Numéro 7 - Juillet 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2023

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)

Com., 5 juillet 2023, n° 22-10.436, (B), FRH

Cassation partielle sans renvoi

Liquidation judiciaire – Vérification et admission des créances – Procédure – Instance introduite devant la juridiction compétente par une partie sur invitation du juge-commissaire – Recevabilité – Conditions – Mise en cause du créancier, du débiteur, du mandataire judiciaire ou du liquidateur – Applications diverses – Débiteur n'ayant pas été appelé devant le juge compétent saisi

Aux termes de l'article 553 du code de procédure civile, en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel de l'une produit ses effets à l'égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l'instance et l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance. Selon l'article 547 du même code, en matière contentieuse, l'appel ne peut être dirigé que contre ceux qui ont été parties en première instance.

L'instance introduite devant la juridiction compétente par l'une des parties à la procédure de vérification des créances, sur l'invitation du juge-commissaire, s'inscrit dans cette même procédure, laquelle est indivisible entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire ou le liquidateur. Il en résulte que la partie qui saisit le juge compétent doit mettre en cause, devant ce juge les deux autres parties, dont, le cas échéant, le débiteur qui est une partie nécessaire en tant que titulaire, en matière de vérification du passif, d'un droit propre.

Par conséquent, même si le débiteur n'a pas été appelé devant le juge compétent saisi, sur invitation du juge-commissaire, pour trancher la contestation d'une créance, le créancier, appelant du jugement rendu par ce juge, doit intimer le débiteur devant la cour d'appel pour que son appel soit recevable.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 19 octobre 2021), le 6 juin 2017, la liquidation judiciaire de la Société d'exploitation Electric Boutic a été étendue à la société HPH.

La Société générale (la banque), qui avait accordé un prêt à la société Electric Boutic garanti par une hypothèque consentie par la société HPH, a déclaré une créance privilégiée qui a été contestée.

Par une ordonnance du 28 août 2018, le juge-commissaire a constaté que l'appréciation de la validité de la garantie hypothécaire consentie par la société HPH, qui constituait le motif de contestation, ne relevait pas de son office juridictionnel, sursis à statuer et renvoyé la banque à mieux se pourvoir.

2. Le 25 septembre 2018, la banque a assigné devant le tribunal la société MJ Alpes, en sa qualité de liquidateur de la société HPH.

Par un jugement du 30 avril 2019, le tribunal a déclaré l'action de la banque irrecevable au motif qu'elle n'avait pas assigné la société HPH, titulaire d'un droit propre en matière de vérification du passif.

3. La banque a fait appel du jugement en intimant le liquidateur.

Par conclusions du 9 juillet 2020, le Fonds commun de titrisation Cedrus (le FCT Cedrus), ayant pour société de gestion la société Equitis gestion, cessionnaire de la créance de la banque, est intervenu volontairement à l'instance, puis a appelé en intervention forcée la société HPH.

Le 15 octobre 2020, il a fait appel du jugement en intimant le liquidateur et la société HPH.

4. Le FCT Cedrus a déféré à la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état déclarant irrecevable cet appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Le FCT Cedrus, ayant pour société de gestion la société Equitis gestion, fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'appel formé à l'encontre de la société HPH par déclaration du 15 octobre 2020, alors « que l'instance en vérification des créances diligentée devant le juge-commissaire et l'instance introduite devant la juridiction compétente par l'une des parties s'inscrivent dans une même procédure indivisible ; qu'en conséquence, lorsque étaient parties à l'instance devant le juge-commissaire le créancier, le débiteur et le liquidateur, et que dans le cadre de l'instance devant la juridiction compétente n'étaient présents que le créancier et le liquidateur, le créancier est recevable à intimer, dans sa déclaration d'appel, le débiteur ; qu'en effet, le débiteur était bien présent à l'instance devant le juge-commissaire laquelle est indivisible de celle tenue devant la juridiction compétente ; qu'en l'espèce, il est constant aux débats que dans le cadre de l'instance devant le juge-commissaire étaient présents, appelés et représentés, la Société générale, aux droits de laquelle vient le FCT Cedrus, la SCI HPH et la Selarl MJ Alpes, ès qualités ; qu'en revanche, il n'est pas contesté que la SCI HPH n'avait pas été appelée à l'instance au fond tenue devant le tribunal de commerce d'Annecy ; qu'il n'en demeurerait pas moins qu'en raison de l'indivisibilité des procédures le FCT Cedrus pouvait intimer la SCI HPH, présent lors de la première instance ; qu'en retenant pourtant que « la SCI HPH n'étant pas partie à l'instance devant le tribunal de commerce et ne pouvant être regardée comme l'ayant été, l'appel formé à son encontre par la déclaration du 15 octobre 2020 est irrecevable », la cour d'appel a violé les articles 552 et 553 du code de procédure civile par refus d'application, et 547 dudit code par fausse application. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 553 et 547 du code de procédure civile :

