Numéro 7 - Juillet 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2022

PROTECTION DES CONSOMMATEURS

Com., 6 juillet 2022, n° 20-17.355, (B), FRH

Rejet

Cautionnement – Principe de proportionnalité – Disproportion de l'engagement – Critère d'appréciation – Biens et revenus à considérer – Caution mariée sous le régime de la séparation de biens – Absence de preuve de la disproportion au regard de leurs biens et revenus propres – Portée – Prise en compte de l'ensemble de leurs biens

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 30 octobre 2019), par un acte du 23 décembre 2010, la société Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon (la banque) a consenti à la société Le pétrin d'Honoré Béziers (la société) un prêt d'un montant de 330 000 euros, garanti, aux termes du même acte, par le cautionnement solidaire de M. et Mme [U], dans la limite de 429 000 euros et pour une durée de neuf ans.

La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné M. et Mme [U], qui lui ont opposé la disproportion de leur engagement et un manquement à son obligation d'information annuelle des cautions.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

2. M. et Mme [U] font grief à l'arrêt de les condamner à payer à la banque la somme de 288 691,55 euros, alors :

« 1°/ que l'erreur de retranscription de la formule « mes revenus et mes biens » en « mes revenus et bien » affecte la portée des mentions manuscrites dont la reproduction est prévue par l'article L. 341-2 du code de la consommation applicable en la cause, cette erreur pouvant altérer la compréhension par la caution du sens et de la portée de son engagement, dont elle peut penser, peu important que ce soit à tort ou à raison, qu'il n'engage que ses revenus et l'un de ses biens et non l'ensemble de ses biens ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé ce texte par refus d'application ;

2°/ qu'en décidant que cette erreur ne limitait pas en tous cas le gage de la banque aux seuls revenus des cautions, à supposer les engagements valables et non manifestement disproportionnés aux biens et revenus des cautions, la cour a derechef violé l'article L. 341-2 du Code de la consommation applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

3. L'arrêt retient que l'emploi du singulier sur l'un des termes de l'expression « mes revenus et bien » n'est qu'une faute d'accord entre le pronom « mes » et le substantif « bien », qui doivent s'accorder en genre et en nombre.

4. La cour d'appel a pu en déduire que cette imperfection mineure ne permettait pas de douter de la connaissance qu'avaient les cautions de la nature et de la portée de leur engagement, ce dont il résulte que cette erreur matérielle n'a pas affecté la validité du cautionnement et n'a pas eu pour conséquence de limiter le gage du créancier.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur ce moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

6. M. et Mme [U] font le même grief à l'arrêt, alors « qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; que la disproportion manifeste du cautionnement aux biens et revenus de la caution au jour où il a été souscrit, suppose que la caution se trouve, lorsqu'elle le souscrit, dans l'impossibilité manifeste de faire face à un tel engagement avec ses biens et revenus et que la disproportion éventuelle de l'engagement d'une caution mariée sous le régime de la séparation des biens s'apprécie au regard de ses seuls biens et revenus personnels ; qu'en se prononçant par de tels motifs, pris d'une appréciation de la disproportion éventuelle des engagements des cautions au regard de « l'ensemble de leurs biens », motif pris que le document unique intitulé « questionnaire confidentiel caution » faisait état d'un « patrimoine commun qui autorise à prendre en considération l'ensemble de leurs biens dans l'appréciation de la disproportion qu'ils allèguent d'ailleurs ensemble », quand elle relevait que les époux [U] étaient mariés sous le régime de la séparation des biens et que de tels motifs ne permettent pas à la Cour de cassation de s'assurer de la disproportion ou non du cautionnement de Mme [U] à ses biens et revenus personnels au jour de son engagement ni de la disproportion ou non du cautionnement de M. [U] à ses biens et revenus personnels au jour de son engagement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4 du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

7. Il incombe à la caution qui entend opposer au créancier la disproportion de son engagement par rapport à ses biens et revenus à la date de sa souscription, d'en rapporter la preuve.

8. Dans leurs écritures d'appel, M. et Mme [U] faisaient valoir que leur engagement de caution était disproportionné au regard de leurs biens et revenus, dont ils faisaient masse, sans préciser le patrimoine propre à chacun d'eux. Aucun d'entre eux n'ayant donc soutenu que son engagement de caution était disproportionné par rapport à ses seuls biens propres et, le cas échéant, indivis ainsi qu'à ses seuls revenus, la cour d'appel, qui a constaté que le montant cautionné représentait moins d'un quart de l'actif net patrimonial du couple, a pu, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par le grief, statuer comme elle l'a fait.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. M. et Mme [U] font grief à l'arrêt de les condamner à verser à la banque des intérêts à compter du 19 septembre 2013 au taux de 6,30 % sur la somme de 274 944,33 euros, alors :

« 1°/ que les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement ; que le défaut d'accomplissement de cette formalité emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information, les paiements effectués par le débiteur principal étant réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette ; que cette obligation d'information subsiste jusqu'à l'extinction de la créance ; que si aucune forme particulière n'est prescrite à raison d'une information qui peut en conséquence être donnée par simple lettre, la charge de la preuve de l'accomplissement de cette formalité repose toutefois sur le banquier ; qu'en estimant que la banque apportait la preuve de cet envoi par la production des courriers des 8 mars 2011, 21 mars 2012 et 19 mars 2013 qui contiennent le détail de ces informations « et les procès-verbaux des 16 mars 2011, 22 mars 2012 et 21 mars 2013 annexant le modèle de cette lettre d'information et comportant la liste des destinataires sur laquelle apparaissent M. et Mme [U] (d'ailleurs pour l'ensemble des trois engagements de caution)", quand les procès-verbaux des 16 mars 2011, 22 mars 2012 et 21 mars 2013, qui ne procédaient que de contrôles par sondages des envois effectués par la banque et non d'un contrôle de chaque envoi effectué, ne comportaient aucune liste de destinataires faisant apparaître M. et Mme [U], la cour d'appel a dénaturé ces écrits en violation de l'article 1103, anciennement 1134, du code civil ;

2°/ qu'à supposer adoptés les motifs des premiers juges, en statuant de la sorte quand elle constatait que les procès-verbaux des 16 mars 2011, 22 mars 2012 et 21 mars 2013 ne procédaient que de contrôles par sondages des envois effectués par la banque et non d'un contrôle de chaque envoi effectué, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier. »

Réponse de la Cour

11. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a considéré, par motifs propres et adoptés, que la banque rapportait la preuve de l'envoi des lettres d'information annuelle à M. et Mme [U] en produisant, d'une part, les courriers des 8 mars 2011, 21 mars 2012 et 19 mars 2013 adressés à ces derniers, qui contiennent ladite information, et, d'autre part, les listes des lettres d'information adressées de 2011 à 2013 aux personnes s'étant portées caution au profit de la banque, sur lesquelles figurait le nom de M. et Mme [U], ainsi que le procès-verbal de constat de l'huissier de justice ayant procédé au contrôle par sondage de l'édition, du contenu, de la mise sous pli et de l'expédition des lettres d'information annuelle des cautions correspondant à la liste précitée, attestant ainsi globalement des envois annuels aux cautions.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Mollard (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Guerlot - Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article L. 341-4 du code de la consommation.

Rapprochement(s) :

Sur la disproportion manifeste de l'engagement d'une caution mariée sous le régime de la séparation des biens, à rapprocher : Com., 24 mai 2018, pourvoi n° 16-23.036, Bull. 2018, IV, n° 59 (cassation).

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