Numéro 7 - Juillet 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2023

AVOCAT

2e Civ., 6 juillet 2023, n° 19-24.655, (B), FRH

Rejet

Honoraires – Contestation – Convention d'honoraires – Honoraires convenus – Montant et principe de l'honoraire acceptés par le client après service rendu – Réduction (non) – Absence de paiement effectif par le client – Effet

C'est à bon droit que le premier président d'une cour d'appel retient que la règle, selon laquelle il ne lui appartient pas de réduire l'honoraire dont le principe et le montant ont été acceptés par le client après service rendu, s'applique même en l'absence de paiement effectif par le client.

Se trouve légalement justifiée l'ordonnance du premier président qui, après avoir relevé que chaque facture d'honoraires produite aux débats indiquait le détail et la date des diligences effectuées, le nombre d'heures consacré par l'avocat par type de prestations ainsi que le taux horaire conforme à la convention, a fait ressortir que les honoraires avaient été acceptés sur présentation de factures répondant aux exigences de l'article L. 441-3 du code de commerce, peu important que le temps consacré à chaque diligence ne soit pas mentionné.

Le premier président, statuant en matière de fixation des honoraires d'avocat, n'a pas le pouvoir de se prononcer sur une contestation se rapportant à l'application de la TVA aux prestations fournies en exécution du mandat de représentation et d'assistance confié par le client à l'avocat.

Honoraires – Contestation – Honoraires librement payés après service rendu – Factures de l'avocat ne comportant pas le détail des diligences effectuées – Effet

Honoraires – Contestation – Procédure – Premier président – Pouvoirs – Etendue – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 24 septembre 2019), M. [D] a confié à la société [U] [F], avocat, la défense de ses intérêts dans plusieurs procédures pénales. Des conventions d'honoraires ont été régularisées en juin 2016.

2. M. [D] a contesté cinq factures d'honoraires que lui avait adressé son avocat les 15 septembre et 4 novembre 2016, les 20 janvier, 6 mars et 5 mai 2017.

3. L'avocat a saisi le bâtonnier de son ordre aux fins de fixation de ses honoraires.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

5. M. [D] fait grief à l'ordonnance de fixer les honoraires dus à l'avocat à 71 889,04 euros pour les diligences accomplies entre le 1er juillet et le 31 août 2016, selon facture du 15 septembre 2016, à 188 122,60 euros pour les diligences accomplies entre le 1er septembre et le 31 octobre 2016, selon facture du 4 novembre 2016, à 232 243,04 euros pour les diligences accomplies entre le 1er novembre et le 31 décembre 2016, selon facture du 20 janvier 2017, à 241 993,85 euros pour les diligences accomplies entre le 1er janvier et le 28 février 2017, selon facture du 6 mars 2017, de fixer les honoraires dus par M. [D] à l'avocat au titre des diligences faisant l'objet de la facture du 5 mai 2017, accomplies entre le 1er mars et le 30 avril 2017, à la somme de 66 000 euros TTC, l'ensemble de ces condamnations avec intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2017, alors :

« 2°/ que, seul le paiement des honoraires, après service rendu, prive le juge de la faculté d'en réduire le montant ; qu'en l'espèce, le premier président a expressément relevé que si les factures comportaient la mention manuscrite « lu et approuvé bon pour accord » suivie de la signature de M. [D], seule la facture en date du 8 juillet 2016 avait été acquittée pour un montant de 100 505,09 euros, M. [D] ayant expressément refusé de s'acquitter du paiement des cinq facturations suivantes ; qu'en jugeant que le montant des honoraires de M. [F] figurant sur ces dernières factures ne pouvait être remis en cause devant lui dès lors que par cette formule manuscrite et sa signature, M. [D] avait accepté le principe et le montant de l'honoraire après service rendu, quand ce dernier n'avait procédé à aucun paiement et s'y était refusé, le premier président a violé l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

3°/ que, seul le paiement des honoraires, après service rendu, prive le juge de la faculté d'en réduire le montant ; qu'en relevant que M. [D] n'avait émis, jusqu'à la procédure de taxation, aucune contestation sur les prestations facturées ou sur le montant des note d'honoraires présentées, le premier président, qui a statué à la faveur d'une motivation totalement inopérante à faire échec à la demande de M. [D] en contestation d'honoraires, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

