSURANCE RESPONSABILITE

2e Civ., 13 septembre 2018, n° 17-25.671, (P)

Rejet

Assurance obligatoire – Véhicule terrestre à moteur – Etendue de la garantie fixée par la loi – Article R. 211-5 du code des assurances – Accidents causés par les accessoires ou la chute d'objets – Conditions – Accident au sens de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et fait de circulation (non)

Il résulte de l'article R. 211-5 du code des assurances, dans sa version applicable, que les accidents causés par les accessoires ou la chute d'objets sont garantis même si le véhicule ne circule pas et que l'accident ne constitue pas un accident de la circulation au sens de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 6 juillet 2017), que, souhaitant édifier sur sa propriété un mur de soutènement constitué d'éléments préfabriqués en béton, M. X..., assuré pour sa responsabilité civile par la société MACIF, a loué une pelleteuse chenillée assurée auprès de la société Groupama Grand-Est ; qu'alors que, le 25 juin 2010, il soulevait, aux commandes de celle-ci, un bloc de béton, la manille fermant la chaîne reliant ce bloc au bras de l'engin s'est rompue ; que le bloc est tombé sur M. Y... qui posait du ciment dans une tranchée ; que lors des manoeuvres entreprises par M. X... pour, à l'aide du godet de la pelleteuse, dégager la victime grièvement blessée, le bloc est retombé sur cette dernière ; que les deux assureurs ayant chacun refusé de prendre en charge les conséquences du sinistre, la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin a assigné M. X... et la MACIF afin que le premier soit reconnu civilement responsable du dommage ; que M. Y... et son épouse ont assigné la société Groupama Grand-Est pour qu'elle soit condamnée in solidum avec M. X... à les indemniser ; que le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages est intervenu volontairement à l'instance ;

Attendu que la société Groupama Grand-Est fait grief à l'arrêt de la condamner in solidum avec M. X... à réparer l'intégralité du préjudice subi par M. et Mme Y..., à payer à M. Y... une provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel assortie des intérêts légaux et de la condamner à supporter l'avance sur frais d'expertise, alors, selon le moyen :

1°/ que relèvent de la garantie de l'assureur automobile prévue à l'article R. 211-5 du code des assurances les dommages causés par les accessoires servant à l'utilisation du véhicule à des fins de circulation, conformément à l'article L. 211-1 du même code ; qu'en affirmant, pour condamner la société Groupama Grand-Est à garantir le conducteur du véhicule assuré, que les accidents causés par les accessoires sont garantis même si le véhicule ne circule pas et si l'accident ne constitue pas un accident de la circulation au sens de la loi du 5 juillet 1985, quand seuls sont couverts par l'assurance obligatoire les accidents consécutifs à un fait de circulation, la cour d'appel a violé les articles L. 211-1 et R. 211-5 du code des assurances ;

2°/ que relèvent de la garantie de l'assureur automobile prévue à l'article R. 211-5 du code des assurances les dommages causés par la chute des objets qui sont transportés par le véhicule au moment de l'accident, ce qui implique une locomotion ; qu'en affirmant que les accidents causés par la chute d'objets sont garantis même si le véhicule ne circule pas et si l'accident ne constitue pas un accident de la circulation au sens de la loi du 5 juillet 1985, quand seuls sont couverts par l'assurance obligatoire les accidents consécutifs à un fait de circulation, la cour d'appel a violé les articles L. 211-1 et R. 211-5 du code des assurances ;

3°/ qu'en affirmant par ailleurs, pour retenir la garantie de la société Groupama Grand-Est, que le dommage avait pour cause « la chute du bloc de béton que le véhicule transportait » quand il résulte de ses propres constatations que cette structure n'était pas transportée au moment des deux accidents consécutifs, mais simplement déplacée et soulevée par un engin à l'arrêt, utilisé dans sa seule fonction d'outil, la cour d'appel a violé les articles L. 211-1 et R. 211-5 du code des assurances ;

Mais attendu qu'ayant exactement retenu qu'il résulte de l'article R. 211-5 du code des assurances, dans sa version applicable, que les accidents causés par les accessoires ou la chute d'objets sont garantis même si le véhicule ne circule pas et si l'accident ne constitue pas un accident de la circulation au sens de la loi du 5 juillet 1985 puis relevé que le dommage avait été causé, à un moment où l'engin n'était pas en mouvement, d'abord par la rupture d'une manille, accessoire de la pelleteuse, véhicule terrestre à moteur, en ce qu'elle sert à son chargement et ensuite par la manipulation du godet, c'est-à-dire par le véhicule en lui-même, la cour d'appel a, à juste titre, décidé, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la troisième branche du moyen, que l'assureur du véhicule devait sa garantie pour réparer les conséquences de l'accident dont avait été victime M. Y... ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa dernière branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Becuwe - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Delvolvé et Trichet ; SCP Gadiou et Chevallier ; SCP Gaschignard -

Textes visés :

Article R. 211-5 du code des assurances, dans sa version applicable.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 10 juin 1997, pourvoi n° 95-11.356, Bull. 1997, I, n° 190 (cassation partielle), et l'arrêt cité.

