Numéro 7 - Juillet 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2022

PERSONNE MORALE

Com., 6 juillet 2022, n° 19-19.107, (B), FRH

Cassation sans renvoi

Personne morale de droit public – Collectivité territoriale – Recouvrement de créance – Titre exécutoire – Action en contestation – Prescription – Délai – Opposabilité – Conditions – Détermination – Portée

Aux termes de l'article L. 1617-5, 2°, du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction antérieure à celle issue la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017, l'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite.

Selon l'article R. 421-5 du code de justice administrative, les délais de recours contre une décision administrative doivent, pour être opposables, avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision.

L'acte de notification d'un titre de perception qui mentionne la possibilité de former un recours dans un délai de deux mois en saisissant le tribunal judiciaire (instance ou grande instance) rend opposable ce délai au titulaire du recours dès lors que la juridiction saisie, le serait-elle été à tort, se doit de désigner celle qu'elle estime compétente, devant laquelle l'instance se poursuit sans intervention des parties, conformément aux dispositions des articles 96, alinéa 2, et 97, devenus 81, alinéa 2, et 82, du code de procédure civile.

Personne morale de droit public – Collectivité territoriale – Recouvrement de créance – Titre exécutoire – Notification – Mentions – Délais et voies de recours – Nécessité

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Vannes, 15 mai 2019), rendu en dernier ressort, la communauté de communes Questembert communauté (la communauté de communes) a émis, à l'encontre de M. [K], deux factures de redevance d'enlèvement des ordures ménagères correspondant aux exercices 2016 et 2017, respectivement datées des 21 avril 2016 et 13 avril 2017, rendues exécutoires et valant titre à défaut de contestation.

2. Après rejet, le 24 juin 2016, de sa demande d'exonération pour l'exercice 2016, M. [K] a, par acte du 22 février 2018, assigné la communauté de communes aux fins d'annulation de ces deux titres de perception.

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La communauté de communes fait grief au jugement de déclarer recevable la demande de M. [K], alors « que l'indication, dans la décision, des voies de recours, qui, avec l'indication du délai, rend opposable le délai de recours de deux mois pour contester une créance assise et liquidée par une personne publique, impose seulement à l'administration de mentionner l'ordre juridictionnel compétent pour connaître de la contestation ; que le tribunal d'instance, qui a retenu que les délais de recours n'étaient pas opposables faute de désignation de la juridiction devant laquelle le recours devait être porté, après avoir pourtant constaté que « les factures de 2016 et 2017 » mentionnaient qu'il était possible, dans un délai de deux mois, de « contester la somme indiquée (...) en saisissant le tribunal judiciaire », n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles L. 1617-5, 2°, du code général des collectivités territoriales et R. 421-5 du code de justice administrative. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1617-5, 2°, du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017, et R. 421-5 du code de justice administrative :

4. Aux termes du premier de ces textes, l'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite.

5. Selon le second, les délais de recours contre une décision administrative

doivent, pour être opposables, avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision.

6. Pour déclarer recevable l'action de M. [K], le jugement relève que les factures de 2016 et de 2017 mentionnent, au chapitre « voies de recours » : « dans un délai de deux mois suivant la réception de la facture, vous pouvez contester la somme indiquée au recto en saisissant le tribunal judiciaire (instance ou grande instance selon la somme et le seuil défini à l'article R. 321-1 du code de l'organisation judiciaire) conformément à l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales ».

7. Il retient que la notification du titre de perception ne désignait pas la juridiction devant laquelle le recours devait être porté, de sorte que les délais de recours ne sont pas opposables à M. [K].

8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de l'acte de notification de chacun des titres de perception que le recours devait être formé dans un délai de deux mois devant l'une ou l'autre des juridictions de l'ordre judiciaire, ce qui suffisait à rendre ce délai opposable au débiteur dès lors que, l'eût-elle été à tort, la juridiction saisie se devait de désigner celle qu'elle estimait compétente, devant laquelle l'instance se serait poursuivie sans intervention des parties, conformément aux dispositions des articles 96, alinéa 2, et 97, devenus 81, alinéa 2, et 82, du code de procédure civile, le tribunal a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. La cassation prononcée rend sans objet le pourvoi incident formé par M. [K].

10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

12. La notification à M. [K] des titres de perception, respectivement en avril 2016 et avril 2017, ayant fait courir le délai de recours de deux mois, son action, introduite par une assignation du 22 février 2018, doit être déclarée irrecevable comme prescrite.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal ni sur le pourvoi incident, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 15 mai 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Vannes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare irrecevable, comme prescrite, en application de l'article L. 1617-5, 2°, du code général des collectivités territoriales, l'action intentée par M. [K] contre la communauté de communes Questembert communauté.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Mollard (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Lion - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; SCP Delamarre et Jehannin -

Textes visés :

Article L. 1617-5, 2°, du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction antérieure à celle issue la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 : article R. 421-5 du code de justice administrative ; articles 96, alinéa 2, et 97, devenus 81, alinéa 2, et 82, du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur l'opposabilité du délai de deux mois ouvert par l'article L. 1617-5, 2°, du code général des collectivités territoriales, à rapprocher : 2e Civ., 8 janvier 2015, pourvoi n° 13-27.678, Bull. 2015, II, n° 4 (cassation).

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