Numéro 7 - Juillet 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2022

SECURITE SOCIALE

2e Civ., 7 juillet 2022, n° 20-18.471, (B), FRH

Cassation

Caisse – URSSAF – Contrôle – Opérations de contrôle – Objet – Contrôle de l'application des dispositions du code de la sécurité sociale – Application de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale – Pouvoirs d'investigation de l'agent chargé du contrôle – Demande d'informations auprès d'un tiers à la société contrôlée

Il résulte de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dont les dispositions sont d'interprétation stricte, que les agents de contrôle ne peuvent recueillir des informations qu'auprès de la personne contrôlée et des personnes rémunérées par celle-ci. Viole les articles L. 243-7 et R. 243-59 de ce code, dans leur rédaction applicable au litige, la cour d'appel qui ne tire pas les conséquences légales de ses constatations, dont il résultait que les renseignements n'avaient pas été demandés auprès de la société contrôlée.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 30 juin 2020), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2011 à 2013, l'URSSAF de Languedoc-Roussillon (l'URSSAF) a adressé à la Société [5] (la société) une lettre d'observations comportant plusieurs chefs de redressement, suivie d'une mise en demeure.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « que tout « contrôle » de l'organisme de recouvrement doit être réalisé dans le respect des garanties de procédure contradictoire offertes au cotisant en vertu de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale ; que les inspecteurs de l'URSSAF sont en mesure de solliciter de la part de l'entreprise contrôlée les documents utiles au contrôle et d'interroger les personnes rémunérées par cette dernière ; qu'est en revanche entaché de nullité le contrôle au cours duquel les inspecteurs ont sollicité et obtenu la production de pièces détenues, non par la personne objet du redressement ou par ses salariés, mais par des personnes tierces - peu important qu'elles interviennent au sein d'un même groupe - sans avoir sollicité préalablement ces pièces auprès de la personne contrôlée et sans les lui avoir communiquées ; qu'en l'espèce la société s'est prévalue de la nullité du chef de redressement « acomptes, avances, frais non récupérés » en ce qu'il repose sur le recueil par les inspecteurs de l'URSSAF du témoignage d'une personne tierce à la société, monsieur [I], responsable du service comptable de la société [8] ; qu'en écartant ce moyen et en validant le chef de redressement en cause tout en constatant qu' « il est incontestable que les inspecteurs de l'URSSAF se sont entretenus avec M. [I] alors que conformément aux dispositions de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale qui sont d'application stricte, ils ne peuvent procéder qu'à l'audition de personnes salariées de l'entreprise contrôlée », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :

5. Il résulte du second de ces textes, dont les dispositions sont d'interprétation stricte, que les agents de contrôle ne peuvent recueillir des informations qu'auprès de la personne contrôlée et des personnes rémunérées par celle-ci.

6. Pour valider le chef de redressement « acomptes, avances, prêts non récupérés », l'arrêt retient que s'il est incontestable que les inspecteurs de l'URSSAF se sont entretenus avec le responsable de la société [8] alors que, conformément aux dispositions de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale qui sont d'application stricte, ils ne peuvent procéder qu'à l'audition de personnes salariées de l'entreprise contrôlée, il n'en demeure pas moins que le redressement résulte de l'analyse par les inspecteurs des documents remis directement par la société, que ce tiers n'a pas été le seul interlocuteur des inspecteurs qui, préalablement à cette audition, avaient interrogé les personnes « mandatées » par la société, lesquelles leur avaient apporté des réponses sauf sur ce chef de redressement et que l'audition litigieuse n'avait eu aucune incidence sur le respect du principe du contradictoire, dans la mesure où le tiers, mis en relation à l'initiative de la société avec les inspecteurs, ne leur avait apporté aucun élément significatif de nature à modifier leur position sur le chef de redressement.

7. En statuant ainsi, alors que les renseignements n'avaient pas été demandés auprès de la société contrôlée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Rovinski - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 22 octobre 2020, pourvoi n° 19-18.335 (cassation).