6. Aux termes du premier texte, en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel de l'une produit effet à l'égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l'instance et l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance.

Selon le second, en matière contentieuse, l'appel ne peut être dirigé que contre ceux qui ont été parties en première instance.

7. L'instance introduite devant la juridiction compétente par l'une des parties à la procédure de vérification des créances, sur l'invitation du juge-commissaire, s'inscrit dans cette même procédure, laquelle est indivisible entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire ou le liquidateur. Il en résulte que la partie qui saisit le juge compétent doit mettre en cause devant ce juge les deux autres parties, dont le cas échéant le débiteur qui est une partie nécessaire en tant que titulaire, en matière de vérification du passif, d'un droit propre.

8. Pour déclarer l'appel irrecevable, l'arrêt énonce que seules les personnes qui ont été parties en première instance peuvent être intimées, et relève que si la société HPH a bien été partie à l'instance de vérification de créance devant le juge-commissaire, elle n'a pas été appelée à l'instance distincte et autonome qui a été introduite devant le tribunal de commerce par la banque, par assignation du 25 septembre 2018, et en déduit que la société HPH non partie en première instance, ne pouvait être intimée.

9. En statuant ainsi, alors que la société débitrice devait être intimée par le créancier, appelant du jugement rendu par le juge compétent saisi, sur invitation du juge-commissaire, pour trancher la contestation de sa créance, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. A la demande du FCT Cedrus, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable l'appel formé contre la société HPH par déclaration du 15 octobre 2020, l'arrêt rendu le 19 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare recevable l'appel formé par le Fonds commun de titrisation Cedrus contre la société HPH par déclaration du 15 octobre 2020.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Bélaval - Avocat(s) : SCP Delamarre et Jehannin ; SCP Richard -

Textes visés :

Articles 547 et 553 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur la nécessité de mettre en cause devant le juge compétent le créancier, le débiteur, le mandataire judiciaire ou le liquidateur, à rapprocher : Com., 5 septembre 2018, pourvoi n° 17-15.978, Bull. 2018, IV, n° 91 (rejet).

Com., 7 juillet 2023, n° 22-17.902, (B) (R), FS

Rejet

Redressement et liquidation judiciaires – Créances – Salariés – Assurance contre le risque de non-paiement – Garantie – Insuffisance des fonds disponibles de la procédure collective – Obligation de justification préalable par le mandataire judiciaire (non)

Sauvegarde – Créances – Salariés – Assurance contre le risque de non-paiement – Garantie – Insuffisance des fonds disponibles de la procédure collective – Obligation de justification préalable par le mandataire judiciaire

Intervention

1. Il est donné acte au Conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires de son intervention volontaire au soutien de la société AJ UP et de la société Humeau, en leurs qualités respectives d'administrateur et de liquidateur de la société Ets Audis.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 14 juin 2022), le 20 novembre 2020, la société Ets Audis a été mise en redressement judiciaire, la société AJ UP étant désignée en qualité d'administrateur et la société Humeau en celle de mandataire judiciaire.

