Numéro 7 - Juillet 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2023

VENTE

3e Civ., 6 juillet 2023, n° 22-13.179, (B), FS

Cassation

Garantie – Eviction – Charges non déclarées – Servitudes non apparentes – Effet

L'importance de la servitude occulte exigée par l'article 1638 du code civil ne conditionne que la résiliation de la vente, et non l'indemnisation du préjudice pouvant résulter pour l'acquéreur de toute servitude non apparente non déclarée lors de la vente.

Faits et procédure

1.Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 13 janvier 2022), M. [I] et Mme [O] (les acquéreurs) ont acquis de Mme [V], ainsi que de MM. [E] et [J] [V] (les vendeurs), la propriété d'une maison édifiée sur une parcelle dans le sous-sol de laquelle ils ont découvert, à l'occasion de la réalisation d'un projet d'extension, l'existence d'une canalisation enterrée faisant partie du réseau public des eaux usées empêchant la réalisation des travaux tels qu'envisagés.

2. Ils ont assigné les vendeurs en indemnisation de leur préjudice sur le fondement de la garantie de l'article 1638 du code civil au titre des servitudes non apparentes non déclarées et pour manquement du vendeur à son devoir d'information.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Les acquéreurs font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors « que l'acquéreur d'un immeuble grevé d'une charge occulte a droit à une indemnité équivalente à la diminution de la valeur du terrain qui en résulte, quand bien même il n'établit pas qu'il n'aurait pas acquis s'il en avait eu connaissance ; qu'en déboutant les demandeurs de leur demande d'indemnisation en raison de l'existence d'un réseau public d'eaux usées traversant leur terrain, au motif qu'il était nécessaire que la servitude occulte soit d'une importance telle que le bien n'aurait pas été acquis si l'acheteur en avait eu connaissance et partant que la servitude occulte ne revêt pas le critère d'importance exigé par l'article 1638 du code civil pour l'obtention de la résiliation du contrat ou d'une indemnité, sans établir que cette charge ne diminuait en rien la valeur du bien acquis, la cour d'appel a violé l'article 1638 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1638 du code civil :

5. Aux termes de ce texte, si l'héritage vendu se trouve grevé, sans qu'il en ait été fait de déclaration, de servitudes non apparentes, et qu'elles soient de telle importance qu'il y ait lieu de présumer que l'acquéreur n'aurait pas acheté s'il en avait été instruit, il peut demander la résiliation du contrat, si mieux il n'aime se contenter d'une indemnité.

6. Cette disposition, qui figure au nombre des articles régissant la garantie en cas d'éviction, est une application du principe général posé par l'article 1626 du même code selon lequel le vendeur, dont l'obligation légale est d'assurer à l'acquéreur la possession paisible de la chose vendue, est obligé de droit à le garantir de l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu ou des charges prétendues sur cet objet et non déclarées lors de la vente.

7. Il s'ensuit que l'importance de la servitude occulte exigée par l'article 1638 précité ne conditionne que la résiliation de la vente, et non l'indemnisation du préjudice pouvant résulter pour l'acquéreur de toute servitude non apparente non déclarée lors de la vente.

8. L'indemnisation est alors appréciée par le juge en fonction de l'existence et de l'importance du préjudice en résultant pour l'acquéreur.

9. Pour rejeter la demande d'indemnisation des acquéreurs, l'arrêt retient que l'acquisition du tènement immobilier n'était pas conditionnée à la possibilité de réalisation d'une extension du bâtiment et que la présence de la servitude occulte ne revêtait pas le critère d'importance exigé par l'article 1638 du code civil pour l'obtention de la résiliation du contrat ou d'une indemnité.

10. En statuant ainsi, alors qu'elle n'était saisie que d'une demande de dommages-intérêts, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Riom.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Farrenq-Nési - Avocat général : Mme Vassallo (premier avocat général) - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés -

Textes visés :

Article 1638 du code civil.

Com., 5 juillet 2023, n° 22-11.621, (B), FS

Cassation partielle

Garantie – Vice – Connaissance du vendeur – Etendue de la garantie – Vendeur professionnel – Présomption irréfragable de connaissance

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 18 novembre 2021), le 19 mai 2015, la société AGB a commandé à la société Etablissements Soetaert (la société Soetaert) un tracteur, mis en circulation le 11 janvier 2013, avec pose d'un matériel attelé, une déchiqueteuse de bois.

2. Soutenant que le moteur du tracteur était affecté d'un vice caché, la société AGB a assigné la société Soetaert en résolution judiciaire du contrat de vente.

3. La société Caisse de réassurance mutuelle agricole de Centre Manche (l'assureur), assureur de la société Soetaert, est intervenue volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal et les deux premiers moyens du pourvoi provoqué

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal et le troisième moyen du pourvoi provoqué

Enoncé des moyens

5. L'assureur fait grief à l'arrêt de prononcer la résolution de la vente, de condamner la société Soetaert à restituer à la société AGB le prix de vente, à reprendre possession du tracteur à ses frais exclusifs, à payer à la société AGB une certaine somme au titre des frais de location du tracteur de remplacement et en conséquence de condamner l'assureur à garantir la société Soetaert des condamnations prononcées contre cette dernière, alors « qu'il résulte de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (la Convention) que nul ne peut porter une atteinte disproportionnée au droit à la preuve d'une partie ; que contrevient à ce principe une règle probatoire faisant irrémédiablement obstacle à ce que puisse être rapportée la preuve contraire d'un fait présumé à l'encontre d'une partie, générant à l'encontre de celle-ci une condamnation de nature civile au regard de sa seule qualité de professionnel ; que tel est le cas de la présomption irréfragable de connaissance du vice caché à la charge du vendeur professionnel, qui interdit à ce dernier d'apporter la preuve de sa bonne foi et de démontrer qu'il ignorait ¿ à le supposer établi ¿ le vice de la chose vendue, pour mettre à sa charge une obligation de garantie à ce titre, nonobstant même la qualité de professionnel de l'acheteur ; qu'en retenant que la société Soetaert, vendeur professionnel, était présumée irréfragablement connaître le vice litigieux, pour en déduire qu'elle était tenue à garantie envers la société AGB, acheteur professionnel, la cour d'appel a porté au droit à la preuve de la société Soetaert une atteinte disproportionnée en violation du texte précité, ensemble l'article 9 du code de procédure civile. »