2e Civ., 7 juillet 2022, n° 20-21.365, (B), FRH

Cassation

Caisse – URSSAF – Contrôle – Procédure – Lutte contre les fautes, abus et fraudes des professionnels de santé – Mise en oeuvre d'un traitement automatisé de données à caractère personnel – Justification auprès du professionnel de santé contrôlé de l'enregistrement des critères et raisonnement sur lesquels est fondé ce contrôle – Nécessité (non)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 8 septembre 2020), à la suite d'un contrôle de l'application des règles de tarification et de facturation des actes professionnels, la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes (la caisse) a notifié, le 25 avril 2016, à Mme [P], infirmière libérale (la professionnelle de santé), un indu d'un certain montant pour la période du 22 avril 2013 au 31 décembre 2015.

2. La professionnelle de santé a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches, et le deuxième moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches

Enoncé des moyens

3. La caisse fait grief à l'arrêt de dire irrégulier le contrôle de l'activité de la professionnelle de santé et de rejeter sa demande en remboursement de l'indu, alors :

« 1°/ que le juge tranche le litige conformé ment aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en estimant que l'agent de la caisse ayant opéré le contrôle n'était pas régulièrement habilité pour utiliser le système informationnel de l'assurance maladie (SIAM), sans préciser sur quelles règles de droit ils se fondaient, les juges du fond ont violé l'article 12 du code de procédure civile ;

2°/ que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en tranchant le litige au regard de la délibération de la CNIL n°88-31 du 22 mars 1988 qui, pour valoir simplement avis sur un projet de décision présenté par le directeur de la CNAM, est dépourvue de toute valeur réglementaire, les juges du fond ont violé l'article 12 du code de procédure civile ;

1°/ que nulle disposition du décret n° 2015-389 du 3 avril 2015, lequel fixe les obligations pesant sur les organismes de sécurité lorsqu'ils mettent en ?uvre un traitement automatisé de données en matière de lutte contre les fautes, abus et fraudes, ne prévoit l'envoi d'une demande d'avis allégé à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) ; qu'en estimant que la caisse était tenue d'une telle obligation, les juges du fond ont violé les articles 1er à 6 du décret n°2015-389 du 3 avril 2015 ;

2°/ que nulle disposition du décret n°2015-389 du 3 avril 2015, lequel fixe les obligations pesant sur les organismes de sécurité lorsqu'ils mettent en ?uvre un traitement automatisé de données en matière de lutte contre les fautes, abus et fraudes, ne prévoit l'enregistrement des critères et raisonnements sur lesquels le contrôle est fondé ; qu'en estimant que la caisse était tenue d'une telle obligation, les juges du fond ont violé les articles 1er à 6 du décret n° 2015-389 du 3 avril 2015 ;

4°/ qu'ont accès aux données à caractère non médical d'un traitement automatisé les agents individuellement habilités par le directeur de l'organisme d'assurance maladie auquel ils appartiennent ; qu'en retenant que l'agent de la caisse ayant procédé au contrôle n'était pas régulièrement habilitée à utiliser le logiciel SIAM, s'agissant des données à caractère non médical recueillies dans le cadre du contrôle concernant la professionnelle de santé, après avoir pourtant constaté que l'habilitation produite était revêtue de la signature du directeur de la Caisse, les juges du fond ont violé l'article 3 du décret n° 2015-389 du 3 avril 2015. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 12 du code de procédure civile, L. 161-29, R. 161-31 et R. 161-32 du code de la sécurité sociale, 1er et 3 du décret n°2015-389 du 3 avril 2015 :

