Numéro 7 - Juillet 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2022

Partie III - Décisions du Tribunal des conflits

SEPARATION DES POUVOIRS

Tribunal des conflits, 4 juillet 2022, n° 22-04.247, (B)

Compétence judiciaire – Domaine d'application – Litige relatif à un contrat de droit privé – Contrat de droit privé – Caractérisation – Cas – Marché de travaux conclu par une personne de droit privé pour son propre compte avec des entreprises dans le cadre d'une concession pour l'exploitation d'un aérodrome – Contrats passés par la société pour la rénovation du balisage lumineux des pistes

La concession, par l'Etat, de l'exploitation d'un aérodrome à une personne morale de droit privé n'attribue pas, à celle-ci, la qualité de mandataire de l'Etat dès lors que le cahier des charges ne s'analyse pas en un contrat de mandat et n'a pas pour objet de lui confier le soin d'agir au nom et pour le compte de l'Etat.

Les contrats passés par cette société pour la réalisation de travaux de rénovation du balisage lumineux des pistes de l'aérodrome sont en conséquence des contrats de droit privé et les litiges y afférents relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire.

Compétence judiciaire – Exclusion – Cas – Contrat de mandat – Définition – Détermination

Compétence judiciaire – Domaine d'application – Litige opposant un service public industriel et commercial à ses usagers – Définition – Etendue – Détermination – Portée

Les dommages causés aux usagers du service public industriel et commercial géré par la société concessionnaire qui met à disposition des compagnies aériennes, moyennant le paiement de redevances, une infrastructure de transport permettant le décollage, l'atterrissage et le stationnement des aéronefs, qui n'ont pas été causés par l'exercice de prérogatives de puissance publique, relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire alors même qu'ils seraient imputables à des travaux publics ou à un ouvrage public.

Compétence judiciaire – Domaine d'application – Litige opposant un service public industriel et commercial à ses usagers – Définition – Cas – Aérodrome – Dommage causé par une balise temporaire – Action en réparation par un usager du dommage qui en résulte

Compétence judiciaire – Exclusion – Cas – Litige relatif aux travaux publics – Définition – Etendue – Limites – Action en réparation d'un dommage causé à l'usager d'un service public industriel et commercial – Applications diverses

Compétence judiciaire – Exclusion – Cas – Litige relatif à un ouvrage public – Définition – Etendue – Limites – Action en réparation d'un dommage causé à l'usager d'un service public industriel et commercial – Applications diverses

Vu, enregistrée à son secrétariat le 28 mars 2002, l’expédition de la décision du même jour par laquelle le Conseil d’Etat, saisi du pourvoi formé par les sociétés Allianz global corporate et specialty et Aéroport [Localité 1] tendant à l’annulation de l’arrêt rendu le 17 décembre 2020 par la cour d’administrative d’appel de Bordeaux dans le litige les opposant aux sociétés Spie industrie tertiaire et Ingérop conseil et ingénierie, a renvoyé au Tribunal, en application de l’article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée aux sociétés Allianz global corporate et specialty, Aéroport [Localité 1], Spie industrie tertiaire et Ingérop conseil et ingénierie et au ministre de l’économie, des finances et de la relance, qui n’ont pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu le code de l’aviation civile ;

Vu le code des transports ;

Vu le décret n° 2007-244 du 27 février 2007 relatif aux aérodromes appartenant à l’Etat et portant approbation du cahier des charges type applicable à la concession de ces aérodromes ;

- Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 juin 2022, présentée par les sociétés Allianz global corporate et specialty et Aéroport [Localité 1] ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Aéroport [Localité 1], concessionnaire de l’aérodrome du même nom, a conclu le 11 mai 2009 un contrat de maîtrise d’oeuvre avec la société Ingérop conseil et ingénierie en vue de la rénovation des approches des pistes de l’aérodrome. Elle a conclu le 9 juillet 2010 un marché de travaux avec la société Spie Sud Ouest pour la réalisation de travaux de rénovation du balisage lumineux de l’approche de ces pistes. Un aéronef de la compagnie Corsair ayant, le 26 octobre 2010, heurté une balise temporaire d’une piste, la société Allianz global corporate et specialty, assureur de la société Aéroport [Localité 1], a conclu le 23 février 2015 un accord transactionnel avec la compagnie Corsair et son assureur et a indemnisé le préjudice subi par celle-ci.

