Numéro 7 - Juillet 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2023

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL

Soc., 5 juillet 2023, n° 21-23.294, (B), FS

Cassation partielle

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment du 12 juillet 2006 – Article 4.2.9 – Organisation du travail des salariés – Convention de forfait en jours – Protection de la sécurité et de la santé du salarié – Applications diverses – Document individuel de suivi du temps de travail – Elaboration – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 3 juin 2021), M. [V] a été engagé en qualité de technicien commercial, le 1er septembre 2014, par la société Simon, devenue la société Centre européen de peinture industrielle. Son contrat de travail comportait une convention de forfait de 216 jours de travail par an et était soumis aux dispositions de la convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment du 12 juillet 2006.

2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale, le 22 septembre 2017, afin d'obtenir la condamnation de son employeur à lui verser un rappel de salaires au titre des heures supplémentaires outre des dommages-intérêts pour travail dissimulé.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire nulle la convention individuelle de forfait annuel en jours, de le condamner à régler au salarié diverses sommes à titre de rappel d'heures supplémentaires sur la période 2014/2017 outre les congés payés afférents, ainsi qu'à titre de dommages-intérêts pour perte de ses droits à la contrepartie obligatoire en repos au titre des heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel, alors :

« 1°/ que l'article 4.2.9 de la convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment du 12 juillet 2006 impose que soit précisé, lors de la conclusion d'une clause de forfait en jours, « la répartition initiale des jours compris dans le forfait » et « les modalités de prise des jours de repos, en journées ou demi-journées », ainsi que « la répartition initiale du temps de travail sur les jours ouvrables de la semaine en journées ou demi-journées de travail et les modalités de prise des jours de repos » ; que l'article 4.2.9 susvisé prévoit encore non seulement le respect des repos quotidiens et hebdomadaires imposés par la loi, mais aussi que « L'employeur veille à ce que la pratique habituelle puisse permettre d'augmenter ces temps de repos minimum » et que « La charge de travail et l'amplitude des journées d'activité devront rester dans des limites raisonnables et assurer une bonne répartition dans le temps du travail de l'ETAM concerné, en permettant une réelle conciliation entre activité professionnelle et vie personnelle et familiale » ; qu'il est également organisé « un suivi régulier par la hiérarchie qui veille notamment aux éventuelles surcharges de travail et respect des durées minimales de repos » grâce à « Un document individuel de suivi des journées et demi-journées travaillées, des jours de repos et jours de congés » qui est « tenu par l'employeur ou par le salarié sous la responsabilité de l'employeur » ; que de plus, il est prévu que l'entretien au moins annuel portant « sur la charge de travail de l'ETAM et l'amplitude de ses journées d'activité, qui doivent rester dans des limites raisonnables, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que la rémunération du salarié » ; qu'il en résulte que la convention collective litigieuse ne prévoit pas essentiellement un « entretien au moins annuel » avec le supérieur hiérarchique visant à faire en sorte que « la charge de travail de l'ETAM et l'amplitude de ses journées d'activité » reste « dans des limites raisonnables » et une consultation des institutions représentatives du personnel, mais également un suivi de la charge de travail afin d'assurer que la charge de travail reste raisonnable et d'assurer le respect des durées minimales de repos ; qu'en affirmant le contraire pour en déduire que « Dans la mesure où en réalité ces dispositions conventionnelles sont insuffisantes à garantir que l'amplitude et la charge de travail des ETAM au forfait annuel en jours permettent d'aboutir à une répartition équilibrée de leur temps d'activité et donc à assurer une protection effective tant de leur sécurité que de leur santé, il convient de juger nulle la convention individuelle de forfait annuel en jours », la cour d'appel a violé l'article 4.2.9 de la convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment du 12 juillet 2006 ;