4. Aux termes du premier de ces textes, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.

5. Selon le deuxième, dans l'intérêt de la santé publique et en vue de contribuer à la maîtrise des dépenses d'assurance maladie, les professionnels et les organismes ou établissements dispensant des actes ou prestations remboursables par l'assurance maladie à des assurés sociaux ou à leurs ayants droit communiquent aux organismes d'assurance maladie concernés le numéro de code des actes effectués, des prestations servies à ces assurés sociaux ou à leurs ayants droit, y compris lorsque ces prestations sont établies à partir des données mentionnées aux articles L. 6113-7 et L. 6113-8 du code de la santé publique, et des pathologies diagnostiquées. Pour assurer l'exécution de leur mission, les caisses nationales mettent en oeuvre un traitement automatisé des données mentionnées à l'alinéa précédent. Sous réserve des dispositions de l'alinéa suivant, le personnel des organismes d'assurance maladie a connaissance, dans le cadre de ses fonctions et pour la durée nécessaire à leur accomplissement, des numéros de code des pathologies diagnostiquées, des actes effectués et des prestations servies au bénéfice d'une personne déterminée, y compris lorsque ces prestations sont établies à partir des données mentionnées aux articles L. 6113-7 et L. 6113-8 du code de la santé publique, tels qu'ils figurent sur le support utilisé pour la transmission prévue au premier alinéa ou dans les données issues du traitement susmentionné. Seuls les praticiens-conseils et les personnels placés sous leur autorité ont accès aux données nominatives issues du traitement susvisé, lorsqu'elles sont associées au numéro de code d'une pathologie diagnostiquée.

6. Le troisième précise que des dispositions légales et réglementaires autorisent ou imposent un traitement automatisé des données relatives aux actes effectués, aux prestations servies et aux pathologies diagnostiquées, ainsi que la transmission aux praticiens-conseils et aux personnels des organismes d'assurance maladie de celles de ces données qu'ils sont, respectivement, habilités à connaître dans des conditions et limites définies par l'article L. 161-29.

Les assurés sociaux exercent leur droit d'accès aux informations les concernant, dans les conditions prévues par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, auprès de l'organisme d'assurance maladie auquel ils sont affiliés.

7. Aux termes du quatrième, les organismes chargés de la gestion d'un régime obligatoire d'assurance maladie sont tenus de prendre toutes les dispositions nécessaires aux fins de préserver, notamment dans le cadre du traitement mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 161-29, la confidentialité des données transmises et traitées aux termes de cet article, et en particulier pour limiter aux seuls personnels habilités l'accès direct aux données médicales relatives aux assurés ou à leurs ayants droit. A cette fin, les directeurs des organismes mentionnés à l'alinéa précédent veillent au respect des dispositions de l'acte autorisant le traitement automatisé, ainsi que des règles limitant l'accès direct aux données médicales des personnels placés sous leur autorité.

Les praticiens-conseils veillent au respect des mêmes règles par les personnels placés sous leur autorité.

8. Selon l'article 1er du décret n° 2015-389 du 3 avril 2015, pour l'application des dispositions du chapitre IV ter du titre I et du livre I et de la première partie du code de la sécurité sociale relatives au contrôle et à la lutte contre la fraude ainsi que des articles L. 224-14 et L. 315-1 du code de la sécurité sociale et des articles L. 723-2 et L. 723-11 du code rural et de la pêche maritime, les organismes gestionnaires des régimes obligatoires de base de l'assurance maladie sont autorisés à mettre en ?uvre des traitements de données à caractère personnel dont la finalité est la lutte contre la fraude interne et les fautes, abus et fraudes des assurés (...), professionnels et établissements de santé (...), ou toute autre personne physique ou morale autorisée à réaliser des actes de prévention, de diagnostic et de soins, à réaliser une prestation de service ou des analyses de biologie médicale ou à délivrer des produits ou dispositifs médicaux, et à cet effet :

1° Effectuer les opérations nécessaires au calcul des indus et des sanctions et à suivre et analyser des situations administratives, des prestations versées, des soins produits et des biens délivrés ;

2° Elaborer une typologie des risques de fautes, abus et fraudes permettant de mieux cibler les dossiers à contrôler ;(...)

7° Suivre les signalements de suspicions de fautes, abus et fraudes afin de diligenter les contrôles, mener les investigations et, le cas échéant, d'engager des actions contentieuses ou des mesures d'accompagnement ;

8° Suivre les actions contentieuses et les actions de prévention et de lutte contre les fautes, abus et fraudes (...).

9. Selon l'article 3, I et II, du même décret, ont accès aux données des traitements mentionnés à l'article 1er pour leur enregistrement et leur gestion et à raison de leurs attributions respectives et dans la limite du besoin d'en connaître les agents intervenant dans la prise en charge des assurés, individuellement habilités par le directeur de l'organisme d'assurance maladie auquel ils appartiennent.