6. La société Soetaert fait grief à l'arrêt de prononcer la résolution de la vente, de la condamner à restituer le prix de vente et à reprendre possession du tracteur, de la condamner en outre à payer à la société AGB une certaine somme en réparation du préjudice correspondant aux frais de location d'un autre tracteur, alors :

« 1°/ que méconnaît le droit au procès équitable garanti par l'article 6, § 1, de la Convention la règle de droit national portant une atteinte disproportionnée au droit à la preuve d'une partie ; qu'en retenant en l'espèce que la société Soetaert supportait, en sa qualité de vendeur professionnel, une présomption irréfragable de connaissance du vice caché affectant la chose vendue, de sorte à l'empêcher de démontrer qu'elle ignorait l'existence de ce vice, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention, ensemble l'article 9 du code de procédure civile ;

2°/ que la présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice caché de la chose vendue porte une atteinte disproportionnée à son droit à la preuve lorsque l'acquéreur achète le bien pour l'exercice de sa propre activité professionnelle ; qu'en retenant en l'espèce le caractère irréfragable de cette présomption, pour empêcher la société Soetaert de démontrer qu'elle ignorait l'existence du vice caché affectant le tracteur vendu à la société AGB, exploitant agricole, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention, ensemble l'article 9 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte des articles 1641 et 1646 du code civil que le vendeur, garant à raison des défauts cachés de la chose vendue, n'est tenu qu'à la restitution du prix et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente s'il ignorait ces vices.

8. Aux termes de l'article 1645 du code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

9. Selon une jurisprudence ancienne et constante de la Cour de cassation (1ère civ. 21 novembre 1972, Bull. n°257 ; 2ème civ. 30 mars 2000, pourvoi n°98-15.286, Bull. n°57 ; Com. 19 mai 2021, pourvoi n°19-18.230), il résulte de ce texte une présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice de la chose vendue, qui l'oblige à réparer l'intégralité de tous les dommages qui en sont la conséquence.

10. Le caractère irréfragable de cette présomption, fondée sur le postulat que le vendeur professionnel connaît ou doit connaître les vices de la chose vendue, qui a pour objet de contraindre ce vendeur, qui possède les compétences lui permettant d'apprécier les qualités et les défauts de la chose, à procéder à une vérification minutieuse de celle-ci avant la vente, répond à l'objectif légitime de protection de l'acheteur qui ne dispose pas de ces mêmes compétences, est nécessaire pour parvenir à cet objectif et ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit du vendeur professionnel au procès équitable garanti par l'article 6, § 1, de la Convention.

11. Après avoir retenu l'existence d'un vice caché affectant le moteur, antérieur à la vente et diminuant l'usage voire rendant le tracteur impropre à sa destination, de nature à justifier la résolution du contrat, l'arrêt retient à bon droit que la société Soetaert, vendeur professionnel, est présumée avoir eu connaissance du vice et qu'il s'agit d'une présomption irréfragable qui joue même lorsque l'acheteur est lui-même un professionnel. Il en déduit exactement que la société AGB a droit, outre la restitution du prix, à l'indemnisation de tous ses dommages.

12. Les moyens ne sont donc pas fondés.

Mais sur le second moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

13. L'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à garantir la société Soetaert des condamnations prononcées contre cette dernière, alors « que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que pour retenir la garantie de l'assureur, la cour d'appel s'est fondée exclusivement sur une clause générale du contrat d'assurance souscrit par la société Soetaert ; qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur le moyen des conclusions de l'assureur pris de l'applicabilité à l'espèce de la clause spéciale d'exclusion expressément visée par l'exposante dans ses écritures, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

14. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

15. Pour condamner l'assureur à garantir la société Soetaert des condamnations prononcées contre elle, l'arrêt écarte l'application d'une clause d'exclusion de garantie relative au défaut ou insuffisance de performance ou d'impropriété à l'usage et se réfère à une clause générale relative aux conditions de garantie.

16. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de l'assureur, qui soutenait aussi qu'était applicable une autre clause d'exclusion relative aux frais de remboursement des pièces et fournitures reconnues défectueuses, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement en ce qu'il déboute la société Etablissements Soetaert de son appel en garantie et, statuant à nouveau, il condamne la société Caisse de réassurance mutuelle agricole de Centre Manche à garantir la société Etablissements Soetaert des condamnations prononcées contre elle, en principal, dommages et intérêts, frais, dépens et accessoires, et condamne la société Caisse de réassurance mutuelle agricole de Centre Manche aux dépens et en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 18 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Fontaine - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Ohl et Vexliard ; SCP Foussard et Froger ; Me Goldman -

Textes visés :

Article 1641, 1645 et 1646 du code civil ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

Sur la présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice de la chose vendue, à rapprocher : 2e Civ., 30 mars 2000, pourvoi n° 98-15.286, Bull. 2000, II, n° 57 (cassation partielle).

Ch. mixte., 21 juillet 2023, n° 21-19.936, (B) (R), MI

Rejet

Garantie – Vices cachés – Action en garantie – Exercice – Durée – Limites – Prescription extinctive de droit commun – Délai butoir – Point de départ – Détermination

En application des articles 1648, alinéa 1er, et 2232 du code civil, l'action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les deux ans à compter de la découverte du vice ou, en matière d'action récursoire, à compter de l'assignation, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie.

Ce délai-butoir est applicable aux ventes commerciales ou mixtes conclues avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, si le délai de prescription décennal antérieur n'était pas expiré à cette date, compte étant alors tenu du délai déjà écoulé depuis celle du contrat conclu par la partie recherchée en garantie.

Il est également applicable aux ventes civiles à compter du jour de l'entrée en vigueur de cette loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Garantie – Vices cachés – Action récursoire – Action du vendeur intermédiaire contre son propre vendeur – Exercice – Durée – Limites – Prescription extinctive de droit commun – Délai butoir – Point de départ – Détermination

Garantie – Vices cachés – Action en garantie – Exercice – Durée – Limites – Prescription extinctive de droit commun – Délai butoir – Domaine d'application – Ventes commerciales ou mixtes – Application dans le temps – Détermination

Garantie – Vices cachés – Action en garantie – Exercice – Durée – Limites – Prescription extinctive de droit commun – Délai butoir – Domaine d'application – Ventes civiles – Application dans le temps – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 5 mai 2021), le 27 octobre 2010, M. [I] et Mme [P] (les acquéreurs) ont acheté un véhicule d'occasion de la société Cerdan occasion (le vendeur) qui l'avait elle-même acheté, le 23 mars 2007, de la société Hyundai Motor France (le fabricant).