3. Par un jugement du 16 avril 2021, le tribunal a arrêté un plan de cession des actifs de la société Ets Audis au profit de la société Ridoret menuiserie. Il a fixé la date d'entrée en jouissance au 1er mai 2021 et celle du transfert de propriété à la date de signature des actes.

Le prix de cession a été consigné entre les mains du mandataire judiciaire.

4. Par un jugement du 30 avril 2021, la procédure collective a été convertie en liquidation judiciaire, la société Humeau étant désignée en qualité de liquidateur.

5. Le 5 mai 2021, la société Humeau a saisi le Centre de gestion et d'études AGS (CGEA) de Bordeaux d'une demande d'avance par l'Association de garantie des salaires (l'AGS) pour assurer le paiement des salaires du mois d'avril 2021 et d'heures supplémentaires.

6. Le CGEA lui ayant partiellement opposé un refus en invoquant la subsidiarité de son intervention, le liquidateur l'a assigné devant le tribunal de la procédure collective pour obtenir le versement d'une somme correspondant au montant du solde ressortant du relevé des créances salariales.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa cinquième branche

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première à quatrième branches

Enoncé du moyen

8. L'UNEDIC, agissant en sa qualité de gestionnaire de l'AGS, fait grief à l'arrêt de la condamner au versement d'une somme équivalente au solde du relevé des créances salariales, alors :

« 1°/ que ce n'est que si les créances ne peuvent être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles avant l'expiration des délais prévus par l'article L. 3253-19 du code du travail, que le mandataire judiciaire peut demander, sur présentation des relevés, l'avance des fonds nécessaires aux institutions de garantie mentionnées à son article L. 3253-14 ; qu'en jugeant qu'aucun contrôle a priori de l'insuffisance des fonds disponibles de l'entreprise n'est ouvert aux institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 du code du travail, tenues, dès présentation des relevés par le mandataire, de verser les avances demandées, la sanction de l'absence de respect par le liquidateur de la subsidiarité ne pouvant être obtenue par lesdites institutions qu'a posteriori, par le droit au remboursement de ces avances, ainsi que par la responsabilité du mandataire, la cour d'appel a violé l'article L. 3253-20 du code du travail ;

2°/ que l'AGS a un droit propre pour contester le principe et l'étendue de sa garantie, dans tous les cas où les conditions de celle-ci ne paraissent pas remplies ; qu'en jugeant qu'aucun contrôle a priori de l'insuffisance des fonds disponibles de l'entreprise n'est ouvert aux institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 du code du travail, tenues, dès présentation des relevés par le mandataire, de verser les avances demandées, la sanction de l'absence de respect par le liquidateur de la subsidiarité ne pouvant être obtenue par lesdites institutions qu'a posteriori, par le droit au remboursement de ces avances, ainsi que par la responsabilité du mandataire, la cour d'appel a violé l'article L. 3253-20 du code du travail, ensemble l'article L. 625-4 du code de commerce ;

3°/ que la charge de la preuve de ce que les créances ne peuvent être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles avant l'expiration des délais prévus par l'article L. 3253-19 du code du travail repose sur le mandataire judiciaire ; qu'en jugeant qu'aucun contrôle a priori de l'insuffisance des fonds disponibles de l'entreprise n'est ouvert aux institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 du code du travail, tenues, dès présentation des relevés par le mandataire, de verser les avances demandées, la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil ;

4°/ qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; qu'en jugeant qu'il n'appartiendrait pas au mandataire judiciaire de prouver que les créances salariales ne pouvaient pas être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles avant l'expiration des délais prévus par l'article L. 3253-19 du code du travail, pour demander l'avance des fonds nécessaires aux institutions de garantie mentionnées à son article L. 3253-14, la cour d'appel a violé l'article 9 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

9. D'une part, selon l'article L. 3253-19, 1° et 3°, du code du travail, en cas d'ouverture d'une procédure collective, il incombe au mandataire judiciaire d'établir le relevé des créances mentionnées aux articles L. 3253-2 et L. 3253-4 de ce code dans les dix jours suivant le prononcé du jugement d'ouverture et, pour les salaires et les indemnités de congés payés couvertes en application du 3° de l'article L. 3253-8 et les salaires couverts en application du dernier alinéa de ce même article, dans les dix jours suivant l'expiration des périodes de garantie prévues à ce 3° et ce, jusqu'à concurrence du plafond mentionné aux articles L. 3253-2, L. 3253-4 et L. 7313-8 du même code.