Sont destinataires des données des traitements mentionnés à l'article 1er strictement nécessaires à l'exercice de leurs missions et dans la limite du besoin d'en connaître, notamment les agents de l'Etat ou des organismes de protection sociale mentionnés à l'article L. 114-16-3 du code de sécurité sociale.

10. Il résulte de la combinaison ces textes, dont la finalité est la lutte contre les fautes, abus et fraudes des professionnels de santé notamment, d'une part, qu'ont accès aux systèmes de traitements de données à caractère personnel, les agents intervenant dans la prise en charge des assurés, individuellement habilités par le directeur de l'organisme d'assurance maladie auquel ils appartiennent, et, d'autre part, qu'aucune de ces dispositions n'impose à l'organisme chargé du contrôle, lorsqu'il met en ?uvre un traitement automatisé de données à caractère personnel dans le cadre d'un contrôle administratif de facturation auprès d'un professionnel de santé, de saisir la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) d'une demande d'avis allégée prévue par la délibération de cette Commission n° 88-31 du 22 mars 1988, ni de justifier auprès du professionnel de santé contrôlé, de l'enregistrement des critères et raisonnement sur lesquels est fondé ce contrôle.

11. Pour dire que le contrôle mené par la caisse est irrégulier et rejeter la demande en répétition de l'indu formée par celle-ci, l'arrêt relève que n'est pas produite aux débats la délégation du médecin conseil régional autorisant le médecin conseil chef de service à signer l'habilitation de l'agent ayant procédé au contrôle à accéder au système informationnel de l'assurance maladie (SIAM) et à l'utiliser. Il retient, par ailleurs, que la caisse ne démontre pas que les demandes d'avis allégées prévues par la délibération de la CNIL ont été déposées auprès de cette dernière ni qu'elle a procédé à l'enregistrement des critères et raisonnement sur lesquels était fondé le contrôle dont la professionnelle de santé a fait l'objet, de façon à en permettre le contrôle a posteriori.

12. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Labaune - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles L. 161-29, R. 161-31 et R. 161-32 du code de la sécurité sociale ; Articles 1er et 3 du décret n° 2015-389 du 3 avril 2015 ; Délibération de la CNIL n° 88-31 du 22 mars 1988.

2e Civ., 7 juillet 2022, n° 21-13.527, (B), FRH

Rejet

Généralités – Législation – Règlement départemental d'aide sociale – Modalités particulières de versement des aides sociales

Généralités – Législation – Règlement départemental d'aide sociale – Conditions et montants plus favorables

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 décembre 2020) et les productions, [R] [Y] (la bénéficiaire), née le 11 septembre 1926, est décédée le 21 décembre 2013, en laissant pour lui succéder son fils et unique héritier, M. [Y] (l'héritier). Elle avait été hébergée à la maison de retraite de [Localité 2] du 1er avril 2004 au 20 avril 2004 puis à la maison de retraite de l'hôpital de [Localité 4] du 17 janvier 2005 au 12 novembre 2009 et admise au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement des personnes âgées accueillies en établissement.

Par décision du 16 février 2016, notifiée à l'héritier, le président du conseil départemental de la [Localité 5] a ordonné la récupération sur la succession de la bénéficiaire des frais d'hébergement engagés pour son compte du 1er avril 2004 au 12 novembre 2009 pour un montant de 98 398,83 euros.

2. L'héritier a saisi d'un recours la juridiction de l'aide sociale, alors compétente.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses cinq autres branches

Enoncé du moyen

4. L'héritier fait grief à l'arrêt de rejeter son recours et de le condamner à rembourser une certaine somme au département, alors :

« 3°/ que le règlement départemental d'aide sociale ne peut déroger aux règles prévues par les lois et règlements, dans un sens plus favorable, qu'en matière de conditions d'attribution et de montants ; qu'il ne peut déroger aux règles relatives aux modalités de versement de l'aide ; qu'en considérant, pour écarter le moyen tiré de ce que l'aide sociale n'ayant pas été versée à la bénéficiaire, mais directement à l'hôpital, cette aide ne pouvait donner lieu à récupération, que l'article R. 131-5 du code de l'action sociale et des familles pose le principe général du versement direct au bénéficiaire de l'aide sociale, mais n'interdit en aucune manière au département de choisir d'autres modalités, en particulier pour les frais de séjour des personnes hébergées dans des établissements adaptés, la cour d'appel, qui a ainsi estimé que le règlement départemental pouvait déroger à une règle, édictée par décret, relative aux modalités de versement de l'aide, a violé les articles L. 121-4 et R. 131-5 du code de l'action sociale et des familles ;