2°/ que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations sont de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition dans le temps du travail du salarié, et assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires ; que l'article 4.2.9 de la convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment du 12 juillet 2006 impose notamment que le contrat de travail ou l'avenant instaurant un forfait en jours doivent préciser « la répartition initiale des jours compris dans le forfait » et « les modalités de prise des jours de repos, en journées ou demi-journées », ainsi que « la répartition initiale du temps de travail sur les jours ouvrables de la semaine en journées ou demi-journées de travail et les modalités de prise des jours de repos » ; que l'article 4.2.9 susvisé prévoit encore non seulement le respect des repos quotidiens et hebdomadaires imposés par la loi, mais aussi que « L'employeur veille à ce que la pratique habituelle puisse permettre d'augmenter ces temps de repos minimum » et que « La charge de travail et l'amplitude des journées d'activité devront rester dans des limites raisonnables et assurer une bonne répartition dans le temps du travail de l'ETAM concerné, en permettant une réelle conciliation entre activité professionnelle et vie personnelle et familiale » ; qu'il est organisé « un suivi régulier par la hiérarchie qui veille notamment aux éventuelles surcharges de travail et respect des durées minimales de repos » grâce à « Un document individuel de suivi des journées et demi-journées travaillées, des jours de repos et jours de congés » qui est « tenu par l'employeur ou par le salarié sous la responsabilité de l'employeur » ; que de plus, l'accord collectif des ETAM du bâtiment impose que « La situation de l'ETAM ayant conclu une convention individuelle de forfait en jours sera examinée lors d'un entretien au moins annuel avec son supérieur hiérarchique. Cet entretien portera sur la charge de travail de l'ETAM et l'amplitude de ses journées d'activité, qui doivent rester dans des limites raisonnables, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que la rémunération du salarié » ; qu'enfin « Le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel et le CHSCT, s'il en existe, seront consultés sur les conséquences pratiques de la mise en oeuvre de ce décompte de la durée du travail en nombre de jours sur l'année. Seront examinés notamment l'impact de ce régime sur l'organisation du travail, l'amplitude des journées et la charge de travail des salariés concernés » ; qu'il résulte de ces dispositions que l'employeur doit notamment veiller au risque de surcharge de travail du salarié et y remédier, de sorte que le contrôle de la durée maximale de travail soit assuré ; que la cour d'appel aurait dû en déduire que les stipulations conventionnelles étaient de nature à assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés ayant conclu une convention de forfait en jours ; qu'en jugeant au contraire que « Ce dispositif conventionnel n'est pas en soi de nature à assurer un niveau suffisant de contrôle et de protection tant de la sécurité que de la santé au travail des salariés concernés, s'agissant plus particulièrement du nécessaire suivi de la charge et de l'amplitude de travail » pour en déduire que « Dans la mesure où en réalité ces dispositions conventionnelles sont insuffisantes à garantir que l'amplitude et la charge de travail des ETAM au forfait annuel en jours permettent d'aboutir à une répartition équilibrée de leur temps d'activité et donc à assurer une protection effective tant de leur sécurité que de leur santé, il convient de juger nulle la convention individuelle de forfait annuel en jours », la cour d'appel a violé l'article L. 3121-43 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 et l'article 4.2.9 de la convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment du 12 juillet 2006. »

Réponse de la Cour

Vu l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-39 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et l'article 4.2.9 de la convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment du 12 juillet 2006, dans sa rédaction issue de l'avenant n° 3 du 11 décembre 2012 :

4. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.

5. Il résulte des articles susvisés de la directive de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.

6. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

7. Pour dire nulle la convention individuelle de forfait annuel en jours signée par le salarié, l'arrêt relève que l'article 4.2.9 de la convention collective nationale susvisée prévoit que « la situation de l'ETAM ayant conclu une convention individuelle de forfait en jours sera examinée lors d'un entretien au moins annuel avec son supérieur hiérarchique. Cet entretien portera sur la charge de travail de l'ETAM et l'amplitude de ses journées d'activité, qui doivent rester dans des limites raisonnables, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que la rémunération du salarié...