2. Le 23 décembre 2014, invoquant des dysfonctionnements, les acquéreurs ont assigné en référé, pour obtenir la désignation d'un expert, leur assureur et le vendeur, lequel a, le 29 juin 2015, assigné le fabricant afin de lui voir déclarer communes et opposables les opérations d'expertise.

3. Les 19 avril et 3 mai 2016, les acquéreurs ont assigné en indemnisation, sur le fondement de la garantie des vices cachés, l'assureur, le vendeur et le fabricant.

Le vendeur a sollicité la garantie du fabricant qui a opposé la prescription des actions à son encontre.

4. Le vendeur a été condamné à indemniser les acquéreurs au titre de la garantie des vices cachés.

La société Groupama Rhône-Alpes Auvergne, son assureur, est intervenue volontairement à l'instance d'appel.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La société Hyundai Motor France fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action récursoire de la société Cerdan Occasion dirigée à son encontre et de la condamner à garantir celle-ci de toutes les condamnations prononcées contre elle alors « que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être formée par l'acquéreur, non seulement dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, mais encore dans le délai de la prescription extinctive de droit commun ; que la prescription de cette action fait obstacle à ce que le vendeur intermédiaire, qui ne dispose pas de plus de droits que l'acquéreur final, puisse exercer son action récursoire contre le constructeur ; qu'en jugeant que la prescription de l'action récursoire de la société Cerdan Occasion a commencé à courir à compter de son assignation par les consorts [I]-[P], le 23 décembre 2014, quand il résultait de ses propres constatations qu'à cette date, la prescription de l'action contre le constructeur était d'ores et déjà acquise pour avoir couru à compter de la vente initiale intervenue le 23 mars 2007, la cour d'appel a violé les articles 1648 du code civil et L. 110-4 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article 1648, alinéa 1, du code civil, l'action en garantie des vices cachés doit être intentée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

7. Avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, la Cour de cassation jugeait que l'action en garantie légale des vices cachés, qui devait être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, devait également être mise en oeuvre dans le délai de prescription extinctive de droit commun, dont le point de départ n'était pas légalement fixé et qu'elle a fixé au jour de la vente (Com., 27 novembre 2001, pourvoi n° 99-13.428, Bull. 2001, IV, n° 187 ; 3e Civ., 16 novembre 2005, pourvoi n° 04-10.824, Bull. 2005, III, n° 222).

8. Dans les contrats de vente conclus entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants, cette prescription était celle résultant de l'article L. 110-4, I, du code de commerce, qui prévoyait une prescription de dix ans. Dans les contrats de vente civile, cette prescription était celle prévue à l'article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 17 juin 2008 précitée, d'une durée de trente ans.

9. Cependant, la loi du 17 juin 2008, qui a réduit à cinq ans le délai de prescription extinctive de droit commun des actions personnelles ou mobilières désormais prévu à l'article 2224 du code civil, a fixé le point de départ de ce délai au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

10. Elle a de même réduit à cinq ans le délai de prescription de l'article L. 110-4, I, du code de commerce afin de l'harmoniser avec celui de l'article 2224 du code civil, mais sans en préciser le point de départ.

11. Elle a également introduit à l'article 2232, alinéa 1, du code civil une disposition nouvelle selon laquelle le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit.

12. Ce délai constitue le délai-butoir de droit commun des actions civiles et commerciales au-delà duquel elles ne peuvent plus être exercées (Ass. plén., 17 mai 2023, pourvoi n° 20-20.559, publié).

13. Par ailleurs, il a été jugé que le point de départ du délai de prescription de l'article L. 110-4, I, du code de commerce ne peut que résulter du droit commun de l'article 2224 du code civil (Com., 26 février 2020, pourvoi n° 18-25.036, publié au Bulletin ; 3e Civ., 19 mars 2020, pourvoi n° 19-13.459, publié au Bulletin ; 1re Civ., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-16.031, publié au Bulletin ; 2e Civ., 10 mars 2022, pourvoi n° 20-16.237, publié au Bulletin ; Com., 25 janvier 2023, n° 20-12.811, publié au Bulletin).

14. Il s'ensuit que le point de départ glissant de la prescription extinctive des articles 2224 du code civil et L. 110-4, I, du code de commerce se confond désormais avec le point de départ du délai pour agir prévu à l'article 1648, alinéa 1, du code civil, à savoir la découverte du vice.

15. Dès lors, les délais de prescription extinctive des articles 2224 du code civil et L. 110-4, I, du code de commerce ne peuvent plus être analysés en des délais-butoirs spéciaux de nature à encadrer l'action en garantie des vices cachés.

16. Il en résulte que l'encadrement dans le temps de l'action en garantie des vices cachés ne peut plus désormais être assuré que par l'article 2232 du code civil, de sorte que cette action doit être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice ou, en matière d'action récursoire, à compter de l'assignation, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie.

17. L'article 2232 du code civil ayant pour effet, dans les ventes commerciales ou mixtes, d'allonger de dix à vingt ans le délai pendant lequel la garantie des vices cachés peut être mise en oeuvre, le délai-butoir prévu par ce texte relève, pour son application dans le temps, des dispositions transitoires énoncées à l'article 26, I, de la loi du 17 juin 2008, selon lequel les dispositions qui allongent la durée d'une prescription s'appliquent lorsque le délai de prescription n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur et il est alors tenu compte du délai déjà écoulé.

18. Il en résulte que ce délai-butoir est applicable aux ventes conclues avant l'entrée en vigueur de cette loi, si le délai de prescription décennal antérieur n'était pas expiré à cette date, compte étant alors tenu du délai déjà écoulé depuis celle du contrat conclu par la partie recherchée en garantie.

19. En ce qui concerne les ventes civiles, le même dispositif ayant pour effet de réduire de trente à vingt ans le délai de mise en oeuvre de l'action en garantie des vices cachés, le délai-butoir de l'article 2232 du code civil relève, pour son application dans le temps, des dispositions de l'article 26, II, de la loi du 17 juin 2008, et est dès lors applicable à compter du jour de l'entrée en vigueur de cette loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

20. La cour d'appel a constaté que la vente à l'origine de la garantie invoquée au soutien de l'action récursoire avait été conclue par le fabricant le 23 mars 2007.

