Numéro 7 - Juillet 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2023

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION

Com., 7 juillet 2023, n° 22-17.902, (B) (R), FS

Rejet

Employeur – Redressement et liquidation judiciaires – Créances des salariés – Assurance contre le risque de non-paiement – Garantie – Insuffisance des fonds disponibles de la procédure collective – Obligation de justification préalable par le mandataire judiciaire (non)

Selon l'article L. 3253-19, 1° et 3°, du code du travail, il incombe au mandataire judiciaire en cas d'ouverture d'une procédure collective, d'établir le relevé des créances mentionnées aux articles L. 3253-2 et L. 3253-4 de ce code dans les dix jours suivant le prononcé du jugement d'ouverture et, pour les salaires et les indemnités de congés payés couvertes en application du 3° de l'article L. 3253-8 et les salaires couverts en application du dernier alinéa de ce même article, dans les dix jours suivant l'expiration des périodes de garantie prévues à ce 3°, et ce jusqu'à concurrence du plafond mentionné aux articles L. 3253-2, L. 3253-4 et L. 7313-8 du même code.

L'article L. 3253-20 du code du travail, dispose, en son premier alinéa, que si les créances salariales ne peuvent être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles avant l'expiration des délais prévus par l'article L. 3253-19, le mandataire judiciaire demande, sur présentation des relevés, l'avance des fonds nécessaires aux institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 de ce code et, en cas d'ouverture d'une sauvegarde, le second alinéa prévoit que le mandataire judiciaire justifie à ces institutions, lors de sa demande, que l'insuffisance des fonds disponibles est caractérisée, la réalité de cette insuffisance pouvant être contestée par l'AGS devant le juge-commissaire.

Il résulte de ces textes que l'obligation de justification préalable par le mandataire judiciaire de l'insuffisance des fonds disponibles de la procédure collective et la possibilité de sa contestation immédiate par les institutions de garantie ne sont prévues qu'en cas de sauvegarde.

Doit donc être rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt qui en déduit, sans méconnaître les règles gouvernant l'administration de la preuve, ni la subsidiarité de l'intervention de l'AGS, qu'en dehors de cette procédure, aucun contrôle a priori n'est ouvert à l'AGS, de sorte que, sur la présentation d'un relevé de créances salariales établi sous sa responsabilité par le mandataire judiciaire, l'institution de garantie est tenue de verser les avances demandées afin qu'il soit répondu à l'objectif d'une prise en charge rapide de ces créances.

Employeur – Sauvegarde judiciaire – Créances des salariés – Assurance contre le risque de non-paiement – Garantie – Insuffisance des fonds disponibles de la procédure collective – Obligation de justification préalable par le mandataire judiciaire

Intervention

1. Il est donné acte au Conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires de son intervention volontaire au soutien de la société AJ UP et de la société Humeau, en leurs qualités respectives d'administrateur et de liquidateur de la société Ets Audis.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 14 juin 2022), le 20 novembre 2020, la société Ets Audis a été mise en redressement judiciaire, la société AJ UP étant désignée en qualité d'administrateur et la société Humeau en celle de mandataire judiciaire.

3. Par un jugement du 16 avril 2021, le tribunal a arrêté un plan de cession des actifs de la société Ets Audis au profit de la société Ridoret menuiserie. Il a fixé la date d'entrée en jouissance au 1er mai 2021 et celle du transfert de propriété à la date de signature des actes.

Le prix de cession a été consigné entre les mains du mandataire judiciaire.

4. Par un jugement du 30 avril 2021, la procédure collective a été convertie en liquidation judiciaire, la société Humeau étant désignée en qualité de liquidateur.

5. Le 5 mai 2021, la société Humeau a saisi le Centre de gestion et d'études AGS (CGEA) de Bordeaux d'une demande d'avance par l'Association de garantie des salaires (l'AGS) pour assurer le paiement des salaires du mois d'avril 2021 et d'heures supplémentaires.