4°/ qu'en tout état de cause, le règlement départemental d'aide sociale ne peut édicter que des dispositions plus favorables au bénéficiaire de l'aide que celles prévues par les lois et règlement ; que le versement direct de l'aide sociale à l'hôpital, s'il est plus favorable à ce dernier, n'est pas plus favorable au bénéficiaire de l'aide ; qu'en considérant que l'article R. 131-5 pose le principe général du versement direct au bénéficiaire de l'aide sociale, mais n'interdit en aucune manière au département de choisir d'autres modalités, la cour d'appel, qui a ainsi estimé que le règlement pouvait prévoir une règle dérogatoire sans que cette règle soit plus favorable au bénéficiaire de l'aide sociale, a violé les articles L. 121-4 et R. 131-5 du code de l'action sociale et des familles ;

5°/ que les ressources de la personne âgée sont affectées au paiement de ses frais d'hébergement dans la limite de 90 % ; que la personne âgée s'acquitte elle-même de sa contribution à l'établissement d'accueil ; qu'en considérant, pour condamner l'héritier à rembourser l'intégralité des sommes versés par le département à l'hôpital, que la bénéficiaire aurait dû verser « au département », au titre de la participation à ses frais d'hébergement et d'entretien, une somme représentant 90 % de ses ressources, la cour d'appel a violé les articles L. 132-3, R. 132-2, R. 314-158 et R. 314-159 du code de l'action sociale et des familles ;

6°/ que seul le conseil départemental, dans le cadre de l'édiction du règlement départemental d'aide sociale, peut, en application de l'article L. 121-4 du code de l'action sociale et des familles, décider de conditions et de montants plus favorables que ceux prévus par les lois et règlements ; que l'exécutif du département ne peut pas décider, ponctuellement, de payer, en plus de l'aide sociale octroyée, la part correspondant à la contribution de la personne âgée à ses frais d'hébergement ; que, comme le faisait valoir l'héritier, le règlement départemental d'aide sociale de [Localité 5] prévoyait que l'aide sociale à l'hébergement n'avait vocation à prendre en charge que les dépenses d'hébergement « non couvertes par la participation de la personne âgée » ; qu'en considérant, pour condamner l'héritier à rembourser l'intégralité des sommes versées par le département à l'hôpital, que la prise en charge, par le département, de la participation de la bénéficiaire était rendue possible en application de l'article L. 121-4 du code de l'action sociale et des familles, la cour d'appel a violé cet article, ainsi que l'article 1er de la fiche 16 du règlement départemental d'aide sociale de [Localité 5] ;

7°/ qu'en tout état de cause, le département assure la charge financière des décisions, prises sur le fondement de l'article L. 121-4 du code de l'action sociale et des familles, accordant au bénéficiaire de l'aide sociale des montants plus favorables que ceux prévus par les lois et règlements ; que la cour d'appel a relevé que la prise en charge, par le département, de la part correspondant à la contribution de la bénéficiaire à ses frais d'hébergement était possible en application de l'article L. 121-4 du code de l'action sociale ; qu'en considérant que l'héritier devait rembourser l'intégralité des sommes versées par la département à l'hôpital, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, dont il résultait que la charge financière de la décision de payer la part de la bénéficiaire devait être assurée par le département et que le paiement de cette part ne pouvait donc donner lieu à récupération, violant ainsi l'article L. 121-4 du code de l'action sociale et des familles. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. Le conseil départemental conteste la recevabilité du moyen, pris en ses quatrième et septième branches. Il soutient que, mélangé de fait et de droit, il serait nouveau.

6. Toutefois, ces griefs qui ne se réfèrent à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, sont de pur droit.

7. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

8. En vertu des articles L. 231-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles, l'aide sociale à l'hébergement des personnes âgées est au nombre des prestations légales d'aide sociale à la charge du département mentionnées à l'article L. 121-1 de ce code.

