Numéro 7 - Juillet 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2023

CONVENTIONS INTERNATIONALES

1re Civ., 12 juillet 2023, n° 21-21.185, (B), FS

Rejet

Accords et conventions divers – Convention franco-tunisienne du 28 juin 1972 – Statut personnel tunisien – Mariage – Dissolution – Divorce à la demande du mari ou de la femme – Divorce non assimilable à une répudiation – Effets – Décision étrangère non contraire au principe d'égalité des époux lors de la dissolution du mariage

Ayant énoncé que l'article 31, 3), du code du statut personnel tunisien, aux termes duquel le tribunal prononce le divorce à la demande du mari ou de la femme, édicte un cas de divorce qui n'est pas assimilable à une répudiation unilatérale accordée au seul époux, puisqu'il est ouvert de manière identique à chacun des conjoints, et retenu que l'épouse, régulièrement citée et représentée par un avocat devant les juridictions tunisiennes, ne démontre pas que les décisions tunisiennes invoquées par l'époux, qui ont été obtenues à la suite d'un débat contradictoire et à l'encontre desquelles elle a exercé les voies de recours mises à sa disposition, ont été rendues en fraude de ses droits, une cour d'appel en déduit à bon droit que ces décisions ne sont pas contraires au principe d'égalité des époux lors de la dissolution du mariage, garanti par l'article 5 du Protocole additionnel n° 7 du 22 novembre 1984 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et donc à l'ordre public international, au sens de l'article 15, d), de la Convention franco-tunisienne du 28 juin 1972 relative à l'entraide judiciaire en matière civile et commerciale et à la reconnaissance et à l'exécution des décisions judiciaires.

Accords et conventions divers – Convention franco-tunisienne du 28 juin 1972 – Statut personnel tunisien – Mariage – Dissolution – Divorce à la demande du mari ou de la femme – Divorce non assimilable à une répudiation – Effets – Décision étrangère non contraire à l'ordre public international

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 mai 2021), M. [D] et Mme [L], tous deux de nationalité tunisienne, se sont mariés en Tunisie le 8 avril 2006. Ils ont acquis la nationalité française le 25 janvier 2016.

2. Le 8 août 2019, Mme [L] a saisi un juge aux affaires familiales d'une requête en divorce.

3. M. [D] a soulevé une fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à un jugement de divorce prononcé le 26 décembre 2017, sur sa demande unilatérale, par le tribunal de première instance de Sousse (Tunisie) et ayant acquis force de chose jugée sur le principe du divorce.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Mme [L] fait grief à l'arrêt de dire que le jugement du 26 décembre 2017, l'arrêt de la cour d'appel de Sousse du 16 mai 2018 et l'arrêt de la Cour de cassation tunisienne du 12 décembre 2018 sont opposables en France et de déclarer irrecevable sa requête en divorce, alors « que la décision d'une juridiction étrangère constatant la volonté unilatérale du mari de mettre fin au mariage sans justification aucune, sans donner d'effet juridique à l'opposition éventuelle de la femme et privant l'autorité compétente de tout pouvoir autre que celui d'aménager les conséquences financières de cette rupture du lien matrimonial est contraire au principe d'égalité des époux lors de la dissolution du mariage, et donc à l'ordre public international ; qu'en retenant, pour considérer que le jugement de divorce tunisien n'était pas contraire à l'ordre public international et en conséquence déclarer la requête en divorce de Mme [L] irrecevable, que le divorce prononcé par volonté unilatérale de M. [D] n'était pas assimilable à une répudiation et était ouvert de manière identique à chacun des conjoints, quand le juge tunisien qui avait prononcé le divorce s'était borné à constater la volonté unilatérale de M. [D] de mettre fin au mariage et n'avait pas donné d'effet juridique à l'opposition éventuelle de la femme, pour ensuite statuer sur les seules conséquences de la rupture du mariage, la cour d'appel a violé l'article 15 de la Convention franco-tunisienne du 28 juin 1972 et l'article 5 du Protocole additionnel n° 7 du 22 novembre 1984 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article 15, d), de la Convention franco-tunisienne du 28 juin 1972 relative à l'entraide judiciaire en matière civile et commerciale et à la reconnaissance et à l'exécution des décisions judiciaires, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions tunisiennes, en matière civile, n'ont de plein droit l'autorité de la chose jugée sur le territoire français que si elles ne contiennent rien de contraire à l'ordre public international.

6. Aux termes de l'article 5 du Protocole additionnel n° 7 du 22 novembre 1984 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les époux jouissent de l'égalité de droits et de responsabilités de caractère civil entre eux et dans leurs relations avec leurs enfants au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution.

7. L'article 31, alinéas 1 à 4, du Livre second du code du statut personnel tunisien du 13 août 1956, consacré au divorce, qui ne peut avoir lieu que devant le tribunal selon l'article 30, dispose :

« Le Tribunal prononce le divorce :

1) en cas de consentement mutuel des époux ;

2) à la demande de l'un des époux en raison du préjudice qu'il a subi ;

3) à la demande du mari ou de la femme. »

8. La cour d'appel a énoncé que l'article 31, 3), du code du statut personnel tunisien édicte un cas de divorce qui n'est pas assimilable à une répudiation unilatérale, accordée au seul mari, dès lors que celui-ci est ouvert de manière identique à chacun des conjoints.

9. Elle a retenu que, régulièrement citée et représentée par un avocat devant les juridictions tunisiennes, Mme [L] ne démontrait pas que les décisions, qui avaient été obtenues à la suite d'un débat contradictoire et à l'encontre desquelles elle avait exercé les voies de recours mises à sa disposition, avaient été rendues en fraude de ses droits.

10. Elle en a déduit à bon droit que les décisions tunisiennes invoquées par M. [D] n'étaient pas contraires au principe d'égalité des époux lors de la dissolution du mariage et donc à l'ordre public international.

11. Le moyen n'est dès lors pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Beauvois - Avocat général : Mme Caron-Déglise - Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés ; SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia -

Textes visés :

Article 31, 3), du code du statut personnel tunisien ; article 5 du Protocole additionnel n° 7 du 22 novembre 1984 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 15, d), de la Convention franco-tunisienne du 28 juin 1972 relative à l'entraide judiciaire en matière civile et commerciale et à la reconnaissance et à l'exécution des décisions judiciaires.

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