6. Le CGEA lui ayant partiellement opposé un refus en invoquant la subsidiarité de son intervention, le liquidateur l'a assigné devant le tribunal de la procédure collective pour obtenir le versement d'une somme correspondant au montant du solde ressortant du relevé des créances salariales.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa cinquième branche

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première à quatrième branches

Enoncé du moyen

8. L'UNEDIC, agissant en sa qualité de gestionnaire de l'AGS, fait grief à l'arrêt de la condamner au versement d'une somme équivalente au solde du relevé des créances salariales, alors :

« 1°/ que ce n'est que si les créances ne peuvent être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles avant l'expiration des délais prévus par l'article L. 3253-19 du code du travail, que le mandataire judiciaire peut demander, sur présentation des relevés, l'avance des fonds nécessaires aux institutions de garantie mentionnées à son article L. 3253-14 ; qu'en jugeant qu'aucun contrôle a priori de l'insuffisance des fonds disponibles de l'entreprise n'est ouvert aux institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 du code du travail, tenues, dès présentation des relevés par le mandataire, de verser les avances demandées, la sanction de l'absence de respect par le liquidateur de la subsidiarité ne pouvant être obtenue par lesdites institutions qu'a posteriori, par le droit au remboursement de ces avances, ainsi que par la responsabilité du mandataire, la cour d'appel a violé l'article L. 3253-20 du code du travail ;

2°/ que l'AGS a un droit propre pour contester le principe et l'étendue de sa garantie, dans tous les cas où les conditions de celle-ci ne paraissent pas remplies ; qu'en jugeant qu'aucun contrôle a priori de l'insuffisance des fonds disponibles de l'entreprise n'est ouvert aux institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 du code du travail, tenues, dès présentation des relevés par le mandataire, de verser les avances demandées, la sanction de l'absence de respect par le liquidateur de la subsidiarité ne pouvant être obtenue par lesdites institutions qu'a posteriori, par le droit au remboursement de ces avances, ainsi que par la responsabilité du mandataire, la cour d'appel a violé l'article L. 3253-20 du code du travail, ensemble l'article L. 625-4 du code de commerce ;

3°/ que la charge de la preuve de ce que les créances ne peuvent être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles avant l'expiration des délais prévus par l'article L. 3253-19 du code du travail repose sur le mandataire judiciaire ; qu'en jugeant qu'aucun contrôle a priori de l'insuffisance des fonds disponibles de l'entreprise n'est ouvert aux institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 du code du travail, tenues, dès présentation des relevés par le mandataire, de verser les avances demandées, la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil ;

4°/ qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; qu'en jugeant qu'il n'appartiendrait pas au mandataire judiciaire de prouver que les créances salariales ne pouvaient pas être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles avant l'expiration des délais prévus par l'article L. 3253-19 du code du travail, pour demander l'avance des fonds nécessaires aux institutions de garantie mentionnées à son article L. 3253-14, la cour d'appel a violé l'article 9 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

9. D'une part, selon l'article L. 3253-19, 1° et 3°, du code du travail, en cas d'ouverture d'une procédure collective, il incombe au mandataire judiciaire d'établir le relevé des créances mentionnées aux articles L. 3253-2 et L. 3253-4 de ce code dans les dix jours suivant le prononcé du jugement d'ouverture et, pour les salaires et les indemnités de congés payés couvertes en application du 3° de l'article L. 3253-8 et les salaires couverts en application du dernier alinéa de ce même article, dans les dix jours suivant l'expiration des périodes de garantie prévues à ce 3° et ce, jusqu'à concurrence du plafond mentionné aux articles L. 3253-2, L. 3253-4 et L. 7313-8 du même code.

10. D'autre part, l'article L. 3253-20 du code du travail dispose, en son premier alinéa, que si les créances salariales ne peuvent être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles avant l'expiration des délais prévus par l'article L. 3253-19, le mandataire judiciaire demande, sur présentation des relevés, l'avance des fonds nécessaires aux institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 de ce code.

Le second alinéa de ce texte prévoit pour sa part, qu'en cas d'ouverture d'une sauvegarde, le mandataire judiciaire justifie à ces institutions, lors de sa demande, que l'insuffisance des fonds disponibles est caractérisée, la réalité de cette insuffisance pouvant être contestée par l'AGS devant le juge-commissaire.