Les ETAM ayant conclu une convention individuelle de forfait-jours bénéficient d'un temps de repos quotidien d'au moins 11 heures consécutives et d'un temps de repos hebdomadaire de 35 heures consécutives...

L'employeur veille à ce que la pratique habituelle puisse permettre d'augmenter ce temps de repos minimum.

La charge de travail et l'amplitude des journées d'activité devront rester dans des limites raisonnables et assurer une bonne répartition dans le temps de travail de l'ETAM concerné...

Le comité d'entreprise (CE) ou à défaut les délégués du personnel et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT)... seront consultés sur les conséquences pratiques de la mise en oeuvre de ce décompte de la durée du travail en nombre de jours sur l'année. Seront examinés notamment l'impact de ce régime sur l'organisation du travail, l'amplitude des journées et la charge de travail des salariés concernés...La mise en place du forfait annuel en jours est précédée d'un entretien au cours duquel l'ETAM sera informé de l'organisation et de la charge de travail à venir ainsi que des éléments de rémunération pris en compte... ».

8. L'arrêt retient que ce dispositif conventionnel n'est pas de nature à assurer un niveau suffisant de contrôle et de protection tant de la sécurité que de la santé au travail des salariés concernés, s'agissant plus particulièrement du nécessaire suivi de la charge et de l'amplitude de travail, dès lors qu'il se limite pour l'essentiel à prévoir un entretien au moins annuel avec le supérieur hiérarchique, en visant de manière par trop générale que la charge de travail de l'ETAM et l'amplitude de ses journées d'activité doivent rester dans des limites raisonnables, et une consultation des institutions représentatives du personnel, qui n'est pas clairement détaillée.

9. En statuant ainsi, alors que l'article 4.2.9 prévoit également que l'organisation du travail des salariés fait l'objet d'un suivi régulier par la hiérarchie qui veille notamment aux éventuelles surcharges de travail et au respect des durées minimales de repos, qu'un document individuel de suivi des journées et demi-journées travaillées, des jours de repos et jours de congés (en précisant la qualification du repos : hebdomadaire, congés payés, etc.) est tenu par l'employeur ou par le salarié sous la responsabilité de l'employeur, que ce document individuel de suivi permet un point régulier et cumulé des jours de travail et des jours de repos afin de favoriser la prise de l'ensemble des jours de repos dans le courant de l'exercice, de sorte que répondent aux exigences relatives au droit à la santé et au repos et assurent ainsi le contrôle de la durée raisonnable de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires les dispositions de la convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment du 12 juillet 2006, dans sa version issue de l'avenant n° 3 étendu du 11 décembre 2012, qui imposent notamment à l'employeur de veiller au risque de surcharge de travail du salarié et d'y remédier, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif ordonnant à l'employeur de remettre au salarié un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes à l'arrêt d'appel, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

11. La cassation prononcée sur le premier moyen n'emporte pas, en revanche, cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit nulle la convention individuelle de forfait annuel en jours, en ce qu'il condamne la société Simon à régler à M. [V] les sommes de 31 059,17 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires sur la période 2014/2017, 3 105,92 euros au titre des congés payés afférents, outre les intérêts au taux légal, 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de ses droits à la contrepartie obligatoire en repos au titre des heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel, majorée des intérêts au taux légal, et en ce qu'il lui ordonne de remettre à M. [V] un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes à la décision de la cour d'appel, l'arrêt rendu le 3 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Thomas-Davost - Avocat général : Mme Molina - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ; article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs ; article L. 3121-39 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ; article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; article 4.2.9 de la convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment du 12 juillet 2006, dans sa version issue de l'avenant n° 3 étendu du 11 décembre 2012.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions de validité des conventions de forfait en jours au regard de la durée du travail et des repos, journaliers et hebdomadaires, à rapprocher : Soc., 13 octobre 2021, pourvoi n° 19-20.561, Bull., (cassation partielle), et l'arrêt cité ; Soc., 14 décembre 2022, pourvoi n° 20-20.572, Bull., (cassation partielle), et les arrêts cités.