La société Allianz global corporate et specialty a recherché devant le tribunal administratif de Toulouse la responsabilité des sociétés Ingérop conseil et ingénierie et Spie Sud-Ouest, à titre principal sur le fondement de la responsabilité contractuelle, en se prévalant de sa qualité de subrogée dans les droits de la société Aéroport [Localité 1], et, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, en se prévalant de sa qualité de subrogée dans les droits de la compagnie Corsair.

Par un jugement du 31 mai 2018, le tribunal administratif de Toulouse a, d’une part, condamné solidairement les sociétés Ingérop conseil et ingénierie et Spie Sud-Ouest à payer la somme de 171 273,13 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2015 et de la capitalisation des intérêts à compter du 30 septembre 2016 et, d’autre part, condamné ces deux sociétés à se garantir réciproquement à hauteur de 50 % des condamnations mises à leur charge.

Par un arrêt du 17 décembre 2020, la cour administrative d’appel de Bordeaux a, sur appel de la société Spie industrie tertiaire, venant aux droits de la société Spie Sud-Ouest, et de la société Ingérop conseil et ingénierie, annulé ce jugement et rejeté comme portée devant une juridiction incompétente la demande formée par la société Allianz global corporate et specialty. Saisi du pourvoi tendant à l’annulation de cet arrêt, le Conseil d’Etat a, par une décision du 28 mars 2022, renvoyé au Tribunal, en application de l’article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence.

SUR L’ACTION EN RESPONSABILITE CONTRACTUELLE

2. Une personne morale de droit privé qui, ayant obtenu de l’Etat la concession d’un aérodrome, est chargée de l’exploitation de celui-ci et de la fourniture du service aéroportuaire ne saurait être regardée comme un mandataire de l’Etat. Il ne peut en aller autrement que s’il résulte des stipulations qui définissent la mission du concessionnaire ou d’un ensemble de conditions particulières prévues pour l’exécution de celle-ci que la concession doit en réalité être regardée, en partie ou en totalité, comme un contrat de mandat, par lequel l’Etat demande seulement à son cocontractant d’agir en son nom et pour son compte, notamment pour conclure avec d’autres personnes privées les contrats nécessaires.

3. La concession, par l’Etat, de l’exploitation de l’aérodrome de [Localité 1] est soumise au cahier des charges type de concession annexé au décret n° 2007 244 du 23 février 2007, qui confie au concessionnaire le soin d’assurer l’aménagement et le développement de l’aérodrome et prévoit les conditions dans lesquelles s’exécutent les travaux de création, d’aménagement et d’entretien des pistes, voies de circulation et aires de stationnement. Ni la définition des missions confiées à la société Aéroport [Localité 1] par cette concession pour l’exécution des travaux d’aménagement d’installations aéroportuaires, ni les conditions prévues pour leur exécution ne permettent de la regarder comme ayant en réalité pour objet de confier à la société Aéroport [Localité 1] le soin d’agir non pas en son nom propre mais au nom et pour le compte de l’Etat.

4. Il en résulte que les contrats passés par cette société pour la réalisation des travaux de rénovation du balisage lumineux des pistes de l’aérodrome sont des contrats de droit privé et que les litiges y afférents relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire.

SUR L’ACTION EN RESPONSABILITE EXTRACONTRACTUELLE

5. Les dommages dont la société Allianz global corporate et specialty demande réparation n’ont pas été causés par l’exercice de prérogatives de puissance publique.

6. La compagnie Corsair, à laquelle est subrogée la société Allianz global corporate et specialty, doit être regardée comme étant usager du service public industriel et commercial géré par la société Aéroport [Localité 1], consistant à mettre à la disposition des compagnies aériennes, moyennant le paiement de redevances, une infrastructure de transport permettant le décollage, l’atterrissage et le stationnement des aéronefs.

7. Par suite, les litiges relatifs à la réparation des dommages subis par un aéronef circulant sur une piste à raison d’une balise temporaire installée sur celle-ci relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire, alors même qu’ils seraient imputables à des travaux publics ou à un ouvrage public.

D E C I D E :

Article 1er :

La juridiction judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant les sociétés Allianz global corporate et specialty aux sociétés Spie industrie tertiaire et Ingérop conseil et ingénierie.

- Président : M. Schwartz - Rapporteur : M. Jacques - Avocat général : M. Victor (rapporteur public) - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Loi des 16-24 août 1790 ; décret du 16 fructidor an III ; loi du 24 mai 1872 ; décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ; code de l'aviation civile ; code des transports ; décret n° 2007-244 du 27 février 2007 relatif aux aérodromes appartenant à l'Etat et portant approbation du cahier des charges type applicable à la concession de ces aérodromes.