11. Faisant l'exacte application de ces textes, la cour d'appel a retenu, sans méconnaître les règles gouvernant l'administration de la preuve, ni la subsidiarité de l'intervention de l'AGS, que l'obligation de justification préalable par le mandataire judiciaire de l'insuffisance des fonds disponibles de la procédure collective et la possibilité de sa contestation immédiate par les institutions de garantie ne sont prévues qu'en cas de sauvegarde et en a déduit qu'en dehors de cette procédure, aucun contrôle a priori n'est ouvert à l'AGS, de sorte que, sur la présentation d'un relevé de créances salariales établi sous sa responsabilité par le mandataire judiciaire, et afin de répondre à l'objectif d'une prise en charge rapide de ces créances, l'institution de garantie est tenue de verser les avances demandées.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : M. Riffaud - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SARL Ortscheidt ; SARL Delvolvé et Trichet -

Textes visés :

Articles L. 3253-2, L. 3253-4, L. 3253-8, 3°, L. 3253-14, L. 3253-19, L. 3253-20 et L. 7313-8 du code du travail.

Soc., 5 juillet 2023, n° 21-24.703, (B), FS

Rejet

Maladie du salarié – Maladie ou accident non professionnel – Inaptitude au travail – Inaptitude consécutive à la maladie – Reclassement du salarié – Obligation de l'employeur – Dispositions applicables – Exclusion – Dispositions postérieures à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 – Conditions – Détermination – Portée

L'obligation qui pèse sur l'employeur de rechercher un reclassement pour le salarié déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment naît à la date de la déclaration d'inaptitude par le médecin du travail.

Est inopérant le moyen fondé sur l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, inapplicable au litige dès lors que l'avis d'inaptitude du médecin du travail avait été rendu antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance ou au 24 septembre 2017.

Maladie du salarié – Maladie ou accident non professionnel – Inaptitude au travail – Inaptitude consécutive à la maladie – Reclassement du salarié – Obligation de l'employeur – Point de départ – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 28 octobre 2021), M. [H] a été engagé en qualité d'employé libre service par la société Sofibor le 31 août 2009.

2. Le salarié, déclaré inapte à son poste le 15 septembre 2017, a été licencié le 17 octobre 2017 et a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.

Examen des moyens

Sur le second moyen du pourvoi principal et le moyen du pourvoi incident

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à verser au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :

« 1°/ que selon l'article L. 1226-10 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 applicable aux licenciements intervenus à compter du 24 septembre 2017, l'employeur n'est tenu de rechercher des possibilités de reclassement en dehors de l'entreprise qu'à la condition que cette dernière appartienne à un groupe au sens du I de l'article L. 2331-1 du même code, c'est-à-dire à un groupe constitué d'une entreprise dominante et des entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce ; qu'en conséquence, pour retenir que le périmètre de reclassement s'étend au-delà de l'entreprise, le juge doit caractériser l'existence de liens capitalistiques ou de domination entre la société employeur et une ou plusieurs autres entreprises, dans les conditions précitées ; qu'en l'espèce, le salarié se bornait à soutenir que la société Sofibor, qui exploite un magasin à l'enseigne E. Leclerc, appartient au « groupe Leclerc », sans identifier l'entreprise dominante de ce groupe et les autres entreprises qui appartiendraient à ce groupe, ni fournir la moindre explication sur la nature des relations entre ces sociétés ; que la société Sofibor contestait appartenir à un groupe au sens du I de l'article L. 2331-1 du code du travail, en expliquant qu'il n'existe aucun lien capitalistique, ni de domination entre les membres du groupement E. Leclerc, ainsi que la Cour de cassation l'a reconnu dans un arrêt du 16 novembre 2016 ; qu'en se bornant en l'espèce à affirmer, pour retenir que la société Sofibor avait manqué à son obligation de reclassement, qu'elle "'se contente d'affirmer qu'elle exploite un magasin sous l'enseigne Leclerc ; qu'elle est indépendante tant juridiquement que capitalistiquement et n'est soumise à aucun rapport de domination sans apporter la moindre pièce à l'appui de cette affirmation, ce dont il résulte qu'il n'est pas suffisamment établi que le périmètre de reclassement n'excédait pas l'établissement de Bordeaux », la cour d'appel, qui a étendu le périmètre de reclassement au-delà de l'entreprise sans caractériser l'existence de liens capitalistiques ou de domination économique entre la société Sofibor et d'autres entreprises, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-10, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017, et de l'article L. 2331-1 du code du travail ;