9. L'article L. 121-3 du même code prévoit que dans les conditions définies par la législation et la réglementation sociales, le conseil départemental adopte un règlement départemental d'aide sociale définissant les règles selon lesquelles sont accordées les prestations d'aide sociale relevant du département.

10. L'article L. 121-4 du code de l'action sociale et des familles précise que le conseil départemental peut décider de conditions et de montants plus favorables que ceux prévus par les lois et règlements applicables aux prestations mentionnées à l'article L. 121-1 et que le département assure la charge financière de ces décisions.

Au demeurant, il n'interdit pas au conseil départemental d'organiser dans le règlement départemental d'aide sociale des modalités particulières de versement de l'aide sociale destinées à en assurer l'effectivité telles que son versement direct à l'établissement d'accueil de la personne âgée.

11. Il résulte par ailleurs des articles L. 132-3, L. 132-4 et R. 132-2 du code de l'action sociale et des familles, que les personnes âgées accueillies au titre de l'aide sociale dans des établissements et services sociaux ou médico-sociaux doivent s'acquitter elles-mêmes de la participation financière mise à leur charge pour leur hébergement et leur entretien, dans la limite de 90 % de leurs ressources, qu'elles peuvent toutefois demander que leurs ressources soient perçues par le comptable public ou le responsable de l'établissement et que cette mesure peut aussi leur être imposée, par une décision du président du conseil départemental à la demande de l'établissement lorsqu'elles ne se sont pas acquittées de leur participation pendant trois mois.

12. Enfin, selon l'article L. 132-8 du code de l'action sociale et des familles, le département qui a engagé des dépenses d'aide sociale dispose d'un recours en recouvrement sur l'actif net de la succession du bénéficiaire.

13. L'arrêt constate qu'il a été décidé d'accorder à la bénéficiaire, tant pour l'attribution initiale que pour le renouvellement en 2005, une aide sociale partielle avec une participation mensuelle d'un certain montant à la charge de son conjoint, lequel est décédé le 23 décembre 2005 et sans participation de son fils et que la bénéficiaire devait verser, au titre de sa participation à ses frais d'hébergement et d'entretien, une somme représentant 90 % de ses ressources. Il relève que toutefois, l'état de santé de cette dernière ne lui permettait pas de signer elle-même les documents administratifs et médicaux nécessaires à son admission et qu'il ne pouvait pas davantage être attendu de sa part qu'elle accomplisse des démarches pour matérialiser sa contribution volontaire.

14. Il relève encore que l'article 13-5 du règlement départemental d'aide sociale adopté le 25 novembre 2003, applicable en la cause, prévoit que pour la prise en charge des frais de séjour, le département verse à l'établissement la totalité des frais de séjour des bénéficiaires de l'aide sociale, sans déduction de la participation. Il retient que l'article R. 131-5 du code de l'action sociale et des familles pose le principe général du versement direct au bénéficiaire de l'aide sociale mais n'interdit en aucune manière au département de choisir d'autres modalités, en particulier pour les frais de séjour des personnes hébergées dans les établissements adaptés. Il ajoute qu'une telle mesure est pleinement justifiée pour garantir la continuité de la prise en charge de personnes qui sont vulnérables et s'assurer de la bonne affectation de l'aide.

15. De ces constatations et énonciations, faisant ressortir que le département qui, agissant dans l'intérêt exclusif et pour le compte du bénéficiaire de l'aide sociale, a pris en charge la totalité des frais de séjour de celui-ci, sans déduction de sa participation, est en droit d'en réclamer le remboursement à sa succession, conformément au droit commun des obligations, en même temps qu'il exerce en application de l'article L. 132-8 du code de l'action sociale et des familles l'action en récupération de l'aide sociale accordée, la cour d'appel a exactement déduit que le conseil départemental était fondé à réclamer à la succession de la bénéficiaire le remboursement de l'intégralité des frais d'hébergement et d'entretien dont il avait assuré l'avance.

16. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Renault-Malignac - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés ; SCP Marlange et de La Burgade -

Textes visés :

Articles L. 121-1, L. 121-3, L. 121-4 et L. 132-3 à L. 132-8 du code de l'action sociale et des familles.

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