2e Civ., 13 septembre 2018, n° 17-22.727, (P)

Rejet

Assurance obligatoire – Véhicule terrestre à moteur – Indemnisation – Offre de l'assureur – Défaut – Sanction – Exclusion – Cas – Préjudices révélés par une expertise postérieure à l'offre

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 mai 2017), que, le 13 octobre 2006, M. X... a été blessé dans un accident de la circulation impliquant le véhicule conduit par M. A... et assuré par la société Covea Fleet aux droits de laquelle se trouve la société MMA IARD (l'assureur) ; qu'après le dépôt, le 6 août 2009, d'une première expertise médicale amiable l'informant de la date de consolidation de la victime au 1er avril 2009, l'assureur a présenté à celle-ci, le 14 décembre 2009, une offre d'indemnisation avant qu'un second rapport d'expertise amiable, déposé le 7 juin 2011, ne fasse état de chefs de préjudice supplémentaires ; que M. X... a, au vu de ce second rapport, assigné en indemnisation de l'ensemble de ses préjudices M. A... et l'assureur, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Var ; que la cour d'appel a alloué à la victime diverses indemnités au titre notamment des préjudices supplémentaires mentionnés dans ce rapport ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement qui le déboute de sa demande de doublement des intérêts au taux légal, alors, selon le moyen :

1°/ que l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime une offre d'indemnité complète portant sur l'ensemble des préjudices indemnisables ; qu'il ne peut opposer à la victime les lacunes et omissions d'un rapport d'expertise médical pour se dispenser de présenter une offre sur un chef de préjudice dont la victime lui demande réparation ; qu'en l'espèce, l'assureur lui a présenté, le 14 décembre 2009, une offre d'indemnisation définitive d'un montant de 70 756 euros ; que cette offre ne proposait aucune indemnisation des préjudices d'incidence professionnelle et de pertes revenus futurs dont il demandait réparation ; que ces préjudices ont été évalués judiciairement aux sommes respectives de 60 000 euros et 517 912,38 euros ; qu'il faisait valoir que l'offre du 14 décembre 2009 était incomplète et demandait en conséquence l'application de la sanction du doublement des intérêts légaux ; qu'en considérant toutefois que cette offre était complète « en ce qu'elle portait sur les postes de préjudice retenus par le premier expert, l'assureur ne pouvant être tenu pour responsable des insuffisances du premier rapport d'expertise », la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs inopérants, a violé les articles L. 211-9, L. 211-13 et R. 211-40 du code des assurances ;

2°/ que l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime une offre d'indemnité suffisante et proportionnée à l'ampleur du préjudice subi ; qu'à défaut, la victime a droit au doublement des intérêts légaux, en application de l'article L. 211-13 du code des assurances ; qu'en l'espèce, l'assureur a présenté à M. X..., le 14 décembre 2009, une offre d'indemnisation d'un montant de 70 756 euros, soit seulement 9,3 % du montant total de son préjudice, judiciairement fixé à la somme de 761 153,16 euros ; que M. X... faisait valoir que cette offre était manifestement insuffisante et demandait en conséquence l'application de la sanction du doublement des intérêts légaux ; que pour le débouter de cette demande, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que l'offre présentée par l'assureur « n'était ni tardive ni incomplète » ; qu'en statuant de la sorte, sans répondre aux conclusions de M. X... soutenant que l'offre était manifestement insuffisante, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant exactement décidé que l'offre de l'assureur ne pouvait porter sur des chefs de préjudice qu'il ignore et retenu, par motifs propres et adoptés, que l'offre d'indemnisation de l'assureur, faite en décembre 2009 avant l'expiration du délai de cinq mois suivant la date à laquelle il avait été informé de la date de consolidation, avait porté sur les différents chefs de préjudice mentionnés dans le premier rapport d'expertise déposé en août 2009, que ce rapport ne mentionnait ni une incidence professionnelle ni une perte de gains professionnels futurs et que c'était seulement sur la base du second rapport d'expertise amiable, déposé en 2011, établissant ces deux chefs de préjudice supplémentaires, que les juges du fond en avaient reconnu l'existence pour les indemniser, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a, à bon droit, débouté M. X... de sa demande de doublement de l'intérêt légal ;

D'où il suit que le moyen, devenu sans objet en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : M. Becuwe - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP Gadiou et Chevallier -

Textes visés :

Articles L. 211-9, L. 211-13 et R. 211-40 du code des assurances.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 16 septembre 2010, pourvoi n° 09-14.210, Bull. 2010, II, n° 154 (cassation partielle).

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