2°/ que la charge de la preuve du périmètre de reclassement est partagée, le juge devant se prononcer au vu des éléments produits par les deux parties ; que le juge, qui ne peut exiger d'une partie une preuve impossible, ne peut exiger de l'employeur qu'il établisse que l'entreprise n'appartient pas à un groupe, sans que le salarié ait au moins identifié la ou les entreprises avec lesquelles il constituerait un groupe et produit un seul élément de preuve au soutien de ses allégations ; qu'en l'espèce, le salarié se bornait à soutenir que la société Sofibor appartient au groupe Leclerc, sans identifier l'entreprise dominante de ce groupe, ni la ou les entreprises avec lesquelles la société Sofibor est unie par des liens capitalistiques ou de domination économique ; qu'en reprochant néanmoins à la société Sofibor de ne pas justifier son indépendance tant juridique que capitalistique, sans avoir même identifié la ou les entreprises à l'égard desquelles elle aurait dû démontrer son indépendance capitalistique et juridique, la cour d'appel qui a ainsi fait peser sur la société Sofibor une preuve impossible a violé les articles 1353 du code civil et L. 1226-10 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. L'obligation qui pèse sur l'employeur de rechercher un reclassement au salarié déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment naît à la date de la déclaration d'inaptitude par le médecin du travail.

6. Le salarié ayant été déclaré inapte le 15 septembre 2017 et licencié le 17 octobre 2017, l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 n'était pas applicable.

7. Le moyen qui se réfère à un texte qui n'était pas applicable au litige est inopérant.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Pecqueur - Avocat général : Mme Wurtz - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés -

Textes visés :

Article L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

Rapprochement(s) :

Sur le point de départ de l'obligation qui pèse sur l'employeur de rechercher un reclassement au salarié déclaré inapte, à rapprocher : Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 20-20.717, Bull., (rejet) et l'arrêt cité.

Soc., 5 juillet 2023, n° 22-10.158, (B), FS

Cassation

Maladie du salarié – Maladie ou accident non professionnel – Inaptitude au travail – Inaptitude consécutive à la maladie – Reclassement du salarié – Obligation de l'employeur – Périmètre de l'obligation – Groupe de sociétés – Caractérisation – Exclusion – Cas – Comptes consolidés par mise en équivalence – Portée

Selon l'article L. 1226-2, alinéa 2, du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, la notion de groupe au sens du premier alinéa désigne une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle, dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Selon l'article L. 233-16 du code de commerce, les sociétés commerciales établissent et publient chaque année des comptes consolidés dès lors qu'elles contrôlent de manière exclusive ou conjointe une ou plusieurs autres entreprises.

Il résulte de la combinaison des articles L. 233-17-2 et L. 233-18 du code de commerce que sont comprises dans les comptes consolidés, par mise en équivalence, les entreprises sur lesquelles l'entreprise dominante exerce une influence notable, laquelle n'est pas constitutive d'un contrôle au sens des articles L. 233-1, L. 233-3, I et II, ou L. 233-16 du code de commerce.

Prive sa décision de base légale la cour d'appel qui, pour retenir l'existence d'un groupe de reclassement, se borne à constater que la société dont l'appartenance au groupe est contestée est incluse dans le groupe au titre des sociétés consolidées par mise en équivalence et qu'elle fait partie des filiales du groupe avec une participation de 48,66 %, sans constater que les conditions du contrôle au sens des articles L. 233-1, L. 233-3, I et II, ou L. 233-16 du code de commerce sont réunies.