Rapprochement(s) :

Tribunal des conflits, 11 décembre 2017, Bull. 2017, T. conflits, n° 13. Tribunal des conflits, 11 décembre 2017, Bull. 2017, T. conflits, n° 12.

Tribunal des conflits, 4 juillet 2022, n° 22-04.248, (B)

Evacuation d'un campement irrégulier – Opération de police judiciaire – Intervention du préfet – Voie de fait – Exclusion – Mission de veille sociale

Il n'y a voie de fait de la part de l'administration, justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, que dans la mesure où l'administration soit a procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l'extinction d'un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets et qui est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative.

L'évacuation d'un campement irrégulièrement installé sur le terrain d'une zone d'aménagement concerté réalisée dans le cadre d'une opération de police judiciaire sur le fondement des dispositions de l'article 322-4-1 du code pénal ne constitue pas une voie de fait de la part du préfet qui accompagne cette évacuation de propositions d'accueil dans le cadre de la mission de veille sociale qui lui est confiée par l'article L. 345-2 du code de l'action social et des familles.

Compétence judiciaire – Domaine d'application – Contentieux de la voie de fait – Voie de fait – Définition – Acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir de l'administration – Exclusion – Cas – Evacuation d'un campement irrégulier

Compétence judiciaire – Domaine d'application – Contentieux de la voie de fait – Voie de fait – Définition – Atteinte portée par l'administration à la liberté individuelle ou au droit de propriété – Exclusion – Applications diverses – Evacuation d'un campement irrégulier

Vu, enregistrée à son secrétariat le 27 avril 2022, la lettre par laquelle le greffe de la cour d'appel de Douai a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant MM. [H], [M], [E], [T], [I], [C], [Y], [X], [Z], [P], [J], l'association L'auberge des migrants, l'association La cabane juridique, la fondation Abbé Pierre pour le logement des défavorisés, l'association Help Refugees, l'association Project Play, l'association Salam Nord-Pas-de-Calais, l'association Secours catholique et l'association Utopia 56 au préfet du Pas-de-Calais et à l'agent judiciaire de l'Etat devant la cour d'appel de Douai ;

Vu le déclinatoire présenté le 6 décembre 2021 par le préfet du Pas-de-Calais, tendant à voir déclarer la juridiction de l'ordre judiciaire incompétente par les motifs que l'opération d'évacuation et de mise à l'abri des migrants présents sur le site du [Localité 2] à [Localité 1] n'est pas constitutive d'une voie de fait ;

Vu l'arrêt du 24 mars 2022 par lequel la cour d'appel de Douai a rejeté le déclinatoire de compétence ;

Vu l'arrêté du 5 avril 2022 par lequel le préfet a élevé le conflit ;

Vu l'arrêt du 5 avril 2022 par lequel la cour d'appel de Douai a sursis à toute procédure ;

Vu, enregistré le 14 avril 2022 au greffe de la cour d'appel de Douai, le mémoire présenté par l'agent judiciaire de l'Etat, tendant à la confirmation de l'arrêté de conflit, par les motifs que l'évacuation du terrain relève d'une opération de police judiciaire diligentée par le procureur de la République et que l'opération de mise à l'abri mise en oeuvre par le préfet n'est pas constitutive d'une voie de fait ;

Vu, enregistré le 12 mai 2022 au secrétariat du Tribunal, le mémoire présenté pour MM. [H], [M], [T], [I], [C], [Y], [X], [Z], [P], [J], l'association L'auberge des migrants, l'association La cabane juridique, la fondation Abbé Pierre pour le logement des défavorisés, l'association Help Refugees, l'association Project Play, l'association Salam Nord-Pas-de-Calais, l'association Secours catholique et l'association Utopia 56, tendant à l'annulation de l'arrêté de conflit par les motifs que l'opération d'évacuation a été décidée par le préfet, qu'elle a porté atteinte à la liberté individuelle et qu'elle n'est pas susceptible de se rattacher à un pouvoir conféré à l'administration, et à ce qu'une somme de 3 000 euros à verser à la SCP Sevaux, Mathonnet, leur avocat, soit mise à la charge de l'Etat au titre des articles 37 et 75 et la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu, enregistré le 13 mai 2022, le mémoire présenté par le ministre de l'intérieur, tendant à la confirmation de l'arrêté de conflit par les motifs que l'évacuation a été effectuée sur ordre du procureur de la République, que la mise à l'abri des personnes mise en oeuvre par le préfet relève de ses pouvoirs, qu'aucune violation de la liberté individuelle ne peut être reprochée au préfet ;