Soc., 5 juillet 2023, n° 21-23.222, (B), FS

Cassation partielle

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981 – Article 1.09 f – Forfait en jours sur l'année – Protection de la sécurité et de la santé du salarié – Défaut – Portée

Les dispositions des articles 1.09 f et 4.06 de la convention collective du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981, étendue par arrêté du 30 octobre 1981, dans leur rédaction issue de l'avenant du 3 juillet 2014, qui se bornent à prévoir que la charge quotidienne de travail doit être répartie dans le temps de façon à assurer la compatibilité des responsabilités professionnelles avec la vie personnelle du salarié, que les entreprises sont tenues d'assurer un suivi individuel régulier des salariés concernés et sont invitées à mettre en place des indicateurs appropriés de la charge de travail, que compte tenu de la spécificité du dispositif des conventions de forfait en jours, le respect des dispositions contractuelles et légales sera assuré au moyen d'un système déclaratif, chaque salarié en forfait jours devant renseigner le document de suivi du forfait mis à sa disposition à cet effet, que ce document de suivi du forfait fait apparaître le nombre et la date des journées travaillées ainsi que le positionnement et la qualification des jours non travaillés et rappelle la nécessité de respecter une amplitude et une charge de travail raisonnables, que le salarié bénéficie, chaque année, d'un entretien avec son supérieur hiérarchique dont l'objectif est notamment de vérifier l'adéquation de la charge de travail au nombre de jours prévu par la convention de forfait et de mettre en oeuvre les actions correctives en cas d'inadéquation avérée, en ce qu'elles ne permettent pas à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981 – Article 1.09 f – Forfait en jours sur l'année – Protection de la sécurité et de la santé du salarié – Garanties conventionnelles – Amplitude de la charge de travail et bonne répartition dans le temps du travail du salarié – Caractère raisonnable – Défaut – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 4 juin 2021), le 30 mars 1998, M. [R] a été engagé en qualité d'agent de maîtrise par la société Parc maintenance.

Par avenant du 1er janvier 2005, le salarié a été promu au poste de gestionnaire d'atelier et a été soumis à un forfait en jours.

2. Le 13 juin 2017, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail et en paiement de diverses sommes.

3. Le salarié a été licencié le 6 novembre 2017.

Examen des moyens

Sur les deuxième moyen et troisième moyen, pris en ses première et troisième branches, du pourvoi principal du salarié et le moyen du pourvoi incident de l'employeur

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé que la convention de forfait en jours était privée d'effet, au prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail et à la condamnation de ce dernier au paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires, de la contrepartie obligatoire en repos, des congés payés, d'indemnité pour travail dissimulé et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :

« 2°/ que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; qu'en retenant, dès lors, que la convention de forfait en jours stipulée par le contrat de travail de M. [K] [R] n'était ni entachée de nullité, ni privée d'effet à son égard, sans caractériser que les stipulations de la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981, ou de ses avenants, relatives à la convention de forfait en jours, assuraient la garantie du respect des durées légales maximales de travail, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 11 du préambule de la constitution du 27 octobre 1946, les stipulations de l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) se référant à la charte sociale européenne et à la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs et les dispositions des articles L. 3121-39 et L. 3121-45 du code du travail, interprétées à la lumière des dispositions de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dans leur rédaction antérieure à la loi du 8 août 2016, qui sont applicables à la cause ;