10. D'autre part, l'article L. 3253-20 du code du travail dispose, en son premier alinéa, que si les créances salariales ne peuvent être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles avant l'expiration des délais prévus par l'article L. 3253-19, le mandataire judiciaire demande, sur présentation des relevés, l'avance des fonds nécessaires aux institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 de ce code.

Le second alinéa de ce texte prévoit pour sa part, qu'en cas d'ouverture d'une sauvegarde, le mandataire judiciaire justifie à ces institutions, lors de sa demande, que l'insuffisance des fonds disponibles est caractérisée, la réalité de cette insuffisance pouvant être contestée par l'AGS devant le juge-commissaire.

11. Faisant l'exacte application de ces textes, la cour d'appel a retenu, sans méconnaître les règles gouvernant l'administration de la preuve, ni la subsidiarité de l'intervention de l'AGS, que l'obligation de justification préalable par le mandataire judiciaire de l'insuffisance des fonds disponibles de la procédure collective et la possibilité de sa contestation immédiate par les institutions de garantie ne sont prévues qu'en cas de sauvegarde et en a déduit qu'en dehors de cette procédure, aucun contrôle a priori n'est ouvert à l'AGS, de sorte que, sur la présentation d'un relevé de créances salariales établi sous sa responsabilité par le mandataire judiciaire, et afin de répondre à l'objectif d'une prise en charge rapide de ces créances, l'institution de garantie est tenue de verser les avances demandées.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : M. Riffaud - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SARL Ortscheidt ; SARL Delvolvé et Trichet -

Textes visés :

Articles L. 3253-2, L. 3253-4, L. 3253-8, 3°, L. 3253-14, L. 3253-19, L. 3253-20 et L. 7313-8 du code du travail.

Com., 5 juillet 2023, n° 22-10.104, (B), FRH

Rejet

Sauvegarde – Détermination du patrimoine – Vérification et admission des créances – Admission – Montant existant au jour du jugement d'ouverture – Nécessité

Il résulte des articles L. 622-24, alinéa 1, et L. 622-25 du code de commerce, qu'au titre des créances antérieures au jugement d'ouverture de la procédure collective, le montant de la créance à admettre est celui existant au jour de ce jugement d'ouverture, date à laquelle le juge-commissaire puis la cour d'appel se prononçant sur la contestation d'une telle créance doivent se placer pour statuer sur son admission, sans tenir compte d'événements postérieurs susceptibles d'influer sur la somme qui sera ultérieurement distribuée par le liquidateur.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 4 novembre 2021), la société Capnor Invest a été mise en liquidation judiciaire par un jugement du 7 juillet 2014 qui a désigné M. [C] en qualité de liquidateur.

2. La société Crédit du Nord, aux droits de laquelle est venue la Société générale (la banque), a déclaré une créance à cette procédure collective au titre de la garantie d'achèvement des travaux consentie le 26 juin 2012 à la société Capnor Invest pour un programme immobilier réalisé par la société débitrice sous le régime de la vente d'immeubles à rénover.

3. Le liquidateur a contesté cette créance en soutenant que la garantie d'achèvement n'était plus susceptible d'être engagée par les acquéreurs des différents lots, dès lors qu'il avait réalisé les immeubles dépendant de l'actif de la procédure collective par voie d'adjudication et que l'action susceptible d'être exercée par les acquéreurs des autres lots, en raison de l'inachèvement des travaux, était nécessairement prescrite.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le liquidateur fait grief à l'arrêt d'admettre la créance de la banque au passif de la société Capnor Invest, alors :