4°/ que, manque à son obligation de bonne foi contractuelle l'avocat qui, alors que son client n'a pas réglé une première facture d'un montant substantiel, ne suspend pas sa mission et ne le met pas en demeure de payer comme le prévoit le contrat, et continue de lui délivrer des factures d'un montant exorbitant ; qu'en confirmant l'ordonnance de taxe sans rechercher, comme il y était invité si l'avocat, qui avait émis une deuxième facture en date du 15 septembre 2016 d'un montant de 71 899,04 euros, que M. [D] n'avait pas réglée, n'avait pas manqué à la bonne foi contractuelle en continuant d'en émettre, respectivement les 4 novembre 2016, 20 janvier 2017, 6 mars 2017 et 5 mai 2017, pour des montants exorbitants de 188 122,60 euros, de 232 243,04 euros, de 241 993,55 euros et de 153 320,88 euros, au lieu de suspendre ses diligences et de mettre son client en demeure de s'acquitter de la première facture, comme le prévoyait le contrat, le premier président a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134, devenu 1103, du code civil, ensemble, l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. »

Réponse de la Cour

6. Ayant relevé que M. [D], qui n'avait pas mis fin au mandat, avait apposé la mention manuscrite « lu et approuvé bon pour accord », suivie de sa signature, sur les factures des 4 novembre 2016, 20 janvier 2017 et 6 mars 2017 et souverainement estimé qu'il avait ainsi accepté l'honoraire après service rendu, l'absence de paiement effectif par le client étant sans incidence à cet égard, le premier président, qui n'était pas tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a exactement déduit qu'il n'avait pas le pouvoir de le réduire.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le premier moyen, pris en ses cinquième et sixième branches

Enoncé du moyen

8. M. [D] fait le même grief à l'ordonnance, alors :

« 5°/ que les factures d'avocat ne répondant pas aux exigences de l'article L. 441-3 du code de commerce, peuvent être remises en cause, nonobstant leur acceptation par le client ; qu'en l'espèce, le premier président a expressément relevé que les factures en litige ne présentaient pas le temps consacré à chaque diligence ; qu'en jugeant néanmoins que du fait de leur acceptation par M. [D], elles ne pouvaient pas être remises en cause, le premier président a violé les articles 10 de la loi n° 1130 du 31 décembre 1971 et L. 441-3 du code de commerce ;

6°/ que, les factures d'avocat ne répondant pas aux exigences de l'article L. 441-3 du code de commerce, peuvent être remises en cause, nonobstant leur acceptation par le client ; qu'en l'espèce, le premier président a expressément relevé que les factures en litige ne présentaient pas le temps consacré à chaque diligence ; qu'en retenant que l'indication du nombre d'heures pour chaque diligence aurait rendu fastidieuse l'exploitation d'un document comportant déjà entre 18 et 54 pages, et que la datation précise de chaque prestation permettait à M. [D] d'en contrôler la réalité, le premier président, qui a statué à la faveur d'une motivation totalement inopérante à écarter l'exigence de l'indication de la durée de chacune des diligences accomplies, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 10 de la loi n° 1130 du 31 décembre 1971 et L. 441-3 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

9. Ayant relevé que chaque facture d'honoraires produite aux débats indiquait le détail et la date des diligences effectuées, le nombre d'heures consacré par l'avocat par type de prestations ainsi que le taux horaire conforme à la convention, le premier président, a ainsi fait ressortir que les honoraires avaient été acceptés sur présentation de factures répondant aux exigences de l'article L. 441-3 du code de commerce, peu important que le temps consacré à chaque diligence ne soit pas mentionné.

10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

11. M. [D] fait grief à l'ordonnance de fixer les honoraires dus à l'avocat au titre des diligences faisant l'objet de la facture du 5 mai 2017, accomplies entre le 1er mars et le 30 avril 2017, à la somme de 66 000 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2017, alors « que, dans ses écritures délaissées, il faisait valoir que compte tenu de sa domiciliation à Singapour, il n'était pas assujetti à la TVA ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, le premier président a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

12. Le premier président, qui statuait en matière de fixation des honoraires d'avocat, n'avait pas le pouvoir de se prononcer sur une contestation se rapportant à l'application de la TVA aux prestations fournies en exécution du mandat de représentation et d'assistance confié par le client à l'avocat, de sorte qu'il n'était pas tenu de répondre à un moyen inopérant.

13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Leroy-Gissinger (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Pradel - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier ; SCP Nicolaý, de Lanouvelle -

Textes visés :

Article L. 441-3 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 6 juillet 2017, pourvoi n° 16-19.354, Bull. 2017, II, n° 155 (cassation).

2e Civ., 6 juillet 2023, n° 21-21.768, n° 22-12.370, (B), FRH

Cassation

Honoraires – Contestation – Mandat de transaction immobilière confié à l'avocat – Article 10, alinéa 2, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971

En matière de mandat de transaction immobilière confié à un avocat, la convention d'honoraires qui prévoit un honoraire uniquement en cas de réussite de la vente immobilière est interdite.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 21-21.768 et 22-12.370 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué, rendu par la juridiction du premier président d'une cour d'appel (Paris, 2 juillet 2021) et l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 10 janvier 2022), la société Caviar Volga a demandé à la société Rouch et associés (l'avocat) de l'assister à l'occasion de la vente d'un bien immobilier lui appartenant.