21. Il en résulte que l'action récursoire intentée le 29 juin 2015 par le vendeur contre le fabricant, moins de vingt ans après, est recevable.

22. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision attaquée se trouve légalement justifiée en ce qu'elle a déclaré recevable l'action récursoire du vendeur contre le fabricant.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en Chambre mixte.

- Président : M. Soulard (premier président) - Rapporteur : Mme Bacache, assistée de Mme Konopka, auditeur au service de documentation, des études et du rapport - Avocat général : Mme Gueguen (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Zribi et Texier ; SARL Didier et Pinet -

Textes visés :

Articles 1648, alinéa 1er, et 2232 du code civil.

Rapprochement(s) :

Com., 27 novembre 2001, pourvoi n° 99-13.428, Bull. 2001, IV, n° 187 (rejet) ; 3e Civ., 16 novembre 2005, pourvoi n° 04-10.824, Bull. 2005, III, n° 222 (cassation partielle sans renvoi) ; 3e Civ., 1er octobre 2020, pourvoi n° 19-16.986, Bull. (cassation partielle) ; 3e Civ., 8 décembre 2021, pourvoi n° 20-21.439, Bull. (cassation partielle), et les arrêts cités ; 3e Civ., 25 mai 2022, pourvoi n° 21-18.218 (rejet), et les arrêts cités.

Ch. mixte., 21 juillet 2023, n° 20-10.763, (B) (R), MI

Cassation

Garantie – Vices cachés – Action en garantie – Exercice – Durée – Limites – Prescription extinctive de droit commun – Délai butoir – Point de départ – Détermination

En application des articles 1648 alinéa 1er et 2232 du code civil, l'action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les deux ans à compter de la découverte du vice ou, en matière d'action récursoire, à compter de l'assignation, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie.

Ce délai-butoir est applicable aux ventes commerciales ou mixtes conclues avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, si le délai de prescription décennal antérieur n'était pas expiré à cette date, compte étant alors tenu du délai déjà écoulé depuis celle du contrat conclu par la partie recherchée en garantie.

Il est également applicable aux ventes civiles à compter du jour de l'entrée en vigueur de cette loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Garantie – Vices cachés – Action récursoire – Exercice – Durée – Limites – Prescription extinctive de droit commun – Délai butoir – Point de départ – Détermination

Garantie – Vices cachés – Action en garantie – Exercice – Durée – Limites – Prescription extinctive de droit commun – Délai butoir – Domaine d'application – Ventes commerciales ou mixtes – Application dans le temps – Détermination

Garantie – Vices cachés – Action en garantie – Exercice – Durée – Limites – Prescription extinctive de droit commun – Délai butoir – Domaine d'application – Ventes civiles – Application dans le temps – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 26 novembre 2019), rendu sur renvoi après cassation (Com., 16 janvier 2019, pourvoi n° 17-21.477), et les productions, le 17 mars 2003, la société Vallade Delage a confié la réalisation de travaux de charpente, couverture et bardage d'un bâtiment agricole à la société Boulesteix, devenue la société Arbre construction (le constructeur), qui s'est approvisionnée en plaques de couverture en fibrociment auprès de la société PBM Aquitaine, devenue la société Wolseley France bois matériaux, puis la société Bois et matériaux (le fournisseur), laquelle s'était elle-même fournie auprès de la société de droit italien Edilfibro (le fabricant).

2. Les plaques ont été livrées le 31 décembre 2003 selon une facture émise par la société PBM Aquitaine.

3. Le 29 juillet 2013, la société Vallade Delage, se plaignant d'infiltrations dans la toiture, a assigné le constructeur en référé pour obtenir la désignation d'un expert.

4. Les opérations d'expertise ont été étendues au fournisseur par une ordonnance rendue le 16 octobre 2013 à la suite d'une assignation délivrée par le constructeur le 17 septembre 2013 et au fabricant par une ordonnance rendue le 8 janvier 2014 à l'initiative du fournisseur ; le rapport d'expertise a été déposé le 28 mai 2015.

5. Les 22, 24 et 29 juillet 2015, la société Vallade Delage a assigné le constructeur, le fournisseur et le fabricant en indemnisation de ses préjudices.

6. Le constructeur a appelé en garantie le fournisseur et le fabricant sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi additionnel et sur le premier moyen du pourvoi principal

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a délibéré sur ces moyens, sur l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats à l'audience publique du 8 février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mme Thomas, greffier de chambre.

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen du pourvoi principal

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. Le constructeur fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite son action exercée contre le fournisseur et le fabricant et de dire irrecevables ses demandes envers eux, alors « que les dispositions de l'article 2232 du code civil, issues de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, ont porté à vingt ans à compter du jour de la naissance du droit le délai butoir général des actions civiles et commerciales, lequel doit se substituer au délai de cinq ans de l'article L. 110-4 du code de commerce appliqué par la jurisprudence à l'action en garantie des vices cachés sous l'empire du droit antérieur ; qu'en énonçant que contrairement à ce que soutenait l'exposante au visa de l'article 2232 du code civil, c'était bien le délai de l'article L. 110-4 du code de commerce qui constituait le délai butoir de la prescription extinctive de l'action en garantie des vices cachés et ce, y compris depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 réformant la prescription, pour en déduire que son action en garantie des vices cachés dirigée contre les sociétés Bois et Matériaux et Edilfibro était prescrite, la cour d'appel a violé l'article 2232 du code civil, par refus d'application, et l'article L. 110-4 du code de commerce, par fausse application, ensemble l'article 1648 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

10. Le fournisseur et le fabricant contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que la cour d'appel de renvoi a statué conformément à l'arrêt de cassation qui la saisissait.

11. Cependant, l'arrêt de cassation qui a saisi la cour d'appel de renvoi ne s'est prononcé que sur le régime de l'action principale engagée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur et non sur celui de l'action récursoire engagée par celui-ci contre le fournisseur et le fabricant, objet du présent moyen.

12. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 1648, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005, 2232, alinéa 1, et 2224 du code civil, dans leur rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, L. 110-4, I, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la même loi, et 26, I, de ladite loi :

13. Selon le premier de ces textes, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un bref délai à compter de la découverte du vice.

14. Selon le quatrième, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

15. Selon le troisième, le délai de prescription de cinq ans des actions personnelles et mobilières court à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

16. Selon le deuxième, le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit.

17. Selon le cinquième, les dispositions de la loi du 17 juin 2008 qui allongent la durée d'une prescription s'appliquent lorsque le délai de prescription n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé.

18. Avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, la Cour de cassation jugeait que l'action en garantie légale des vices cachés, qui devait être exercée dans un bref délai, devenu un délai de deux ans depuis l'ordonnance du 17 février 2005 précitée, à compter de la découverte du vice, devait également être mise en oeuvre dans le délai de prescription extinctive de droit commun dont le point de départ n'était pas légalement fixé et qu'elle a fixé au jour de la vente (Com., 27 novembre 2001, pourvoi n° 99-13.428, Bull. 2001, IV n° 187 ; 3e Civ., 16 novembre 2005, pourvoi n° 04-10.824, Bull. 2005, III n° 222).

19. Dans les contrats de vente conclus entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants, cette prescription était celle résultant de l'article L. 110-4, I, du code de commerce précité, d'une durée de dix ans. Dans les contrats de vente civile, cette prescription était celle prévue à l'article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 17 juin 2008, d'une durée de trente ans.

20. Cependant, la loi du 17 juin 2008, qui a réduit à cinq ans le délai de prescription extinctive de droit commun des actions personnelles ou mobilières désormais prévu à l'article 2224 du code civil, a fixé le point de départ de ce délai au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

21. Elle a de même réduit à cinq ans le délai de prescription de l'article L. 110-4, I, du code de commerce afin de l'harmoniser avec celui de l'article 2224 du code civil, mais sans en préciser le point de départ.

22. Elle a également introduit, à l'article 2232, alinéa 1, du code civil, précité, une disposition selon laquelle le délai de prescription extinctive ne peut être porté au-delà de vingt ans à compter de la naissance du droit.

23. Ce délai constitue le délai-butoir de droit commun des actions civiles et commerciales au-delà duquel elles ne peuvent plus être exercées (Ass. plén., 17 mai 2023, pourvoi n° 20-20.559, publié).

24. Par ailleurs, il a été jugé que le point de départ du délai de prescription de l'article L. 110-4, I, du code de commerce ne peut que résulter du droit commun de l'article 2224 du code civil (Com., 26 février 2020, pourvoi n° 18-25.036, publié au Bulletin ; 3e Civ., 19 mars 2020, pourvoi n° 19-13.459, publié au Bulletin ; 1re Civ., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-16.031, publié au Bulletin ; 2e Civ., 10 mars 2022, pourvoi n° 20-16.237, publié au Bulletin ; Com., 25 janvier 2023, pourvoi n° 20-12.811, publié au Bulletin).

25. Il s'ensuit que le point de départ glissant de la prescription extinctive des articles 2224 du code civil et L. 110-4, I, du code de commerce se confond désormais avec le point de départ du délai pour agir prévu à l'article 1648, alinéa 1, du code civil, à savoir la découverte du vice.

26. Dès lors, les délais de prescription extinctive des articles 2224 du code civil et L. 110-4, I, du code de commerce ne peuvent plus être analysés en des délais-butoirs spéciaux de nature à encadrer l'action en garantie des vices cachés.

27. Il en résulte que l'encadrement dans le temps de l'action en garantie des vices cachés ne peut plus désormais être assuré que par l'article 2232 du code civil, de sorte que cette action doit être formée dans le bref délai, devenu un délai de deux ans, à compter de la découverte du vice, ou, en matière d'action récursoire, à compter de l'assignation, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie.

28. L'article 2232 du code civil ayant pour effet, dans les ventes commerciales ou mixtes, d'allonger de dix à vingt ans le délai pendant lequel la garantie des vices cachés peut être mise en oeuvre, le délai-butoir prévu par ce texte relève, pour son application dans le temps, des dispositions transitoires énoncées à l'article 26, I, de la loi du 17 juin 2008 précitée.

29. Il en résulte que ce délai-butoir est applicable aux ventes conclues avant l'entrée en vigueur de cette loi, si le délai de prescription décennal antérieur n'était pas expiré à cette date, compte étant alors tenu du délai déjà écoulé depuis celle du contrat conclu par la partie recherchée en garantie.

30. En ce qui concerne les ventes civiles, le même dispositif ayant pour effet de réduire de trente à vingt ans le délai de mise en oeuvre de l'action en garantie des vices cachés, le délai-butoir de l'article 2232 du code civil, relève, pour son application dans le temps, des dispositions de l'article 26, II, de la loi du 17 juin 2008, et est dès lors applicable à compter du jour de l'entrée en vigueur de cette loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

31. Pour déclarer prescrites les actions récursoires du constructeur, l'arrêt énonce que le délai de l'article L. 110-4 du code de commerce constitue le délai-butoir de la prescription extinctive de l'action en garantie des vices cachés et ce, y compris depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, qu'il appartenait au constructeur d'agir, non seulement dans le délai de deux ans à compter de la révélation du vice apportée par les conclusions du rapport d'expertise, mais aussi avant l'expiration du délai de l'article L. 110-4, lequel, ramené de dix à cinq ans par la loi du 17 juin 2008 et non encore échu à l'entrée en vigueur de ce texte, les matériaux ayant été livrés le 31 décembre 2003, expirait le 18 juin 2013, et en déduit que les actions du constructeur étaient prescrites lorsqu'il a assigné le fabricant et le fournisseur le 17 septembre 2013.

32. En se déterminant ainsi, alors que, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, si le délai de prescription décennal antérieur n'est pas expiré à cette date, l'action en garantie des vices cachés est encadrée par le délai-butoir de vingt ans de l'article 2232 du code civil courant à compter de la vente conclue par la partie recherchée en garantie, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si, à la date du recours du constructeur contre son fournisseur, d'une part, et contre le fabricant, d'autre part, le délai de dix ans courant à compter de chacune des ventes conclues par ces parties n'était pas expiré, et, dans la négative, si les recours avaient été engagés dans le délai de vingt ans suivant la date de chacune des ventes, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

Arrêt rendu en Chambre mixte.