Maladie du salarié – Maladie ou accident non professionnel – Inaptitude au travail – Inaptitude consécutive à la maladie – Reclassement du salarié – Obligation de l'employeur – Périmètre de l'obligation – Groupe de sociétés – Caractérisation – Office du juge – Détermination – Portée

Maladie du salarié – Maladie ou accident non professionnel – Inaptitude au travail – Inaptitude consécutive à la maladie – Reclassement du salarié – Obligation de l'employeur – Périmètre de l'obligation – Groupe de sociétés – Groupe de reclassement – Caractérisation – Permutation de tout ou partie du personnel – Nécessité – Défaut – Portée

Il résulte de l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, que le périmètre du groupe à prendre en considération au titre de la recherche de reclassement d'un salarié déclaré inapte par le médecin du travail est l'ensemble des entreprises, situées sur le territoire national, appartenant à un groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. Ne donne pas de base légale à sa décision la cour d'appel qui, pour retenir qu'une société appartient au groupe de reclassement, relève qu'elle est sous le contrôle notable de la société employeur, sans rechercher, comme il lui était demandé, si les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation de ces deux sociétés assuraient la permutation de tout ou partie du personnel.

Maladie du salarié – Maladie ou accident non professionnel – Inaptitude au travail – Inaptitude consécutive à la maladie – Reclassement du salarié – Obligation de l'employeur – Périmètre de l'obligation – Groupe de sociétés – Groupe de reclassement – Caractérisation – Office du juge – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 19 novembre 2021), M. [J] a été engagé en qualité de mécanicien le 25 septembre 2001 par la société Corre automobiles de Bourges. Son contrat de travail a été transféré à la société CCA Holding en juin 2014.

2. Placé en arrêt de travail pour maladie le 23 octobre 2018, il a été déclaré inapte à toute activité dans l'entreprise suivant avis du médecin du travail du 30 septembre 2019.

3. Licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 27 novembre 2019, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à la rupture de son contrat de travail.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer au salarié des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, au titre des congés payés afférents et à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'à rembourser les indemnités de chômage à Pôle emploi, dans la limite de six mois, alors « que selon l'article L. 1226-2, alinéa 2, du code du travail, pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce ; qu'en retenant que la société Mille Lieux fait partie du groupe Vincent et qu'elle est placée « sous le contrôle notable de cette dernière » - et en déduisant qu'elle aurait dû être visée dans une liste des sociétés du groupe communiquée au CSE - sans néanmoins constater qu'étaient réunies les conditions posées par les articles L 233-1, L 233-3, I et II, et L 233-16 du code de commerce, auxquels renvoie l'article L. 1226-2, alinéa 2, du code du travail, à savoir :

- soit la possession par la société mère de plus de la moitié du capital social de la fille (article L. 233-1) ;

- soit la détention par la société mère de la majorité des droits de votes de la fille, ou à la détermination en fait, par les droits de vote dont elle dispose, des décisions des assemblées générales de cette société (article L. 233-3, I et II) ;

- soit la désignation par la société mère pendant deux exercices successifs de la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance, ou à la détention de 40 % des droits de vote lorsqu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient une fraction supérieure (article L. 233-3-16), ce qui ne ressort aucunement des constatations de l'arrêt, la cour d'appel a, en toute hypothèse, privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1222-1, L. 1226-2, L. 1226-2-1 et L. 1226-4 du code du travail et des articles L 233-1, L 233-3, I et II, et L 233-16 du code de commerce pris en leur version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1226-2, alinéa 2, du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, L. 233-1, L. 233-3, I et II, L. 233-16, L. 233-17-2 et L. 233-18 du code de commerce :

5. Selon le premier de ces textes, la notion de groupe au sens du premier alinéa désigne une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle, dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

6. Selon le quatrième de ces textes, les sociétés commerciales établissent et publient chaque année des comptes consolidés dès lors qu'elles contrôlent de manière exclusive ou conjointe une ou plusieurs autres entreprises.

7. Il résulte de la combinaison des articles L. 233-17-2 et L. 233-18 du code de commerce que sont comprises dans les comptes consolidés, par mise en équivalence, les entreprises sur lesquelles l'entreprise dominante exerce une influence notable, laquelle n'est pas constitutive d'un contrôle au sens des articles L. 233-1, L. 233-3, I et II, ou L. 233-16 du code de commerce.

8. Pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt constate que la société Mille Lieux fait partie du groupe Vincent au titre des sociétés consolidées par mise en équivalence selon l'extrait du rapport des commissaires aux comptes de la société Vincent sur les comptes consolidés pour l'exercice comptable 2019 et que l'extrait du rapport des commissaires aux comptes de la société Vincent la liste parmi les filiales du groupe Vincent SA avec une participation de 48,66 %.