3°/ que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; qu'en énonçant, par conséquent, pour retenir que la convention de forfait en jours stipulée par le contrat de travail de M. [K] [R] n'était ni entachée de nullité, ni privée d'effet à son égard, que les stipulations de l'article 1.09 f de la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981, sur le fondement desquelles la convention de forfait en jours stipulée par le contrat de travail de M. [K] [R] avait été conclue, qui n'étaient pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, avaient fait l'objet d'un avenant en date du 3 juillet 2014 constituant les stipulations de l'article 4.06 de la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981, et qu'il s'évinçait des stipulations de cet avenant que la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981, prévoit un suivi effectif et régulier du salarié bénéficiant d'une convention de forfait en jours permettant d'assurer une durée raisonnable de son amplitude de travail et de préserver sa santé et sa sécurité, quand les stipulations de l'avenant en date du 3 juillet 2014 n'imposent pas l'obligation, pour le supérieur hiérarchique du salarié, de contrôler, à un intervalle régulier de temps déterminé, les documents de suivi du forfait en jours renseignés par le salarié qu'elles prévoient, et, partant, n'instituent pas un véritable suivi effectif et régulier par le supérieur hiérarchique de ce dernier de ces documents, permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable de travail, et, donc, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, les stipulations de l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs et les dispositions des articles L. 3121-39 et L. 3121-45 du code du travail, interprétées à la lumière des dispositions de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dans leur rédaction antérieure à la loi du 8 août 2016, qui sont applicables à la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-39 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :

6. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.

7. Il résulte des articles susvisés de la directive de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.

8. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

9. Pour débouter le salarié de sa demande tendant à ce qu'il soit jugé que la convention de forfait en jours était privée d'effet, l'arrêt retient que la convention collective du secteur de l'automobile prévoit un suivi effectif et régulier du salarié bénéficiant d'une convention de forfait en jours permettant d'assurer une durée raisonnable de son amplitude de travail et de préserver sa santé et sa sécurité.

10. En statuant ainsi, alors que les dispositions des articles 1.09 f et 4.06 de la convention collective du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981, étendue par arrêté du 30 octobre 1981, dans leur rédaction issue de l'avenant du 3 juillet 2014, qui se bornent à prévoir que la charge quotidienne de travail doit être répartie dans le temps de façon à assurer la compatibilité des responsabilités professionnelles avec la vie personnelle du salarié, que les entreprises sont tenues d'assurer un suivi individuel régulier des salariés concernés et sont invitées à mettre en place des indicateurs appropriés de la charge de travail, que compte tenu de la spécificité du dispositif des conventions de forfait en jours, le respect des dispositions contractuelles et légales sera assuré au moyen d'un système déclaratif, chaque salarié en forfait jours devant renseigner le document de suivi du forfait mis à sa disposition à cet effet, que ce document de suivi du forfait fait apparaître le nombre et la date des journées travaillées ainsi que le positionnement et la qualification des jours non travaillés et rappelle la nécessité de respecter une amplitude et une charge de travail raisonnables, que le salarié bénéficie, chaque année, d'un entretien avec son supérieur hiérarchique dont l'objectif est notamment de vérifier l'adéquation de la charge de travail au nombre de jours prévu par la convention de forfait et de mettre en oeuvre les actions correctives en cas d'inadéquation avérée, en ce qu'elles ne permettent pas à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, ce dont elle aurait dû déduire que la convention de forfait en jours était nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [R] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt rendu le 4 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : M. Flores - Avocat général : Mme Molina - Avocat(s) : SCP Capron ; SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh -

Textes visés :

Alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ; article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs ; article L. 3121-39 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; articles 1.09 f et 4.06 de la convention collective du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981, étendue par arrêté du 30 octobre 1981, dans leur rédaction issue de l'avenant du 3 juillet 2014.

Rapprochement(s) :

Sur le principe selon lequel, pour être valables, les conventions de forfait en jours sur l'année doivent assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, à rapprocher : Soc., 9 novembre 2016, pourvoi n° 15-15.064, Bull. 2016, V, n° 214 (cassation partielle), et les arrêts cités.

Soc., 5 juillet 2023, n° 21-23.387, (B), FS

Cassation partielle

Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire du 13 août 1999 – Accord du 11 avril 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail – Article 2.8.3. – Cadres au forfait jours – Protection de la sécurité et de la santé du salarié – Défaut – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 1er septembre 2021), M. [R] a été engagé en qualité de directeur général du développement et marketing, à compter du 1er novembre 2016, par la société CF Management Holding, appartenant au groupe Astriam, suivant contrat de travail « à forfait réduit », soumis à la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire du 13 août 1999.