- Président : M. Soulard (premier président) - Rapporteur : Mme Abgrall, assistée de Mme Konopka, auditeur au service de documentation, des études et du rapport - Avocat général : Mme Gueguen (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Rapprochement(s) :

Com., 27 novembre 2001, pourvoi n° 99-13.428, Bull. 2001, IV, n° 187 (rejet) ; 3e Civ., 16 novembre 2005, pourvoi n° 04-10.824, Bull. 2005, III, n° 222 (cassation partielle sans renvoi) ; 3e Civ., 1er octobre 2020, pourvoi n° 19-16.986, Bull. (cassation partielle) ; 3e Civ., 8 décembre 2021, pourvoi n° 20-21.439, Bull. (cassation partielle), et les arrêts cités ; 3e Civ., 25 mai 2022, pourvoi n° 21-18.218 (rejet), et les arrêts cités.

Ch. mixte., 21 juillet 2023, n° 21-17.789, (B) (R), MI

Rejet

Garantie – Vices cachés – Action en garantie – Exercice – Durée – Limites – Prescription extinctive de droit commun – Délai butoir – Point de départ – Détermination

En application des articles 1648 alinéa 1er et 2232 du code civil, l'action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les deux ans à compter de la découverte du vice sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie.

Ce délai-butoir est applicable aux ventes commerciales ou mixtes conclues avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, si le délai de prescription décennal antérieur n'était pas expiré à cette date, compte étant alors tenu du délai déjà écoulé depuis celle du contrat conclu par la partie recherchée en garantie.

Il est également applicable aux ventes civiles à compter du jour de l'entrée en vigueur de cette loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Garantie – Vices cachés – Action en garantie – Exercice – Durée – Limites – Prescription extinctive de droit commun – Délai butoir – Domaine d'application – Ventes commerciales ou mixtes – Conditions – Détermination

Garantie – Vices cachés – Action en garantie – Exercice – Durée – Limites – Prescription extinctive de droit commun – Délai butoir – Domaine d'application – Ventes civiles – Application dans le temps – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 9 février 2021), le 7 mars 2008, M. Peltier-Cornuau (l'acheteur) a acquis de la société Leader Car (le vendeur) un véhicule qui avait été vendu à l'origine par la société Nissan Center Europe (le fabricant) et mis en circulation le 30 mars 2007.

2. Les 23 août et 29 novembre 2013, l'acheteur, alléguant l'existence de vices cachés affectant l'usage du véhicule, a assigné le fabricant en référé pour obtenir la désignation d'un expert.

3. Les 6 mai et 6 juin 2016, à la suite du dépôt du rapport d'expertise le 28 janvier 2015, l'acheteur a assigné en restitution du prix et paiement de dommages et intérêts le fabricant, sur le fondement de la garantie des vices cachés, lequel a opposé la prescription de l'action.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le fabricant fait grief a l'arrêt de déclarer recevables les demandes présentées par l'acheteur à son encontre, alors :

« 1°/ que l'action en garantie des vices cachés prévue à l'article 1648 du code civil, qui doit être exercée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, est aussi enfermée dans le délai de prescription fixé par l'article L. 110-4 du code de commerce, lequel, d'une durée de dix ans ramenée à cinq ans par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, court à compter de la vente initiale, lorsque le sous acquéreur agit contre le fabricant ou le vendeur initial ; qu'en ayant jugé que l'action en garantie des vices cachés intentée par M. Peltier-Cornuau contre la société Nissan Center Europe, était recevable, car la prescription n'avait pu courir que depuis la découverte du vice affectant le véhicule, soit le 28 janvier 2015, date du dépôt du rapport d'expertise, quand la première mise en circulation du véhicule datant de 30 mars 2007, le délai quinquennal de prescription de l'action contre l'exposante était expiré le 19 juin 2013, la cour d'appel a violé les articles 1648 du code civil et L. 110-4 du code de commerce ;

2°/ que si le sous-acquéreur agit directement en garantie des vices cachés contre le constructeur du véhicule, la prescription quinquennale court depuis la vente initiale et non depuis le jour où l'acquéreur a connu le vice, ce point de départ n'étant opérant que pour la prescription biennale ; qu'en ayant jugé que la prescription quinquennale avait couru depuis la connaissance, par M. Peltier Cornuau, du vice affectant le véhicule, quand ce point de départ ne concernait que la seconde prescription, biennale, la cour d'appel a violé les articles 1648 du code civil et L. 110-4 du code de commerce ;

3°/ que si le sous-acquéreur agit directement en garantie des vices cachés contre le fabricant du véhicule, la prescription quinquennale court depuis la vente initiale et non depuis le jour où l'acquéreur a connu le vice, ce point de départ n'étant opérant que pour la prescription biennale ; qu'en ayant jugé que la prescription quinquennale avait couru depuis la connaissance, par M. Peltier-Cornuau, du vice affectant le véhicule, prétexte pris de ce que le vendeur initial connaissait l'existence de ce vice, la cour d'appel a violé les articles 1648 du code civil et L. 110-4 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article 1648, alinéa 1er, du code civil, l'action en garantie des vices cachés doit être intentée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

6. Avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, la Cour de cassation jugeait que l'action en garantie légale des vices cachés, qui devait être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, devait également être mise en ¿uvre dans le délai de prescription extinctive de droit commun, dont le point de départ n'était pas légalement fixé et qu'elle a fixé au jour de la vente (Com., 27 novembre 2001, pourvoi n° 99-13.428, Bull. 2001, IV n° 187 ; 3e Civ., 16 novembre 2005, pourvoi n° 04-10.824, Bull. 2005, III n° 222).

7. Dans les contrats de vente conclus entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants, cette prescription était celle résultant de l'article L. 110-4, I, du code de commerce, qui prévoyait une prescription de dix ans. Dans les contrats de vente civile, cette prescription était celle prévue à l'article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 17 juin 2008 précitée, d'une durée de trente ans.

8. Cependant, la loi du 17 juin 2008, qui a réduit à cinq ans le délai de prescription extinctive de droit commun des actions personnelles ou mobilières désormais prévu à l'article 2224 du code civil, a fixé le point de départ de ce délai au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

9. Elle a de même réduit à cinq ans le délai de prescription de l'article L. 110-4, I, du code de commerce afin de l'harmoniser avec celui de l'article 2224 du code civil, mais sans en préciser le point de départ.