9. L'arrêt en déduit que la société Mille Lieux est sous le contrôle notable de la société Vincent et qu'elle appartient au groupe Vincent en application de la définition du groupe de l'article L. 1226-2, alinéa 2, du code du travail.

10. En se déterminant ainsi, sans constater que les conditions du contrôle au sens des articles L. 233-1, L. 233-3, I et II, ou L. 233-16 du code de commerce étaient réunies, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

11. L'employeur fait à l'arrêt le même grief, alors « que selon l'article L. 1226-2, alinéa 1, du code du travail, lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'aussi, outre la nécessité de caractériser l'existence d'un groupe au sens du droit commercial, l'intégration des entités de ce groupe dans l'obligation de reclassement implique également qu'elles disposent d'une organisation, d'activités ou d'un lieu d'exploitation qui permettent la permutation de tout ou partie de leur personnel ; qu'en l'espèce pour juger au cas présent que la société Mille Lieux faisait partie du périmètre de reclassement de Monsieur [J] - de sorte que la société CCA Holding aurait insuffisamment informé le CSE sur ce point - la cour d'appel s'est bornée à énoncer que « la société Mille Lieux en fait partie au titre des sociétés consolidées par mise en équivalence selon l'extrait du rapport des commissaires aux comptes de la société Mille Lieux sur les comptes consolidés pour cet exercice comptable, produit par l'employeur lui-même, ce document la listant également parmi les filiales du groupe Mille Lieux avec une participation de 48,66 %. Ces éléments ressortent aussi de l'annexe aux comptes annuels communiquée par le salarié » et que « les comptes de la société Mille Lieux sont consolidés par mise en équivalence, il doit en être déduit au visa des textes précités, que cette société, qualifiée de filiale de l'aveu même du commissaire aux comptes de la société Mille Lieux, est sous le contrôle notable de cette dernière et appartient au groupe qu'elle constitue avec les autres filiales » ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à caractériser l'appartenance de la société Mille Lieux au périmètre de reclassement de la société CCA Holding en l'absence de constatation d'une permutation de tout ou partie du personnel des sociétés CCA Holding et société Mille Lieux, ce que contestait l'exposante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1222-1, L. 1226-2, L. 1226-2-1 et L. 1226-4 du code du travail pris en leur version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 :

12. Selon ce texte, lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

13. Il résulte de ce texte que le périmètre du groupe à prendre en considération au titre de la recherche de reclassement est l'ensemble des entreprises, situées sur le territoire national, appartenant à un groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

14. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt, après avoir constaté que l'employeur était une filiale du groupe Vincent, retient d'abord que la société Mille Lieux fait partie du périmètre consolidé du groupe Vincent tel qu'il ressort de l'annexe aux comptes annuels de l'exercice clos du 31 décembre 2019 et que les comptes de la société Mille Lieux étant consolidés par mise en équivalence, cette société est sous le contrôle notable de la société Vincent et appartient au groupe qu'elle constitue avec les autres filiales.

15. Il retient ensuite que l'employeur a communiqué au comité social et économique une liste non exhaustive des sociétés du groupe dont il relève en omettant la mention de la société Mille Lieux.

16. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation de la société Mille Lieux et de l'employeur assuraient la permutation de tout ou partie du personnel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Pecqueur - Avocat général : Mme Wurtz - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Capron -

Textes visés :

Articles L. 1226-2, alinéa 2, du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 ; articles L. 233-1, L. 233-3, I et II, L. 233-16, L. 233-17-2 et L. 233-18 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur la caractérisation d'un groupe de sociétés en tant que périmètre de l'exécution de l'obligation de reclassement d'un salarié déclaré inapte, évolution par rapport à : Soc., 24 juin 2009, pourvoi n° 07-45.656, Bull. 2009, V, n° 163 (rejet), et les arrêts cités. Sur la notion de permutabilité du personnel à l'intérieur du groupe pour satisfaire à l'obligation de reclassement d'un salarié déclaré inapte, à rapprocher : Soc., 30 septembre 2020, pourvoi n° 19-13.122, Bull., (rejet).

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