2. Se plaignant des conditions d'exécution de son contrat de travail et invoquant une situation de co-emploi avec la société Astriam régions, le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 9 octobre 2017 à l'effet d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul.

3. Le 12 février 2018, il a été licencié.

4. Par jugements des 4 mars et 15 juillet 2020, les sociétés Astriam régions et CF Management Holding, respectivement, ont été placées en liquidation judiciaire et la société Lehericy-Hermont, aux droits de laquelle se trouve la société Alpha mandataires judiciaires, a été désignée en qualité de liquidatrice de chacune.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen du pourvoi principal du salarié

Énoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à fixer au passif de la société CF Management Holding un rappel de salaire au titre du minimum conventionnel pour la période comprise entre novembre 2016 et mars 2017, alors « que M. [R] faisait valoir que pour la période comprise entre le 1er novembre 2016 et le 30 mars 2017, la rémunération qu'il avait perçue, d'un montant de 1 460 euros en contrepartie d'un forfait jour réduit de 147 jours, était inférieure au minimum conventionnel rapporté à ce nombre de jours ; qu'en le déboutant de sa demande de rappel de salaire fondée sur les minima conventionnels sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. La cour d'appel n'ayant pas statué sur ce chef de demande, le moyen dénonce en réalité une omission de statuer qui, pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, ne donne pas ouverture à cassation.

8. En conséquence, le moyen n'est pas recevable.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

9. Le salarié fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement ayant jugé que la convention de forfait en jours n'était pas opposable et de le débouter de ses demandes tendant à juger la convention de forfait en jours nulle ou à tout le moins privée d'effet, à fixer au passif de la société CF Management Holding diverses sommes à titre de rappel d'heures supplémentaires et congés payés afférents, de contrepartie en repos et congés payés afférents, de dommages-intérêts pour violation des durées maximales de travail et des droits au repos, d'indemnité au titre de ses temps de trajet excédentaires, d'indemnité pour travail dissimulé et de dommages-intérêts pour harcèlement moral, et à juger nul son licenciement, avec les conséquences indemnitaires afférentes, alors « que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ; qu'en jugeant que tel était le cas de l'accord de branche du 11 avril 2000 pris dans le cadre de la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire du 13 août 1999, lorsque ce dernier se borne à rappeler en son article 2.8.3 que les cadres soumis à un forfait jours doivent bénéficier d'un repos quotidien de 11 heures consécutives et d'un repos hebdomadaire de 35 heures consécutives, et à prévoir qu'un contrôle du nombre de jours travaillés sera effectué par l'établissement d'un document récapitulatif pouvant être tenu par le salarié sous la responsabilité de l'employeur, et qu'un entretien aura lieu avec leur supérieur hiérarchique au cours duquel sera évoqué l'organisation du travail, l'amplitude des journées d'activité et de la charge de travail en résultant, lesquelles devront rester raisonnables et assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail des intéressés, afin de permettre un équilibre satisfaisant entre la vie professionnelle et la vie personnelle du cadre concerné, ce qui ne permet pas de garantir au salarié un suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, la cour d'appel a violé l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article 17, §§ 1 et 4, de la directive 1993/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, les articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ensemble l'article L. 3121-64, II, du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 212-15-3 du code du travail, alors en vigueur, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :

10. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.