Vu, enregistré le 29 juin 2022, le nouveau mémoire présenté par le ministre de l'intérieur, tendant à la confirmation de l'arrêté de conflit par les mêmes motifs que son précédent mémoire ;

Vu, enregistré le 30 juin 2022, le nouveau mémoire présenté par M. [H] et autres, tendant à l'annulation de l'arrêté de conflit par les mêmes motifs que leur précédent mémoire ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal a été notifiée au préfet du Pas-de-Calais et à l'agent judiciaire de l'Etat ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Considérant ce qui suit :

1. Après l'évacuation, le 29 septembre 2020, d'un campement irrégulièrement installé sur un terrain de la zone d'aménagement concerté de [Localité 2] à [Localité 1], M. [H] et autres ont assigné le préfet du Pas-de-Calais en référé devant le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer, le 4 novembre 2020, aux fins de constater l'existence d'une voie de fait, d'ordonner au préfet de cesser de procéder à de telles évacuations et de condamner l'Etat à leur verser une provision sur indemnité. Après qu'un déclinatoire de compétence avait été présenté par le préfet, le juge des référés du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer a décliné la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître de cette demande par une ordonnance du 6 janvier 2021.

2. Alors que M. [H] et autres avaient, le 28 septembre 2021, interjeté appel de cette ordonnance devant la cour d'appel de Douai, le préfet du Pas-de-Calais a adressé à la cour d'appel, le 28 novembre 2021, un nouveau déclinatoire de compétence, qui a été rejeté par arrêt de la cour d'appel en date du 24 mars 2022, notifié le 29 mars.

Le préfet a élevé le conflit par un arrêté du 5 avril 2022, remis au greffe de la cour d'appel le même jour, et la cour d'appel, par un arrêt du 5 avril 2022, a sursis à statuer.

3. Il n'y a voie de fait de la part de l'administration, justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, que dans la mesure où l'administration soit a procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l'extinction d'un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets d'atteinte à la liberté individuelle ou d'extinction d'un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative.

4. Si M. [H] et autres font valoir que l'intervention du préfet dans l'évacuation du campement installé sur le terrain en cause serait constitutive d'une voie de fait, il ressort des pièces versées au dossier que l'évacuation du terrain n'a pas été ordonnée par le préfet mais s'est faite dans le cadre d'une opération de police judiciaire après que le procureur de la République eut donné instruction de faire cesser l'infraction réprimée par les dispositions de l'article 322-4-1 du code pénal, qui punissent d'un an d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende le fait de s'installer en réunion, en vue d'y établir une habitation, même temporaire, sur un terrain appartenant soit à une commune qui s'est conformée à ses obligations en matière d'accueil des gens du voyage, soit à tout autre propriétaire autre qu'une commune, sans être en mesure de justifier de son autorisation ou de celle du titulaire du droit d'usage du terrain.

5. L'évacuation du terrain s'est accompagnée, sur décision du préfet, de propositions d'accueil, pour les personnes intéressées, dans des centres d'hébergement situés sur l'ensemble du territoire national et de la mise à disposition de moyens de transport vers ces lieux d'accueil. Cette action de l'administration se rattache à la mission confiée au préfet par les dispositions de l'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles, consistant à mettre en place dans le département un dispositif de veille sociale chargé d'accueillir les personnes sans abri ou en détresse, de procéder à une évaluation de leur situation et de les orienter vers les structures ou services qu'appelle leur état, et ne s'est pas traduite par une exécution forcée. Il s'ensuit qu'elle ne saurait être qualifiée de voie de fait.

6. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le conflit a été élevé.

Sur les conclusions présentées au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande l'avocat de M. [H] et autres au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er :

L'arrêté de conflit pris le 5 avril 2022 par le préfet du Pas-de-Calais est confirmé.

Article 2 :

Sont déclarés nuls et non avenus la procédure engagée par M. [H] et autres contre le préfet du Pas-de-Calais et l'agent judiciaire de l'Etat devant la cour d'appel de Douai et l'arrêt de cette juridiction en date du 24 mars 2022.

Article 3 :

Les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

- Président : M. Schwartz - Rapporteur : M. Stahl - Avocat général : M. Lecaroz (rapporteur public) - Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet -

Textes visés :

Loi des 16-24 août 1790 ; décret du 16 fructidor an III ; loi du 24 mai 1872 ; décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ; article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles ; article L. 322-4-1 du code pénal ; code de procédure pénal ; loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

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