Numéro 7 - Juillet 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2023

CASSATION

3e Civ., 6 juillet 2023, n° 22-12.741, (B), FS

Rejet

Contrariété de décisions – Second pourvoi formé – Recevabilité – Condition

L'article 621 du code de procédure civile ne fait pas obstacle à la recevabilité d'un pourvoi formé sur le fondement de l'article 618 du même code contre plusieurs décisions inconciliables entre elles, lorsqu'un premier pourvoi pour contrariété de décisions a été déclaré irrecevable sans examen au fond et que l'irrecevabilité constatée a été régularisée.

Faits et procédure

1. Selon les arrêts attaqués (Poitiers, 28 juin 2013, (n° RG 17/03982), Bordeaux, 20 février 2018, (n° RG 17/03983)), la société civile immobilière Les Jardins du trait (la SCI) a souhaité faire construire un immeuble destiné à la vente en l'état futur d'achèvement, une garantie d'achèvement lui ayant été consentie par la société Banco Popular France, devenue la société CIC Iberbanco, aux droits de laquelle vient la société Crédit industriel et commercial.

2. Les travaux de construction n'ont pas débuté après la démolition de l'existant et la SCI a été placée en liquidation judiciaire.

3. M. [I], acquéreur en l'état futur d'achèvement selon acte notarié du 27 mars 2008, a assigné la SCI, la banque qui lui avait consenti un prêt et la société CIC Iberbanco en résolution des contrats de vente et de prêt, et a sollicité la condamnation du garant d'achèvement à lui payer, à titre de dommages-intérêts, une somme égale au capital à restituer à la banque ensuite de la nullité du contrat de prêt subséquente à la résolution du contrat de vente.

4. M. [X], M. et Mme [K] et la société civile immobilière Esdée (la SCI Esdée), acquéreurs en l'état futur d'achèvement selon actes notariés, respectivement, des 18 septembre 2007, 23 novembre 2007 et 15 juillet 2008, ont assigné en réparation le notaire et le garant d'achèvement en imputant à faute à celui-ci la caducité du permis de construire, dont la validité avait été prorogée jusqu'au 20 décembre 2009.

5. Par un arrêt du 28 juin 2013, la cour d'appel de Poitiers a rejeté les demandes de M. [I] à l'encontre du garant d'achèvement et, par deux arrêts du 20 février 2018, la cour d'appel de Bordeaux a accueilli les demandes des acquéreurs formées à l'encontre de celui-ci.

Recevabilité du pourvoi, contestée par la défense

6. Selon l'article 621 du code de procédure civile, la partie qui a formé un pourvoi, qui a été rejeté, n'est plus recevable à en former un nouveau contre le même jugement, hors le cas prévu à l'article 618, et il en est de même lorsque la Cour de cassation constate son dessaisissement, déclare le pourvoi irrecevable ou prononce la déchéance.

7. Selon l'article 618 du même code, le pourvoi en cassation fondé sur une contrariété de jugements, lorsque deux décisions, même non rendues en dernier ressort, sont inconciliables et qu'aucune d'elles n'est susceptible d'un recours ordinaire, est recevable, même si l'une des décisions avait déjà été frappée d'un pourvoi en cassation et que celui-ci avait été rejeté et même après expiration du délai prévu à l'article 612.

8. Il en résulte que le premier de ces textes, propre aux pourvois formés contre un jugement, ne fait pas obstacle à la recevabilité d'un pourvoi formé sur le fondement du second contre plusieurs décisions inconciliables entre elles, lorsqu'un premier pourvoi pour contrariété de décisions a été déclaré irrecevable sans examen au fond et que l'irrecevabilité constatée a été régularisée.

9. Le pourvoi est donc recevable.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

10. M. [I] fait grief à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Poitiers le 28 juin 2013 de rejeter ses demandes présentées à l'encontre de la société CIC Iberbanco et aux deux arrêts de la cour d'appel de Bordeaux du 20 février 2018 de condamner la société CIC Iberbanco, in solidum avec le notaire, à payer certaines sommes à titre de dommages-intérêts à M. [X], à M. et Mme [K] et à la SCI Esdée, alors « que lorsque deux décisions, même non rendues en dernier ressort, et dont aucune n'est susceptible d'un recours ordinaire, sont inconciliables, elles peuvent être frappées d'un pourvoi unique, la Cour de cassation, si la contrariété est constatée, annulant l'une des décisions ou, s'il y a lieu, les deux ; que, du rapprochement des décisions attaquées, il résulte un déni de justice conduisant tout à la fois à considérer que la société CIC Iberbanco, tenue d'une garantie d'achèvement unique et indivisible pour l'opération de construction immobilière « Les Jardins du trait », a et n'a pas commis de négligence fautive à l'égard des acquéreurs de nature à engager sa responsabilité dans l'exécution de sa garantie, de sorte qu'il y a lieu, compte tenu des circonstances de la cause, de prononcer l'annulation de l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 28 juin 2013 en application de l'article 618 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

11. Il ressort des décisions critiquées que M. [I], qui poursuivait la résolution du contrat de vente en l'état futur d'achèvement et l'annulation subséquente du contrat de prêt souscrit pour financer l'opération, sollicitait la condamnation du garant d'achèvement à lui payer, à titre de dommages-intérêts, une somme égale au capital à restituer à la banque ensuite de la nullité du contrat de prêt subséquente à la résolution du contrat de vente, tandis que M. [X], d'une part, et M. et Mme [K] et la SCI Esdée, d'autre part, qui ne poursuivaient pas la nullité des contrats de vente en l'état futur d'achèvement, recherchaient la responsabilité du garant d'achèvement en lui imputant à faute d'avoir laissé périmer le permis de construire, les privant ainsi du bénéfice de la garantie d'achèvement.

12. Ces décisions, qui ont statué sur des moyens distincts soutenus par les acquéreurs d'une même opération immobilière, qui invoquaient des fautes et des dommages différents, ne sont pas inconciliables entre elles.

13. Il n'y a donc pas contrariété de décisions au sens de l'article 618 du code de procédure civile.

14. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Boyer - Avocat général : M. Burgaud - Avocat(s) : Me Haas ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Célice, Texidor, Périer ; SARL Le Prado - Gilbert -

Textes visés :

Articles 618 et 621 du code de procédure civile.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.