10. Elle a également introduit à l'article 2232, alinéa premier, du code civil une disposition nouvelle selon laquelle le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit.

11. Ce délai constitue le délai-butoir de droit commun des actions civiles et commerciales au-delà duquel elles ne peuvent plus être exercées (Ass. plén., 17 mai 2023, pourvoi n° 20-20.559, publié).

12. Par ailleurs, il a été jugé que le point de départ du délai de prescription de l'article L. 110-4, I, du code de commerce ne peut que résulter du droit commun de l'article 2224 du code civil (Com., 26 février 2020, pourvoi n° 18-25.036 ; 3e Civ., 19 mars 2020, pourvoi n° 19-13.459 ; 1re Civ., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-16.031 ; 2e Civ., 10 mars 2022, pourvoi n° 20-16.237 ; Com., 25 janvier 2023, n° 20-12.811, publié).

13. Il s'ensuit que le point de départ glissant de la prescription extinctive des articles 2224 du code civil et L. 110-4, I, du code de commerce se confond désormais avec le point de départ du délai pour agir prévu à l'article 1648, alinéa premier, du code civil, à savoir la découverte du vice.

14. Dès lors, les délais de prescription extinctive des articles 2224 du code civil et L. 110-4, I, du code de commerce ne peuvent plus être analysés en des délais-butoirs spéciaux de nature à encadrer l'action en garantie des vices cachés.

15. Il en résulte que l'encadrement dans le temps de l'action en garantie des vices cachés ne peut plus désormais être assuré que par l'article 2232 du code civil, de sorte que cette action doit être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie.

16. L'article 2232 du code civil ayant pour effet, dans les ventes commerciales ou mixtes, d'allonger de dix à vingt ans le délai pendant lequel la garantie des vices cachés peut être mise en ¿uvre, le délai-butoir prévu par ce texte relève, pour son application dans le temps, des dispositions transitoires énoncées à l'article 26, I, de la loi du 17 juin 2008, selon lequel les dispositions qui allongent la durée d'une prescription s'appliquent lorsque le délai de prescription n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur et il est alors tenu compte du délai déjà écoulé.

17. Il en résulte que ce délai-butoir est applicable aux ventes conclues avant l'entrée en vigueur de cette loi, si le délai de prescription décennal antérieur n'était pas expiré à cette date, compte étant alors tenu du délai déjà écoulé depuis celle du contrat conclu par la partie recherchée en garantie.

18. En ce qui concerne les ventes civiles, le même dispositif ayant pour effet de réduire de trente à vingt ans le délai de mise en ¿uvre de l'action en garantie des vices cachés, le délai-butoir de l'article 2232 du code civil relève, pour son application dans le temps, des dispositions de l'article 26, II, de la loi du 17 juin 2008, et est dès lors applicable à compter du jour de l'entrée en vigueur de cette loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

19. La cour d'appel a constaté que le véhicule avait été vendu par le fabricant et mis en circulation le 30 mars 2007.

20. Il en résulte que l'action directe intentée le 6 mai 2016 par l'acquéreur à l'encontre du fabricant, moins de vingt ans après, est recevable.

21. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision attaquée se trouve légalement justifiée en ce qu'elle a déclaré recevable l'action de l'acquéreur à l'encontre du fabricant.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en Chambre mixte.

- Président : M. Soulard (premier président) - Rapporteur : Mme Bacache-Gibeili, assistée par Mme Konopka, auditeur au service de documentation, des études et du rapport - Avocat général : Mme Gueguen - Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Articles 1648, alinéa 1er, et 2232 du code civil.

Rapprochement(s) :

Com., 27 novembre 2001, pourvoi n° 99-13.428, Bull. 2001, IV, n° 187 (rejet) ; 3e Civ., 16 novembre 2005, pourvoi n° 04-10.824, Bull. 2005, III, n° 222 (cassation partielle sans renvoi) ; 3e Civ., 1er octobre 2020, pourvoi n° 19-16.986, Bull. (cassation partielle) ; 3e Civ., 8 décembre 2021, pourvoi n° 20-21.439, Bull. (cassation partielle), et les arrêts cités ; 3e Civ., 25 mai 2022, pourvoi n° 21-18.218 (rejet), et les arrêts cités.

Ch. mixte., 21 juillet 2023, n° 21-15.809, (B) (R), MI

Cassation partielle

Garantie – Vices cachés – Action rédhibitoire – Délai – Qualification – Prescription – Suspension – Possibilité

Le délai biennal prévu à l'article 1648, alinéa 1er, du code civil pour intenter l'action en garantie à raison des vices cachés de la chose vendue est un délai de prescription susceptible de suspension en application de l'article 2239 de ce code.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 17 février 2021), la société Greci Agro-Industriale SRL (la société Greci), producteur de produits alimentaires longue conservation à destination des professionnels, se fournissait en poches de conditionnement stériles et hermétiques auprès de la société Rapak.

2. Des clients ayant soutenu qu'un gonflement anormal des poches avait entraîné la détérioration de leurs produits, la société Greci a déclaré le sinistre à son assureur, la société Zurich Insurance PLC (la société Zurich), qui a diligenté une expertise amiable.

3. Le 16 mai 2013, la société Greci a saisi une juridiction italienne qui a désigné un expert le 24 septembre 2013.

4. Le 25 novembre 2015, la société italienne Gaifin, cessionnaire de la créance de la société Greci, a assigné les sociétés DS Smith France, venant aux droits de la société Rapak, et Zurich en réparation de son préjudice.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Les sociétés DS Smith France et Zurich font grief à l'arrêt de rejeter leur fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action en garantie des vices cachés engagée par la société Gaifin et de dire cette dernière recevable en ses demandes, alors « que la suspension de la prescription prévue par l'article 2239 du code civil n'est pas applicable au délai de forclusion de la garantie des vices cachés ; qu'en énonçant que « le délai de 2 ans [de l'article 1648, alinéa 1, du code civil] est suspendu lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès en application de l'article 2239 du code civil, le délai recommençant à courir à compter du jour où la mesure a été exécutée » (arrêt p. 5, dernier §), pour en déduire qu'était recevable l'action en garantie des vices cachés intentée par la société Gaifin par assignation au fond du 25 novembre 2015, soit moins de deux ans après le dépôt du rapport d'expertise judiciaire le 19 décembre 2013 (arrêt p. 6, § 3), la cour d'appel a violé les articles 1648 et 2239 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

8. En application de l'article 1648 de ce code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005, l'action résultant de tels vices rédhibitoires devait être intentée par l'acquéreur dans un bref délai, suivant la nature de ces vices et l'usage du lieu où la vente avait été faite.