« 1° / que le liquidateur judiciaire d'un marchand de biens n'ayant pas mené les travaux de rénovation à leur terme, qui se trouve de ce fait dans l'impossibilité de produire une déclaration d'achèvement des travaux conforme, peut s'opposer à la déclaration de créance de la banque garante de bon achèvement qui exerce le recours avant paiement ouvert à la caution en montrant que cette garantie n'est pas susceptible d'être mise en jeu par les acquéreurs des lots ; qu'en l'espèce, M. [C] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Capnor Invest a attesté que « la totalité des biens immobiliers appartenant à cette société qui existaient à la date du jugement de liquidation judiciaire ont été réalisés par voie de saisie-immobilière », à l'exception d'un immeuble non concerné par la présente procédure ; que le liquidateur judiciaire a produit le cahier des conditions de cette vente mentionnant que seraient vendus sept appartements avec chacun une place de stationnement ainsi qu'une place de stationnement isolée ; qu'il a également produit tous les jugements d'adjudication ; que cette vente par adjudication en liquidation judiciaire était par nature exclue du bénéfice de la garantie d'achèvement ; qu'en affirmant néanmoins que le liquidateur judiciaire n'avait pas suffisamment justifié des lots vendus par adjudication, la cour d'appel a violé les articles 2039 du code civil, L. 262-7 et R. 262-12 du code de la construction et de l'habitation et L. 624-2 du code de commerce ;

2°/ que dans la mesure où le liquidateur judiciaire de la société Capnor Invest a attesté avoir vendu par adjudication tous les lots de l'immeuble litigieux dont cette société était encore propriétaire au jour du jugement de liquidation judiciaire, il en résultait nécessairement que tous les autres lots, quel que soit leur nombre et leur consistance, avaient été vendus auparavant ; que le délai de la prescription quinquennale des acquéreurs de ces lots pour agir contre la banque tenue d'une garantie d'achèvement a commencé à courir le 7 juillet 2014, date du jugement de liquidation judiciaire de la société Capnor Invest, pour se terminer le 7 juillet 2019 ; que le Crédit du Nord n'a pas justifié de poursuites à son encontre dans ce délai, la lettre envoyée par l'avocat de cinq acquéreurs en avril 2013 n'établissant pas l'engagement de telles poursuites ; qu'en jugeant cependant que le liquidateur judiciaire n'avait pas suffisamment justifié des lots vendus de gré à gré avant la procédure collective, ni de déclaration de créances des acquéreurs, ni de l'achèvement ou de la réception des ouvrages, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des motifs inopérants, a violé les articles 2224 et 2313 du code civil, L. 262-7, R. 262-12 du code de la construction et de l'habitation et L. 624-2 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte des articles L. 622-24, alinéa 1, et L. 622-25 du code de commerce, qu'au titre des créances antérieures au jugement d'ouverture de la procédure collective, le montant de la créance à admettre est celui existant au jour de ce jugement d'ouverture, date à laquelle le juge-commissaire puis la cour d'appel se prononçant sur la contestation d'une telle créance doivent se placer pour statuer sur son admission, sans tenir compte d'événements postérieurs susceptibles d'influer sur la somme qui sera ultérieurement distribuée par le liquidateur.

6. Il s'ensuit que l'admission de la créance déclarée par la banque au titre de la garantie d'achèvement des travaux en application de l'article 2309 du code civil qui, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, applicable au cautionnement consenti par la société Crédit du Nord, permettait à la caution, même avant d'avoir payé, d'agir contre le débiteur pour être indemnisée, lorsque ce dernier était en procédure collective, ne peut être tributaire des conditions de la réalisation des immeubles dépendant de l'actif de la procédure collective pendant le cours de cette procédure ou d'une prescription de l'action en garantie prétendument acquise cinq ans après l'ouverture de cette procédure.

7. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée.

8. Le moyen ne peut être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : M. Riffaud - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre ; SARL Cabinet Briard -

Rapprochement(s) :

Dans le même sens : Com., 8 juin 2010, pourvoi n° 09-14.624, Bull. 2010, IV, n° 108 (cassation).

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