11. Il résulte des articles susvisés de la directive de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.

12. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

13. Pour dire la convention de forfait en jours opposable au salarié et débouter ce dernier de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires, de contrepartie en repos et de dommages-intérêts pour violation des durées maximales de travail et non-respect du droit au repos, l'arrêt retient qu'il n'est pas utilement contesté que la convention collective applicable prévoit notamment un rappel du repos quotidien de onze heures consécutives, un rappel du temps de repos hebdomadaire égal à trente-cinq heures consécutives, un contrôle du nombre de jours travaillés, l'établissement d'un document récapitulatif par le salarié des jours de repos, la mise en place d'un entretien annuel avec le supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoqués l'organisation du travail, l'amplitude des journées d'activité et la charge de travail en résultant, ainsi que l'obligation de respecter un équilibre satisfaisant entre la vie professionnelle et la vie personnelle. Il conclut que l'ensemble de ces dispositions, contrairement à ce qui est soutenu par le salarié, est conforme aux exigences jurisprudentielles et légales.

14. En statuant ainsi, alors que l'article 2.8.3. de l'accord du 11 avril 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail, attaché à la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire du 13 août 1999, qui se borne à prévoir que l'employeur est tenu de mettre en place des modalités de contrôle du nombre des journées ou demi-journées travaillées par l'établissement d'un document récapitulatif faisant en outre apparaître la qualification des jours de repos en repos hebdomadaire, congés payés, congés conventionnels ou jours de réduction du temps de travail, ce document pouvant être tenu par le salarié sous la responsabilité de l'employeur, et que les cadres concernés par un forfait jours bénéficient chaque année d'un entretien avec leur supérieur hiérarchique, au cours duquel il sera évoqué l'organisation du travail, l'amplitude des journées d'activité et de la charge de travail en résultant, sans instituer de suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, n'est pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, ce dont il se déduisait que la convention de forfait en jours était nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

15. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif déboutant le salarié de ses demandes tendant à la fixation de sa créance au titre des dommages-intérêts pour modification unilatérale du contrat de travail et à la résiliation judiciaire de son contrat de travail, disant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, limitant la créance du salarié à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité de préavis, outre congés payés afférents, ordonnant la remise de documents de fin de contrat conformes et fixant la créance de remboursement des indemnités de chômage, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

MISE HORS DE CAUSE

16. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la société Astriam régions, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi, le pourvoi principal ne formulant aucune critique contre le chef de l'arrêt l'ayant mise hors de cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [R] de ses demandes tendant à juger la convention de forfait en jours nulle ou à tout le moins privée d'effet, à fixer au passif de la société CF Management Holding sa créance à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre congés payés afférents, de contrepartie en repos, outre congés payés afférents, de dommages-intérêts pour violation des durées maximales de travail et des droits au repos, d'indemnité au titre de ses temps de trajet excédentaires, d'indemnité pour travail dissimulé, de dommages-intérêts pour harcèlement moral et de dommages-intérêts pour modification unilatérale du contrat de travail, à prononcer la résiliation judiciaire et à juger nul son licenciement pour inaptitude, avec les conséquences indemnitaires afférentes, en ce qu'il dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en ce qu'il limite la créance de M. [R] fixée au passif de la société CF Management Holding aux sommes de 5 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 14 389,88 euros à titre d'indemnité de préavis, outre congés payés afférents, en ce qu'il ordonne la remise de documents de fin de contrat conformes, en ce qu'il fixe au passif de la société CF Management Holding la créance de remboursement des indemnités de chômage, et en ce qu'il dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et que le salarié et le liquidateur de la société CF Management Holding conserveront chacun la charge de ses propres dépens, l'arrêt rendu le 1er septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Met hors de cause la société Astriam régions ;

Remet, sur les points objet de la cassation, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Techer - Avocat général : Mme Molina - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Leduc et Vigand -

Textes visés :

Alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ; article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs ; article L. 212-15-3 du code du travail, alors en vigueur, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ; article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions de validité des conventions de forfait en jours au regard de la durée du travail et des repos, journaliers et hebdomadaires, à rapprocher : Soc., 13 octobre 2021, pourvoi n° 19-20.561, Bull., (cassation partielle), et l'arrêt cité ; Soc., 14 décembre 2022, pourvoi n° 20-20.572, Bull., (cassation partielle), et les arrêts cités.

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