3. Par une lettre du 4 juin 2014, qui a été approuvée et signée par la société Caviar Volga, l'avocat a précisé les modalités de sa rémunération.

4. Contestant les honoraires réclamés par l'avocat, la société Caviar Volga a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris.

5. L'avocat a formé un recours contre la décision du bâtonnier qui avait annulé la convention d'honoraires et fixé ses honoraires par application des critères énoncés à l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.

6. Statuant après le renvoi par le premier président de l'affaire en formation collégiale, la cour d'appel a déclaré la convention valable, a sursis à statuer sur la demande en fixation de l'honoraire et a ordonné la production d'une pièce.

7. Lors de l'audience à laquelle l'affaire a été renvoyée, le premier président de la cour d'appel a fixé l'honoraire dû à l'avocat.

Sur le pourvoi n° 21-21.768, dirigé contre l'arrêt du 2 juillet 2021

Examen du moyen

Enoncé du moyen

8. La société Caviar Volga fait grief à l'arrêt de déclarer la convention du 4 juin 2014 valable, alors « que toute fixation d'honoraires qui ne le serait qu'en fonction du résultat est interdite, sans qu'il y ait lieu de faire de distinction entre les activités judiciaires et juridiques de l'avocat ; qu'en considérant que, dans la mesure où l'avocat était intervenu en qualité de mandataire en transaction immobilière, son droit à percevoir des honoraires pouvait dépendre, « comme dans tout contrat d'agent immobilier », de la seule réussite de sa mission, la cour d'appel a violé l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, ensemble l'article 2 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et l'article 95 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 10, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 applicable au litige, l'article 2 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et l'article 95 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 :

9. Aux termes du premier de ces textes, toute fixation d'honoraires qui ne le serait qu'en fonction du résultat judiciaire est interdite.

Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu.

10. Les dispositions de ce texte s'appliquent à tous les honoraires de l'avocat sans qu'il y ait lieu de faire de distinction entre les activités judiciaires et juridiques.

11. Il résulte des deux derniers que lorsque les avocats exercent l'activité de mandataire en transactions immobilières, ils ne sont pas soumis aux dispositions de la loi du 2 janvier 1970.

12. Pour déclarer valable la convention d'honoraires conclue entre les parties, l'arrêt relève, d'abord, que la lettre de l'avocat du 4 juin 2014 était rédigée ainsi qu'il suit : « Je vous rappelle que dans le cadre de mon intervention, de mon assistance, des conseils que je serai amené à vous donner, et uniquement en cas de succès, c'est-à-dire en cas de cession de votre bien immobilier [...], il me sera versé un honoraire global et forfaitaire de 100 000 euros HT, soit 120 000 euros TTC. Il est bien évident que si ce bien n'était en aucun cas vendu, ni à un tiers, ni à la ville conformément aux discussions que nous avons actuellement, aucun honoraire ne me sera dû quel que soit le travail effectué dans votre intérêt ».

13. Il énonce, ensuite, que la mission de l'avocat était de vendre un bien immobilier et que ses honoraires ne sont pas calculés en fonction du montant de la vente, ce qui constituerait un pacte de quota litis, mais qu'ils sont fixés forfaitairement, à la condition unique que la vente soit conclue.

14. Il ajoute que les avocats sont autorisés à exercer l'activité de mandataire en transactions immobilières par l'article 2 de la loi dite « Hoguet » de 1970 et le règlement intérieur du barreau de Paris.

15. L'arrêt en déduit que la convention est valable, dès lors que, comme pour tout contrat d'agent immobilier, elle ne fixe pas les honoraires en proportion du travail effectué ou du prix de vente, mais uniquement de la réussite de la vente.

16. En statuant ainsi, alors, d'une part, que les dispositions de la loi du 2 janvier 1970 ne sont pas applicables aux avocats dans leur activité de mandataire en transaction immobilière, d'autre part, qu'elle avait constaté que la convention prévoyait que l'honoraire n'était dû qu'en cas de succès de l'opération immobilière et n'avait ainsi été fixé qu'en fonction du résultat, la juridiction du premier président a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

17. Par application de l'article 625 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt du 2 juillet 2021 entraîne de plein droit l'annulation par voie de conséquence de l'ordonnance du 10 janvier 2022, qui en est la suite.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi n° 22-12.370, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juillet 2021, entre les parties, par la juridiction du premier président de la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

CONSTATE l'annulation par voie de conséquence de l'ordonnance rendue le 10 janvier 2022 par le premier président de la cour d'appel de Paris.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Leroy-Gissinger (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Isola - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : Me Haas ; SCP Poupet et Kacenelenbogen -

Rapprochement(s) :

2e Civ., 22 mai 2014, pourvoi n° 13-20.035, Bull. 2014, II, n° 117 (rejet).

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