9. L'article 3 de l'ordonnance précitée a substitué à ce bref délai un délai biennal.

10. Dans sa rédaction en vigueur depuis le 28 mars 2009, issue de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009, l'article 1648 du code civil prévoit, en son premier alinéa, que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, en son second alinéa, que, dans le cas prévu par l'article 1642-1, l'action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l'année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou des défauts de conformité apparents.

11. Dans ce second alinéa, le législateur a pris le soin de préciser qu'il s'agissait d'un délai de forclusion.

12. En revanche, il n'a pas spécialement qualifié le délai imparti par le premier alinéa à l'acheteur pour agir en garantie contre le vendeur en application de l'article 1641 du code civil.

13. La Cour de cassation l'a parfois qualifié de délai de forclusion (3e Civ., 10 novembre 2016, pourvoi n° 15-24.289 ; 3e Civ., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-22.670, publié), parfois de délai de prescription (1re Civ., 5 février 2020, pourvoi n° 18-24.365 ; 1re Civ., 25 novembre 2020, pourvoi n° 19-10.824 ; 1re Civ., 20 octobre 2021, pourvoi n° 20-15.070 ; Com., 28 juin 2017, pourvoi n° 15-29.013).

14. Les exigences de la sécurité juridique imposent de retenir une solution unique.

15. Dans le silence du texte, il convient de rechercher la volonté du législateur.

16. D'une part, tant le rapport au président de la République accompagnant l'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005 que le rapport n° 2836 du 1er février 2006 fait au nom de la commission des affaires économiques de l'environnement et du territoire de l'Assemblée nationale sur le projet de loi de ratification de cette ordonnance ainsi que le rapport n° 277 du 23 mars 2006 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale du Sénat sur ce même projet de loi de ratification mentionnent un délai de prescription pour l'action en garantie des vices cachés du code civil.

17. D'autre part, l'objectif poursuivi par le législateur étant de permettre à tout acheteur, consommateur ou non, de bénéficier d'une réparation en nature, d'une diminution du prix ou de sa restitution lorsque la chose est affectée d'un vice caché, l'acheteur doit être en mesure d'agir contre le vendeur dans un délai susceptible d'interruption et de suspension.

18. L'ensemble de ces considérations conduit la Cour à juger que le délai biennal prévu à l'article 1648, alinéa 1, du code civil est un délai de prescription.

19. La cour d'appel a énoncé, en premier lieu, que le délai de deux ans prévu à l'article 1648, alinéa 1, du code civil pour intenter l'action en garantie des vices rédhibitoires est interrompu par une assignation en référé conformément à l'article 2241 de ce code, en second lieu, que ce délai est en outre suspendu lorsque le juge a fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès en application de l'article 2239 du même code, le délai recommençant à courir à compter du jour où la mesure a été exécutée.

20. Après avoir retenu que la saisine de la juridiction italienne, le 16 mai 2013, avait interrompu la prescription jusqu'au 24 septembre 2013, date de l'ordonnance ayant désigné l'expert, elle a relevé que celui-ci avait déposé son rapport le 19 décembre 2013 et que l'assignation au fond avait été signifiée le 25 novembre 2015.

21. Ayant ainsi retenu à bon droit que le délai prévu à l'article 1648, alinéa 1, du code civil pour exercer l'action en garantie des vices cachés est un délai de prescription susceptible de suspension en application de l'article 2239 de ce code, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action n'était pas prescrite.

22. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

23. Les sociétés DS Smith France et Zurich font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à la société Gaifin la somme de 377 343,78 euros en réparation de son préjudice économique, avec intérêts légaux et capitalisation, alors « que le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties ; qu'en se fondant exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de la société Gaifin, à savoir un rapport de son expert-comptable (sa pièce 56 en appel), pour retenir que celle-ci démontrait, qu'au préjudice résultant des poches (prétendument) défectueuses livrées aux clients, évalué par le jugement à la somme de 13 795,04 euros, s'ajoutait un préjudice lié aux pulpes de tomates détectées par la société Greci avant commercialisation s'élevant à la somme de 363 548,74 euros, soit la somme totale de 377 343,78 euros (arrêt p. 8, §§ 3 à 6), la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

24. En application de ce texte, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties.

25. Pour condamner les sociétés DS Smith France et Zurich au paiement d'une certaine somme en réparation du préjudice économique subi par la société Gaifin, l'arrêt constate qu'au vu du rejet partiel de ses prétentions en première instance, la société Gaifin produit une nouvelle pièce, le rapport de M. [I], expert-comptable.

26. Après avoir analysé ce seul rapport, il retient qu'il est ainsi démontré qu'au préjudice résultant des poches défectueuses livrées aux clients, justement évalué par le jugement, s'ajoute un préjudice lié aux poches défectueuses détectées par la société Greci avant leur commercialisation.

27. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui, pour apprécier l'existence du second chef de préjudice, s'est fondée exclusivement sur le rapport d'expertise amiable établi non contradictoirement à la demande de la société Gaifin et produit par elle en appel, sans relever l'existence d'autres éléments de preuve le corroborant, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

28. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt condamnant in solidum les sociétés DS Smith et Zurich à payer à la société Gaifin une certaine somme en réparation de son préjudice économique entraîne la cassation des chefs de dispositif portant sur la capitalisation des intérêts, les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit la société Gaifin recevable en ses demandes et constate que la société DS Smith France vient aux droits de la société Rapak, l'arrêt rendu le 17 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.

Arrêt rendu en Chambre mixte.

- Président : M. Soulard (premier président) - Rapporteur : Mme Fontaine, assistée de Mme Konopka, auditeur au service de documentation, des études et du rapport - Avocat général : Mme Gueguen (premier avocat général) - Avocat(s) : SARL Cabinet Munier-Apaire ; SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier -

Textes visés :

Article 1648, alinéa 1er, du code civil ; article 2239 du code civil.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-22.670, Bull. (rejet).

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